Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 18 juin 2014, 12-35.252, Inédit
Cour de cassation - Chambre civile 1
- N° de pourvoi : 12-35.252
- ECLI:FR:CCASS:2014:C100721
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
- Président
- M. Charruault (président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été opérée le 20 juin 2005 par M. Y..., chirurgien vasculaire, à la Clinique Saint-Jean du Languedoc à Toulouse pour une insuffisance veineuse superficielle, qu'une algodystrophie post-opératoire avec des douleurs neuropathiques a été diagnostiquée, qu'une expertise ayant conclu que le dommage était dû à un accident thérapeutique, l'ONIAM a adressé à Mme X... une offre d'indemnisation de ses préjudices, que celle-ci, l'estimant insuffisante, a refusée, avant de porter ses demandes en justice ;
Sur les deux premières branches du moyen unique, ci-après annexées :
Attendu que ces deux branches ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur la troisième branche du même moyen :
Attendu que l'ONIAM reproche à l'arrêt de le condamner à verser la somme de 22 950 euros accordée au titre des frais de garde et d'assistance exposés par Mme X... jusqu'à sa consolidation pour deux de ses enfants handicapés, alors, selon le moyen, que ne constituent pas un préjudice directement imputable à un accident médical les frais que la victime a dû engager pour que ses enfants puissent bénéficier de l'assistance que leur handicap rendait nécessaire et qu'elle ne pouvait assurer à raison des conséquences de cet accident sur son état de santé ; qu'en retenant que Mme X..., victime d'un accident médical, était fondée à solliciter le remboursement des frais de garde par une tierce personne de ses enfants handicapés dont elle ne pouvait plus s'occuper du fait de cet accident, la cour d'appel a entaché son arrêt d'une violation de l'article L. 1142-1 II du code de la santé publique ;
Mais attendu que les frais que Mme X... avait dû engager pour que ses enfants, dont elle s'occupait quotidiennement avant son hospitalisation, puissent continuer à bénéficier de l'assistance que leur handicap rendait nécessaire, étaient la conséquence de l'accident médical sur son état de santé, de sorte qu'ils étaient directement imputables à celui-ci au sens de l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique ; que le grief n'est pas fondé ;
Mais sur les quatrième et cinquième branches du moyen :
Vu les articles L. 1142-17, alinéa 2, du code de la santé publique, L. 541-1 du code de la sécurité sociale, ensemble le principe de la réparation intégrale ;
Attendu, selon le premier de ces textes, applicable à l'indemnisation des accidents médicaux non fautifs, que l'ONIAM est tenu déduction faite des prestations énumérées à l'article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et plus généralement des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs du chef du même préjudice ; qu'il résulte des derniers que l'allocation d'éducation d'enfant handicapé, et le complément à cette allocation accordé pour l'enfant atteint d'un handicap dont la nature ou la gravité exige des dépenses particulièrement coûteuses ou nécessite le recours fréquent à l'aide d'une tierce personne, revêtent un caractère indemnitaire dès lors qu'elles ne sont pas attribuées sous condition de ressources et que, fixées en fonction des besoins individualisés de l'enfant, elles réparent certains postes de préjudices indemnisables ;
Attendu que, pour fixer à 22 950 euros les sommes dues à Mme X..., au titre de la rémunération d'une tierce personne pour s'occuper ses enfants mineurs, pour la période allant du 30 juillet 2006 au 17 juillet 2008, date de la consolidation de son état, l'arrêt retient qu'il n'y a pas lieu de déduire de cette somme le montant des allocations d'éducation perçues par la famille qui sont des prestations d'assistance dépourvues de caractère indemnitaire ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que Mme X... percevait, pour indemniser le besoin d'assistance de ses enfants mineurs, l'allocation d'éducation d'enfant handicapé et son complément, la cour d'appel a violé les textes et le principe susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a alloué la somme de 22 950 euros à Mme X... au titre des frais nécessités par la présence d'une tierce personne auprès de ses enfants mineurs pour la période du 30 juillet 2006 au 17 juillet 2008, l'arrêt rendu le 29 octobre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit juin deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Roger, Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour l'ONIAM
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé le préjudice subi par Madame Malika X... à la suite de l'accident médical survenu le 20 juin 2006 à la somme de 45. 810 euros, dont 22. 950 euros au titre des frais de garde et d'assistance de ses deux enfant handicapés, et d'avoir condamné l'ONIAM à payer à Madame Malika X..., après déduction de la provision de 17. 790 euros qui avait d'ores et déjà été allouée, la somme de 28. 020 euros, avec intérêts au taux légal, dont la somme de 22. 950 euros précitée, outre la somme de 3. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Aux motifs propres que l'ONIAM ne conteste pas que les conditions requises pour une indemnisation au titre de la solidarité nationale des préjudices subis par Madame X... à la suite de l'accident médical survenu le 20 juin 2006 ; ¿ ; que, sur l'indemnisation des préjudices ; ¿ ; compte tenu du fondement du droit à réparation reconnu à la victime, l'indemnisation de Madame X... doit être fixée déduction faite de l'ensemble des prestations qu'elle a perçues des tiers payeurs, lesquels ne disposent d'aucun recours subrogatoire à l'encontre de l'ONIAM ; I/ Préjudices patrimoniaux, A/ Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation), ¿, 3/ Frais divers, ¿, Madame X... fait valoir qu'elle assurait une activité de tierce personne auprès de ses deux enfants mineurs Laura et Benjamin, et que pendant la période d'incapacité consécutive à l'accident médical, elle a dû avoir recours à une aide extérieure, estimée à 15 heures par semaine par le professeur Z... ; qu'elle produit une attestation de sa fille Laetitia qui déclarait sur l'honneur le 12 juillet 2008 avoir remplacé sa mère à temps complet depuis l'intervention chirurgicale jusqu'à début août 2006, puis à temps partiel avec un minimum de 15 heures par semaine à partir de septembre 2006, quantum validé par l'expert de la CRC ; qu'il résulte du rapport médical établi par le docteur A..., néphrologue au CHU de Toulouse que les enfants Laura et Benjamin sont atteints d'une maladie génétique appelée syndrome de Galloway-Mowat, pathologie dont la gravité impose une surveillance soutenue et nécessite la présence de leur mère ; qu'une allocation d'éducation de l'enfant handicapé a été attribuée aux parents pour chacun d'eux, ainsi qu'en attestent les décisions de la CDAPH versées aux débats ; qu'il n'est pas contesté que Madame X... s'occupait quotidiennement de ses deux enfants handicapés lorsqu'elle a été hospitalisée ; qu'il apparaît indéniable que pendant la longue période d'incapacité temporaire qu'elle a subie, et compte tenu de l'importance de cette incapacité, de 30 % pendant plus d'un an, puis de 15 % pendant près de dix mois, elle n'était pas en mesure d'assumer pleinement ses tâches familiales et a dû avoir recours à une aide pour la seconder dans ces activités ; qu'elle est donc fondée à solliciter le remboursement des dépenses qu'elle a exposées, non au titre de la tierce personne à laquelle seule la victime directe d'un accident médical peut prétendre, mais au titre des frais divers ; qu'eu égard aux éléments d'appréciation fournis, au caractère indispensable de la présence de la mère pour assurer des soins quotidiens aux enfants, il lui a été justement alloué la somme de 22. 950 euros, sur une base horaire de 15 euros pour 1. 530 heures au titre de la période du 30 juillet 2006 au 17 juillet 2008, date de la consolidation ;
qu'il n'y a pas lieu de déduire de cette somme le montant des allocations d'éducation perçues par la famille qui sont des prestations d'assistance dépourvues de caractère indemnitaire ;
Et aux motifs des premiers juges, à les supposer adoptés, que, l-Préjudices patrimoniaux, A-Préjudices patrimoniaux temporaires, ¿, 4- Tierce personne à titre temporaire, Madame X... soutient qu'elle assurait une activité de tierce personne auprès de ses deux enfants mineurs, Laura et Benjamin, et que, pendant la période d'inactivité consécutive à l'accident, elle a eu recours à une tierce personne extérieure, ce poste de préjudice étant évalué par le docteur Z... à 15h par semaine ; qu'elle réclame à ce titre une somme de 22. 950 euros sur une base horaire de 15 euros pour 1. 530 h pour la période du 30 juillet 2006 au 17 juillet 2008, date de la consolidation ; qu'elle soutient qu'elle a droit à cette indemnisation qui est la conséquence de son impossibilité de s'occuper de ses enfants handicapés en lien avec l'accident médical litigieux et qu'il y a lieu d'indemniser la tierce personne familiale au même titre qu'une assistance extérieure ; qu'elle produit une attestation de sa fille Laetitia qui atteste que, de septembre 2006 à juillet 2008, elle s'est occupée de ses frère et soeur à temps partiel avec un minimum de 15h par semaine, quantum qui a été validé par l'expert mandaté par la CRCI tandis que l'expert judiciaire n'avait pas retenu de poste de préjudice indemnisable pour la tierce personne ; qu'il est constant que Madame X... s'occupe quotidiennement de deux enfants lourdement handicapés (atteints d'une maladie génétique appelée syndrome de Galloway-Mowat) ; qu'elle justifie de la gravité de la pathologie dont sont atteints ses enfants par le certificat du docteur A..., néphrologue au CHU de Toulouse, et les décisions de la CDAPH tant pour sa fille Laura que pour son fils Benjamin, pour lesquels elle perçoit une AEEH (de catégories 6 et 3) ; que, dès lors que pendant la période d'incapacité qui a duré environ deux ans, elle a dû faire appel à l'aide d'un tiers pour la seconder dans ses tâches familiales, elle est bien fondée à demander le remboursement des dépenses exposées, non pas au titre de la tierce personne puisque seule la victime directe de l'accident médical peut prétendre à une telle indemnisation en vertu de l'article 1142-1 II du Code de la santé publique, mais au titre des frais divers ; qu'en effet la tierce personne est destinée à seconder la victime dans les gestes essentiels de la vie courante qu'elle ne peut plus accomplir seule (se laver, se coucher, se déplacer, se nourrir, faire ses courses...) et elle n'est pas destinée à la remplacer dans ses activités au sein du foyer ; que, compte tenu des éléments d'appréciation fournis, il y a lieu de constater que la présence de la mère était indispensable pour assurer des soins quotidiens aux enfants et que son indisponibilité de l'ordre de 30 % pendant la première année d'incapacité consécutive à l'intervention médicale, puis de 15 % l'année suivante, justifie de lui allouer la somme qu'elle réclame à hauteur de 22. 950 euros au titre des frais de garde et d'assistance exposés, jusqu'à la consolidation ;
Alors, de première part, qu'entachent leur décision d'un défaut de base légale les juges du fond qui se prononcent sur l'existence d'un préjudice, en se fondant sur de motifs impropres à établir son existence ; qu'en se fondant sur ce qu'« il apparaît indéniable que, pendant la longue période d'incapacité temporaire que Madame X... a subie, et compte tenu de l'importance de cette incapacité, de 30 % pendant plus d'un an, puis de 15 % pendant près de dix mois, elle n'était pas en mesure d'assumer pleinement ses tâches familiales et a dû avoir recours à une aide pour la seconder dans ces activités » (arrêt p. 6 in fine), c'est-à-dire en considérant que des taux d'incapacité constatée il découlait, automatiquement et par principe, une incapacité pour Madame X... de s'occuper de ses enfants du fait de l'accident médical non fautif qu'elle avait subi, là où, comme le soutenait l'ONIAM, ces motifs étaient impropres à établir que Madame X... avait effectivement été privée de la possibilité de s'occuper de ses enfants et se serait trouvée dans l'obligation de faire appel à une tierce personne, la Cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 1142-1 II du Code de la santé publique ;
Alors, de deuxième part, que constitue un préjudice par ricochet, non indemnisable au titre de l'article L. 1142-1 II du code de la santé publique, l'impossibilité pour les enfants d'une victime d'un accident médical de bénéficier de l'assistance de cette dernière que rendait nécessaire leur handicap et les frais que cette victime a dû engager, pour leur compte, afin d'assurer son remplacement par une tierce personne ; qu'en retenant que les frais que Madame X..., victime d'un accident médical, avait engagés pour avoir recours à une tierce personne pour la garde de ses enfants handicapés dont elle ne pouvait plus s'occuper du fait de l'accident médical dont elle était victime constituaient un préjudice personnellement subi par elle et indemnisable au titre de la solidarité nationale, la Cour d'appel a entaché son arrêt d'une violation de l'article L. 1142-1 II du Code de la santé publique ;
Alors, en tout état de cause, que ne constituent pas un préjudice directement imputable à un accident médical les frais que la victime a dû engager pour que ses enfants puissent bénéficier de l'assistance que leur handicap rendait nécessaire et qu'elle ne pouvait assurer à raison des conséquences de cet accident sur son état de santé ; qu'en retenant que Madame X..., victime d'un accident médical, était fondée à solliciter le remboursement des frais de garde par une tierce personne de ses enfants handicapés dont elle ne pouvait plus s'occuper du fait de cet accident, la Cour d'appel a entaché son arrêt d'une violation de l'article L. 1142-1 II du Code de la santé publique ;
Alors, de quatrième part, que l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) a un caractère indemnitaire, qui implique qu'elle soit déduite de l'indemnité due par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale en cas d'accident médical non fautif ; que la Cour d'appel, qui a évalué à la somme de 22. 950 euros le préjudice subi par Madame X... du fait qu'elle a dû recourir à l'assistance d'une tierce personne pour assurer, jusqu'à sa consolidation, les soins quotidiens de ses deux enfants handicapés dont elle s'occupait avant l'accident médical non fautif qu'elle avait subi, a, en refusant de déduire de cette somme le montant des AEEH reçues de la caisse d'allocations familiales au motif qu'elle aurait été dépourvue de caractère indemnitaire, violé les articles L. 1142-1 II et L. 1142-1, alinéa 2, du Code de la santé publique, ensemble le principe de la réparation intégrale ;
Alors, en tout état de cause, que le complément d'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH), pour recours fréquent à l'aide d'une tierce personne, a un caractère indemnitaire, qui implique qu'il soit déduit de l'indemnité due par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale en cas d'accident médical non fautif ; qu'il résulte des constatations des premiers juges, confirmées en appel, que Madame X... percevait pour ses deux enfants handicapés un complément d'AEEH de catégories 6 et 3 ; qu'en refusant de déduire des sommes allouées à Madame X..., en réparation de l'accident médical non fautif qu'elle a subi, le montant de ce complément d'AEEH, la Cour d'appel a violé l'article L. 1142-1 II du Code de la santé publique, ensemble le principe de la réparation intégrale.