Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 15 octobre 2014, 11-22.251, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 30 juin 2011), que Mme X... a été engagée le 1er août 2008 en qualité de femme toutes mains à temps complet par M. Y..., exploitant un fonds de commerce de bar, meublé et restauration rapide ; que la salariée a été en arrêt de travail du 14 au 23 janvier 2009 puis du 30 janvier 2009 au 12 mars 2009 ; qu'il a été mis fin au contrat de travail, le 3 avril 2009, en vertu d'un document signé des deux parties ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale pour faire juger que la rupture s'analysait en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et pour demander le paiement de diverses sommes à titre d'heures impayées, d'indemnités de rupture, et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le second moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de décider que le licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse et de le condamner à payer à la salariée diverses sommes à titre d'indemnité de préavis, congés payés afférents, dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :

1°/ que le contrat de travail peut prendre fin non seulement par un licenciement ou par une démission, mais encore du commun accord des parties, par une rupture amiable, sans que le respect du formalisme institué par les articles L. 1237-11 et s. du code du travail ne constitue une condition de validité de l'acte constatant la rupture amiable, dès lors que les parties n'ont pas exprimé la volonté de se soumettre au régime de la rupture conventionnelle ; de sorte qu'en décidant, en l'espèce, que la signature, le 3 avril 2009, par les deux parties, d'un document ayant pour objet de mettre un terme d'un commun accord au contrat de travail ne pouvait produire les effets d'une rupture amiable en raison du seul non-respect des exigences définies par les articles L. 1237-12 à L. 1237-14 du code du travail, la cour d'appel a violé les dispositions des articles susvisés, ensemble celles de l'article 1134 du code civil ;

2°/ que, la remise en cause d'un accord amiable de rupture du contrat de travail est subordonnée à la constatation que le consentement du salarié a été vicié par dol, erreur ou violence ; qu'en décidant, en l'espèce, que l'accord de rupture amiable du 3 avril 2009 était nul, sans rechercher si le consentement de Mme X... avait été vicié, de quelque manière que ce soit, lors de la signature du document constatant l'accord des parties, la cour d'appel a, dans son arrêt infirmatif, privé sa décision de base légale au regard des articles 1109 et 1134 du code civil ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article L. 1231-1 du code du travail le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié ou d'un commun accord dans les conditions prévues par le présent titre ; que selon les dispositions de l'article L. 1237-11 du même code, la rupture d'un commun accord qualifiée rupture conventionnelle résulte d'une convention signée par les parties au contrat qui est soumise aux dispositions réglementant ce mode de rupture destinées à garantir la liberté du consentement des parties ; qu'il résulte de la combinaison de ces textes que, sauf dispositions légales contraires, la rupture du contrat de travail par accord des parties ne peut intervenir que dans les conditions prévues par le second relatif à la rupture conventionnelle ;

Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté que le document signé par les parties ne satisfaisait pas aux exigences de l'article L. 1237-11 du code du travail, a décidé à bon droit que la rupture s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer la somme de 3 000 euros à Mme X... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze octobre deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour M. Y....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

L'arrêt attaqué encourt la censure

EN CE QU'IL a condamné, par confirmation, Monsieur Y..., employeur, à payer à Madame X..., salariée, la somme de 2650,83 € au titre des heures impayées, celle de 265,08 € au titre des congés payés y afférents, ainsi que la somme de 300 € au titre de la prise en charge des frais irrépétibles ;

AUX MOTIFS QU'il est de principe que l'employeur ne peut modifier substantiellement le contrat sans l'accord du salarié ; que le changement d'horaire consistant dans une forte réduction de l'horaire hebdomadaire, alors que la rémunération subit, elle aussi, une importante diminution, constitue non pas un simple changement des conditions de travail relevant du pouvoir de direction de l'employeur mais une modification du contrat de travail nécessitant l'accord du salarié ; qu'il est acquis aux débats que Jean-Yves Y... n'a pas sollicité l'accord de Caroline X... avant de décider de réduire son horaire de travail de 151,67 heures à 60 heures par mois et son salaire brut, de 1.4 72, 72 € à 582,60 €, le contrat de travail ne prévoyant pas une telle éventualité ; qu'il suit de là que la salariée a été privée indûment d'une partie importante de sa rémunération pendant une durée de trois mois ; que le formalisme imposé en cas de modification du contrat de travail n'ayant pas été respecté par l'employeur, Caroline X... est en droit d'avoir paiement du salaire contractuel intégral, peu important qu'elle n'ait pas travaillé pendant les heures dont elle réclame le paiement ;

ALORS QUE. premièrement, Monsieur Y... faisait valoir, dans ses conclusions (p. 3, alinéas 10 et 11) qu'il versait aux débats une attestation de Monsieur Robert Z... attestant que Madame X... arrivait au « Bar des Thermes » « à 9 heures et repartait à midi malgré les remarques de son employeur », en insistant sur le fait que Madame X... « faisait ce qu'elle voulait » ; qu'en statuant, en l'espèce, sans répondre au moyen tiré de ce que Monsieur Y... avait procédé à des retenues sur salaire sur la base des multiples retards et absences, non justifiés, de Madame X..., qui refusait systématiquement de respecter ses horaires contractuels, la Cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions, violant, de nouveau, les dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

ALORS QUE. deuxièmement, et en outre, les retards et absences injustifiés permettent à l'employeur de procéder à des retenues sur salaire au titre des heures pendant lesquelles le salarié ne s'est pas mis à sa disposition ; qu'en décidant, en l'espèce, que Monsieur Y... devait payer à Madame X... diverses sommes à titre de rappel de salaire ainsi que les congés payés y afférents, sans rechercher, comme ils y étaient invités, si la différence entre la rémunération définie par le contrat de travail du 1er août 2008 et la rémunération effectivement versée ne correspondait pas à des retenues sur salaire, à savoir à des heures pendant lesquelles Madame X... ne s'était pas mise à disposition de Monsieur Y... en dépit des injonctions de celui-ci tendant à ce qu'elle respecte ses horaires contractuels, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 1134 et 1184 du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

L'arrêt attaqué encourt la censure

EN CE QU'IL a décidé, réformant le jugement, que le licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse, condamnant Monsieur Y... à payer à Madame X... diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés y afférents, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu'au titre de la prise en charge des frais irrépétibles ;

AUX MOTIFS QU' daté du 3 avril 2009, le document mettant fin à la relation de travail des parties est ainsi libellé : "Vous avez été en arrêt maladie du 13 janvier 2009 jusqu'au 12 mars 2009, ce qui a provoqué des difficultés de fonctionnement au sein de notre entreprise. D'un commun accord, et pour le bien-être de chacun, nous mettons fin à ce contrat qui nous lie depuis le 01 août 2008 et il est expressément convenu que le préavis ne sera ni effectué ni payé. Votre contrat sera rompu à la signature de ce courrier ou il vous sera remis votre solde de tout compte et votre attestation Assedic. Les deux parties reconnaissent avoir lu et accepté sans contrainte, les conditions ci-dessus" ; que ce texte est suivi de la signature de l'employeur et de celle de la salariée ; que Caroline X... affirme qu'elle a été renvoyée pour être remplacée par une salariée moins bien rémunérée qu'elle, que Jean-Yves Y... a reconnu l'avoir licenciée, que le 3 avril 2009, elle a pris acte de la rupture sans y donner son accord, que le licenciement n'est pas motivé et qu'il est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que Jean-Yves Y... considère que Caroline X... avait un comportement inadmissible, qu'elle n'en faisait qu'à sa tête, notamment en matière d'horaires de travail, qu'elle a commis divers larcins, ne restituant ce qu'elle avait dérobé que lorsqu'elle était prise sur le fait, que ses agissements ont causé des difficultés à l'entreprise qui était bien fondée à la licencier pour faute grave et que les deux parties ont fini par convenir d'une rupture concertée du contrat de travail ; que l'article L. 1237-11 du code du travail autorise l'employeur et le salarié à convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie ; que la rupture conventionnelle, qui est exclusive du licenciement ou de la démission ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties ; qu'elle résulte d'une convention signée par les parties au contrat n ; qu'elle est soumise à de nombreuses exigences, définies par les articles L. 1237-12 à L. 1237-14, à garantir la liberté du consentement des parties ; que le document signé par les parties ne satisfait à aucune des exigences des textes de loi précités ; qu'il constitue, dès lors, un licenciement ;

ALORS QUE, premièrement, le contrat de travail peut prendre fin non seulement par un licenciement ou par une démission, mais encore du commun accord des parties, par une rupture amiable, sans que le respect du formalisme institué par les articles L. 1237-11 et s. du Code du travail ne constitue une condition de validité de l'acte constatant la rupture amiable, dès lors que les parties n'ont pas exprimé la volonté de se soumettre au régime de la rupture conventionnelle ; de sorte qu'en décidant, en l'espèce, que la signature, le 3 avril 2009, par les deux parties, d'un document ayant pour objet de mettre un terme d'un commun accord au contrat de travail ne pouvait produire les effets d'une rupture amiable en raison du seul non-respect des exigences définies par les articles L. 1237-12 à L. 1237-14 du Code du travail, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles susvisés, ensemble celles de l'article 1134 du Code civil ;

ALORS QUE, deuxièmement, la remise en cause d'un accord amiable de rupture du contrat de travail est subordonnée à la constatation que le consentement du salarié a été vicié par dol, erreur ou violence ; qu'en décidant, en l'espèce, que l'accord de rupture amiable du 3 avril 2009 était nul, sans rechercher si le consentement de Madame X... avait été vicié, de quelque manière que ce soit, lors de la signature du document constatant l'accord des parties, la Cour d'appel a, dans son arrêt infirmatif, privé sa décision de base légale au regard des articles 1109 et 1134 du Code civil ;

ECLI:FR:CCASS:2014:SO01795
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