Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 30 septembre 2014, 13-13.390, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 13-13.390
- ECLI:FR:CCASS:2014:SO01658
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
- Président
- M. Frouin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la Société Groupe Levillain en qualité de projeteur au sein du bureau des méthodes le 11 septembre 2000 ; que par une convention tripartite conclue entre le salarié, son employeur d'alors et la société Kazeco, l'intéressé a démissionné pour être engagé en Guadeloupe par cette dernière société en qualité de responsable du secteur charpente/couverture, avec reprise de l'ancienneté précédemment acquise ; que le contrat de travail de l'intéressé a été transféré le 1er avril 2005 à la société Potomitan ; que le salarié a été licencié pour faute grave le 4 novembre 2005 ; que contestant le bien-fondé de son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir le paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail ;
Sur le deuxième moyen du pourvoi principal du salarié :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement d'une somme au titre des préjudices résultant du licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors selon le moyen :
1° / que l'indemnisation du préjudice professionnel et la perte d'une perspective de retrouver un statut équivalent est comprise dans la réparation du préjudice résultant de la rupture du contrat de travail ; qu'ayant relevé que M. X... avait sollicité le paiement d'une somme de 29 000 euros au titre de son préjudice pour licenciement abusif ainsi que le paiement d'une somme de 21 700 euros au titre d'un préjudice résultant d'un manque à gagner depuis son licenciement, lequel, comme l'avait fait valoir la société Potomitan ne constituait pas un préjudice distinct de celui résultant d'un licenciement abusif, et en accordant cependant au salarié une indemnité de 50 000 euros en réparation du préjudice professionnel mais aussi financier que lui cause ce licenciement, la cour d'appel qui a procédé à une double réparation du même préjudice, a violé l'article 1382 du code civil ;
2° / que de plus et en tout état de cause, en allouant à M. X... une somme de 50 000 euros à titre de réparation du préjudice résultant d'un licenciement abusif quand le salarié avait limité sa demande à ce titre à la somme de 29 000 euros, la cour d'appel a statué ultra petita et a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel a souverainement apprécié l'intégralité du préjudice résultant de la rupture du contrat de travail sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail ; que le moyen, irrecevable en sa seconde branche, n'est pas fondé, pour le surplus ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal du salarié :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires l'arrêt retient que ce dernier ne produit aucun élément précis permettant d'étayer cette demande ;
Qu'en statuant ainsi, sans aucunement s'expliquer sur les éléments produits par le salarié pour en déduire qu'ils ne suffisent pas à étayer sa demande, la cour d'appel qui n'a mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
Et sur le troisième moyen du pourvoi principal du salairé :
Vu l'article R. 1234-9 du code du travail ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en paiement de dommages-intérêts au titre du préjudice résultant des mentions erronées figurant sur l'attestation Assedic, l'arrêt retient que si l'employeur a fait figurer à tort sur l'attestation qu'il a délivrée, la mention « licenciement pour faute grave » et une ancienneté dans l'entreprise à compter du 1er septembre 2003, alors que le salarié bénéficiait d'une ancienneté remontant au 11 septembre 2000, celui-ci ne démontre pas le préjudice matériel ou financier qui en serait résulté ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la remise d'un document contenant des indications erronées qui ne permet pas la détermination exacte des droits du salarié, entraîne nécessairement un préjudice qui doit être réparé par les juges du fond, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute le salarié de ses demandes au titres des heures supplémentaires et de dommages-intérêts en raison de mentions erronées figurant sur l'attestation Assedic, l'arrêt rendu le 26 novembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France ;
Condamne la société Potomitan aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour M. X..., demandeur au pourvoi principal
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur X... de sa demande de paiement des heures supplémentaires effectuées ;
AUX MOTIFS QUE Monsieur X... sollicite paiement de la somme de 88.251,95 ¿ au titre des heures supplémentaires mais ne produit aucun élément précis permettant d'étayer cette demande ; qu'il ne peut donc y être fait droit ;
ALORS QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; que Monsieur X... avait produit une pièce n° 41, comportant 75 pages et détaillant de manière extrêmement précise, jour après jour, ses horaires de travail ainsi que le nombre d'heures supplémentaires réalisées au-delà de 35 heures et au-delà de 43 heures, de sorte qu'il appartenait à la Société POTOMITAN de justifier des horaires réellement effectués ; qu'en retenant néanmoins, pour rejeter la demande du salarié au titre des heures supplémentaires de 2003 à 2006, qu'il ne produisait aucun élément précis pour l'étayer cette demande, la Cour d'appel a violé l'article L.3171-4 du Code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur X... de sa demande de paiement de commissions sur les devis et chantiers réalisés et de billets d'avions vers la métropole ;
AUX MOTIFS QUE certes il peut paraître paradoxal que Monsieur X..., qui a été engagé en 2003 pour exercer des fonctions à orientation essentiellement commerciales, se soit vu proposer par la Société KAZEKO un contrat de travail ne prévoyant aucune commission sur chiffre d'affaires ; que c'est d'ailleurs ce qui a suscité de vives réclamations de la part de l'intéressé, comme en atteste Madame Isabelle Y..., chargée, au sein de l'entreprise, des appels de fonds au cours de la période 2002-2005, qui déclare qu'elle a été témoin de plusieurs altercations entre Monsieur X... et le directeur de la Société KAZEKO au sujet de sa rémunération, le premier cité réclamant la mise à jour de son contrat de travail de commercial, la recherche de marchés extérieurs, les appels d'offres et devis n'étant pas pris en compte et n'étant pas rémunérés ; qu'une réclamation écrite avait d'ailleurs été adressée le 5 avril 2005 au Directeur de la Société KAZEKO par Monsieur X... ; que toutefois, en l'absence de dispositions contractuelles prévoyant l'attribution de telles commissions, il ne peut être fait droit à la demande de paiement formée à ce titre par Monsieur X... ;
ET QUE de même, la demande de paiement de billets d'avion à hauteur de 6.000 €, qui serait justifiée par le fait qu'il aurait été convenu que Monsieur X... verrait prendre en charge par son employeur deux billets d'avion aller-retour pour la métropole par an, n'est fondée sur aucune disposition contractuelle figurant dans les documents versés aux débats ; qu'il ne peut donc y être fait droit ;
ALORS QU'aux termes de son attestation, Monsieur Z..., qui indiquait avoir, en sa qualité de supérieur hiérarchique de Monsieur X..., assisté aux négociations de ses conditions d'embauche, affirmait qu'il avait été convenu à la fois de « 2 billets d'avions/an, aller-retour vers la métropole mis à sa disposition », ainsi que de « 0,3 % de commissions reversées en fin d'année sous forme de prime calculée par rapport au montant HT des marchés dont le devis aura été produit, + 1,5 % sur les marchés signés et réalisés » ; que Madame Y... attestait également qu'elle avait été témoin de nombreuses altercations entre le salarié et son employeur, le premier réclamant au second la mise à jour de son contrat de commercial et, par lettre envoyée au Directeur de la Société KAZEKO le 5 avril 2005, Monsieur X... avait réclamé « la régularisation de son contrat de travail (attendue depuis le 1er mars 2004) », ainsi que la Société « s'y était engagée », et prévoyant notamment le paiement de commissions et de deux billets d'avions AR par an ; qu'en se bornant, néanmoins, pour exclure tout accord des parties quant à l'attribution de commissions au salarié et au remboursement de deux billets d'avion par an, à constater l'absence de dispositions contractuelles en ce sens, sans rechercher s'il ne s'évinçait pas de l'ensemble de ces éléments concordants, dont elle avait reconnu la force probante, notamment pour conclure au caractère infondé du licenciement de Monsieur X... (arrêt p. 5), que la réalité des engagements décrits par le salarié était établie, de sorte que la Société ne pouvait valablement refuser de les respecter au seul prétexte qu'elle avait sciemment refusé, malgré les demandes réitérées du salarié, de les transcrire par écrit, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.3211-1 du Code du travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur X... de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice résultant des mentions erronées figurant sur l'attestation ASSEDIC ;
AUX MOTIFS QUE si, comme le relève Monsieur X..., l'employeur a fait figurer à tort sur l'attestation ASSEDIC qu'il a délivrée, la mention « licenciement pour faute grave » et une ancienneté dans l'entreprise à compter du 1er septembre 2003 alors que le salarié bénéficiait d'une ancienneté remontant au 11 septembre 2000, l'appelant ne démontre pas le préjudice matériel ou financier qui en serait résulté ; que ces mentions erronées justifient par contre qu'il soit ordonné à la Société POTOMITAN de délivrer à Monsieur X... une attestation ASSEDIC rectifiée en ce qui concerne l'ancienneté du salarié, l'absence de faute grave étant suffisamment attestée par le présent arrêt ;
ALORS QUE la remise d'une attestation ASSEDIC comportant des indications erronées entraîne nécessairement pour le salarié un préjudice qui lui ouvre droit à réparation, de sorte qu'il n'a pas à rapporter la preuve du préjudice subi ; que la Cour d'appel qui, tout en constatant que l'employeur avait effectivement fait figurer à tort sur l'attestation qu'il avait délivrée, la mention d'une ancienneté à compter du 1er septembre 2003 et non du 11 septembre 2000 ainsi que la mention « licenciement pour faute grave », a néanmoins débouté Monsieur X... de sa demande à ce titre au motif qu'il ne démontrait pas le préjudice matériel ou financier qui en serait résulté, elle a violé les articles R.1234-9 du Code du travail et 1147 du Code civil.
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Potomitan, demanderesse au pourvoi incident
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Potomitan à payer à M. X... une somme de 50 000 euros au titre des préjudices résultant du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE le premier motif invoqué dans la lettre de licenciement du 4 novembre 2005, tenant au refus imputé à M. X... de respecter les dispositions de son contrat de travail relatives à la réalisation des études de charpentes/couvertures, n'est pas fondé ; qu'en ce qui concerne le second motif du licenciement résidant dans le refus imputé à M. X... de ne pas respecter les dispositions de son contrat de travail relatives à l'interdiction d'introduire et/ou d'utiliser tout logiciel informatique pour lequel les droits d'utilisation n'ont pas été régulièrement payés, il y a lieu de constater que M. X... conteste expressément les faits qui lui sont ainsi imputés, et que la société Potomitan n'apporte aucun élément de preuve permettant de corroborer ses allégations à ce sujet ; qu'en conséquence il y a lieu de considérer que le licenciement de M. X... est sans cause réelle et sérieuse ; Et qu'ayant été recruté en qualité de « Projeteur Charpente », mais ayant accédé grâce à ses compétences personnelles et à son travail, au statut de cadre, au sein du groupe de sociétés de M. Yvon A..., ayant obtenu une orientation de ses activités sur des missions non plus techniques mais commerciales, M. X... a perdu, par l'effet du licenciement prononcé à son égard, non seulement son emploi, mais toute perspective de retrouver un statut équivalent, compte tenu de la particularité de son cursus professionnel personnel dans le groupe d'entreprises Yvon A... ; qu'il sera en conséquence alloué à M. X... une indemnité de 50 000 euros en réparation du préjudice professionnel mais aussi financier que lui cause ce licenciement ;
1°- ALORS QUE l'indemnisation du préjudice professionnel et la perte d'une perspective de retrouver un statut équivalent est comprise dans la réparation du préjudice résultant de la rupture du contrat de travail ; qu'ayant relevé que M. X... avait sollicité le paiement d'une somme de 29 000 euros au titre de son préjudice pour licenciement abusif ainsi que le paiement d'une somme de 21 700 euros au titre d'un préjudice résultant d'un manque à gagner depuis son licenciement, lequel, comme l'avait fait valoir la société Potomitan ne constituait pas un préjudice distinct de celui résultant d'un licenciement abusif, et en accordant cependant au salarié une indemnité de 50 000 euros en réparation du préjudice professionnel mais aussi financier que lui cause ce licenciement, la cour d'appel qui a procédé à une double réparation du même préjudice, a violé l'article 1382 du code civil ;
2°- ALORS de plus qu'en tout état de cause, en allouant à M. X... une somme de 50 000 euros à titre de réparation du préjudice résultant d'un licenciement abusif quand le salarié avait limité sa demande à ce titre à la somme de 29 000 euros, la cour d'appel a statué ultra petita et a violé l'article 4 du code de procédure civile .
Le greffier de chambre