Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 9 juillet 2014, 13-15.709, Inédit
Cour de cassation - Chambre civile 1
- N° de pourvoi : 13-15.709
- ECLI:FR:CCASS:2014:C100866
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation
- Président
- Mme Bignon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a assigné son épouse, Mme Y..., en divorce ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 562 du code de procédure civile ;
Attendu que le fait, pour une partie, de s'en rapporter à justice sur le mérite d'une demande n'implique pas de sa part un acquiescement à cette demande, mais la contestation de celle-ci ;
Attendu que, pour confirmer en toutes ses dispositions le jugement ayant accueilli la demande en divorce du mari, l'arrêt énonce que les dispositions du jugement déféré autres que celles sur la prestation compensatoire, qui ne sont pas critiquées, seront confirmées ;
Qu'en statuant ainsi alors que dans le dispositif de ses écritures d'appel Mme Y... avait demandé qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle s'en rapportait à justice sur la demande en divorce formée par M. X..., ce qui impliquait qu'elle contestait celle-ci, la cour d'appel a méconnu l'étendue de sa saisine en méconnaissant le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 janvier 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... et le condamne à payer à Mme Y... une somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour Mme Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement du 13 février 2012 en ce qu'il a prononcé le divorce de Madame Danielle Y... et de Monsieur Frédéric X... pour altération définitive du lien conjugal, et en ce qu'il a alloué une prestation compensatoire en capital d'un montant limité à 48 000 ¿ ;
AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE : « il résulte des dispositions des articles 237 et 238 du code civil que le divorce peut être demandé lorsque le lien conjugal est définitivement altéré par la cessation de la communauté de vie entre les époux qui vivent séparés depuis deux ans lors de l'assignation en divorce ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces produites par Frédéric X... que les époux ont cessé de cohabiter et de collaborer le 21 avril 2008, soit depuis plus de 2 ans à la date de l'assignation ; qu'il y a lieu dans ces conditions de prononcer le divorce des époux en application de l'article 237 du code civil » ;
ALORS QUE : l'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit ; que le rapport à justice est une contestation de la demande dont il appartient aux juges du fond d'apprécier le bien ou le mal-fondé ; que l'arrêt attaqué a constaté que Madame Y... s'en rapportait à justice sur la demande de divorce de Monsieur X... ; qu'en confirmant le chef du jugement entrepris ayant prononcé le divorce des époux Y...-X...pour altération définitive du lien conjugal sans se prononcer sur le bien ou mal-fondé de cette demande, la cour d'appel, qui a méconnu son office et l'effet dévolutif de l'appel, a violé l'article 462 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement du 13 février 2012 en ce qu'il a alloué à Madame Danielle Y... une prestation compensatoire en capital d'un montant limité à 48 000 ¿ ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE : « pour estimer que la rupture du mariage crée une disparité dans les conditions de vie respectives des époux et qu'une prestation compensatoire sous forme d'un capital de 48 000 euros doit être allouée à Mme Y..., le premier juge a justement rappelé les dispositions des articles 270 et 271 applicables à l'espèce, et retenu les éléments essentiels suivants :- le mariage a duré 24 années,- les époux sont mariés sous le régime de la séparation de biens,- les trois enfants du couple sont majeurs mais deux d'entre eux sont encore à charge financièrement,- selon le projet d'acte liquidatif établi par Maître A...le 19 novembre 2010, chacun des époux se verra attribuer l'équivalent de 373 236 euros, l'ancien domicile conjugal (situé à Mont Saint Adrien) d'une valeur estimée de 600 000 euros demeurant en indivision,- Mme Y..., retraitée, perçoit en moyenne 1 730 euros par mois ; elle bénéficie de la jouissance gratuite de l'ancien domicile conjugal ; en 2008 elle disposait d'une somme totale de 14. 502 euros sur des comptes d'épargne personnels,- M. X..., architecte, a perçu en 2009 un bénéfice non commercial de 2. 504 euros par mois ; il ne justifie pas de ses revenus en 2010 et 2011 ; selon sa déclaration sur l'honneur, il vit en concubinage, rembourse des mensualités de de euros pour son logement et détient 15, 300 miros sur un livret A et 58, 000 miros sur un compte de dépôt à terme ; que M. X... ayant interjeté un appel général du jugement du 13 février 2012, il convient, pour déterminer le montant de la prestation destinée à compenser la disparité que la rupture du mariage va créer dans les conditions de vie respectives des époux, dont le principe n'est pas contesté, do se placer à la date du présent arrêt, s'agissant de la situation au moment du divorce que le juge doit, notamment, prendre en considération aux termes de l'article 271 du code civil ; qu'à la date de l'arrêt :- le mariage a duré vingt-quatre années, dont vingt années de vie commune,- les époux sont respectivement âgés de 56 ans pour 16 mari et de 61 ans pour l'épouse,- les trois enfants sont majeurs, et seule Adélaïde, née le 24 septembre 1989 > est encore à la charge financière de ses parents,- Mme Y... n'a pas actualisé le montant do ses pensions de retraite, d'un montant total arrondi de 1. 700 euros (net) en 2011 ; en l'état, elle occupe toujours l'immeuble indivis situé au Mont Saint Adrien,- M. X... a perçu des bénéfices non commerciaux de 2 504 euros par mois en 2009 (avis d'imposition, pièce 53), de 4 711 euros en 2010 (avis d'imposition, pièce 81) et de 5 euros en 2011 (déclaration de revenus, pièce 80, ce montant étant celui des revenus non commerciaux, avant toute imputation, notamment de déficits fonciers) ; il partage ses charges avec sa compagne, Mme Z...; suivant acte notarié du 12 novembre 2009, il a acquis, en présence de celle-ci en sa qualité de co-indivisaire, la moitié en pleine propriété d'une maison à usage d'habitation située à Marseille, ..., pour un prix de 195. 000 euros ; le couple a emprunté la somme de 229 700 euros pour " le financement d'une soulte et de travaux " à réaliser sur cet immeuble, remboursable par échéances mensuelles de 1 558 euros ; qu'il n'est pas démontré que ce bien, où résident M. X... et Mme Z..., soit pour partie donné à bail ; M. X... paie à titre de contribution aux frais d'entretien et d'éducation d'Adélaïde, âgée de 23 ans, une pension alimentaire de 440 euros par mois ; an titre de l'impôt sur le revenu il a payé en 2011 la somme de 1 191 euros (pour les revenus perçus en 2010),- aux termes de l'acte de partage partiel d'indivision conventionnelle signé par les époux le 17 février 2011, ont été attribués : * à Mme Y..., des biens et droits immobiliers dépendant de quatre ensembles immobiliers situés à Courbevoie et Beauvais, à charge pour elle de rembourser deux prêts consentis par le Crédit Agricole, de rembourser la moitié d'un arriéré de charges, de verser la moitié de la provision pour travaux dans l'immeuble situé à Courbevoie, et de donner M. X... les 19 parts sociales (22 à 40) détenues par elle dans la " SCI du Musée " (ses locaux professionnels) en paiement de la soulte due à celui-ci, * à M. X..., des biens et droits dépendant de trois ensembles immobiliers situés à Beauvais, une soulte due par Mme Y..., à charge pour lui de rembourser deux prêts consentis par le Crédit Agricole, de rembourser la moitié d'un arriéré de charges, de verser la moitié de la provision pour travaux dans l'immeuble situé à Courbevoie, étant précisé que les droits de chacun des époux s'élèvent à la somme de 371 236 euros, que M. X... a vendu concomitamment au partage ses droits dans l'immeuble situé à Beauvais, ...(lots 5, 9 et 36) et qu'il a supporté seul les frais de partage,- l'immeuble situé au Mont Saint Adrien, où était installé le domicile conjugal, d'une valeur estimée le 5 janvier 2011 à 4501 460. 000 euros par le cabinet Foncia (pièce 77 de Mme Y...)- valeur estimée, sans pièce, à 600 000 euros par M. X...-, acquis à concurrence dc la moitié par chacun des époux, demeure en indivision entre eux,- aucune indication n'est donnée sur le sort de la procédure engagée par Mme Y... devant la juridiction prud'homale suite à son licenciement par M. X..., étant précisé que sa demande initiale était une demande en paiement de 140 000 euros,- l'issue de 1a procédure engagée par Mme Y... devant le tribunal de grande instance du Beauvais aux fins notamment de voir déclarer M. X... débiteur à son égard d'une somme 242. 151 euros correspondant selon elle à la part lui revenant dans les bénéfices générés par l'activité des sociétés civiles immobilières constituées entre les époux et à des frais de gestion correspondant à son seul travail, n'est pas davantage connue ; que Mme Y... établit qu'elle a travaillé de novembre 1971 à janvier 19g8- étant rappelé qu'elle s'est mariée le 23 avril 198- au sein de la société ESSO où elle a successivement occupé des fonctions de mécanographe, employée de service administratif, agent administratif, agent technique et, les trois dernières années, inspecteur commercial, et qu'elle a progressé on conséquence sur le plan. de la rémunération ; que son relevé de carrière (Sécurité Sociale, Assurance Retraite) en date du 9 février 2011 met en évidence, étant observé qu'en 1990 est né le troisième enfant commun, que durant la vie commune des époux elle a travaillé de façon quasi ininterrompue et qu'elle avait en 2008 retrouvé après une progression régulière, surtout depuis 1996, dans son emploi de secrétaire au sein du cabinet d'architecte de son mari, un niveau de rémunération très proche de celui de l'année 1986 (année de pleine activité comme inspecteur commercial de la société ESSO) ; que les revenus provenant de l'activité d'architecte de M. X... sont comparables depuis 2010 à ceux qu'il percevait avant la séparation conjugale et son installation à Marseille ; que selon une " estimation indicative globale " établie le 8 novembre 2011 par GIP Info retraite, ses pensions de retraite (base et complémentaire CIPAV) s'élèveront à la somme mensuelle de 1 674 euros (brut) au 1er juillet 2023, lorsqu'il aura atteint l'âge de 67 ans, et celle de 1 180 euros au 1er juillet 2018, soit à l'âge de 62 ans-avant lequel il n'est pas admis à faire valoir ses droits à la retraite ; que les époux ont partagé par moitié le patrimoine immobilier ¿ sus exposé ¿ qu'ils ont constitué ensemble, et sont propriétaires indivis à hauteur de la moitié chacun de l'ancien domicile conjugal, de sorte que, nonobstant le régime de séparation de biens auquel ils avaient choisi de se soumettre et la différence de revenus existant actuellement en faveur du mari, au demeurant liée pour partie à des choix de formation et de carrière bien antérieurs au mariage, ils disposent, après liquidation du régime matrimonial, de patrimoines équivalents ; que compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la disparité créée dans les situations respectives des époux par la rupture du mariage sera justement compensée pari'allocation à Mme Y... d'une prestation sous forme d'un capital de 48. 000 cairns, de sorte que le jugement sera confirmé de ce chef » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE : « Danielle Y... sollicite une prestation compensatoire de 250 000 euros, ramenée le cas échéant à 150 000 euros ; qu'elle offre de compenser cette somme avec certains éléments immobiliers du patrimoine indivis des époux ; que son époux s'y oppose et se propose de lui verser une prestation compensatoire d'un montant de 40 000 euros. II s'oppose à toute compensation de cette somme avec le patrimoine immobilier et sollicite de pouvoir s'en acquitter sous forme de mensualités sur 8 ans ; qu'il résulte des dispositions des articles 270 et suivants du code civil que la prestation compensatoire a pour but de compenser autant que possible la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux ; qu'elle est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ; que le juge prend en considération le patrimoine des époux tant en capital qu'en revenu ; que selon l'article 275 du même code, lorsque le débiteur n'est pas en mesure de verser le capital (soit sous forme d'une somme d'argent soit sous forme d'attribution de biens en propriété...), le juge fixe les modalités de paiement de ce capital dans la limite de 8 années ; qu'en l'espèce, le mariage a duré 20 ans ; que Frédéric X... est âgé de 55 ans ; qu'il est architecte et a perçu, en 2009, un bénéfice non commercial de 2 504, 75 euros ; qu'il ne produit aucun justificatif de ses revenus 2010 et 2011 ; que sur sa déclaration sur l'honneur, il indique vivre en concubinage et rembourser des mensualités de 1566 euros pour son logement ; qu'il précise encore détenir 15 300 euros sur un livret A et 58 000 euros sur un compte de dépôt à terme ; que Danielle Y... est âgée de 60 ans ; qu'elle est aujourd'hui retraitée et perçoit en moyenne 1 730 euros par mois ; qu'elle dispose de la jouissance gratuite de l'ancien domicile conjugal. En 2008, elle disposait de la somme totale de 14 502 euros sur des comptes épargnes personnels ; que les époux sont mariés sous le régime de la séparation de biens, Les trois enfants du couple sont aujourd'hui majeurs mais deux sont encore à charge financièrement ; que selon le projet d'acte liquidatif établi par Maître A...le 19 novembre 2010, chaque époux se verra attribuer l'équivalent de 373 236 euros ; que l'ancien domicile conjugal sis au-MONT-SAINT ADRIEN a été-estimé à 600 000 euros et resterait en indivision ; que compte tenu de ce qui précède, il apparaît que la rupture du mariage crée une disparité dans les conditions de vie respectives des époux au vu de leurs revenus respectifs ; qu'ainsi, au regard de l'âge des époux, de leur situation actuelle, de son évolution dans un avenir prévisible, de la durée du mariage, de l'estimation de la valeur de la part du patrimoine, constitué pendant la vie commune, qui reviendra à chacun à l'issue des opérations de liquidation du régime matrimonial à intervenir, du temps consacré par la mère à l'éducation des 3 enfants du couple au détriment de l'évolution de sa propre carrière professionnelle même s'il est établi qu'elle a toujours exercé une activité professionnelle, il apparaît convenir d'accorder à Danielle Y... une prestation compensatoire de 48 000 euros ; que compte tenu du patrimoine dont dispose les époux, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 275 du code civil s'agissant des modalités de paiement de cette prestation » ;
ALORS 1°) QUE : lorsque la liquidation du régime matrimonial est égalitaire, il n'y a pas lieu de tenir compte de la part devant revenir à chaque époux pour apprécier la disparité créée par la rupture du lien conjugal dans leurs situations respectives ; que l'arrêt attaqué a relevé que les époux Y...-X...étaient mariés sous le régime de la séparation de biens, que le partage partiel de leur indivision conventionnelle leur donnait des droits égaux de 373 236 ¿ et qu'ils avaient acquis en indivision à concurrence de la moitié pour chacun l'immeuble du Mont Saint Adrien, qui restait à partager ; qu'en appréciant la disparité et en fixant le montant de la prestation destinée à la compenser compte tenu de ce qu'après liquidation de leur régime matrimonial Madame Y... et Monsieur X..., dont les revenus étaient déséquilibrés en faveur de ce dernier, disposaient de patrimoines équivalents, la cour d'appel a violé les articles 270 et 271 du code civil ;
ALORS 2°) QUE : qu'en appréciant la disparité et en fixant le montant de la prestation destinée à la compenser compte tenu de l'impôt sur le revenu payé par Monsieur X..., sans se prononcer sur cette même charge au jour du divorce et dans un avenir prévisible à l'égard de Madame Y..., la cour d'appel a violé les articles 270 et 271 du code civil ;
ALORS 3°) QUE : en ne se prononçant pas sur les revenus de Madame Z..., après avoir relevé qu'elle était la concubine de Monsieur X..., qu'elle contribuait à ses charges, qu'ensemble ils avaient été en mesure d'acquérir en indivision chacun pour moitié un immeuble au prix de 195 000 ¿ et d'emprunter pas moins de 229 700 ¿ pour le financement d'une soulte et des travaux sur ledit immeuble, cependant que les revenus mensuels de Monsieur X... étaient passés du simple à plus du double de 2009 à 2011 (de 2 504 ¿ à 5 534 ¿), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 270 et 271 du code civil.