Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 12 juin 2014, 13-18.596, Inédit
Cour de cassation - Chambre civile 1
- N° de pourvoi : 13-18.596
- ECLI:FR:CCASS:2014:C100677
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation
- Président
- Mme Bignon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 1492,3°, du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Route Magny a confié à la société Coredif la réalisation d'un lot de travaux de maçonnerie, étanchéité, ravalement dans une opération de construction d'un pôle médical sur la commune de Bailly-Romainvilliers (77) ; qu'un différend étant né entre elles concernant des malfaçons entraînant des retards et ayant conduit le maître de l'ouvrage à confier à une autre entreprise des reprises d'ouvrage ainsi que l'achèvement du chantier, la société Route de Magny a mis en oeuvre la convention d'arbitrage insérée au contrat, laquelle conférait à l'arbitre la mission de statuer en amiable compositeur ; que, par une sentence rendue le 10 septembre 2010, à Vernon, l'arbitre unique a fixé le montant des sommes dues à la société Route de Magny par la société Coredif ; que celle-ci a formé un recours en annulation contre cette sentence arbitrale ;
Attendu que, pour rejeter ce recours, l'arrêt retient que l'examen de la sentence arbitrale ne révèle à aucun moment que l'arbitre aurait fait application d'une règle de droit, qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'est mentionnée dans le corps de la sentence et que celle-ci mentionne que l'arbitre statue en amiable composition ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à établir que l'arbitre avait pris en compte des considérations d'équité pour statuer comme il l'a fait, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 mars 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne la société Route de Magny aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Coredif la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société Coredif.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le recours en annulation formé par la société Coredif à l'encontre de la sentence arbitrale rendue par M. X... ;
AUX MOTIFS QUE la société Coredif soutient que la sentence montre clairement en l'absence de toute référence à l'amiable composition et en dépit d'un rappel qualifié de timide à la fin de la sentence ; que la SCI Route de Magny conclut au rejet du moyen en faisant valoir que le sentiment exprimé par la société Coredif quant à l'absence de recherche d'équité serait purement subjectif ; qu'il est constant que le paragraphe 6, alinéa 8 de l'acte de mission sentence prévoit que l'arbitre statuera en amiable compositeur ; que l'obligation ainsi faite à l'arbitre lui interdisant de fonder sa décision par référence à des règles de droit, sauf à s'expliquer sur la conformité de celle-ci à l'équité ; que l'examen de la sentence arbitrale ne relève à aucun moment que l'arbitre aurait fait application des règles de droit ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'est visée ou mentionnée dans le corps de la sentence ; que la sentence mentionne que l'arbitre statue en amiable compositeur ; que le troisième moyen qui manque en fait sera rejeté ;
1°) ALORS QUE dans sa sentence arbitrale, datée des 10 et 13 septembre 2010, l'arbitre unique, après avoir rappelé les stipulations du cahier des clauses administratives particulières relatives aux délais contractuels (sentence, p. 14-15), a apprécié les retards dans la réalisation des travaux avant la résiliation du marché, qu'il a imputés à la société Coredif, en fonction de ces stipulations (sentence p. 34-35) ; que l'arbitre unique a aussi retenu que le 19 mai 2009, la SCI Route de Magny a communiqué son « DGD à Coredif », indiquant qu'il lui était due la somme de 717.733,59 euros TTC, qui « n'a pas été dénoncé par Coredif dans le délai règlementaire de 30 jours, défini par la norme NFP 03-001 » (sentence, p. 39 in fine) ; qu'il ajouté que « les pénalités de retard, au titre de ce marché, ne sont applicables contractuellement à Coredif que jusqu'à son départ définitif du chantier, soit le 10 avril 2009 », que « le délai de garantie étant écoulé, la retenue est à supprimer » (p. 40, § 2 et 5) et que « dans le CCAP, il est précisé que les frais d'arbitrage sont à la charge de l'entreprise », pour les retenir au titre du préjudice de la SCI Route de Magny (sentence, p. 42, § 2 et 3) ; qu'ainsi, en affirmant que « la sentence arbitrale ne relève à aucun moment que l'arbitre aurait fait application d'une règle de droit », la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la sentence arbitrale, en violation de l'article 1134 du code civil ;
2°) ALORS QUE le tribunal arbitral, auquel les parties ont conféré la mission de statuer comme amiable compositeur, doit faire ressortir dans sa sentence qu'il a pris en compte l'équité ; qu'en se bornant à relever que « la sentence mentionne que l'arbitre statue en amiable compositeur », sans constater que l'arbitre unique avait, autrement que par cette clause de style, fait ressortir dans sa sentence qu'il avait pris en compte l'équité, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1492.3° du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE le tribunal arbitral, auquel les parties ont conféré la mission de statuer comme amiable compositeur, doit respecter les termes de sa mission en se prononçant en fonction de considérations d'équité ; qu'en se bornant à relever que « la sentence mentionne que l'arbitre statue en amiable compositeur », sans vérifier, comme elle y était invitée et tenue, si l'arbitre unique s'était effectivement fondé sur l'équité pour se prononcer, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1492.3° du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le recours en annulation formé par la société Coredif à l'encontre de la sentence arbitrale rendue par M. X... ;
AUX MOTIFS QUE la société Coredif fait valoir qu'en méconnaissance tant de l'article que de l'article 1692.4 du code de procédure civile, la SCI Route de Magny aurait manqué à son obligation de communiquer des pièces ; qu'elle se fonde sur le fait que dans le dire de la SCI Route de Magny du 14 juin 2010, il est mentionné un point 13 contenant les « pièces qui sont à votre disposition » ; que la société Coredif constate qu'il n'y a ni point 13 reprenant une liste des pièces, ni évidemment les pièces annoncées ; que la SCI Route de Magny conclut au rejet du moyen en faisant valoir que le contradictoire a été respecté ; que le moyen ne critique précisément que le dire adressé par la SCI Route de Magny à l'arbitre le 14 juin 2010 ; que l'examen de ce document révèle qu'il comporte en haut de sa page 2 la mention « nomenclature/liste des pièces (13) » ; que suit une liste présentée sous forme d'une table des matières et renvoyant à douze rubriques dont la douzième est intitulée « conclusions » ; qu'il y a lieu de considérer que le chiffre 13 figurant entre parenthèses en haut de la page 2 de ce document résulte manifestement d'une erreur matérielle, dans la mesure où le document ne comporte en réalité que douze rubriques, dont certaines ont donné lieu à communication, qu'il n'est pas discuté, de ces documents sous chemise ; que le sixième moyen qui manque en fait doit être rejeté et partant le recours en annulation ;
1°) ALORS QUE dans ses dernières écritures régulièrement déposées et signifiées le 1er février 2013, la société Coredif faisait expressément valoir que « la sentence encourt également l'annulation pour violation du contradictoire », que « les parties doivent communiquer les mémoires et les pièces en temps utile » et qu'« en l'espèce et contrairement aux affirmations de la SCI Route de Magny ¿ les pièces n'ont été communiquées ni au conseil de la concluante, ni à la concluante elle-même » (concl., p. 21 in fine et 22 in limine) ; que la société Coredif faisait aussi valoir qu'il « apparaît à l'examen de la sentence arbitrale que l'arbitre, M. Bernard X... fait référence à de nombreuses pièces qui lui ont été communiquées par SCI Route de Magny et qui n'ont pas été communiquées à la société Coredif » de sorte que la sentence devait être annulée (concl., p. 22 in fine), ajoutant que, « bien plus, dans le dire de la SCI Route de Magny en date du 14 juin 2010 il est mentionné un point 13 contenant les pièces « qui sont à votre disposition » et que « il n'y a ni point reprenant la liste des pièces, ni évidemment lesdites pièces » » (concl., p. 22) ; qu'ainsi en écartant le moyen d'annulation tiré d'une violation par le tribunal arbitral du principe de la contradiction, motif pris qu'il ne critique « précisément que le dire adressé par la SCI Route de Magny à l'arbitre le 14 juin 2010 », la société Coredif faisant pourtant plus largement valoir que les pièces sur lesquelles le tribunal arbitral s'était fondé ne lui avaient pas été communiquées, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions de la société Coredif, en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE la sentence arbitrale peut être annulée si le principe de la contradiction n'a pas été respecté ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était expressément invitée, si les pièces sur lesquelles l'arbitre unique s'était fondé pour statuer avaient ou non été communiquées à la société Coredif, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1492.4° du code de procédure civile.