Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 30 septembre 2014, 13-16.297, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 14 février 2013), que Mme X..., épouse Y..., engagée le 11 février 1983 par la société Strand Cosmetics Europe, victime d'un accident du travail le 27 janvier 2009, s'est trouvée en arrêt de travail jusqu'au 8 février 2009 ; qu'elle a repris son activité professionnelle sans avoir été convoquée à une visite de reprise par le médecin du travail ; qu'une convention de rupture du contrat de travail conclue le 7 juillet 2009 a été homologuée par l'inspecteur du travail le 10 août 2009 ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant à la nullité de la rupture conventionnelle de son contrat de travail et au paiement de dommages-intérêts pour licenciement nul, subsidiairement dépourvu de cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, qu'au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie ; qu'il en résulte qu'au cours des périodes de suspension consécutives à un accident du travail ou une maladie professionnelle, l'employeur ne peut faire signer au salarié une rupture d'un commun accord du contrat de travail et qu'une telle résiliation du contrat est frappée de nullité ;qu'en jugeant que l'article L. 1226-9 du code du travail prohibe uniquement la rupture unilatérale du contrat de travail pour dire la rupture conventionnelle exempte de nullité, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-9 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel a retenu à bon droit que, sauf en cas de fraude ou de vice du consentement, non invoqués en l'espèce, une rupture conventionnelle peut être valablement conclue en application de l'article L. 1237-11 du code du travail au cours de la période de suspension consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé et signé par M. Lacabarats, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément à l'article 456 du code de procédure civile, en l'audience publique du trente septembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour Mme Y...

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame Catherine Y... de ses demandes tendant à voir dire nulle la rupture conventionnelle de son contrat de travail et à voir condamner la société STRAND COSMETICS EUROPE au paiement de dommages-intérêts pour licenciement nul ou, subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse.

AUX MOTIFS QUE selon l'article L.1226-9 du Code du travail au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie ; que selon l'article L.1226-13 du même Code la rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance de cette disposition est nulle ; que la rupture conventionnelle du contrat de travail instituée par la loi 2008-596 du 25 juin 2008, qui relève de la volonté des deux parties, n'entre pas dans le champ d'application de ces dispositions ; qu'en effet le législateur n'a pas expressément exclu son application dans le ; cas d'une suspension prévu à l'article L. 1226-9 précité, qui prohibe seulement la rupture unilatérale du contrat par l'employeur ; que selon l'article L. 1237-11 du code du travail l'employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie ; que la rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties. ; qu'elle résulte d'une convention signée par les parties au contrat ; que selon l'article L. 1237-13 alinéa 3 du même code chaque partie bénéficie à compter de la date de la signature de la convention d'un délai de quinze jours calendaires pour exercer son droit de rétractation ; que ce droit s'exerce par écrit ; que l'auteur de la rétractation n'est pas tenu de motiver sa décision ; que la convention est ensuite soumise à l'homologation de l'Inspection du Travail ; que l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail a conçu la rupture conventionnelle du contrat de travail comme un dispositif destiné à minimiser les sources de contentieux ; qu'il s'agissait en effet de sécuriser les conditions dans lesquelles l'employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie en inscrivant ce mode de rupture dans un cadre collectif garantissant la liberté de consentement des parties et l'accès aux indemnités de rupture et aux allocations du régime d'assurance chômage ; qu'aux cours des travaux parlementaires ayant conduit à l'adoption de la loi n°2008-596 du 25 juin 2008, le rapporteur de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale a souligné l'utilité d'options négociées, non prédéterminées, permettant d'échapper à l'alternative entre la démission et le licenciement ; que l'inscription dans la loi de la procédure prévue par l'accord national interprofessionnel, rapide, peu onéreuse et entourée de garanties, devait permettre au plus grand nombre de salariés de recourir à un type d'accord réservé auparavant "à une minorité de cadres supérieurs acceptant de se risquer (avec le soutien d'un conseil juridique) dans des procédures au cas par cas" ; qu'il n'a jamais été question, au cours des débats parlementaires, de subordonner la mise en oeuvre d'une rupture conventionnelle à l'absence de litige antérieur ou concomitant entre les parties, exigence à l'évidence incompatible avec l'objectif que le législateur a assigné à ce mode de rupture ; qu'éviter que les différends nés de la rupture soient portés en justice, cristallisant ainsi les antagonismes, n'est en effet pas la même chose que subordonner la rupture conventionnelle à l'absence de différend entre employeur et salarié ; qu'en insérant les dispositions relatives à la rupture conventionnelle du contrat de travail dans le chapitre VII ("Autres cas de rupture") du titre II ("Rupture du contrat de travail à durée indéterminée") du livre II du code du travail, le législateur a fait de celle-ci un mode autonome de rupture du contrat de travail, distinct de la rupture à l'initiative du salarié et du licenciement, auquel il emprunte seulement la référence faite par l'article L1237-13 au montant de l'indemnité légale de licenciement, qui constitue le minimum de l'indemnité spécifique de rupture ; que le caractère spécifique de celle-ci ressort de ce qu'elle emprunte à l'indemnité de licenciement l'intangibilité de son minimum et à l'indemnité transactionnelle la libre fixation de son montant par les parties au-delà du seuil fixé par le législateur ; qu'ensuite, le juge prud'homal, saisi d'un litige concernant la convention ou son homologation doit seulement vérifier le libre consentement des parties et la régularité de la procédure d'homologation destinée à le garantir ; que Catherine X... épouse Y... n'exerçait pas son droit de rétractation avant le 23 juillet 2009 ; que l'Inspection du Travail homologuait l'a convention de rupture le 10 août 2009 à l'effet du surlendemain ; qu'elle ne constatait aucun vice la rendant irrégulière ; que Catherine X... épouse Y... quittait la S.A. STRAND COSMECTICS EUROPE le 30 septembre 2009, soit un mois et demi plus tard, sans émettre entre-temps ou au moment de son départ la moindre contestation ; qu'elle ne subissait pas de lésion dans ses droits ; qu'elle n'invoque présentement dans ses conclusions ni un vice du consentement ni une irrégularité de la procédure d'homologation ; que la rupture conventionnelle du contrat de travail est ainsi parfaite et exempte de nullité, ce qui rend Catherine X... épouse Y... mal fondée en ses demandes ; que la décision des premiers juges doit être infirmée.

ALORS QU'au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif ; qu'il en résulte qu'au cours des périodes de suspension consécutives à un accident du travail ou une maladie professionnelle, l'employeur ne peut faire signer au salarié une rupture d'un commun accord du contrat de travail et qu'une telle résiliation du contrat est frappée de nullité ; qu'en jugeant que l'article L.1226-9 du Code du travail prohibe uniquement la rupture unilatérale du contrat de travail pour dire la rupture conventionnelle exempte de nullité, la Cour d'appel a violé l'article L.1226-9 du Code du travail.

ECLI:FR:CCASS:2014:SO01668
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