Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 28 mai 2014, 13-83.759, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Olivier X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 8-1, en date du 16 avril 2013, qui, pour infractions à la législation sur les jeux de hasard, l'a condamné à 30 000 euros d'amende ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 2 avril 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel, président, Mme Ract-Madoux, conseiller rapporteur, Mme Nocquet, conseillère de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Téplier ;
Sur le rapport de Mme le conseiller RACT-MADOUX, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LE BAUT ;

Vu les mémoires produits ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 112-1 du code pénal et L. 121-36 du code de la consommation dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011, du principe de la rétroactivité in mitius, des articles 2 de la loi du 12 juillet 1983, 1 et 2 de la loi du 21 mai 1836 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X...coupable d'exploitation d'appareils de jeux interdits sur la voie ou dans un lieu public, mise à disposition d'appareils de jeux interdits sur la voie ou dans un lieu public, installation d'appareils de jeux interdits sur la voie ou dans un lieu public, et l'a condamné à 30 000 euros d'amende ;
" aux motifs que la cour relève, comme le tribunal, que l'utilisateur de ces bornes, outre l'accès à internet, a accès à un jeu « Fou de foot » ou à un jeu « Billard Academy » reposant, pour le premier, sur le même système qu'un jeu de poker, et pour le second, sur celui des machines à sous à rouleaux, jeux dans lesquels l'adresse du joueur n'intervient pas, seul le hasard permettant au joueur de gagner ou perdre ; que la possibilité de se connecter à internet ne peut justifier l'existence de ces jeux d'argent et de hasard ; qu'elle constate dès lors que la borne Visionex ne s'apparente pas à une loterie commerciale, n'étant nullement liée à une opération commerciale, et est soumise aux dispositions de l'article 2 de la loi du 12 juillet 1983, texte visé dans la prévention, soulignant que le prévenu s'étant toujours enquis dans ses démarches de la légalité de Visionex au regard de cette loi ; qu'elle rejettera dès lors les conclusions sur l'absence d'élément légal de l'infraction ; (¿) que la cour considère dès lors qu'au vu des éléments de la procédure, les faits de fabrication d'appareils de jeux interdits sur la voie ou dans un lieu public ne sont pas établis ; qu'elle déclarera dès lors le prévenu non coupable de ce délit et le renverra des fins de la poursuite de ce chef ; qu'elle infirmera partiellement le jugement sur la déclaration de culpabilité sur la relaxe partielle prononcée sur la période du 23 novembre 2007 au 10 janvier2008, considérant que le prévenu est coupable de l'ensemble des faits qui lui sont reprochés dans les termes de la prévention, soit du 1er février 2007 au 10 janvier 2008, pour les motifs ci-dessus précisés, la cour considérant pour le surplus que c'est par des motifs pertinents qu'elle fait siens et par une juste appréciation des faits et circonstances particulières de la cause, exactement rapportés dans la décision attaquée, que les premiers juges ont retenu, à bon droit, le prévenu dans les liens de la prévention s'agissant de mise à disposition, d'installation, d'exploitation d'appareils à jeux sur la voie ou dans un lieu public ;
" 1°) alors que, la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 qui, étant une loi plus douce, s'applique immédiatement aux affaires qui ne sont pas définitivement jugées, prévoit que lorsque la participation à une opération publicitaire tendant à faire naître l'espérance d'un gain est conditionnée à une obligation d'achat, la pratique n'est illicite que dans la mesure où elle revêt un caractère déloyal ; qu'en l'espèce, la participation à la loterie commerciale à laquelle donne accès la borne Visionex est conditionnée par une obligation d'achat de « temps internet » et ne présente aucun caractère déloyal ; que dans ces conditions, l'arrêt ne pouvait considérer d'emblée que la borne Visionex n'était pas liée à une opération commerciale liée à une obligation d'achat pour déclarer M. X...coupable d'exploitation et d'installation d'appareils de jeux interdits, sans violer les textes susvisés ;
" 2°) alors que dans ses conclusions devant la cour d'appel, M. X...faisait valoir que l'exploitation, la mise à disposition et l'installation de la borne Visionex s'apparentaient à une loterie commerciale dans la mesure où, nonobstant sa nature hybride, le jeu proposé par la borne Visionex découlait de l'achat préalable de temps internet et avait vocation à faire la promotion des services disponibles par le terminal ; qu'il donnait alors accès à une véritable loterie, le hasard intervenant dans la désignation des gagnants, le nombre des gains étant défini à l'avance, selon certaines prévisibilités dans son principe et dans la composition des lots ; qu'en se bornant à affirmer que la borne Visionex ne s'apparente pas à une loterie commerciale sans s'expliquer sur ces différents éléments invoqués par M. X...qui liait notamment la participation à la loterie publicitaire à l'achat préalable de temps internet, la cour d'appel n'a pu légalement justifier sa décision au regard des textes susvisés ;
" 3°) alors que l'article L. 121-36 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011, qui légalise la participation à des opérations publicitaires tendant à faire naître l'espérance d'un gain conditionnée par une obligation d'achat lorsqu'elle ne revêt pas un caractère déloyal, contenant des dispositions plus douces, doit s'appliquer immédiatement aux poursuites en cours contre M. X...; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3 et 122-3 du code pénal, 2 de la loi du 12 juillet 1983 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X...coupable d'exploitation, mise à disposition, installation d'appareils de jeux interdits sur la voie ou dans un lieu public ;
" aux motifs que la cour relève que M. X..., avant le lancement de son projet, a sollicité, par l'intermédiaire de son conseil en octobre 2006 de la sous-direction des courses et des jeux, le commissaire M. Y... refusant de donner un avis préalable sur ce dossier, en l'invitant à se rapprocher de la direction des libertés publiques, la direction générale des douanes et droits indirects sur le régime fiscal applicable à Visionex, le 23 novembre 2007, la direction des libertés publiques et des affaires juridiques au ministère de l'intérieur, son conseil l'informant par un mail de juillet 2008 que « tel que le dispositif a été décrit, il semblerait que le sacrifice financier était absent » ; que la cour constate dès lors que le prévenu n'a jamais reçu d'autorisation de cette administration lui confirmant la légalité de ces bornes, alors que ses démarches témoignent des doutes qu'il avait sur la licéité de Visionex, ce que les professionnels avaient déjà soulevé ; qu'elle relève à cet égard que le 10 décembre 2007, son conseil et concepteur du montage juridique avait adressé au sous-directeur des libertés publiques un courrier où il indiquait expressément que « la seule question qui demeure est celle de la licéité du terminal au regard de la loi de 1983 » tout en concluant « Un courrier de votre part confirmant simplement que la borne Visionnex échappe à l'application de la loi de 1983 serait encore précieux » ; qu'elle considère dès lors qu'il est inopérant de fonder l'absence d'intention du prévenu sur l'inaction de l'administration, alors que le 10 décembre 2007, la société expliquait encore ouvertement que la question de la licéité pouvait se poser ; qu'elle considère, à l'inverse du Tribunal, que, même après le 23 novembre 2007, le prévenu ne saurait se prévaloir d'une erreur de droit ; qu'elle rejettera, dès lors, les conclusions sur l'erreur de droit ;
" alors que l'exploitation, la mise à disposition et l'installation de bornes Visionex n'étant pas soumises à une procédure d'autorisation avant leur mise sur le marché, et M. X...ayant multiplié les demandes d'avis auprès de juristes et des services compétents en la matière, ainsi que les démarches auprès des directions ministérielles concernées aux fins d'obtenir confirmation de la légalité des appareils, ce qui lui a été confirmé oralement, la cour d'appel ne pouvait écarter la bonne foi de M. X...et l'erreur de droit invoquée, en considérant qu'il « n'a jamais reçu d'autorisation de (l') administration » ; qu'en subordonnant ainsi l'absence d'erreur de droit et de bonne foi de l'intéressé à l'existence d'une « autorisation » qui n'était pas requise, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés " ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1 et 2 de la loi du 12 juillet 1983, 1 et 2 de la loi du 21 mai 1836, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X...coupable d'exploitation d'appareils de jeux interdits sur la voie ou dans un lieu public, mise à disposition d'appareils de jeux interdits sur la voie ou dans un lieu public, installation d'appareils de jeux interdits sur la voie ou dans un lieu public, et l'a condamné à 30 000 euros d'amende ;
" aux motifs déjà cités aux premier et second moyens ;
" alors que le procédé mis au point et exploité dans les bornes visionex consistant à offrir, d'une part, un accès à internet, d'autre part une participation à un jeu concours sans aucun enjeu ni sacrifice financier d'aucune sorte, sans lien entre ces deux fonctions et sans aucune obligation pour l'utilisateur de choisir l'accès à internet, est conforme aux dispositions de l'article 1er de la loi n° 83. 628 du 12 juillet 1983 qui prohibe les appareils permettant « de procurer, moyennant enjeu un avantage direct ou indirect de quelque nature que ce soit » ; que les appareils en cause ne soumettant la participation à des jeux à aucun enjeu, ni aucun sacrifice financier d'aucune sorte, et ne la subordonnant pas à l'accès à internet parallèlement offert par le même appareil, ne peuvent rentrer dans la catégorie des appareils proscrits par la loi du 12 juillet 1983 ; que la cassation est encourue et interviendra sans renvoi, l'infraction ne pouvant être légalement constituée " ;

Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que M. X...est notamment poursuivi, sur le fondement de l'article 2 de la loi du 12 juillet 1983, devenu l'article L. 324-2 du code de sécurité intérieure, pour avoir installé, exploité et mis à la disposition de tiers, dans des lieux ouverts au public, des bornes Visionnex qui permettaient, moyennant le versement d'une somme d'argent, d'obtenir une connexion internet qui donnait accès à des parties gratuites des jeux de hasard, susceptibles de générer des gains, dénommés " fou de foot " et " billard academy " ;
Attendu que, pour retenir la culpabilité du prévenu, l'arrêt prononce par les motifs repris aux moyens ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que ces appareils ne s'apparentaient pas à une loterie commerciale et que leur fonctionnement incitait le joueur, dans la perspective d'un accès aux jeux présenté comme gratuit, à effectuer un versement d'argent constitutif d'un enjeu, la cour d'appel, qui a caractérisé en tous ses éléments, notamment intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable, a justifié sa décision ;

D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-huit mai deux mille quatorze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et M. Bétron, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt ;

ECLI:FR:CCASS:2014:CR02212
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