Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 21 mai 2014, 13-18.586, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 23 août 2007 en qualité de voyageur représentant placier multicartes par la société Acksion conseils, a saisi la juridiction prudhomale le 19 mai 2009 en résiliation de son contrat de travail pour non-paiement de ses commissions, paiement de ses indemnités de rupture et de dommages-intérêts ; que par jugements des 5 mars puis 28 avril 2010, le redressement et la liquidation judiciaire de la société ont été prononcés ;
Sur la première branche du moyen unique :
Attendu que l'AGS fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation du contrat de travail au 31 octobre 2008 aux torts de l'employeur, fixer la créance du salarié au passif social à titre de rappel de commissions pour juillet 2008, les indemnités de rupture et les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, déclarer sa décision opposable et dire qu'elle devra sa garantie dans la limite du plafond 6, alors, selon le moyen, que nul ne peut se constituer une preuve à soi-même ; qu'en faisant droit à une demande de rappel de salaire sur le fondement d'une liste de contrats établie unilatéralement par le salarié, à sa seule initiative et en l'absence de toute communication des contrats litigieux, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;

Mais attendu que sous couvert de grief non fondé de violation de la charge de la preuve, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion devant la Cour de cassation l'appréciation souveraine par les juridictions du fond de la valeur et de la portée des éléments de fait et de preuve qui leur étaient soumis ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur la seconde branche :
Vu l'article 1184 du code civil ensemble l'article L. 3253-8 du code du travail ;

Attendu qu'en cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la date d'effet de la résiliation ne peut être fixée qu'au jour de la décision qui la prononce dès lors que le contrat n'a pas été rompu avant cette date ;
Attendu que pour prononcer la résiliation du contrat de travail à compter du 31 octobre 2008 aux torts de l'employeur et fixer en conséquence la créance du salarié au passif social et condamner l'AGS à garantir cette créance de commissions, indemnités de rupture et dommages-intérêts, dans la limite du plafond 6, l'arrêt retient qu'il n'est pas contesté que le salarié ne s'est plus trouvé au service de la société à compter du 31 octobre 2008, date à laquelle il convient de fixer la résiliation judiciaire du contrat de travail ; qu'antérieure à celle de l'ouverture de la procédure collective, l'AGS ne peut s'opposer à la mise en oeuvre de sa garantie au motif que le liquidateur n'a pas procédé au licenciement dans les quinze jours du jugement de liquidation judiciaire, la relation de travail ayant cessé antérieurement ;
Qu'en statuant par un motif inopérant sans qu'il résulte de ses constatations que le contrat de travail avait été rompu avant l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il retient la garantie de l'AGS au titre des conséquences de la résiliation du contrat de travail, l'arrêt rendu le 29 mars 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit n'y avoir lieu à garantie de l'AGS ;
Condamne M. X... et M. Y..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mai deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour l'AGS et l'Unedic
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail à compter du 31 octobre 2008 aux torts de la société Acksion Conseils, fixé la créance de M. X... au passif de la liquidation judiciaire de la société Acksion Conseils aux sommes de : 1.965 euros à titre de rappel de commissions pour le mois de juillet 2008, 577,10 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, 962 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 192,36 euros à titre d'indemnité de licenciement, 2.890 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, déclaré l'arrêt opposable à l'Ags Cgea de Lille et dit qu'elle devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L.3253-8 et suivants du code du travail dans les conditions résultant des dispositions des articles L.3253-15 à L.3253-17 et L.3253-19 à L.3253-21 dudit code et que le montant de sa garantie n'excédera pas six fois le plafond mensuel retenu pour le calcul des contributions au régime d'assurance chômage ;
AUX MOTIFS QU' il résulte des dispositions du contrat de travail et, en particulier, de la grille de rémunération jointe au contrat, que l'appelant devait percevoir une commission d'un montant forfaitaire variable selon les opérateurs agissant dans les secteurs du gaz, de l'électricité et de la téléphonie ; que l'appelant verse aux débats une liste détaillée des différents contrats qu'il a fait souscrire durant les mois de mars, avril, juin et juillet 2008 ainsi que de leurs bénéficiaires ; que les relevés de compte qu'il fournit ne font apparaître que des virements de la société pour les mois de novembre et décembre 2007, d'un montant respectif de 319 et 802 euros ; que toutefois l'appelant ne sollicite que le paiement de commissions dues à compter du mois de juillet 2008 ; qu'il ne produit aucun élément de preuve de nature à établir qu'il a conclu d'autres contrats susceptibles de générer un droit à commissions pour la période courant du mois d'août au mois d'octobre 2008 ; que, quant à lui, le liquidateur n'établit pas que la société se soit acquittée du paiement des commissions dues à la suite de la souscription des contrats dont se prévaut l'appelant pour la période du mois de juillet 2008 ; que comptetenu du nombre de contrats souscrits et du montant forfaitaire de la commission prévue au contrat de travail, la société reste bien redevable de la somme totale de 1.965 euros correspondant à ce mois ; que l'appelant n'était pas engagé à titre exclusif par la société ; ¿ ; qu'en application de l'article L.1231-1 du code du travail, le défaut de versement par l'employeur de la rémunération due au salarié constitue un manquement d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation du contrat de travail ; qu'il apparaît des pièces produites que la société s'est abstenue sans motif du versement des commissions correspondant au mois de juillet 2008 ; qu'il n'est pas contesté que l'appelant ne s'est plus trouvé au service de son employeur à compter du 31 octobre 2008 ; qu'il convient donc de prononcer la résiliation du contrat de travail à cette date ; ¿ ; qu'il résulte de ses différents avis d'imposition et du jugement du tribunal d'instance de Lille en date du 21 mai 2010 que l'absence de versement de la rémunération qui lui était due lui a occasionné des difficultés financières conduisant à l'impossibilité de s'acquitter de son loyer ; qu'en réparation du préjudice ainsi subi, il convient de lui allouer la somme de 2.890 euros ; ¿ ; qu'en application de l'article L.3253-8 du code du travail, la rupture de la relation de travail qui a été fixée au 31 octobre 2008 est antérieure aussi bien au jugement de liquidation judiciaire en date du 28 avril 2010 qu'au jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ; que l'Ags ne peut donc s'opposer à la mise en oeuvre de sa garantie au motif que le liquidateur judiciaire n'avait pas procédé au licenciement dans les quinze jours du jugement de liquidation judiciaire, la relation de travail ayant cessé antérieurement ; que sa garantie concerne aussi bien le paiement des commissions en exécution du contrat de travail que les différentes indemnités de rupture allouées au salarié ; que compte tenu de la date de conclusion du contrat de travail, le montant de sa garantie n'excédera pas six fois le plafond mensuel retenu pour le calcul des contributions au régime d'assurance chômage ;
1/ ALORS QUE nul ne peut se constituer une preuve à soimême ; qu'en faisant droit à une demande de rappel de salaire sur le fondement d'une liste de contrats établie unilatéralement par le salarié, à sa seule initiative et en l'absence de toute communication des contrats litigieux, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;

2/ ALORS QU' qu'en cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la date d'effet de la résiliation ne peut être fixée qu'au jour de la décision qui la prononce dès lors que le contrat de travail n'a pas été rompu avant ; que la cessation d'activité du salarié n'emporte pas de plano la rupture du contrat de travail ; que la garantie de l'Ags couvre : « ¿ 1° Les sommes dues aux salariés à la date du jugement d'ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, ainsi que les contributions dues par l'employeur dans le cadre de la convention de reclassement personnalisé ; 2° Les créances résulta nt de la rupture des contrats de travail intervenant : ¿ c) Dans les quinze jours suivant le jugement de liquidation ; ¿ » ; qu'en fixant au 31 octobre 2008 la date de la résiliation judiciaire après avoir relevé qu'il n'est pas contesté que l'appelant ne s'est plus trouvé au service de son employeur à compter du 31 octobre 2008, pour en déduire une cessation d'activité antérieure au prononcé de la liquidation judiciaire et retenir la garantie de l'Ags, la cour d'appel, qui n'a pas constaté la rupture effective du contrat de travail, notamment par le prononcé d'un licenciement, a statué par un motif inopérant et violé l'article 1184 du code civil, ensemble l'article L.3253-8 du code du travail.

ECLI:FR:CCASS:2014:SO01024
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