Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 9 avril 2014, 13-10.939, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 27 novembre 2012), que Mme X..., engagée à compter du 8 janvier 2007 par la société BNP Paribas personal finance en qualité d'attachée commerciale, a été licenciée pour faute grave le 19 octobre 2009 ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner à payer à la salariée diverses sommes au titre de la rupture, alors, selon le moyen, qu'en vertu de l'article L. 1331-1 du code du travail, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ; que ne constitue pas un avertissement disciplinaire le courriel adressé au salarié constituant un simple rappel à l'ordre de se conformer aux règles internes à l'entreprise sans volonté de le sanctionner ; qu'en l'espèce, le courriel adressé à Mme X... le 2 octobre 2009 avait comme objet « notre entrevue de ce matin : rappel des règles en matière de paiement par Carte Bleue », que le texte même de ce courriel faisait état du rappel des règles relatives à la sécurité en matière de paiement par carte bleue comme l'a relevé la cour d'appel et rappelait à la salariée la nécessité de se conformer auxdites règles ; que ce courriel n'impliquait de la part de la société BNP Paribas personal finance aucune volonté de lui notifier une sanction ; qu'en qualifiant cependant d'avertissement disciplinaire ce courriel pour en déduire que la règle non bis in idem faisait obstacle au prononcé du licenciement, cependant que ce document ne constituait qu'un simple rappel des règles applicables en vigueur dans l'entreprise, de sorte que la qualification d'avertissement disciplinaire était exclue, la cour d'appel a violé l'article L. 1331-1 du code du travail, ensemble le principe selon lequel un salarié ne peut être sanctionné deux fois pour un même fait ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que dans son courriel du 2 octobre 2009, l'employeur reprochait à la salariée des manquements les 29 septembre et 1er octobre 2009 aux règles et procédures internes à la banque relatives à la sécurité des paiements par carte bleue, et l'invitait de manière impérative à se conformer à ces règles et ne pas poursuivre ce genre de pratique, la cour d'appel a justement décidé que ce courriel sanctionnait un comportement fautif et constituait un avertissement, en sorte que les mêmes faits ne pouvaient plus justifier le licenciement ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société BNP Paribas personal finance aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société BNP Paribas personal finance et condamne celle-ci à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf avril deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société BNP Paribas personal finance

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Madame X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse, d'AVOIR, en conséquence, condamné la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à lui payer les sommes de 3.750,42 ¿ à titre de rappel de salaire pour les périodes de mise à pied conservatoire, outre 375,04 ¿ de congés payés y afférents, de 4.133,78 ¿ à titre de préavis, outre 413,37 ¿ de congés payés y afférents, de 2.480,26 ¿ à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, ainsi que de 11.500 ¿ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 2.000 ¿ au titre des frais irrépétibles, et d'AVOIR ordonné à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE le remboursement à Pôle Emploi des indemnité de chômage payées à Madame X... dans la limite de six mois,

AUX MOTIFS QUE « Mme Y... épouse X... conteste le licenciement dont elle a fait l'objet, au premier chef de ses moyens figurent l'épuisement du pouvoir disciplinaire de l'employeur outre le caractère injustifié et disproportionné de la mesure de licenciement. Aux termes des dispositions de l'article L1231-1 du code du travail, le « contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié, ou d'un commun accord, dans les conditions prévues par les dispositions du présent titre. Ces dispositions ne sont pas applicables pendant la période d'essai.». Il résulte des dispositions combinées des articles L.1232-6, L.1234-1 et L.1235-1 du code du travail qu'il appartient au juge d'apprécier la régularité de la procédure suivie et, dans les limites fixées par la lettre de licenciement, le bien fondé du licenciement, l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave devant d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés personnellement au salarié dans la lettre et d'autre part de démontrer que ceux-ci constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis. Par ailleurs, l'article L. 1331-1 du code du travail dispose que « constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.». Quant à l'article L. 1332-4 du même code, il rappelle qu'« aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.». Ainsi, l'employeur qui a notifié un avertissement écrit au salarié a épuisé son pouvoir disciplinaire ; toutefois, il peut prononcer ensuite un licenciement disciplinaire fondé à la fois d'une part sur les griefs anciens déjà sanctionnés, d'autre part sur un fait nouveau postérieur à la première sanction ou sur des faits antérieurs à celle ci, à condition de rapporter la preuve de ce qu'il n'avait pas connaissance de ces derniers à la date de la première sanction. De plus, l'employeur informé de l'ensemble des faits reprochés à la salariée et qui a choisi de lui notifier un avertissement, pour certains d'entre eux seulement, a épuisé son pouvoir disciplinaire et ne peut prononcer un licenciement pour des faits antérieurs à la date de cet avertissement. La salariée tire l'épuisement du pouvoir disciplinaire de l'employeur du courriel que celui-ci lui a adressé le 2 octobre 2009 que pour sa part l'employeur analyse en un simple rappel à l'ordre. Le début du courriel litigieux du 2 octobre 2009 rappelle les règles et procédures internes à la banque notamment celles relatives à la sécurité en matière de paiement par carte bleue auxquelles la salariée a manqué les 29 septembre et 1er octobre 2009 et qui motivent la convocation de la salariée à l'entretien du même jour. La fin de ce courriel ne laisse aucun doute sur son caractère comminatoire ; en effet, il s'achève ainsi : « la détention de ce type d'information est contraire à nos règles de sécurité. L'utilisation de ces données à posteriori sans accord préalable du client l'est d'autant plus. Je vous demande donc sans délai de vous conformer aux règles de sécurité en matière de paiement carte bleue, règles que vous m'avez confirmé connaître en début d'entretien. Je souhaite que ce rappel vous fasse prendre conscience de l'impérieuse nécessité de ne pas poursuivre ce genre de pratique. » Par ce courriel du 2 octobre 2009, qui fait suite à l'entretien du même jour, l'employeur a clairement entendu adresser un avertissement à la salariée, il a fait usage, ce faisant, de son pouvoir disciplinaire. La lettre de licenciement adressée le 23 octobre 2009 à la salariée, après les rappels sur l'historique du contrat et le règlement intérieur se doit de respecter tout collaborateur, se poursuit par l'énoncé des griefs motivant le licenciement pour faute grave ; elle s'achève par le rappel du dispositif conventionnel prévu en cette matière. Les faits fautifs qui motivent le licenciement sont ceux des 29 septembre et 1er octobre 2009, la lettre de licenciement fait d'ailleurs référence en page deux à l'entretien précité du 2 octobre. En conséquence de l'épuisement du pouvoir disciplinaire de l'employeur et pour ce seul motif sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la salariée, celle-ci est bien fondée à soutenir que son licenciement se trouve dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le jugement doit être infirmé » ;

ALORS QU'en vertu de l'article L.1331-1 du Code du travail, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ; que ne constitue pas un avertissement disciplinaire le courriel adressé au salarié constituant un simple rappel à l'ordre de se conformer aux règles internes à l'entreprise sans volonté de le sanctionner ; qu'en l'espèce, le courriel adressé à Madame X... le 2 octobre 2009 avait comme objet « notre entrevue de ce matin : rappel des règles en matière de paiement par Carte Bleue », que le texte même de ce courriel faisait état du rappel des règles relatives à la sécurité en matière de paiement par carte bleue comme l'a relevé la cour d'appel et rappelait à la salariée la nécessité de se conformer auxdites règles ; que ce courriel n'impliquait de la part de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE aucune volonté de lui notifier une sanction ; qu'en qualifiant cependant d'avertissement disciplinaire ce courriel pour en déduire que la règle non bis in idem faisait obstacle au prononcé du licenciement, cependant que ce document ne constituait qu'un simple rappel des règles applicables en vigueur dans l'entreprise, de sorte que la qualification d'avertissement disciplinaire était exclue, la cour d'appel a violé l'article L.1331-1 du Code du travail, ensemble le principe selon lequel un salarié ne peut être sanctionné deux fois pour un même fait.

ECLI:FR:CCASS:2014:SO00779
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