Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 22 octobre 2014, 13-82.630, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :


- M. Thierry X...,


contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 5 février 2013, qui, pour abus de confiance, l'a condamné à 10 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;


La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 10 septembre 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme de la Lance, conseiller rapporteur, Mme Nocquet, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

Sur le rapport de Mme le conseiller DE LA LANCE, les observations de la société civile professionnelle ROUSSEAU et TAPIE, la société civile professionnelle BORÉ et SALVE DE BRUNETON, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GAUTHIER ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 314-1, 314-2, 314-3 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré M. X... coupable du délit d'abus de confiance ;

"aux motifs que M. X... ne pouvait ignorer la précarité de la possession des informations confidentielles diffusées par le biais d'un réseau interne à l'entreprise puisqu'il avait ratifié le 22 mai 2003 une « charte pour l'utilisation des ressources informatiques et des services Internet » lui rappelant l'interdiction d'extraire ces données ou de les reproduire sur d'autres supports informatiques sans l'accord préalable d'un responsable de service et de les détourner enfin de leur utilisation normale à des fins personnelles ; que l'abus de confiance n'étant plus réprimé en considération de la violation d'une convention particulière, il était indifférent de s'interroger sur la régularité juridique de cette charte interne d'utilisation ; qu'en captant au moyen de treize supports externes ou en expédiant de son poste professionnel et à destination de sa messagerie électronique privée une multitude de fichiers numériques confidentiels de la personne morale dans l'intention avouée d'alimenter un fonds documentaire personnel bien que ces données ne lui eussent été confiées qu'à titre précaire et pour un usage strictement professionnel, M. X... s'était comporté à l'instar d'un propriétaire en les détournant à son profit ; que le préjudice s'entendait d'un préjudice matériel, moral ou simplement éventuel, souffert en l'espèce dès le constat du détournement par un salarié de données confidentielles et du risque de leur éventuelle divulgation ou utilisation à des fins contraires à celles spécifiées ; que M. X..., en dépit de son ancienneté et les liens de confiance l'unissant à son employeur, s'était délibérément abstenu de solliciter des responsables de la société l'autorisation d'extraire ces données et de les conserver à des fins privées, sans doute conscient du refus qui lui serait opposé en raison de la date programmée de son départ et du risque de leur exploitation au bénéfice d'un concurrent ; que ces pratiques de captation clandestine déployées en violation de l'engagement écrit qu'il avait souscrit suffisaient à caractériser l'abus de confiance ;

"1°) alors que l'abus de confiance suppose que le propriétaire légitime de la chose confiée ne puisse plus exercer ses droits sur elle ; que la duplication de fichiers informatiques ne saurait constituer le délit dans la mesure où le propriétaire de tels fichiers peut continuer à les exploiter même après leur copie ; qu'en déclarant M. X... coupable d'abus de confiance portant sur des ressources numériques dupliquées, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"2°) alors que l'abus de confiance suppose que le plaignant soit le propriétaire de la chose détournée ; qu'à défaut d'avoir recherché, comme elle y était invitée, si la base de données objet du détournement n'avait pas été alimentée par le propre travail de M. X... durant les seize années passées au sein de la société Filhet Allard, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

"3°) alors que l'abus de confiance suppose que le plaignant soit le propriétaire légitime de l'objet du détournement et le prévenu un simple détenteur précaire ; qu'en ayant refusé de se prononcer sur la régularité juridique de la charte interne d'utilisation sur laquelle la société Filhet Allard fondait ses prétentions et qui déterminait la qualité de détenteur précaire de M. X..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"4°) alors que la cour d'appel, qui n'a pas recherché, comme elle y était invitée, si la charte pour l'utilisation des ressources informatiques signée par M. X... ne l'autorisait pas à utiliser les ressources informatiques partagées de la société Filhet Allard jusqu'à la cessation de son activité professionnelle, a privé sa décision de base légale ;

"5°) alors que l'abus de confiance suppose un détournement au préjudice d'autrui" ; qu'en entrant en voie de condamnation sans rechercher, comme elle y était invitée, s'il ne résultait pas du procès-verbal de synthèse du 10 février 2012, que les informations prétendument détournées n'avaient jamais été diffusées auprès de tiers, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que M. X... a informé son employeur, le cabinet de courtage d'assurances Filhet-Allard, de son intention de démissionner de son emploi de chargé de clientèle en vue de rejoindre un autre cabinet de courtage et qu'un contrôle interne, effectué pendant la période de préavis contractuel, a établi qu'il avait capté un grand nombre de données issues d'une base informatisée à usage interne de la société, protégée par une charte de confidentialité signée par tous les salariés ; qu'il est poursuivi pour avoir détourné au préjudice de son employeur plus de trois cents fichiers informatiques qui ne lui avaient été remis qu'à charge d'en faire un usage déterminé, conforme à la charte informatique interne proscrivant l'extraction de ces documents de l'entreprise ;

Attendu que, pour retenir sa culpabilité, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que le prévenu a, en connaissance de cause, détourné en les dupliquant, pour son usage personnel, au préjudice de son employeur, des fichiers informatiques contenant des informations confidentielles et mis à sa disposition pour un usage professionnel, la cour d'appel, qui a caractérisé en tous ses éléments, tant matériel qu'intentionnel, le délit d'abus de confiance, a justifié sa décision ;

Qu'ainsi, le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 2 500 euros la somme que M. X... devra payer à la société Filhet-Allard et Cie au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-deux octobre deux mille quatorze ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

ECLI:FR:CCASS:2014:CR05077
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