Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 29 septembre 2014, 12-26.932, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de la Réunion, 20 juillet 2012), rendu sur renvoi après cassation (Soc., 7 juillet 2010, n° 08-45.139), que Mme X..., engagée par la société Gem'Port des Mascareignes le 1er avril 2000, a été licenciée le 1er juillet 2005 pour faute grave, après mise à pied conservatoire ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de dire son licenciement pour faute grave justifié et de la débouter de l'ensemble de ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que si l'envoi de la lettre recommandée avec avis de réception n'est qu'un moyen légal de prévenir toute contestation sur la date de notification du licenciement, l'employeur ne peut valablement notifier un licenciement, hors cette forme, que par une lettre remise en main propre contre décharge, seule la signature du salarié pouvant attester qu'il l'a bien reçue ; qu'en affirmant dès lors que, nonobstant l'absence de preuve par la société Gem'Port de l'envoi par lettre recommandée de la lettre du 1er juillet 2005 notifiant son licenciement pour faute grave, Mme X... aurait bel et bien eu connaissance des termes de cette lettre qui lui a été remise le 11 juillet, lorsqu'elle était venue dans l'entreprise récupérer les documents afférents à la rupture, alors que ladite lettre, qui ne comportait que la mention erronée "par voie recommandée + AR", ne précisait pas qu'elle aurait été remise en main propre contre décharge et ne comportait ni une mention manuscrite en ce sens de la salariée ni sa signature, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail ;

2°/ qu'en se fondant, pour conclure que Mme X... aurait bien eu connaissance, malgré l'absence d'envoi en recommandé de ce courrier, de la lettre de la société Gem'Port lui notifiant son licenciement pour faute grave, sur la seule déclaration de la responsable administrative de l'entreprise affirmant qu'elle lui aurait été remise le 11 juillet en main propre, bien qu'elle émane d'une subordonnée de l'employeur et n'avait pas l'objectivité que requiert la loi et ne pouvait être retenue comme établissant, à elle seule, la réalité d'une remise en main propre, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail ;

3°/ qu'en affirmant, pour conclure que nonobstant l'absence d'envoi en recommandé, Mme X... aurait bien eu connaissance de la lettre du 1er juillet 2005 lui notifiant son licenciement pour faute grave, qu'il était évident que si elle n'avait reçu cette lettre, elle ne se serait pas rendue dans les locaux de l'entreprise le 11 juillet pour récupérer les documents afférents à la rupture, quand cette constatation n'était pas de nature à établir, en l'absence de décharge signée par l'intéressée, que le courrier lui aurait bien été remis en main propre à cette occasion, la cour d'appel a statué par des constatations impropres à justifier sa décision et l'a en conséquence privée de base légale au regard de l'article L. 1232-6 du code du travail ;

Mais attendu que la preuve de la notification du licenciement pouvant être apportée par tous moyens, la cour d'appel, qui, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve, a constaté que le témoignage de la responsable administrative de la société établissait que la lettre de licenciement avait été notifiée à la salariée par une remise en main propre et que cette dernière en avait eu connaissance, a légalement justifié sa décision ;

Sur le second moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé et signé par M. Lacabarats, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément à l'article 456 du code de procédure civile, en l'audience publique du vingt-neuf septembre deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement pour faute grave de Madame X... était justifié et de l'avoir déboutée en conséquence de l'ensemble de ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE : « aux termes de l'article L. 1232-6 du Code du travail, lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception, cette lettre comportant l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur et ne pouvant être expédiée moins de deux jours ouvrables après la date prévue de l'entretien préalable au licenciement auquel le salarié a été convoqué ; qu'il est patent que l'envoi de la lettre recommandée avec avis de réception visée par ce texte n'est qu'un moyen légal de prévenir toute contestation sur la date du licenciement et que le seul défaut de preuve de cet envoi ne saurait rendre le licenciement ni irrégulier, ni sans cause réelle et sérieuse ; que ceci posé, en l'espèce, il n'est pas discutable, ni d'ailleurs discutée par elle, que Madame X... a bel et bien été licenciée pour fautes graves, ce qui a justifié sa saisine du conseil des prud'hommes le 6 octobre 2005 ; qu'ensuite d'un entretien préalable ¿ à laquelle elle ne discute pas avoir été régulièrement convoquée ¿ et qui s'est déroulée le 14 juin 2005, les fautes graves justifiant son licenciement ont été explicitées dans une lettre du 1er juillet 2005 lui notifiant son licenciement, lettre qui est produite aux débats par l'employeur et dont il n'est pas allégué que ce soit un faux ; que contrairement à ce qu'elle soutient, Madame X..., qui lors de l'entretien préalable a en partie reconnu les faits qui ont justifié sa mise à pied conservatoire dont elle a pris acte, a bel et bien eu connaissance de cette lettre qui non seulement lui a été adressée par courrier mais qui surtout lui a été remise à nouveau en mains propres lorsqu'elle est venue dans les locaux de son employeur le 11 juillet 2005 récupérer les documents consécutifs à son licenciement ; que cette certitude résulte en effet des circonstances de la cause et des documents produits et notamment - du fait qu'il est évident que, si elle n'avait pas reçu cette lettre du 1er juillet, elle ne serait pas rendu dans les locaux de l'entreprise le 11 juillet récupérer les documents afférents à son licenciement, - que la responsable administratif de l'entreprise atteste, sans que son témoignage puisse et ait été taxé de faux, que Madame X... s'est rendue dans les locaux pour récupérer les documents consécutifs après avoir téléphoné le 6 juillet pour prendre rendez-vous afin de récupérer les documents cités dans sa lettre de licenciement qui l'invitait à le faire, - que cette même responsable atteste, là encore sans que son témoignage puisse et ait été taxé de faux, que lors de la venue de Madame X... dans les locaux de l'entreprise le 11 juillet 2005 et de la remise qui lui a été faite des documents qu'elle ne conteste pas avoir reçus - à savoir son certificat de travail, bulletin de salaire, attestations Assedic, chèque pour solde de tout compte - une copie de cette lettre a été jointe » ;

ALORS 1º) QUE : si l'envoi de la lettre recommandée avec avis de réception n'est qu'un moyen légal de prévenir toute contestation sur la date de notification du licenciement, l'employeur ne peut valablement notifier le licenciement, hors cette forme, que par une lettre remise en main propre contre décharge, seule la signature du salarié pouvant attester de ce qu'il l'a bien reçue ; qu'en affirmant dès lors que, nonobstant l'absence de preuve par la société Gem'Port de l'envoi par lettre recommandée de la lettre du 1er juillet 2005 notifiant son licenciement pour faute grave, Madame X... aurait bel et bien eu connaissance des termes de cette lettre qui lui aurait été remise en mains propres le 11 juillet, lorsqu'elle était venue dans l'entreprise récupérer les documents afférents à la rupture, alors que ladite lettre, qui ne comportait que la mention erronée « par voie recommandée + AR » ne précisait pas qu'elle aurait été remise en main propre contre décharge et ne comportait ni une mention manuscrite en ce sens de la salariée, ni sa signature, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail ;

ALORS 2º) QUE : en se fondant, pour conclure que Madame X... aurait bien eu connaissance, malgré l'absence d'envoi en recommandé de ce courrier, de la lettre de la Société Gem'Port lui notifiant son licenciement pour faute grave, sur la seule déclaration de la responsable administrative de l'entreprise affirmant qu'elle lui aurait été remise le 11 juillet 2005 en main propre, bien qu'elle émane d'une subordonnée de l'employeur et n'avait pas l'objectivité que requiert la loi et ne pouvait, en conséquence, être retenue comme établissant à elle seule la réalité d'une remise en main propre, la cour a encore violé l'article L. 1232-6 du code du travail ;

ALORS 3º) QUE : en affirmant, pour conclure que nonobstant l'absence d'envoi en recommandé, Madame X... aurait bien eu connaissance de la lettre du 1er juillet 2005 lui notifiant son licenciement pour faute grave, qu'il était évident que si elle n'avait pas reçu cette lettre, elle ne se serait pas rendue dans les locaux de l'entreprise le 11 juillet pour y récupérer les documents afférents à la rupture, quand cette constatation n'était pas de nature à établir, en l'absence de décharge signée par l'intéressée, que le courrier lui aurait bien été remis en main propre à cette occasion, la cour d'appel a statué par des constatations impropres à justifier sa décision et l'a privée en conséquence de base légale au regard de l'article L. 1232-6 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement pour faute grave de Madame X... était justifié et de l'avoir déboutée en conséquence de l'ensemble de ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE : « ceci posé, il appartient alors à la cour de vérifier si les griefs figurant dans cette lettre de licenciement justifient le licenciement pour faute grave de Madame X... ; qu'il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la matérialité de ces griefs et du fait qu'ils caractérisent une faute grave, à savoir une faute ayant rendu impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; que la SEM a pour objet l'organisation de manifestations diverses : foires, salons, congrès, concerts et Madame X... exerçait la fonction de médicatrice de manifestations ; que les fautes qui lui sont imputées dans la lettre de licenciement sont : - le vol et la destruction de documents comptables au cours du 1er semestre 2005 révélés à l'employeur début juin 2005, à savoir de factures détaillées des abonnements de tous les portables SFR au nombre de 7 qu'elle a formellement reconnu avoir emportées et n'avoir pas restituées dans un document qu'elle a établi le 6 juin 2005, - l'hébergement pendant trois jours, avant l'organisation d'un salon, dans les bureaux de l'entreprise, d'une société cliente sans l'accord préalable de sa hiérarchie, cette société ayant alors eu accès à sa base de données commerciales et l'ayant utilisée par l'envoi d'un mailing, ce détournement de fichiers ayant causé un préjudice à l'entreprise ; que ces faits sont établis par les documents produits, notamment par le courrier du client en question qui a bénéficié en avril 2005 des fichiers de la société Gem'Port des Mascareignes et ne sont pas sérieusement contestés par Madame X... qui, s'agissant du "vol et de la destruction de documents" a, dans un document daté du 6 juin 2005 écrit qu'elle restituait les factures détaillées SFR de fin mars à fin mai 2005, mais que celles de janvier, février et mars avaient été détruites parce que son mari en avait obtenu le détail par une autre voie ; qu'au regard de leur importance et de leur conséquence quant à la perte de confiance de son employeur à l'égard de Madame X... qui occupait un poste lui laissant une certaine autonomie, il y a lieu de considérer que ces fautes rendaient impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; que le jugement entrepris qui a débouté Madame X... de toutes ses demandes doit donc être confirmé » ;

ALORS 1º) QUE : en retenant, pour conclure au bien fondé de son licenciement pour faute grave, que les faits de vol et de destruction de documents étaient avérés puisque la salariée reconnaissait dans le document du 6 juin 2005 que son employeur lui avait fait signer, qu'elle ne pouvait restituer qu'une partie des factures détaillées, les autres factures ayant été détruites, sans s'expliquer sur le moyen des écritures de Madame X... reprises à la barre (conclusions p. 11 et suivantes) tiré de ce que, informée de la diffusion à l'extérieur de l'entreprise et notamment à son époux avec qui elle était en instance de divorce, de la liste des appels passés depuis le téléphone portable mis à sa disposition, elle n'avait pas emporté de factures, pièces comptables appartenant à l'entreprise, mais uniquement le détail des appels téléphoniques annexés à ces pièces, afin d'éviter leur diffusion à des personnes extérieures et ce, après en avoir informé le directeur, Monsieur Y... et avec l'accord de celui-ci, de sorte qu'aucun manquement grave à ses obligations ne pouvait lui être reproché, la cour a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS 2º) QUE : en se fondant exclusivement, pour affirmer que Madame X... ne contestait pas les faits de vol de documents qui lui étaient reprochés et conclure au bien fondé de son licenciement pour faute grave, sur le document du 6 juin 2005 rédigé par la salariée et produit par son employeur, sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée (conclusions p. 12), si ledit document, rédigé sur papier à en-tête de l'entreprise, ne l'avait pas été à la demande de l'employeur et sous sa dictée, de sorte que les déclarations que l'intéressée n'ont aucune valeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1234-5 du code du travail ;

ALORS 3º) QUE le juge ne peut fonder sa décision sur une pièce qui n'a pas été régulièrement versée aux débats ; qu'en se fondant, pour conclure à la réalité du second grief invoqué à l'encontre de Madame X..., sur une lettre d'un client de la société Gem'Port, qui ne figurait pas dans la liste des pièces communiquées par l'employeur et dont que ce dernier ne faisait pas état dans ses écritures, la cour d'appel a méconnu les articles 7 et 16 du code de procédure civile ;

ALORS 4º) QUE : en concluant que le licenciement pour faute grave de Madame X... était justifié par l'hébergement pendant trois jours en avril 2005 dans les locaux de l'entreprise d'une société cliente sans l'accord préalable de sa hiérarchie et par le fait que cette société aurait ainsi pu détourner les fichiers de la société Gem'Port, sans s'expliquer ni sur le point de savoir comment ces faits avaient réellement pu avoir lieu à l'insu de l'employeur, dans ses propres locaux, ni sur leur imputabilité, à Madame X..., ni sur le préjudice qu'ils auraient entraîné pour l'employeur, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1234-5 du code du travail.

ECLI:FR:CCASS:2014:SO01609
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