Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 28 mai 2014, 13-11.868, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 13-11.868
- ECLI:FR:CCASS:2014:SO01065
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- M. Chollet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 13 décembre 2012), statuant sur renvoi après cassation (Soc. 21 septembre 2011, n° 10-15.011), que M. X... a été engagé par l'Association de gestion Saint-Joseph aux droits de laquelle se trouve l'Association hygiène sociale du Doubs, le 1er septembre 1989, en qualité d'éducateur spécialisé ; que victime d'un accident du travail, il a été déclaré inapte à tout poste de l'entreprise par le médecin du travail au terme d'une seule visite médicale de reprise du 4 avril 2006, avec référence à un danger immédiat ; qu'il a été licencié le 25 juillet 2006 pour inaptitude et impossibilité de reclassement ; que contestant le bien-fondé du licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal du salarié :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour absence de notification des motifs s'opposant au reclassement, alors, selon le moyen :
1°/ que l'article L. 1226-12 du code du travail qui dispose que l'employeur qui se trouve dans l'impossibilité de proposer au salarié déclaré inapte un autre emploi, doit lui faire connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement, n'exige pas que cette information précède l'engagement de la procédure de licenciement ni qu'elle ait lieu par courrier séparé ; qu'en jugeant que l'information donnée sur ce point dans la lettre de licenciement n'était pas suffisante, faute d'avoir été donnée par courrier séparé, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-12 du code du travail ;
2°/ que l'absence de notification écrite des motifs qui s'opposent au reclassement du salarié rend l'employeur redevable d'une indemnité en réparation du préjudice subi dans la limite du montant d'un mois de salaire ; qu'en l'espèce, il est constant qu'en dernier lieu le salaire de M. X... s'élevait à 2 519,14 euros ; qu'en condamnant l'employeur à verser la somme de 3 000 euros au salarié en raison de l'absence de notification écrite des motifs s'opposant à son reclassement avant l'engagement de la procédure de licenciement, la cour d'appel a violé les articles L. 1226-12 et L. 1235-2 du code du travail ;
Mais attendu que, selon l'article L. 1226-12 alinéa 1 du code du travail, lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement ; que le dernier alinéa de l'article L. 1226-15 du même code ne prévoit l'application des dispositions de l'article L. 1235-2 de ce code qu'en cas de méconnaissance des dispositions relatives à l'observation de la procédure de licenciement ;
Et attendu que le non-respect de cette obligation, laquelle doit être remplie avant que ne soit engagée la procédure de licenciement, entraîne pour le salarié un préjudice réparé par l'allocation de dommages-intérêts dont le montant est souverainement apprécié par les juges du fond ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois principal et incident ;
Laisse à chaque partie la charge des dépens afférents à son pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X..., demandeur au pourvoi principal.
Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR dit le licenciement de Monsieur X... fondé sur une cause réelle et sérieuse, de l'AVOIR par suite débouté de sa demande en paiement de dommages et intérêts à ce titre et d'une indemnité de procédure, et de l'AVOIR condamné aux dépens de première instance et d'appel ;
AUX MOTIFS QUE sur le licenciement, selon les dispositions de l'article L. 1226-10 du code du travail, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités ; Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise, l'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail ; que le 4 avril 2006, le médecin du travail a déclaré Marcel X... "inapte totalement à tous postes de l'entreprise" avec danger immédiat ; que le périmètre du reclassement est circonscrit au seul établissement exploité par l'association Saint Joseph, situé à FRASNE LE CHATEAU où Marcel X... exerçait son activité salariée, dès lors que son licenciement est intervenu avant que cette association soit, le 1er avril 2007, absorbée par l'AHSFC ; qu'il est justifié par L'AHSFC qu'à l'époque du licenciement de Marcel X..., l'association Saint Joseph employait 67 salariés dont 35,75 ETP, sur les 57,47 au total, correspondaient à des postes d'éducateurs spécialisés; qu'il est justifié par le tableau versé aux débats dont les mentions ne sont pas contestées, qu'il existait, au sein de cette structure, quatre postes de direction-encadrement : un directeur, un directeur adjoint, un chef de service éducatif et un chef de service pédagogique, vingt postes administration-gestion, représentant 14,79 ETP, eu égard aux temps partiels affectés à ces postes, quatre agents, représentants 1,58 ETP affectés au service médical et paramédical et trente-huit agents représentants 35,75 ETP affectés au service socio-éducatif ; qu'il est justifié que cet effectif était stable et qu'il n'est d'ailleurs pas allégué que l'un de ces postes ait été disponible à l'époque du licenciement de Marcel X... ; qu'il est également justifié par les déclarations effectuées par Madame Y..., qui était comptable de l'association lors de la déclaration d'inaptitude de Marcel X... et par Madame Z..., qui était secrétaire de direction, que des recherches ont été effectuées pour tenter de trouver une solution de reclassement à Marcel X... ; que Madame Y... déclare que Monsieur A..., directeur général, avait recherché si un poste pouvait lui être proposé ou aménagé, avec une étude de budget ; que Madame Z... déclare avoir été témoin de démarches orales effectuées par Monsieur A..., dans le cadre d'une recherche de reclassement de Marcel X..., notamment lors des réunions "cadres associatifs" et lors des réunions de bureau et de conseil d'administration auxquelles elle assistait ; que Monsieur B..., salarié et délégué du personnel de l'association Saint Joseph au moment de la déclaration d'inaptitude de Marcel X..., déclare : « en tant que délégué du personnel de l'association Saint Joseph dans le cadre d'une délégation unique, j'ai assisté à la réunion du 11 juillet 2006. Durant celle-ci, Monsieur A... a évoqué la situation de Marcel X... et a fait état des différentes recherches au sein de l'association pour permettre l'aménagement du poste de travail de ce salarié. Toutes les possibilités d'aménagement du poste de travail au sens large du terme (aménagement physique, d'horaires, de tâches) ont été évoquées et nous, les instances représentatives du personnel, avons pu conclure à l'impossibilité dé trouver une solution positive de maintien dans l'association de Marcel X... », compte tenu de l'avis médical ; qu'au vu de ces éléments, la preuve rapportée par l'AHSFC, qu'elle a, au vu des conclusions du médecin du travail, cherché, y compris en envisageant l'adaptation de poste, toutes les solutions possibles de reclassement de Marcel X... ; qu'elle a ainsi, loyalement exécuté son obligation de recherche de reclassement sans qu'il puisse lui être reproché, ainsi que le soutient Marcel X..., de ne pas lui avoir proposé un poste de direction des services qui, selon ce qu'il indique, lui était accessible indépendamment de toute formation complémentaire qu'il avait déjà, ce qu'au surplus il ne démontre pas ; qu'en effet, aucun des quatre postes de direction n'étant vacant ou susceptible de l'être à l'époque de la déclaration d'inaptitude, et alors qu'il ne peut être exigé de l'employeur de créer un poste de reclassement au sein de son entreprise, le reclassement de Marcel X... sur un poste de direction s'avérait impossible ; que, par suite, en l'absence de toute possibilité de reclassement de Marcel X..., son licenciement pour inaptitude était fondé ; qu'à juste titre, les premiers juges ont retenu que le licenciement de Marcel X... reposait sur une cause réelle et sérieuse ; que le jugement doit être confirmé sur ce point ;
ET AUX MOTIFS éventuellement adoptés QUE sur le caractère réel et sérieux du licenciement, aux termes de l'article L.122-24-4 du code du travail, applicable alors, « si le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre, à l'issue des périodes de suspension, l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise et après avis des délégués du personnel, un autre emploi approprié à ses capacités et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail » ; qu'il résulte que, dans le certificat dressé par lui, le médecin du travail a porté la mention suivante : « inapte totalement à tous postes de l'entreprise » ; qu'il n'est pas, d'autre part, établi qu'au jour du licenciement, le Centre Educatif Spécialisé « ECOLE SAINT JOSEPH » comportait d'autres entités susceptibles de permettre un reclassement du salarié au sein de l'un d'entre eux ; qu'enfin, le Centre Educatif Spécialisé « ECOLE SAINT JOSEPH » fait, à juste titre, remarquer dans ses conclusions, qu'il a différé le licenciement de Marcel X..., ce qui tend à démontrer que l'employeur a recherché une solution de reclassement, et ce, malgré le taux d'invalidité fixé à 80% par la COTOREP ; qu'il convient, au vu des constatations qui précèdent, de dire que le Centre Educatif Spécialisé « ECOLE SAINT JOSEPH » n'a pas failli à son obligation de rechercher une solution de reclassement pour Marcel X... ; qu'il convient, dès lors, de juger que le congédiement de ce dernier est pourvu d'une cause réelle et sérieuse;
ALORS QUE l'avis du Médecin du travail déclarant un salarié inapte à tout poste dans l'entreprise ne dispense pas l'employeur de rechercher des possibilités de reclassement par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail, ou aménagement du temps de travail, l'employeur étant tenu de justifier qu'il a effectué des démarches précises en ce sens ; que Monsieur X... faisait valoir qu'avant qu'il ne soit déclaré inapte, il « menait », « parallèlement à ses activités éducatives », « des recherches dans le cadre de la transversalité institutionnelle du Centre Educatif » et qu' « à ce titre », il « avait un bureau, recevait le personnel pour des doléances, des postes de travail, des propositions en vue de mise en place de projets éventuels », et que dans la mesure où seules ses capacités physiques avaient été atteintes à la suite de son accident de travail, l'employeur aurait pu, afin de le reclasser, adapter son poste de travail en institutionnalisant les fonctions qui lui avaient été confiées dans la recherche de la transversalité institutionnelle, éventuellement par la mise en place d'un horaire adapté ; que la Cour d'appel a cependant retenu que l'employeur avait satisfait à son obligation de reclassement, sans rechercher, ainsi qu'elle l'y était invitée, s'il avait tenté d'institutionnaliser les fonctions qui étaient confiées à Monsieur X... dans le cadre de la recherche de la transversalité institutionnelle du Centre Educatif ; qu'en se déterminant de la sorte, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1226-10 du code du travail ;
ALORS à tout le moins QU'en omettant de répondre à ce moyen précis des écritures de Monsieur X..., la Cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions et violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS encore QUE l'avis du Médecin du travail ne dispense pas l'employeur, qui seul connaît les possibilités d'aménagements des postes de son entreprise, de rechercher un reclassement pour le salarié ; que l'employeur ne saurait donc se fonder sur les conclusions dudit Médecin pour limiter ses recherches et justifier de l'impossibilité de reclasser le salarié inapte ; que néanmoins, pour débouter le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la Cour d'appel a retenu que l'employeur « avait, au vu des conclusions du médecin du travail, cherché » « toutes les solutions possibles de reclassement de Marcel X... », se fondant en ce sens sur la déclaration de Monsieur B..., « salarié et délégué du personnel de l'association Saint Joseph au moment de la déclaration d'inaptitude de Marcel X... », qui indiquait que « "les instances représentatives du personnel, avaient pu conclure à l'impossibilité de trouver une solution positive de maintien dans l'association de Marcel X...", compte tenu de l'avis médical » ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé l'article L.1226-10 du code du travail ;
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour l'Association d'hygiène sociale du Doubs, demanderesse au pourvoi incident.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné l'ASHD à payer à monsieur X... la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de l'absence de notification des motifs s'opposant au reclassement ;
AUX MOTIFS QUE selon les dispositions de l'article L.1226-12 du code du travail, lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement ; que l'AHSD n'a pas respecté cette obligation, les termes utilisés dans la lettre de licenciement n'étant pas susceptibles de se substituer à l'information que doit donner, de manière séparée, l'employeur à son salarié, sur les motifs pour lesquels il n'a pas été en mesure de le reclasser ; que ce manquement de l'employeur à cette obligation, a causé nécessairement un préjudice à Marcel X... qui doit être réparé par l'allocation d'une somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
1. - ALORS QUE l'article L.1226-12 du code du travail qui dispose que l'employeur qui se trouve dans l'impossibilité de proposer au salarié déclaré inapte un autre emploi, doit lui faire connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement, n'exige pas que cette information précède l'engagement de la procédure de licenciement ni qu'elle ait lieu par courrier séparé ; qu'en jugeant que l'information donnée sur ce point dans la lettre de licenciement n'était pas suffisante, faute d'avoir été donnée par courrier séparé, la Cour d'appel a violé l'article L. 1226-12 du Code du travail ;
2. ¿ ALORS QUE l'absence de notification écrite des motifs qui s'opposent au reclassement du salarié rend l'employeur redevable d'une indemnité en réparation du préjudice subi dans la limite du montant d'un mois de salaire ; qu'en l'espèce, il est constant qu'en dernier lieu le salaire de monsieur X... s'élevait à 2.519,14 euros ; qu'en condamnant l'employeur à verser la somme de 3.000 euros au salarié en raison de l'absence de notification écrite des motifs s'opposant à son reclassement avant l'engagement de la procédure de licenciement, la Cour d'appel a violé les articles L. 1226-12 et L. 1235-2 du Code du travail ;