Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 15 octobre 2014, 13-20.085, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 13-20.085
- ECLI:FR:CCASS:2014:C301234
- Publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- M. Terrier
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Attendu selon l'arrêt attaqué (Amiens, le 21 mars 2013) que la société Compagnie pétrolière de l'Est (la société CPE) et la SCI le Fonds des petrons (la SCI) ont décidé de mettre fin le 8 décembre 2005 au bail commercial qui, les liant depuis 1991, venait à terme le 18 juin 2009 ; que par convention du 18 mai 2006, précisant que la location était exclue du statut des baux commerciaux, la SCI a donné à bail les mêmes locaux à la société CPE pour une durée de deux années expirant le 31 décembre 2007 ; qu'après avoir informé la bailleresse par courrier du 16 mai 2007 qu'elle engageait des travaux de dépollution du site qui ne pourraient être achevés au 31 décembre 2007, la société CPE a donné, par lettre recommandée du 8 juillet 2008, congé pour le 31 décembre 2008 ; que la SCI a contesté la validité de ce congé et sollicité le paiement des loyers postérieurs à cette date ;
Attendu que la société CPE fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande en paiement alors, selon le moyen, que conformément aux dispositions de l'article L. 145-5 du code de commerce, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, les parties peuvent déroger aux dispositions du statut des baux commerciaux, ce qui exclut qu'un bail dérogatoire soit formé pour faire suite à un bail commercial, cette condition ne s'imposant pas à la formation d'une convention d'occupation précaire, dans le cas où des circonstances particulières, distinctes de la volonté des parties, l'imposent ; qu'en l'espèce, les parties étaient convenues de la formation d'un « bail précaire », et non pas dérogatoire, d'une durée de deux ans, prenant effet après l'expiration du bail commercial antérieur ; qu'en décidant qu'un bail dérogatoire pouvait être formé, après le terme mis par les parties au bail commercial existant entre elles, et que sa prorogation expresse, pour une année, soit le temps nécessaire pour achever la dépollution du site, entraînait la formation d'un bail commercial soumis au statut des baux commerciaux, en dépit de la volonté contraire des parties lors de sa formation, la cour d'appel a violé par refus et fausse application les dispositions des articles L. 145-5 et L. 145-1 du code de commerce ;
Mais attendu qu'ayant retenu à bon droit qu'en l'absence d'un motif de précarité, la convention du 18 mai 2006 faisant suite à un bail commercial résilié d'un commun accord avant son terme, ne pouvait déroger au statut que par application des dispositions de l'article L. 145-5 du code de commerce, la cour d'appel qui a constaté que selon offre de la société CPE du 16 mai 2007 acceptée par la SCI le 24 mai 2007, les parties étaient convenues que la durée de la première période triennale du bail devenu commercial par l'effet du maintien du preneur dans les lieux au delà du terme fixé au bail dérogatoire expirait le 31 décembre 2009, en a exactement déduit que la société locataire était redevable des loyers postérieurs au 31 décembre 2008 ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la première branche du moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Compagnie pétrolière de l'Est aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Compagnie pétrolière de l'Est, la condamne à payer à la SCI le Fonds des petrons la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze octobre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Compagnie pétrolière de l'Est.
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'il existait un bail commercial entre les parties ayant pris effet le 1er janvier 2006, dit que le congé donné le 8 juillet 2008 est dépourvu de tout effet, et condamné la Sté CPE à payer à la SCI LE FONDS DES PETRONS les loyers dus pour l'année 2009 et les loyers devenant exigibles, augmentés des intérêts au taux légal, eux-mêmes capitalisés,
AUX MOTIFS QUE aux termes de l'article L.145-5 du code de commerce, qui régit les baux de courte durée dérogatoires au statut des baux commerciaux : « les parties peuvent, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du présent chapitre, à la condition que la durée totale du bail, ou des baux successifs ne soit pas supérieure à deux ans ; si à l'expiration de cette durée, le preneur est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail, dont l'effet est réglé par les dispositions du présent chapitre » ; qu'il existe également des conventions d'occupation précaire, qui ne sont autorisées qu'en raison de circonstances exceptionnelles et pour une durée dont le terme est marqué par d'autres causes que la volonté des parties ; qu'il convient d'observer que la convention d'occupation précaire se différencie du bail de courte durée prévu à l'article L.145-5 du code de commerce, car la convention d'occupation précaire n'est pas limitée dans le temps, et peut durer tant que le motif de précarité qui a justifié sa conclusion ne se réalise pas ; qu'il appartient au juge de donner à la convention des parties sa qualification exacte, et de vérifier si le contrat signé entre les parties est un bail précaire au sens de l'article L.145-5 du code de commerce ou bien une convention d'occupation précaire ; que pour qu'il y ait convention d'occupation précaire, il faut qu'il y ait une fragilité du droit de l'occupant, résultant de l'incertitude sur la durée de l'occupation, et qu'il existe des circonstances légitimant la précarité ; qu'il faut aussi que les deux parties aient entendu conclure une telle convention ; qu'en l'espèce, il faut se placer au moment de la conclusion du contrat, le 18 mai 2006, pour apprécier la volonté des parties ; qu'il résulte des pièces produites que le projet de bail commercial proposé par le bailleur en juillet 2005 dont le loyer était augmenté par rapport au bail antérieur n'a pas été accepté par le locataire ; que l'appelante ne justifie pas avoir fait connaître à la propriétaire du site qu'elle souhaitait le quitter ni qu'elle avait commencé la dépollution du site, avant la conclusion de la convention signée en mai 2006 ; qu'au contraire, les termes du bail ont entendu, page 2, se soumettre aux dispositions de l'article L.145-5 du code de commerce, et prévu une durée du bail de deux ans ; qu'il n'est pas prévu dans la convention de mai 2006 un motif de précarité justifiant la conclusion de la convention de ce bail et il n'est pas démontré l'existence d'un tel motif à ce moment là ; qu'il existe des mentions contradictoires dans le bail page 2 et 3 car les parties ont, page 2, dit que si le bail se prolongeait, il serait soumis au statut des baux commerciaux, et page 3, que le bail n'était pas soumis à ce statut ; qu'en tout état de cause, les parties peuvent d'un commun accord, convenir d'autres dispositions, et par courrier RAR du 16 mai 2007, la Sté CPE a proposé à son bailleur de prolonger le bail pour une durée d'un an, et indiqué clairement que, du fait de la prolongation du bail précaire, il se transformerait en un bail commercial, dont la première période triennale s'achèverait le 31 décembre 2008, ce que le bailleur a accepté officiellement ; que l'appelante justifie avoir indiqué dans ce courrier au bailleur qu'elle souhaitait disposer du site jusqu'à fin 2008, pour lui permettre d'achever le transfert de ses activités, et de dépolluer le site ; qu'il ressort clairement de ce courrier que l'appelante n'entendait conserver le site que jusqu'en décembre 2008 ; que cependant, c'est au moment de la signature de la convention du 18 mai 2006 qu'il faut se placer pour déterminer la nature du contrat conclu pour deux ans, or, il n'est pas justifié par l'appelante qu'elle a averti la bailleresse du motif précis de sa demande d'occupation de courte durée, à savoir le transfert de son activité et la dépollution du site, avant le 18 mai 2007, si bien qu'elle ne justifie pas que l'intention des deux parties était, en mai 2006, de convenir d'une occupation précaire des lieux, pour le transfert de l'activité du preneur, et la dépollution du site ; que le bailleur n'a pas exprimé de façon non équivoque son accord pour que le bail échappe au statut des baux commerciaux à l'expiration du bail, si la locataire se maintenait dans les lieux, et a, au contraire, écrit qu'elle acceptait de proroger le bail conclu mais qu'un bail commercial soumis au statut dont le premier terme triennal expirerait le 31 décembre 2008 prendrait effet ; que le bail conclu le 18 mai 2006 était donc bien un bail précaire, un nouveau bail ayant été conclu après la fin du bail conclu en 1991, les dispositions de l'article L.145-5 du code de commerce devant trouver application, la formule « lors de l'entrée du locataire » s'interprétant en l'espèce comme « lors de la prise d'effet du nouveau bail », qui implique une nouvelle entrée dans les lieux à l'occasion du nouveau bail ; qu'il importe peu qu'une maison se trouvant sur le site ait été louée, l'appelante ne contestant pas avoir occupé le site après le 16 mai 2008, et ne démontrant pas s'être opposée à cette location, ou avoir protesté avant l'introduction de la présente instance ; que la vente du matériel est également inopérante, puisqu'intervenue après la signature du bail précaire ; que le bail précaire a donc bien été suivi par un bail commercial dont les parties ont convenu, aux termes de leurs courriers respectifs des 16 et 24 mai 2007, qu'il prendrait effet le 1er janvier 2006, et non le 1er janvier 2008, la première période triennale se terminant par conséquent le 31 décembre 2008 ; qu'en conséquence, et comme l'a justement estimé le tribunal, le courrier adressé, le 8 juillet 2008, à la SCI intimée par la Sté CPE ne pouvait valoir congé, ce dernier devant être délivré par acte extra judiciaire et étant hors délai ; que le montant des loyers est donc dû par l'appelante pour la période litigieuse ; que les dispositions du jugement entrepris seront donc confirmées, sauf en ce qui concerne sa disposition sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et la Sté CPE sera déboutée de ses demandes ; y ajoutant, l'appelante sera condamnée à régler à la SCI LE FONDS DES PETRONS la somme de 10 465 €, par trimestre, au titre des loyers devenus exigibles, à compter de la date du jugement entrepris, rendu le 18 janvier 2011, jusqu'au présent arrêt, les sommes correspondantes étant assorties des intérêts au taux légal à compter de la date d'exigibilité de chacun des loyers trimestriels, avec capitalisation des intérêts dus pour une année entière ;
1 ) ALORS QUE le paragraphe 5 de la convention formée entre les parties le 18 mai 2006, dénommée « bail précaire », précisait que « lors d'une réunion qui s'est tenue le 8 décembre 2005, les parties ont décidé d'un commun accord de mettre un terme au contrat de location existant et devant normalement expirer le 18 juin 2009 à minuit pour conclure le présent bail précaire » ; que la cour d'appel, déclarant devoir apprécier la volonté des parties à la date de la conclusion de la convention, a énoncé qu'il n'était pas établi par la Sté CPE qu'elle avait fait connaître au bailleur qu'elle souhaitait quitter le site et procéder à sa dépollution et a rejeté, en conséquence, la qualification de convention d'occupation précaire ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu une déclaration claire et précise des parties et violé l'article 1134 du code civil ;
2 ) ALORS QUE conformément aux dispositions de l'article L.145-5 du code de commerce, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, les parties peuvent déroger aux dispositions du statut des baux commerciaux, ce qui exclut qu'un bail dérogatoire soit formé pour faire suite à un bail commercial, cette condition ne s'imposant pas à la formation d'une convention d'occupation précaire, dans le cas où des circonstances particulières, distinctes de la volonté des parties, l'imposent ; qu'en l'espèce, les parties étaient convenues de la formation d'un « bail précaire », et non pas dérogatoire, d'une durée de deux ans, prenant effet après l'expiration du bail commercial antérieur ; qu'en décidant qu'un bail dérogatoire pouvait être formé, après le terme mis par les parties au bail commercial existant entre elles, et que sa prorogation expresse, pour une année, soit le temps nécessaire pour achever la dépollution du site, entraînait la formation d'un bail commercial soumis au statut des baux commerciaux, en dépit de la volonté contraire des parties lors de sa formation, la cour d'appel a violé par refus et fausse application les dispositions des articles L.145-5 et L.145-1 du code de commerce.