Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 21 octobre 2014, 13-12.433, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 15 novembre 2012), que Mmes Jacqueline et Renée X... (les consorts X...), propriétaires d'une maison d'habitation, ont conclu, par l'entremise de leur mandataire, la société Immobilière Asnières 1 (l'agence immobilière), une promesse de vente avec les époux Y..., qui ont séquestré une somme d'argent à titre de dépôt de garantie ; que cette maison ayant fait l'objet de travaux d'agrandissement sans autorisation, ceux-ci ont renoncé à la vente et ont assigné les consorts X... et l'agence immobilière en annulation de la promesse de vente, restitution du dépôt de garantie et indemnisation de leur préjudice ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant constaté que l'extension de la maison était irrégulière et contraire aux prescriptions du plan d'occupation des sols et faisait obstacle au projet d'aménagement des époux Y..., relevé que, par leur âge, les consorts X... ne pouvaient ignorer à quel moment était intervenue l'extension illicite de cet immeuble qui ne comportait que deux pièces lors de l'établissement de l'acte notarié du 27 avril 1977 et retenu que les venderesses n'avaient remis cet acte aux acquéreurs que quatre mois après la signature de la promesse de vente, la cour d'appel a pu, abstraction faite d'un motif surabondant relatif à l'usucapion, en déduire que celles-ci avaient commis une réticence dolosive ayant vicié le consentement des époux Y... ;

D'ou il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 1147 du code civil ;

Attendu que pour rejeter la demande de garantie formée par les consorts X... contre l'agence immobilière, l'arrêt retient qu'en qualité de rédacteur d'acte, l'agence n'avait pas à rechercher la régularité des actes translatifs de propriété dont elle a recopié les mentions et que sa responsabilité contractuelle n'était pas engagée à leur égard ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la promesse de vente avait été signée par l'intermédiaire de la société Immobilière Asnières 1, professionnel de l'immobilier, qui était tenue d'une obligation de renseignement et de conseil et devait s'assurer que se trouvaient réunies toutes les conditions nécessaires à l'efficacité juridique de la convention, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mmes Jacqueline et Renée X... de leur demande de garantie formée contre la société Immobilière Asnières 1, l'arrêt rendu le 15 novembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne Mmes Jacqueline et Renée X... aux dépens engagés par les époux Y... et condamne la société Immobilière Asnières 1 aux autres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mmes Jacqueline et Renée X... à payer la somme de 3 000 euros aux époux Y..., condamne la société Immobilière Asnières 1 à payer la somme de 3 000 euros à Mmes Jacqueline et Renée X... ; rejette la demande de la société Immobilière Asnières 1 ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils, pour Mmes Jacqueline et Renée X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir prononcé la nullité de la vente signée le 20 novembre 2007 entre les époux Y... et les consorts X....

AUX MOTIFS QUE M. et Mme Y... n'ont pas été informés avant la signature de la promesse de vente, de ce que la construction avait été érigée sans permis de construire, et plus encore que le terrain sur lequel était érigée avait été acquis par un usucapion dont rien ne permettait d'être sur qu'il ne soit pas contesté ; plus encore, il n'a jamais été dit aux bénéficiaires de la promesse de vente que les extensions ériges postérieurement à la construction de la maison, étaient irrégulières et contraires aux prescriptions du plan d'occupation des sols ainsi qu'en justifient parfaitement M et Mme Y... ; que ceux-ci ont du consulter leur notaire et les services de l'urbanisme, qui leur ont appris que ces extensions non autorisées et irrégulières par leurs dimensions, faisaient obstacle à leur projet d'aménagement de la maison ; qu'en l'absence de permis de construire, les modifications extérieures ou l'agrandissement de la maison ne peuvent donner lieu à un permis de construire ; que les consorts X... ne peuvent prétendre sérieusement méconnaître ces circonstances concernant l'origine de leur propriété ; qu'elles ne pouvaient ignorer qu'elles payaient un impôt foncier sur une superficie bien inférieure à la superficie réelle ; qu'il leur appartenait de rechercher et de donner aux époux Y... toutes les explications nécessaires, avant la signature de la promesse de vente, au lieu de les placer dans cette situation d'incertitude juridique et administrative qui les a obligé à refuser la réitération de la vente ; que les propriétaires ont gardé le silence sur des informations essentielles pour la sécurité juridique de la transaction, informations qu'il leur appartenait de connaître en leur qualité de propriétaire, et de fournir au futur acheteur ; les consorts X... passent largement sous silence dans leurs conclusions, la construction de l'extension et se contentent d'affirmer que la construction initiale a été réalisée à une époque où le permis de construire n'existait pas, alors qu'ils ne peuvent même pas dater la construction de la maison ; or la maison était indiquée en 1977 comme comportant deux pièces, sans qu'on puisse savoir à quel moment l'extension illicite est intervenue ; que l'âge des venderesses aurait pu leur permettre de situer ces constructions illicites.

ALORS QUE le manquement à une obligation précontractuelle d'information ne peut suffire à caractériser le dol par réticence, si ne s'y ajoute la constatation du caractère intentionnel de ce manquement ; qu'en relevant, pour annuler pour dol la vente litigieuse, que les venderesses auraient dû savoir que la construction initiale avait été réalisée sans permis de construire et que l'extension érigée postérieurement était irrégulière car contraire au plan d'occupation des sols, tout en constatant que ces dernières ne connaissaient ni la date de la construction initiale ni celle de l'extension, ce dont il résultait que les venderesses ne pouvaient avoir sciemment dissimulé des éléments dont elles n'avaient pas elles-mêmes connaissance, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations desquelles il s'évinçait que le silence des venderesses était nécessairement non intentionnel et qu'aucun dol ne pouvait dès lors leur être reproché, et a ainsi violé l'article 1116 du code civil.

ALORS QUE le juge est tenu de respecter et de faire respecter le principe du contradictoire ; qu'en relevant d'office, pour caractériser le dol, que le terrain ayant été acquis par usucapion, rien ne permettait d'être sûr qu'il ne soit pas contesté, sans avoir invité les parties à présenter leurs observations à ce sujet, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.

ALORS QUE le dol ne peut entraîner la nullité du contrat que sous la condition qu'il soit déterminant du consentement de celui qui s'en prévaut ;
qu'en retenant, pour établir le caractère déterminant du prétendu dol, que les constructions édifiées sur le bien vendu étaient illicites, après avoir pourtant constaté que la date de réalisation de celles-ci n'était pas déterminée, sans rechercher, ainsi qu'il le lui était demandé, si la construction initiale et les extensions litigieuses n'avaient pas respecté les règles d'urbanisme obligatoires à l'époque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)

Les exposantes font grief à la cour d'appel de les avoir déboutées de leur action subsidiaire en garantie formée contre l'agence immobilière Asnières 1, en sa qualité de mandataire à la réalisation de la vente litigieuse.

AUX MOTIFS QUE les consorts X... n'établissent pas la faute commise par l'agence immobilière dans l'exécution du mandat ; qu'en qualité de rédacteur d'acte, elle n'avait pas à rechercher la régularité des actes translatifs dont elle a recopié les mentions ; que sa responsabilité contractuelle n'est pas établie.

ALORS QU' au titre de son obligation de conseil, l'intermédiaire chargé de négocier et de rédiger des actes doit informer son client de l'ensemble des conséquences qui s'attachent à la signature de ceux-ci et doit s'assurer de leur efficacité ; qu'en retenant qu'en sa qualité de rédacteur de l'acte de vente, l'agence immobilière Asnières 1, mandataire des vendeurs, n'avait pas à rechercher la régularité des actes translatifs dont elle a recopié les mentions, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil.

ECLI:FR:CCASS:2014:C301255
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