Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 4 septembre 2014, 13-19.048, Inédit
Cour de cassation - Chambre civile 2
- N° de pourvoi : 13-19.048
- ECLI:FR:CCASS:2014:C201338
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation
- Président
- Mme Flise (président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 31 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mmes Michèle, Catherine et Véronique X... et M. Florent X... (les consorts X...), agissant tant en leur nom propre qu'en qualité d'héritiers d'Yvette Y..., ont assigné la société de droit luxembourgeois Luxlife en réparation du préjudice qu'ils estimaient avoir subi du fait d'un défaut de vigilance qu'ils reprochaient à cette société dans l'exécution du contrat d'assurance vie conclu par Yvette Y... ; qu'ils ont relevé appel du jugement qui a déclaré leur action irrecevable comme prescrite par application de l'article L. 114-1 du code des assurances ;
Attendu que pour déclarer irrecevable, faute d'intérêt, l'action des consorts X..., fondée en cause d'appel sur la responsabilité délictuelle de la société Luxlife, l'arrêt énonce qu'ils n'ont subi aucun dommage personnel du fait des rachats frauduleux opérés sur le contrat, qui ont réduit le montant du capital versé, ni du fait de la modification de la clause bénéficiaire dont ils n'ont pas cru devoir poursuivre la nullité ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien fondé de l'action, et que l'existence du préjudice invoqué n'est pas une condition de recevabilité de l'action, mais de son succès, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 mars 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Luxlife aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre septembre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour les consorts X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré les consorts X... irrecevables à agir à l'encontre de la société Luxlife sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil ;
Aux motifs que « le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel, dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ; mais qu'aux termes de l'article L.132-12 du code des assurances, le capital payable lors du décès de l'assuré à un bénéficiaire déterminé ou à ses héritiers ne fait pas partie de la succession et que les consorts X... ne sont pas bénéficiaires du capital du contrat d'assurance vie souscrit par Yvette Y..., la dernière modification du 27 juillet 2000 désignant Mme Z..., laquelle a accepté sa désignation ; que les consorts X... n'ont donc subi aucun dommage personnel du fait des rachats frauduleux opérés sur ce contrat, qui ont réduit le montant du capital versé à Mme Z..., ni du fait de la modification de la clause bénéficiaire en faveur de cette dernière, dont ils n'ont pas cru devoir poursuivre la nullité, étant observé que ni Mme A..., ni Mme Z..., n'ont été poursuivies pénalement du chef de cette modification ; qu'il s'ensuit que les consorts X... n'ont aucun intérêt à agir en leur nom propre à l'encontre de la société Luxlife, indépendamment de leur qualité d'héritiers d'Yvette Y..., dans la succession de laquelle ils ont recueilli l'action en responsabilité contractuelle que celle-ci aurait pu exercer contre son assureur ; que leur action en responsabilité délictuelle contre la société Luxlife est par conséquent irrecevable » ;
Alors, d'une part, que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action et l'existence du préjudice invoqué par le demandeur n'est pas une condition de recevabilité de son action mais de son succès ; qu'en jugeant irrecevable l'action des consorts X... en responsabilité civile délictuelle à l'encontre de la société Luxlife, au motif que ces derniers ne pouvaient avoir subi aucun préjudice personnel du fait des rachats frauduleux opérés sur le contrat d'assurance-vie souscrit par Mme Y... auprès de la société Luxlife, dès lors qu'ils n'en étaient pas bénéficiaires du fait de la modification de la clause de désignation dont ils n'avaient pas poursuivi la nullité, la cour d'appel, qui a subordonné la recevabilité de l'action des consorts X... à l'existence du préjudice qu'ils invoquaient, a violé l'article 31 du code de procédure civile ;
Alors, d'autre part, en tout état de cause, que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ; qu'en rappelant ce principe et en jugeant néanmoins que les consorts X... n'avaient pas intérêt à agir en responsabilité délictuelle à l'encontre de la société Luxlife pour manquement à son obligation de vigilance, cette société ayant donné effet à des rachats partiels et à une modification de la clause bénéficiaire du contrat d'assurance-vie de Mme Y... obtenus par imitations de signature, aux motifs inopérants qu'aucune action en nullité de la modification de cette clause ni aucune action pénale contre l'auteur et la bénéficiaire de cette modification n'avait été exercée, tandis qu'en tant que tiers au contrat d'assurancevie, les consorts X... pouvaient invoquer, à l'occasion d'une action en responsabilité civile délictuelle, indépendamment de toute autre action, les manquements contractuels commis par la société Luxlife qui leur avaient causé un dommage, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi l'article du code de procédure civile, ensemble l'article 1382 du code civil.