Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 10 juillet 2014, 13-15.511, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre civile 1
- N° de pourvoi : 13-15.511
- ECLI:FR:CCASS:2014:C100905
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
- Président
- M. Gridel (conseiller doyen faisant fonction de président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 137-2 du code de la consommation, ensemble l'article 2224 du code civil ;
Attendu que le point de départ du délai de prescription biennale prévu par le premier de ces textes se situe au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer l'action concernée, soit, dans le cas d'une action en paiement au titre d'un crédit immobilier consenti par un professionnel à un consommateur, à la date du premier incident de paiement non régularisé ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que s'étant montré défaillant dans le remboursement d'un prêt immobilier souscrit auprès de la société Crédit immobilier de France Centre Est (la banque), M. X... a été vainement mis en demeure par celle-ci, par lettre du 22 juin 2009, de régulariser sa situation sous huit jours sous peine de déchéance du terme ; que, les 26 mai 2010 et 23 mai 2011, la banque a délivré à M. X... deux commandements de payer valant saisie immobilière ; que, le 28 février 2011, M. X... a saisi le juge de l'exécution afin d'obtenir la mainlevée de l'hypothèque inscrite par la banque sur l'un de ses immeubles ; que, le 6 septembre 2011, la banque a assigné M. X... devant le même juge aux fins d'obtenir la vente judiciaire des biens saisis en vertu des commandements précités ;
Attendu que pour déclarer recevable l'action de la banque malgré l'annulation des commandements de payer ayant privé ceux-ci de tout effet interruptif de prescription, l'arrêt retient que le point de départ du délai de prescription biennale de l'article L. 137-2 du code de la consommation doit être fixé à la date de déchéance du terme du prêt immobilier, soit au 30 juin 2009, et que M. X... a ensuite reconnu sa dette dans l'assignation délivrée le 28 février 2011, en sorte qu'un délai inférieur à deux années s'est écoulé entre cette reconnaissance valant interruption de la prescription et la saisine de la banque tendant à la vente judiciaire des biens du débiteur ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé, par fausse application, les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de M. X... tendant à faire déclarer prescrite l'action de la société Crédit immobilier de France Centre Est résultant du prêt notarié du 6 octobre 2006, l'arrêt rendu le 4 février 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne la société Crédit immobilier de France Centre Est aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Crédit immobilier de France Centre Est, condamne celle-ci à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils, pour M. X....
M. X... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté sa demande tendant à faire déclarer prescrite l'action de la société Crédit Immobilier de France Centre Est résultant du prêt notarié du 6 octobre 2006 ;
AUX MOTIFS QUE selon l'article L. 137-2 du code de la consommation, l'action des professionnels pour les biens et services qu'ils fournissent aux consommateurs se prescrit par deux ans ; qu'en l'espèce, le point de départ de ce délai de prescription doit être fixé au 30 juin 2009 dès lors que, par une mise en demeure du 22 juin 2009, restée infructueuse, la banque a manifesté son intention de prononcer la déchéance du terme du prêt consenti à M. X... et qu'à compter de cette mise en demeure le débiteur disposait d'un délai de 8 jours pour s'acquitter de ses obligations, ce qu'il a omis de faire ; que le délai de prescription ne saurait, par contre, pas courir à compter du 7 avril 2009, date à laquelle la banque a seulement constaté la défaillance de M. X... et invité celui-ci à se mettre en rapport avec elle afin de convenir de la poursuite éventuelle des relations contractuelles ; qu'en raison de leur annulation, les commandements de payer des 26 mai 2010 et 23 mai 2011 se trouvent privés de tout effet interruptif de prescription ; que dans l'assignation du 28 février 2011, délivrée au Crédit Immobilier de France Centre Est, M. X... a reconnu qu'au titre du prêt immobilier du 4 octobre 2006 d'un montant initial de 278 418 € que la banque lui a consenti, le montant principal dû s'élevait à 266 117 € ; que cette reconnaissance de dette a eu pour effet, par application de l'article 2240 du code civil, d'interrompre le délai de prescription ; qu'elle a également fait courir un nouveau délai biennal ; dès lors, qu'un délai inférieur à deux années s'est écoulé entre le 28 février 2011 et le 6 septembre 2011, date à laquelle le Crédit Immobilier de France est a saisi le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Briey d'une action tendant à la vente judiciaire des biens de son débiteur, l'action de la banque ne se trouve pas prescrite ;
ALORS QUE le point de départ du délai de prescription biennale prévu par l'article L. 137-2 du code de la consommation se situe au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, c'est-à-dire, dans le cas d'un crédit immobilier, à la date du premier incident de paiement non régularisé ; que dès lors, en retenant, pour considérer que le délai de prescription de l'action du Crédit Immobilier de France Centre Est tendant à la vente judiciaire des biens de M. X... courait encore au jour de l'assignation du 28 février 2011, que ce délai avait eu pour point de départ le 22 juin 2009, date à laquelle la banque avait, par une mise en demeure restée infructueuse, manifesté son intention de prononcer la déchéance du prêt, et non, ainsi que le soutenait M. X..., le premier incident de paiement non régularisé soit, au plus tard, le 5 février 2009, la cour d'appel a violé, ensemble, les articles 2224 du code civil et L. 137-2 du code de la consommation.