Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 15 octobre 2014, 13-23.015, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 416-1 du code rural et de la pêche maritime, ensemble l'article L. 416-3 du même code ;

Attendu qu'il résulte de ces textes que le bail à long terme est conclu pour une durée d'au moins dix-huit ans et qu'il est renouvelable par période de neuf ans ; que le bailleur, qui entend s'opposer au renouvellement, doit notifier congé au preneur dans les conditions prévues à l'article L. 411-47 ; que, toutefois, lorsque le preneur a atteint l'âge de la retraite retenu en matière d'assurance vieillesse des exploitants agricoles, chacune des parties peut, par avis donné au moins dix-huit mois à l'avance, refuser le renouvellement de bail ou mettre fin à celui-ci à l'expiration de chaque période annuelle à partir de laquelle le preneur aura atteint ledit âge ; qu'en outre, si la durée du bail initial est d'au-moins vingt-cinq ans, il peut être convenu que le bail à long terme se renouvelle à son expiration, sans limitation de durée, par tacite reconduction ; que dans ce cas, chacune des parties peut décider d'y mettre fin chaque année sans que soient exigées les conditions énoncées à la section VIII du chapitre Ier du présent titre ; que le congé prend effet à la fin de la quatrième année suivant celle au cours de laquelle il a été donné ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 13 juin 2013), que les consorts X... ont donné à bail pour vingt-cinq ans à compter du 1er janvier 1998 à M. Y... diverses parcelles de terres ; que ce dernier a par acte du 25 novembre 2011 donné congé aux bailleurs pour le 31 décembre 2012 en invoquant le fait qu'il avait atteint l'âge de la retraite ;

Attendu que pour déclarer valable ce congé, l'arrêt retient qu'aucune disposition spéciale aux baux à long terme ne prévoyant l'hypothèse d'une résiliation pendant la période initiale, les dispositions du droit commun des baux ruraux ont vocation à s'appliquer et qu'en conséquence, le preneur d'un bail rural de vingt-cinq ans qui atteint l'âge de la retraite retenu en matière d'assurance vieillesse des exploitants agricoles peut demander la résiliation du bail à la fin d'une des périodes annuelles suivants la date à laquelle il aura atteint l'âge requis ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la faculté pour les parties de mettre fin au bail à l'expiration de chaque période annuelle à partir de celle où le preneur a atteint l'âge de la retraite, ne peut être exercée pendant la période initiale du bail à long terme, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 juin 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... ; le condamne à payer aux consorts X... la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze octobre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour les consorts X....

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir jugé que le congé délivré le 25 novembre 2011 par M. Y... aux consorts X... fondé sur l'article L 41l-33 al. 3 du code rural et de la pêche maritime est valable et doit produire ses pleins effets,

AUX MOTIFS QUE « les dispositions légales applicables tant aux baux ruraux de droit commun qu'aux baux ruraux à long terme ont vocation à assurer la stabilité des exploitants en limitant à des cas expressément prévus par la loi la possibilité de résilier le bail, en assurant un caractère quasi automatique au renouvellement des baux de droit commun ou en offrant au preneur une durée du bail particulièrement longue ; que si l'ensemble de ces dispositifs tend à assurer la pérennité des exploitations, il n'en demeure pas moins que le législateur a expressément prévu des hypothèses limitativement énumérées qui permettent de déroger au principe ; que le chapitre I du titre I du livre IV code rural regroupe les dispositions des articles L 411-l à L 411-79 qui constituent le régime de droit commun du statut du fermage ; que l'article L 411-33 prévoit que le preneur qui atteint l'âge de la retraite retenu en matière d'assurance vieillesse des exploitants agricoles peut demander la résiliation du bail à la fin d'une des périodes annuelles suivants la date à laquelle il aura atteint l'âge requis ; que le chapitre VI du titre I du livre IV du code rural regroupe les dispositions des articles L 4l6-l à L 416-9 qui sont spécialement applicables aux baux à long terme ; que l'article L416-8 prévoit que les dispositions du chapitre I (à l'exception de l'article L 411-58 al 2 à 4) du titre I sont applicables aux baux à long terme conclus dans les conditions du présent chapitre ainsi qu'à leurs renouvellements successifs en tant qu'elles ne sont pas contraires aux dispositions de ce chapitre ; que dès lors qu'aucune disposition spécifique aux baux à long terme ne prévoit la possibilité pour le preneur de résilier le bail avant son terme, les dispositions relatives à cette possibilité contenues dans le chapitre I sont applicables ; que les dispositions de l'article L 416-1 qui prévoient la possibilité pour les parties de s'opposer au renouvellement du bail ou de mettre fin à celui-ci à l'expiration de chaque période annuelle à partir de laquelle le preneur aura atteint l'âge de la retraite n'ont vocation à s'appliquer qu'à l'expiration de la période initiale ; qu'aucune disposition spéciale aux baux à long terme ne prévoyant l'hypothèse d'une résiliation pendant la période initiale, les dispositions du droit commun des baux ruraux ont donc vocation à s'appliquer ; qu'en conséquence, le preneur d'un bail rural de 25 ans qui atteint l'âge de la retraite retenu en matière d'assurance vieillesse des exploitants agricoles peut demander la résiliation du bail à la fin d'une des périodes annuelles suivant la date à laquelle il aura atteint l'âge requis ; qu'en l'espèce, M. Y..., preneur, né le 28 juillet 1947, a délivré aux consorts X..., le bailleur, le 25 novembre 2011, un congé sur le fondement de l'article L41l-33 al 3 du code rural à effet à compter du 31 décembre 2012 ; que constatant que le preneur a atteint l'âge de 65 ans au 28 juillet 2012, qu'il a donné congé par acte extra judiciaire du 25 novembre 2011 pour le 31 décembre 2012 soit plus de 12 mois avant, la Cour considère que le congé délivré par M. Y... est valable »,

ALORS QU'à l'exception de l'article L 411-58 alinéas 2 à 4, les dispositions du chapitre 1er du titre Ier du livre IV du code rural et de la pêche maritime, relatives au régime de droit commun des baux ruraux soumis au statut du fermage et du métayage, sont applicables aux baux à long terme conclus dans le cadre du chapitre VI consacré aux dispositions particulières à ce type de baux, ainsi qu'à leurs renouvellements successifs, mais en tant qu'elles ne sont pas contraires aux dispositions de ce chapitre ; que l'article L 411-33 alinéa 3 du code rural et de la pêche maritime, qui fait partie du chapitre 1er susvisé, est contraire aux dispositions du chapitre VI contenant dispositions particulières aux baux à long terme, dans la mesure où il consacre des dispositions spécifiques aux conditions dans lesquelles le preneur ayant atteint l'âge de la retraite retenu en matière d'assurance vieillesse des exploitants agricoles peut mettre un terme à un bail à long terme, qui excluent la possibilité pour le preneur de résilier unilatéralement son bail pour ce motif au cours de la période initiale du bail à long terme ; qu'en affirmant le contraire, au motif erroné qu'« aucune disposition spéciale aux baux à long terme ne prévoyant l'hypothèse d'une résiliation pendant la période initiale, les dispositions du droit commun des baux ruraux ont donc vocation à s'appliquer » (arrêt, p. 4), la cour d'appel a violé les articles L 411-33 et L 416-1 à L 416-8 du code rural et de la pêche maritime.

ECLI:FR:CCASS:2014:C301238
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