Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 30 avril 2014, 12-27.277, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 12-27.277
- ECLI:FR:CCASS:2014:SO00838
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- Mme Goasguen (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 septembre 2012) que M. X... a travaillé pour le compte de la société TS 3 (la société) de 2000 à 2009 dans le cadre de 117 contrats à durée déterminée d'usage en qualité de pianiste, membre de la formation orchestrale accompagnant un chanteur de variété ; que par courriel du 4 mai 2009, la société l'a informé qu'une tournée était envisagée par l'artiste en 2010 en joignant au message un planning provisionnel et une proposition de cachets ayant abouti à un accord le 11 mai 2009 ; que le 28 octobre 2009, M. X... a reçu un planning de la tournée 2010 avec les dernières mises à jour ; que début novembre 2009, il lui a été indiqué qu'aucun musicien n'accompagnerait le chanteur pour ses concerts prévus de février à mai 2010 ; qu'estimant que les courriers échangés avec la société valaient promesse d'embauche, l'intéressé a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer des dommages-intérêts pour rupture abusive d'une promesse d'embauche, alors, selon le moyen :
1°/ que constituent de simples pourparlers, et non une promesse d'embauche valant contrat de travail, les échanges par lesquels une partie se borne à indiquer à l'autre quelles seraient les conditions d'une relation de travail, sans pour autant s'engager de façon ferme sur sa volonté de conclure une telle relation ; qu'aux termes du courriel envoyé par la société TS 3 à M. X... le 4 mai 2009 : « Nous allons très certainement faire une tournée théâtres pour Calo en 2010 dont voici un planning prévisionnel (à ne pas faire circuler car en cours d'élaboration) pour que tu puisses t'organiser. Comme tu pourras le constater, la PP aurait lieu à Enghien du 22 au 26 février 2010 (et sûrement chez calo pour la partie musique). A priori le format serait le suivant : 3 musiciens (formule acoustique) sur scène : toi piano, guitare (Pierre), percussions (Christophe) + Calo ; le matériel serait entièrement fourni sur place (régies, puissance et retours) ; nous n'emporterions qu'un backline très léger sur la route (une paire de guitares et des percussions très peu encombrantes) ; le piano serait donc demandé sur place (...) » ; que la cour d'appel a pourtant affirmé que dans ce courriel la société TS 3 indiquait que « très certainement » une tournée-théâtres allait être organisée en 2010 pour Z..., que les dates et lieux de préparation « sont fixés » du 22 ou 26 février 2010 à Enghien, que le format de trois musiciens (dont M. X... au piano) « est » défini et que le matériel et le piano « seront » fournis sur place ; qu'en transformant ainsi les indications données au conditionnel par la société TS 3 en des affirmations, et en omettant les termes faisant apparaître que les concerts et répétitions en cause n'étaient envisagées qu'à titre de projet, la cour d'appel a dénaturé ce document, en violation de l'article 1134 du code civil ;
2°/ que la société TS 3 faisait valoir dans ses conclusions (p. 9) que les courriels envoyés à M. X... faisaient clairement apparaître le caractère hypothétique de l'existence et de la configuration des concerts acoustiques du chanteur Z..., de sorte que ces courriels ne pouvaient être regardés comme contenant un engagement ferme et définitif de contracter ; qu'en se bornant à relever que la société TS 3 avait indiqué à M. X... le contenu de la prestation à fournir, sa durée, les lieux où elle s'accomplirait et la rémunération prévue, sans rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si les termes des échanges excluaient que la société de production se soit engagée fermement sur l'existence même des concerts de l'artiste pour lesquels la collaboration de M. X... avait été envisagée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé l'existence d'une relation contractuelle ancienne entre les parties déjà liées par 117 contrats à durée déterminée d'usage au cours des années 2000 à 2009, la cour d'appel qui a constaté, hors toute dénaturation et procédant à la recherche prétendument omise, que le courrier du 4 mai 2009, suivi de ceux des 11 mai et 20 octobre 2009, précisait au salarié les dates et lieux des prestations à accomplir, la composition de la formation musicale à laquelle il devait appartenir, les conditions de mise à disposition du matériel et le montant de ses cachets ayant abouti à un accord le 11 mai suivant, a pu décider qu'il constituait une promesse d'embauche et que la rupture de cet engagement par la société s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'elle a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société TS 3 aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile, et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande de la société TS 3 et condamne celle-ci à payer à la SCP Ortscheidt la somme de 2 800 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente avril deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour la société TS 3
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société TS 3 à payer à M. X... la somme de 40 000 € à titre de dommages intérêts pour rupture abusive d'une promesse d'embauche et la somme de 776 € d'indemnité conventionnelle de fin de collaboration ;
AUX MOTIFS QU'Idriss El Mehdi X..., pianiste, a été régulièrement recruté par la société TS 3 au cours des années 2000 à 2009, par 117 contrats à durée déterminée d'usage, en qualité de membre de la formation orchestrale accompagnant le chanteur de variétés Z..., dans ses différentes prestations publiques et d'enregistrements ; qu'au cours de l'année 2009, M. X... participera d'avril à mai à la tournée des Zénith de ce chanteur ; qu'à ce stade et dans la continuité de cette relation contractuelle, un courriel du 4 mai 2009 émanant d'un responsable de la société TS 3 fait savoir à Idriss El Mehdi X... que « très certainement » une tournée-théâtres allait être organisée « en 2010 pour Calo » ; qu'à ce courriel est joint un planning prévisionnel (il est demandé à M. X... de le considérer comme confidentiel) ; que les dates et lieu de préparation sont fixées du 22 ou 26 février 2010 à Enghien, mais « sûrement chez Calo avant pour la partie musique » ; que « le " format " est défini : 3 musiciens (formule acoustique) sur scène : " toi piano ", guitare (Pierre), percussions (Christophe) + Calo. Le matériel et le piano seront fournis sur place » ; que le cachet prévu pour cette partie de tournée est de 400 ¿ brut ; que la proposition se poursuit en ces termes : « à suivre, il est fortement question que nous fassions des concerts en Zénith au mois de juin 2010, des festivals en été et peut-être également à la rentrée (septembre/ décembre 2010) tout cela bien évidemment aux conditions financières de la tournée Zénith initiale » ; que le courriel se termine ainsi : « dans l'attente de ta réponse sur les conditions financières » ; que par courriel du lundi 4 mai 2009, Idriss El Mehdi X... répond à la société TS 3 SAS (Vincent Y...) en lui signifiant « sa désapprobation » en rappelant qu'il avait donné « son accord, au même titre que tous mes camarades à la proposition de TS 3 SAS pour la tournée " l'Embellie " Zéniths + théâtres, toutes salles confondues, au salaire de 600 € brut » ; que Idriss El Mehdi X... poursuit : « je ne comprends pas ce changement, d'autant plus que les coûts de plateau sont réduits au minimum, et souhaite sincèrement que vous serez en mesure de respecter votre parole, sans quoi je me verrai contraint de refuser cette nouvelle offre qui ne respecte pas nos engagements initiaux » ; que le 11 mai 2009, les parties vont tomber d'accord sur la rémunération : 600 € par concert ; 300 € par répétition ; qu'un planning détaillé des concerts (Zéniths et théâtres) est communiqué par la société TS 3 pour les mois de février, mars, avril, mai, octobre, novembre et décembre 2010 ; qu'après des pourparlers entre les parties déjà en relation contractuelle suivie à travers des contrats à durée déterminée d'usage, une promesse d'embauche a ainsi été faite à Idriss El Mehdi X... par la société TS 3, comprenant une définition de la prestation à fournir, sa durée, les lieux où elle s'accomplirait et les conditions de rémunération de celle-ci ; que du fait de cet accord réciproque, les parties se sont trouvées liées par un contrat de travail ; qu'au stade de cette promesse d'embauche, ayant les effets d'un contrat de travail, est intervenue une rupture de la part de l'employeur en ce que le programme des prestations à fournir, en raison de l'option prise par le chanteur Z... de se produire seul dans les théâtres, a été non seulement remis en question, mais réduit au strict minimum, cette modification unilatérale et majeure ne résultant de l'application d'aucune condition suspensive liée à cette promesse et intervenant à un moment où il devenait impossible pour Idriss El Mehdi X... de combler un déficit devenu quasi-total d'engagements pour l'année 2010 ; que le non-respect fautif ainsi constaté de la promesse d'embauche par la société TS 3 s'analyse en un licenciement ; que ce licenciement causé de manière fautive par le défaut de réalisation par l'employeur de cette promesse précisément formalisée ouvre droit pour le salarié à la réparation du préjudice en résultant ;
1°) ALORS QUE constituent de simples pourparlers, et non une promesse d'embauche valant contrat de travail, les échanges par lesquels une partie se borne à indiquer à l'autre quelles seraient les conditions d'une relation de travail, sans pour autant s'engager de façon ferme sur sa volonté de conclure une telle relation ; qu'aux termes du courriel envoyé par la société TS 3 à M. X... le 4 mai 2009 : « Nous allons très certainement faire une tournée théâtres pour Calo en 2010 dont voici un planning prévisionnel (à ne pas faire circuler car en cours d'élaboration) pour que tu puisses t'organiser. Comme tu pourras le constater, la PP aurait lieu à Enghien du 22 au 26 février 2010 (et sûrement chez calo pour la partie musique). A priori le format serait le suivant : 3 musiciens (formule acoustique) sur scène : toi piano, guitare (Pierre), percussions (Christophe) + Calo ; le matériel serait entièrement fourni sur place (régies, puissance et retours) ; nous n'emporterions qu'un backline très léger sur la route (une paire de guitares et des percussions très peu encombrantes) ; le piano serait donc demandé sur place (...) » ; que la cour d'appel a pourtant affirmé que dans ce courriel la société TS 3 indiquait que « très certainement » une tournée-théâtres allait être organisée en 2010 pour Z..., que les dates et lieux de préparation « sont fixés » du 22 ou 26 février 2010 à Enghien, que le format de trois musiciens (dont M. X... au piano) « est » défini et que le matériel et le piano « seront » fournis sur place ; qu'en transformant ainsi les indications données au conditionnel par la société TS 3 en des affirmations, et en omettant les termes faisant apparaître que les concerts et répétitions en cause n'étaient envisagées qu'à titre de projet, la cour d'appel a dénaturé ce document, en violation de l'article 1134 du code civil ;
2°) ALORS QUE la société TS 3 faisait valoir dans ses conclusions (p. 9) que les courriels envoyés à M. X... faisaient clairement apparaître le caractère hypothétique de l'existence et de la configuration des concerts acoustiques du chanteur Z..., de sorte que ces courriels ne pouvaient être regardés comme contenant un engagement ferme et définitif de contracter ; qu'en se bornant à relever que la société TS 3 avait indiqué à M. X... le contenu de la prestation à fournir, sa durée, les lieux où elle s'accomplirait et la rémunération prévue, sans rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si les termes des échanges excluaient que la société de production se soit engagée fermement sur l'existence même des concerts de l'artiste pour lesquels la collaboration de M. X... avait été envisagée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil.