Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 28 mai 2014, 13-13.947, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 13-13.947
- ECLI:FR:CCASS:2014:SO01081
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
- Président
- M. Frouin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 4 décembre 2006, Mme X... a été engagée par la société Le Cercle des aînés, qui exploite un établissement pour adultes dépendants, en qualité d'infirmière diplômée d'Etat ; que selon avenant du 1er octobre 2007, la salariée a été promue infirmière coordinatrice avec le statut cadre ; qu'à la suite d'un incident survenu le 22 avril 2010, la salariée a quitté le lieu de travail et a consulté un médecin qui lui a délivré un arrêt de travail pour la période du 22 avril au 13 mai 2010 ; qu'ayant été licenciée le 13 mai 2010 pour faute grave, elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Sur le premier moyen :
Vu l'alinéa 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 3121-45 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, interprété à la lumière de l'article 17, paragraphes 1 et 4 de la Directive 1993-104 CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, paragraphe 1, et 19 de la Directive 2003-88 CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ensemble l'article 7.3 de l'accord collectif du 27 janvier 2000 relatif à la réduction du temps de travail ;
Attendu, d'abord, que le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles ;
Attendu, ensuite, qu'il résulte des articles susvisés des Directives de l'Union européenne que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur ;
Attendu, encore, que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ;
Attendu, enfin, que selon l'article 7.3 de l'accord collectif du 27 janvier 2000 relatif à la réduction du temps de travail, les modalités de mise en place de conventions de forfait en jours résultent d'un accord d'entreprise ou d'établissement ;
Attendu que pour débouter la salariée de ses demandes au titre des heures supplémentaires, l'arrêt retient que la possibilité de conclure une telle convention de forfait est expressément stipulée par l'article 7-3 de l'accord de branche du 27 janvier 2000 dont l'alinéa 2 précise qu'elle peut résulter d'une concertation avec les cadres concernés à défaut d'accord d'entreprise ou d'établissement ; que la convention de forfait ainsi conclue d'un commun accord le 1er octobre 2007 et strictement appliquée de part et d'autre est donc parfaitement régulière et oblige l'une et l'autre partie dont le contrat fait loi ;
Qu'en statuant ainsi, sans constater l'existence d'un accord d'entreprise ou d'établissement organisant les modalités de mise en place de la convention de forfait en jours et dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Sur le deuxième moyen :
Vu l'article L. 4121-1 du code du travail ;
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande d'indemnité au titre du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, l'arrêt retient qu'il ressort des pièces du dossier que l'appelante qui s'est elle-même montrée tyrannique vis-à-vis de ses subordonnés comme des résidents dont elle avait la charge, n'a simplement pas supporté, sous l'empire d'un orgueil et d'un sentiment de supériorité qui depuis longtemps ne connaissaient plus de limites, les observations parfaitement justifiées de son supérieur hiérarchique sur des faits matériellement établis, lesquelles ne comportaient aucune connotation personnelle ni désobligeante ; que le fait que l'intéressée ait, à diverses reprises, adressé à la direction diverses notes ou remarques sur ce qui, à son sens, constituait des imperfections du service auxquelles elle suggérait de remédier par les moyens qu'elle proposait, ne peut en aucune manière constituer la preuve de ce que l'employeur aurait été averti d'une situation de danger pour l'ensemble de ses salariés, comme pour l'appelante personnellement, qu'il aurait refusé ou négligé de prendre en considération ; qu'il s'évince des pièces versées aux débats par les deux parties que l'employeur a seulement, pendant trop longtemps, laissé la salariée régner sans partage et de façon extrêmement autoritaire sur l'établissement où elle semait la terreur sur ses subordonnés comme sur les résidents ; que l'intéressée n'a tout simplement pas accepté une reprise en main par la nouvelle direction qui, ayant constaté l'existence de méthodes inacceptables mises en oeuvre par la salariée, a entendu restaurer la quiétude des résidents d'abord, et des relations harmonieuses au sein du personnel ensuite ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans vérifier, ainsi qu'elle y était invitée, si la dégradation de l'état de santé de la salariée ne résultait pas d'une charge ou d'horaires de travail excessifs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Et, sur le troisième moyen :
Vu les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
Attendu que pour débouter la salariée de ses demandes au titre de la rupture, l'arrêt retient que si le grief relatif à l'admission indue d'une candidature à la résidence n'est pas démontré, la matérialité des autres faits est en revanche établie plus qu'à suffire par les pièces produites aux débats par l'employeur et notamment par les attestations d'autres membres du personnel de l'établissement ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le comportement de la salariée ne pouvait être justifié par une surcharge de travail importante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute la société Le Cercle des aînés de sa demande en restitution de la somme de 558,22 euros, l'arrêt rendu le 9 janvier 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne la société Le Cercle des aînés aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Le Cercle des aînés à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt.
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme X... de ses demandes en paiement à titre d'heures supplémentaires, de congés payés afférents et de celles subséquentes à titre de repos compensateurs et de travail dissimulé ;
AUX MOTIFS QUE Mme X... a été élevée au statut de cadre autonome non soumis aux horaires collectifs suivant avenant du 1er octobre 2007 prévoyant une durée de travail annuelle de 212 jours avec récupération des jours excédant ce nombre le cas échéant ; que contrairement à ce que soutient Mme X..., la possibilité de conclure une telle convention de forfait est expressément stipulée par l'article 7-3 de l'accord de branche du 27 janvier 2000 dont l'alinéa 2 précise qu'elle peut résulter d'une concertation avec les cadres concernés à défaut d'accord d'entreprise ou d'établissement ; que la convention de forfait ainsi conclue d'un commun accord le 1er octobre 2007 et strictement appliquée de part et d'autre, est donc parfaitement régulière et oblige l'une et l'autre parties dont le contrat fait la loi ; qu'il est en effet constant et non contesté, ainsi que l'a relevé le conseil de prud'hommes que les sept jours de dépassement travaillés par Mme X... entre le 1er octobre 2007 et le 30 septembre 2008 ont été compensés par autant de journées de récupération sur l'année suivante dans les conditions fixées par l'avenant précité ; que c'est donc par de justes motifs que les premiers juges ont rejeté la demande de Mme X... relative au payement d'heures supplémentaires ; que le défaut de tenue d'un entretien individuel annuel n'a pas pour effet de rendre la convention de forfait inopposable au salarié, mais pourrait éventuellement ouvrir droit à des dommages et intérêts que Mme X... ne sollicite pas ;
1°- ALORS QU'est nulle la convention de forfait conclue en application d'un accord collectif dont les stipulations n'assurent pas la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires ; que tel est le cas des dispositions de l'article 7-3 de l'accord du 27 janvier 2000 relatif à la réduction du temps de travail rattaché à la convention collective nationale de l'hospitalisation privée du 18 avril 2002 qui ne font que renvoyer, à défaut d'accord d'entreprise ou d'établissement, à une concertation entre l'employeur et le cadre concerné, sans préciser les modalités visant à garantir une amplitude de travail, à assurer une bonne répartition de temps de travail et le contrôle de la charge de travail de l'intéressé ; qu'en jugeant, pour dénier à Mme X... le droit de solliciter le paiement d'heures supplémentaires, qu'était régulière la convention de forfait en jours conclue le 1er octobre 2007 en application de ces dispositions conventionnelles bien que celles-ci ne soient pas de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé des salariés et que la convention de forfait n'ait pas davantage précisé les conditions de suivi de l'organisation du travail de la salariée, de contrôle de l'amplitude de ses journées d'activité et de charge de travail, la cour d'appel a violé l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 212-15-3 ancien du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, interprété à la lumière de l'article 17, paragraphes 1 et 4 de la Directive 1993-104 CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, paragraphe 1, et 19 de la Directive 2003-88 CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
2° ALORS de plus qu'en tout état de cause, est inopposable au salarié la convention de forfait dès lors que l'employeur ne met pas en place un dispositif de contrôle permettant de vérifier que le salarié ne dépasse pas les durées maximales quotidiennes et hebdomadaires de travail ainsi que le nombre de jours travaillés ; qu'en l'espèce, Mme X..., infirmière coordinatrice, a fait valoir que la société Le Cercle des Ainés n'avait mis aucun dispositif de suivi de ses heures de travail, ce qui l'autorisait à solliciter le paiement d'heures supplémentaires ; qu'en se bornant à relever l'existence d'une convention de forfait sans vérifier que la société Le Cercle des Ainés avait mis en oeuvre le suivi régulier de l'organisation du travail, de la charge de travail et de l'amplitude des journées d'activité afin d'assurer la protection et la santé de la salariée, la cour d'appel a violé l'article L. 212-15-3 ancien du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, l'alinéa 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ainsi que l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qui se réfère à la Charte sociale européenne révisée ainsi qu'à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs de 1989 garantissent le droit à la santé et au repos de tout travailleur ;
3°- ALORS de surcroît qu'en se bornant à dire que la convention de forfait conclue d'un commun accord le 1er octobre 2007 avait été strictement appliquée de part et d'autre, sans le moindre motif au soutien de cette assertion alors que Mme X... en contestait les conditions d'application et invoquait un nombre d'heures supplémentaires anormales, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4° ALORS QUE Mme X... a sollicité le paiement d'heures supplémentaires exclusivement pour la période postérieure au 30 septembre 2008, estimant avoir été remplie de ses droits pour la période antérieure ; qu'en déboutant Mme X... de sa demande au motif inopérant que les sept jours de dépassement travaillés entre le 1er octobre 2007 et le 30 septembre 2008 avaient été compensés par des jours de récupération, sans s'expliquer sur les dépassements d'horaires invoqués à compter de cette date, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et a violé l'article 4 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté Mme X... de sa demande de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat ;
AUX MOTIFS QUE sur le manquement à l'obligation de sécurité des travailleurs dont est tenu l'employeur et considérée comme obligation de résultat, qu'il ressort des pièces du dossier que l'appelante qui s'est elle-même montrée tyrannique vis-à-vis de ses subordonnés comme des résidents dont elle avait la charge, n'a simplement pas supporté, sous l'empire d'un orgueil et d'un sentiment de supériorité qui depuis longtemps ne connaissaient plus de limites, les observations parfaitement justifiées de son supérieur hiérarchique sur des faits matériellement établis, lesquelles ne comportaient aucune connotation personnelle ni désobligeante ; que le fait que l'intéressée ait, à diverses reprises, adressé à la direction diverses notes ou remarques sur ce qui, à son sens, constituait des imperfections du service auxquelles elle suggérait de remédier par les moyens qu'elle proposait, ne peut en aucune manière constituer la preuve de ce que l'employeur aurait été averti d'une situation de danger pour l'ensemble de ses salariés comme pour l'appelante personnellement qu'il aurait refusé ou négligé de prendre en considération ; qu'il s'évince des pièces versées aux débats par les deux parties que l'employeur a seulement, pendant trop longtemps, laissé la salariée régner sans partage et de façon extrêmement autoritaire sur l'établissement où elle semait la terreur sur ses subordonnés comme sur les résidents ; que l'intéressée n'a tout simplement pas accepté une reprise en main par la nouvelle direction qui, ayant constaté l'existence de méthodes inacceptables mises en oeuvre par la salariée, a entendu restaurer la quiétude des résidents d'abord, et des relations harmonieuses au sein du personnel ensuite ; que ce refus de l'autorité de l'employeur, manifesté par un départ immédiat du lieu de travail aussitôt après des observations parfaitement justifiées et mesurées du supérieur hiérarchique, ne saurait en aucune façon être regardé comme l'exercice d'un droit de retrait face à un danger immédiat pour la santé physique et morale de la salariée, mais qu'il constitue au contraire de la part de celle-ci une faute en ce que Mme X... a tenté de substituer son autorité à celle de l'employeur et n'a pu accepter d'être, comme il convenait, purement et simplement remise à sa place ; qu'il est totalement indifférent que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie ait cru devoir considérer l'arrêt de travail consécutif à l'incident du 22 avril 2010 comme relevant de la législation professionnelle ;
que la cour tient, tout au contraire, le départ impromptu de la salariée du lieu de travail, pour un refus d'obéissance et un abandon de poste caractérisés ; que l'arrêt de travail prescrit à la salariée, non sans difficulté et recherche laborieuse d'un médecin compréhensif de sa part, ne peut être regardé comme la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat ;
1°- ALORS QUE manque à son obligation de sécurité de résultat, l'employeur dont l'attitude et les méthodes de management ont eu pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié de nature à porter atteinte à sa dignité et à altérer sa santé ; qu'en l'espèce, Mme X... a fait valoir qu'elle avait vu son état de santé se dégrader du fait qu'elle avait dû faire face à une surcharge particulièrement lourde de travail puisqu'elle avait été contrainte d'effectuer un nombre d'heures de travail extrêmement important en raison d'astreintes nocturnes, de travail le week-end et les jours fériés, mais aussi du fait qu'elle avait subi de la part de la direction des réflexions désobligeantes et des accusations injustifiées visant à remettre en cause ses capacités à occuper sa fonction ainsi qu'à la désavouer devant le personnel et des tiers ; que cette situation génératrice de stress anormal et de pressions avait perduré jusqu'à l'incident du 22 avril 2010, en dépit de multiples courriers adressés à la société Le Cercle des Ainés dénonçant ces conditions de travail et avait eu pour conséquence son arrêt maladie à compter de cette date ; qu'en se bornant à porter des appréciations psychologiques sur Mme X... relatives aux rapports d'autorité avec la direction de la société Le Cercle des Ainés sans s'expliquer sur ces éléments, étayés par de multiples courriers et attestations de salariés versés aux débats, dont il ressortait que la société Le Cercle des Ainés avait failli à son obligation de sécurité de résultat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 4121-1 du code du travail ;
2°- ALORS de plus qu'en écartant, comme preuve de la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, l'arrêt de travail prescrit à Mme X... le 22 avril 2010 faisant état d'un « syndrome anxieux sévère », qui établissait la dégradation de l'état de santé de Mme X... au motif inopérant qu'il est indifférent que la caisse primaire d'assurance maladie ait considéré cet arrêt comme relevant de la législation professionnelle, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 4121-1 du code du travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement de Mme X... reposait sur une cause réelle et sérieuse et d'avoir débouté la salariée de toutes ses demandes au titre d'un licenciement injustifié et nul ;
AUX MOTIFS QUE sur le moyen tiré de la nullité du licenciement prononcé pendant la suspension du contrat de travail par suite d'un accident du travail, Mme X... a fait l'objet d'un arrêt de travail du 22 avril 2010 pour syndrome anxieux sévère ; qu'aucune des pièces produites aux débats ne démontre qu'au jour du licenciement l'employeur avait connaissance de la prise en charge de cet arrêt de travail au titre de la législation professionnelle, la décision de prise en charge de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie étant du reste postérieure de plusieurs semaines au licenciement ; que par ailleurs les motifs invoqués par l'employeur pour justifier le licenciement sont sans rapport avec l'arrêt de maladie dont la salariée a bénéficié quand bien même la caisse de sécurité sociale a cru devoir lui reconnaître un caractère professionnel, cette décision ayant d'ailleurs été déclarée inopposable à l'employeur par la Commission de Recours Amiable le 23 février 2011 ; que ce moyen sera donc également écarté ; que la lettre de licenciement du 11 mai 2010 reproche à la salariée d'avoir, le 22 avril 2010, provoqué un incident violent avec des cris et des emportements alors que le directeur de l'établissement lui faisait remarquer qu'elle avait refusé sans aucune raison valable d'accéder à la requête d'une résidente relative aux modalités pratiques et à l'horaire de son lever, d'avoir dans les mêmes circonstances tenté d'exercer des pressions inadmissibles sur une infirmière stagiaire, puis d'avoir purement et simplement abandonné son lieu de travail sans plus aucunement s'occuper de la préparation des médicaments des résidents ni se soucier de leur prise en charge alors qu'elle était la seule infirmière présente sur place et qu'il était impossible de pourvoir à son remplacement sur-le-champ, d'avoir en outre, dès le 24 avril 2010, suscité un autre incident en venant remettre elle-même son avis d'arrêt de travail, visite qu'elle a mise à profit pour tenir des propos déplacés contre la direction, d'avoir eu des attitudes ou comportements totalement inadaptés tant envers ses subordonnés qu'envers les résidents, et enfin d'avoir quelques jours avant le 22 avril 2010, validé le dossier médical d'un candidat à l'hébergement alors qu'il était évident pour une professionnelle expérimentée comme elle que l'intéressé était dans un état de santé qui nécessitait son placement dans un service de soins ; que si le dernier grief relatif à l'admission indue d'une candidature à la résidence n'est pas démontré, la matérialité des autres faits est en revanche établie plus qu'à suffire par les pièces produites aux débats par l'employeur et notamment par les attestations d'autres membres du personnel de l'établissement ; que le refus parfaitement arbitraire et injustifié de la salariée de prendre en considération les demandes de l'une des résidentes, la dame Y..., a donné lieu le 22 avril 2010 à des observations verbales du directeur de l'établissement, le sieur Laurent Z..., qui lui a demandé des explications et aussi de prendre les mesures adéquates, ce qui a provoqué de la part de Mme X... une sorte de crise hystérique avec des hurlements devant le personnel mais aussi et surtout devant les résidents qui sont des personnes âgées et fragiles dont il importe de protéger la sérénité ; que Mme X... a alors intimé l'ordre à l'infirmière stagiaire de la suivre immédiatement en la menaçant de ne pas valider son stage si elle ne s'exécutait pas à l'instant même (cf. Attestation du Docteur Anne A..., médecin de l'établissement présent sur place au moment des faits et témoin direct de la scène qu'il décrit avec précision) ; que contrairement à ce qu'a estimé le conseil de prud'hommes ces seuls faits sont à eux seuls constitutifs d'une faute grave ; qu'il est constant et non contesté que quelques instants plus tard Mme X... a quitté son lieu de travail non sans avertir le directeur qu'elle allait se procurer un avis d'arrêt de travail ni sans omettre d'annoncer aux personnes présentes qu'elle allait « couler la boîte » ; qu'il s'agit d'un abandon de poste caractérisé, la salariée qui était la seule infirmière diplômée présente sur place ne pouvant être immédiatement remplacée, ce alors qu'il fallait préparer les médicaments à distribuer aux résidents ; que ce départ inopiné ne saurait en aucune manière être regardé comme l'exercice d'un droit de retrait, la salariée ne démontrant nullement s'être trouvée en état de danger physique ou moral ni avoir d'ailleurs jamais averti l'employeur de l'existence d'un tel danger grave et imminent quand bien même elle avait pu, en diverses occasions, présenter des remarques sur le fonctionnement ou l'organisation du service ; qu'il est constant qu'en agissant de la sorte, Mme X... a mis en danger les résidents, personnes âgées et fragiles ainsi qu'il a été dit supra, ce qui constitue une autre faute grave ; qu'il est encore établi que la salariée a pris prétexte de venir personnellement déposer son avis d'arrêt de travail dans les bureaux de l'établissement le 24 avril 2010 pour créer du scandale et se répandre en propos déplacés et venimeux à l'encontre de la direction, ce qui est aussi une faute grave ; que la lettre de licenciement fait état de comportements abusifs voire même délictueux à l'encontre tant des personnels placés sous son autorité que des résidents qu'à cet égard, les nombreuses attestations versées aux débats par l'employeur décrivent avec beaucoup de précisions, une attitude marquée par un autoritarisme sans borne, un mépris affiché de l'autre et en particulier des résidents dont beaucoup ont eu à souffrir de la part de Mme X... des vexations continuelles et des brimades parfaitement indignes (en particulier l'interdiction formelle pour les résidents de converser à table, les repas devant se dérouler dans le silence le plus absolu, l'obligation pour les mêmes de consommer entièrement les plats servis sous peine de sanctions et de privations, tous faits attestés par de multiples témoignages de subordonnés faisant part de leur écoeurement devant de telles méthodes) ; que ces faits dans leur ensemble ont rendu absolument impossible la poursuite du contrat de travail ;
1°- ALORS QU'est nul le licenciement du salarié qui a été victime, sur son lieu de travail et au temps de travail, d'un stress important en réaction aux méthodes de management et aux propos tenus par son employeur ayant donné lieu à un arrêt de travail le jour même, ce dont il se déduit que l'employeur avait connaissance de l'origine professionnelle de l'arrêt de travail, peu important qu'au jour de licenciement, il n'ait pas encore été informé de la prise en charge de cet arrêt de travail au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie ; qu'ayant constaté que Mme X... avait, dans une crise réactionnelle aux propos tenus par son supérieur hiérarchique, subitement quitté son lieu de travail le 22 avril 2010 et avait fait l'objet d'un arrêt de travail du 22 avril 2010 pour syndrome anxieux sévère et en décidant cependant que son licenciement prononcé le 11 mai 2010 n'était pas nul aux motifs inopérants que rien ne démontre qu'au jour du licenciement l'employeur avait connaissance de la prise en charge de cet arrêt de travail au titre de la législation professionnelle, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail ;
2° ALORS en tout état de cause que ne constitue pas une faute grave de la part d'une salariée, infirmière, épuisée, surmenée et victime tant des méthodes de management que de propos dénigrants de son employeur, en présence de tiers, le fait, dans une crise réactionnelle violente, de s'emporter à l'égard de son supérieur hiérarchique ou même de tiers et de quitter son poste de travail pour se rendre chez son médecin ; qu'en retenant comme fautes graves commises par Mme X..., le fait qu'elle avait refusé de prendre en considérations les demandes de l'une des résidentes de la maison de la retraite, qu'elle aurait menacé dans la foulée une infirmière stagiaire, qu'elle aurait abandonné son poste et mis en danger les résidents, restés sous la surveillance du médecin, ou encore qu'elle aurait tenu des propos injurieux à l'encontre de la direction, sans rechercher si l'ensemble de ces faits n'étaient pas la conséquence du rythme anormal de travail, des pressions exercées sur Mme X... qui occupait le poste d'infirmière coordinatrice en état de surmenage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
3°- ALORS enfin que la lettre de licenciement du 11 mai 2000 invoque des motifs liés exclusivement à la vive réaction de Mme X... le 22 avril 2010 et à ses conséquences ; qu'en se fondant sur une prétendue « attitude marquée par un autoritarisme sans borne, un mépris affiché de l'autre et en particulier des résidents dont beaucoup auraient eu à souffrir de la part de Mme X... des vexations continuelles et de brimades parfaitement indignes », motif qui ne figure pas dans la lettre de licenciement, la cour d'appel a méconnu les termes du litige tels que fixés par la lettre de licenciement et a violé les articles L. 1232-6, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 du code du travail.