Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 2 juillet 2014, 13-13.757, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 13-13.757
- ECLI:FR:CCASS:2014:SO01314
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- M. Chollet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 8 janvier 2013), que M. X..., engagé le 1er février 1999 en qualité de conditionneur par la société Stockalliance, aux droits de laquelle est venue la société ND Norbert Dentressangle Logistics, a été licencié pour faute grave le 23 décembre 2008 à la suite d'un contrôle d'alcoolémie qui s'est révélé positif ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié diverses sommes relatives à la rupture du contrat de travail, alors, selon le moyen :
1°/ que le contrôle du taux d'alcool d'un salarié sur son lieu de travail n'est licite qu'à la double condition que les modalités de ce contrôle en permettent la contestation et qu'eu égard à la nature du travail confié à ce salarié un tel état d'ébriété soit de nature à exposer les personnes ou les biens à un danger, de sorte qu'il peut constituer une faute grave ; qu'en décidant que le contrôle d'alcoolémie opéré n'était pas conforme au règlement intérieur aux motifs que l'alcootest ne pouvait être pratiqué que si le salarié présentait un état d'ébriété apparent, dans le but de faire cesser immédiatement cette situation dangereuse, cependant que le règlement intérieur prévoyait que l'alcootest pouvait être imposé aux salariés occupés à l'exécution de certains travaux dangereux, notamment la conduite de véhicule et chariot motorisé et dont l'état d'imprégnation alcoolique constituerait une menace pour eux-mêmes ou leur entourage et que les modalités de ce contrôle en permettaient la contestation, la cour d'appel a violé les articles violé les articles L. 1331-1, L. 1232-1 et L. 4122-1 du code du travail ;
2°/ que le juge ne peut dénaturer les documents qui lui sont soumis ; que l'article 1er chapitre IV du règlement intérieur litigieux rappelle que « le cas échéant, il pourra être demandé au salarié occupé à l'exécution de certains travaux dangereux, notamment la conduite de véhicule et chariot motorisé, de se soumettre à un alcootest si son état présente un danger pour sa propre sécurité et celle de ses collègues, afin de faire cesser immédiatement cette situation. Le salarié pourra demander à être assisté d'un tiers et à bénéficier d'une contre-expertise » ; qu'en déduisant de cette clause que l'alcootest ne pouvait être pratiqué que si le salarié présentait un état d'ébriété apparent, dans le but de faire cesser immédiatement cette situation dangereuse, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'article 1er du chapitre IV du règlement intérieur de la société ND Logistics et méconnu le principe selon lequel il est interdit au juge de dénaturer les documents qui lui sont soumis ;
Mais attendu qu'ayant, sans dénaturation, retenu que l'employeur ne pouvait, selon le règlement intérieur, soumettre le salarié à un contrôle d'alcoolémie, dans le but de faire cesser immédiatement la situation, que si le salarié présentait un état d'ébriété apparent, ce qui n'était pas le cas, la cour d'appel, qui a justement dénié toute portée au dépistage effectué en violation de ce règlement, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société ND Norbert Dentressangle Logistics aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de cette société ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux juillet deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour la société ND Norbert Dentressangle logistics
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Norbert Dentressangle Logistics à payer à Monsieur Messaoud X... les sommes de 3 024 ¿ à titre d'indemnité de licenciement, 3 070 ¿ à titre d'indemnité de préavis et les congés payés y afférents, 9 072 ¿ à titre de dommages et intérêts pour licenciement infondé, et d'avoir ordonné, en conséquence, le remboursement par la société Norbert Dentressangle Logistics aux organismes concernés les indemnités de chômage payées à Monsieur X... du jour de la rupture, dans la limite de 6 mois d'indemnités ;
AUX MOTIFS QUE la société Stockalliance est une entreprise de logistique qui, le premier février 1999, a engagé Monsieur X... comme conditionneur, d'abord à durée déterminée, puis à durée indéterminée ; qu'elle est reprise par la société Norbert Dentressangle Logistics ; que Monsieur X... est licencié pour faute grave le 23 décembre 2008 ; que la longueur de la lettre de rupture ne permet pas de la reprendre intégralement ; qu'en résumé : le 3 décembre 2008 à 9 heures 45, il se soumet à un alcootest, l'appareil mentionne 2 fois un résultat positif ( hot , soit plus de 0,50 gramme d'alcool par litre de sang), il a reconnu avoir bu la veille au soir et n'a pas contesté le résultat, mais a dit qu'il était tout à fait apte à travailler, ce contrôle est conforme à l'article 1er du règlement intérieur et, selon l'article 10, l'état d'ébriété est une infraction à ce règlement, compte tenu des risques pour la sécurité du fait qu'il est amené à conduire un engin de manutention, c'est une faute grave ; qu'il résulte du rapport écrit que le 3 décembre l'ensemble du service CAF (18 salariés) a été soumis à un alcootest et que le résultat a été « hot » (positif) pour Monsieur X... ; que pour être régulier, ce contrôle devait être conforme au règlement intérieur ; qu'il prévoit que : « Le cas échéant, il pourra être demandé au salarié occupé à l'exécution de certains travaux dangereux, notamment la conduite de véhicule et chariot motorisé, de se soumettre à un alcootest si son état présente un danger pour sa propre sécurité et celle de ses collègues, afin de faire cesser immédiatement cette situation ; le salarié pourra demander à être assisté d'un tiers et à bénéficier d'une contre-expertise » ; qu'il en résulte que l'alcootest ne peut être pratiqué que si le salarié présente un état d'ébriété apparent, dans le but de faire cesser immédiatement cette situation dangereuse ; qu'ici, rien ne permet de dire que Monsieur X... ait présenté un état d'ébriété apparent ; que le fait que le contrôle ait été pratiqué sur les 18 personnes d'un service démontre même le contraire ; que ce dépistage n'étant pas conforme au règlement, son résultat ne constitue pas une faute ; que le licenciement est infondé ; que le montant des indemnités de rupture est justifié et non contesté ; que Monsieur X... ayant plus de 2 ans d'ancienneté dans une entreprise d'au moins 11 salariés, les dommages intérêts ne peuvent être inférieurs au salaire des 6 derniers mois ; que le préavis l'indemnise jusqu'au 23 février 2009 ; qu'il ne produit aucun élément, comme par exemple des relevés d'indemnités Pôle Emploi, permettant de connaître sa situation professionnelle ultérieure ; que son préjudice matériel et moral n'a pas excédé le minimum et sera fixé à 9 072 ¿ ; que le remboursement des indemnités de chômage sera ordonné, dans la limite de 6 mois ; que la société devra remettre les documents induits sous une astreinte telle qu'indiquée au dispositif ; que les demandes reconventionnelles ne peuvent qu'être rejetées ;
ALORS QUE, d'une part, le contrôle du taux d'alcool d'un salarié sur son lieu de travail n'est licite qu'à la double condition que les modalités de ce contrôle en permettent la contestation et qu'eu égard à la nature du travail confié à ce salarié un tel état d'ébriété soit de nature à exposer les personnes ou les biens à un danger, de sorte qu'il peut constituer une faute grave ; qu'en décidant que le contrôle d'alcoolémie opéré n'était pas conforme au règlement intérieur aux motifs que l'alcootest ne pouvait être pratiqué que si le salarié présentait un état d'ébriété apparent, dans le but de faire cesser immédiatement cette situation dangereuse, cependant que le règlement intérieur prévoyait que l'alcootest pouvait être imposé aux salariés occupés à l'exécution de certains travaux dangereux, notamment la conduite de véhicule et chariot motorisé et dont l'état d'imprégnation alcoolique constituerait une menace pour eux-mêmes ou leur entourage et que les modalités de ce contrôle en permettaient la contestation, la Cour d'appel a violé les articles violé les articles L. 1331-1, L. 1232-1 et L. 4122-1 du Code du travail ;
ALORS QUE, d'autre part, le juge ne peut dénaturer les documents qui lui sont soumis ; que l'article 1er chapitre IV du règlement intérieur litigieux rappelle que « le cas échéant, il pourra être demandé au salarié occupé à l'exécution de certains travaux dangereux, notamment la conduite de véhicule et chariot motorisé, de se soumettre à un alcootest si son état présente un danger pour sa propre sécurité et celle de ses collègues, afin de faire cesser immédiatement cette situation. Le salarié pourra demander à être assisté d'un tiers et à bénéficier d'une contre-expertise » ; qu'en déduisant de cette clause que l'alcootest ne pouvait être pratiqué que si le salarié présentait un état d'ébriété apparent, dans le but de faire cesser immédiatement cette situation dangereuse, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'article 1er du chapitre IV du règlement intérieur de la société ND Logistics et méconnu le principe selon lequel il est interdit au juge de dénaturer les documents qui lui sont soumis.