Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 8 avril 2014, 13-11.454, Inédit
Cour de cassation - Chambre commerciale
- N° de pourvoi : 13-11.454
- ECLI:FR:CCASS:2014:CO00373
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation
- Président
- M. Espel (président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., qui exerce une activité de transport de produits laitiers, a signé avec la société Intrasys deux « contrats de prestations » d'une durée de 60 mois pour la fourniture de systèmes de géolocalisation embarqués, avec prestations de maintenance, moyennant le versement de mensualités ; que quelques jours plus tard, il a signé avec la société GE Capital équipement finance deux contrats « de location de longue durée » correspondant aux matériels désignés dans les contrats conclus avec la société Intrasys, moyennant le versement de loyers mensuels ; qu'invoquant la défaillance de la société Intrasys, mise en liquidation judiciaire, et l'interdépendance des contrats de prestations et de location, M. X... a fait assigner les sociétés Intrasys et GE Capital équipement finance en résiliation de ces contrats, réclamant en outre à la seconde le remboursement des loyers versés sans contrepartie ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que l'arrêt rejette l'ensemble des demandes de M. X... sans se prononcer sur les manquements reprochés à la société Intrasys ;
Attendu qu'en rejetant ainsi la demande de résiliation des contrats de prestations, sans apprécier la gravité des manquements invoqués sur le fondement de l'article 1184 du code civil, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;
Et sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants ; que doivent être réputées non écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance ;
Attendu que, pour infirmer le jugement en ce qu'il prononçait la résiliation des contrats de location de longue durée conclus entre M. X... et la société GE Capital équipement finance et condamnait cette dernière à rembourser à M. X... les mensualités indûment perçues par elle au titre des deux contrats résiliés, et rejeter les demandes de M. X..., l'arrêt relève que les contrats de location comportaient la mention selon laquelle ils avaient été conclus « sans maintenance intégrée », et qu'ils stipulaient que, si le locataire avait recours à un prestataire assurant la maintenance, celle-ci était librement déterminée avec le prestataire de services qu'il avait choisi, que le locataire faisait son affaire exclusive de toute action utile à l'égard du prestataire de services pour obtenir l'exécution de la maintenance sans l'intervention du bailleur et qu'il renonçait à tout recours contre ce dernier en cas de défaillance quelconque du prestataire de services et s'interdisait notamment tout refus de paiement des loyers à ce titre ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que M. X... avait conclu avec la société Intrasys deux contrats de prestations pour la fourniture de systèmes de géolocalisation embarqués avec prestations de maintenance et, quelques jours après, avec la société GE Capital équipement finance, deux contrats de location de longue durée « correspondant aux matériels désignés dans les contrats conclus avec la société Intrasys », ce dont il résultait que ces contrats, concomitants, s'inscrivaient dans une opération unique incluant une location financière et que les clauses inconciliables avec cette interdépendance devaient être réputées non écrites, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 novembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société GE Capital équipement finance aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... et à la société Transports X... Thierry la somme globale de 3 000 euros et rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit avril deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Transports X... Thierry et M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR, infirmant le jugement entrepris en ce qu'il avait prononcé la résiliation des deux contrats de prestations signés entre la SAS Intrasys et M. Thierry X... ¿ Transports X... Thierry ¿ le 22 mai 2008, à compter du 24 janvier 2009, aux torts de la SAS Intrasys, débouté M. X... de l'ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE M. X..., transporteur de produits laitiers, a signé le 22 mai 2008 avec la SAS Intrasys deux contrats de prestation pour la fourniture de système de géolocalisation embarqué avec prestation de maintenance d'une durée de 60 mois ; que les 26 et 27 mai 2009, soit quelques jours plus tard, M. X... a signé avec la société GE Capital Equipement Finance deux contrats de ¿ ¿ location longue durée » « correspondant au matériel désigné dans les contrats conclus avec la SAS Intrasys » ; que les différents contrats étaient conclus dans les conditions financières suivantes :- ¿ ¿ contrats de prestations'': mensualités de 1973 ¿ et 273 ¿ sur 60 mois,- ¿ ¿ contrats de location de longue durée'': * 1ère mensualités : 109, 29 ¿ et 734, 99 ¿, * 60 mensualités : 338, 80 ¿ et 2449, 98 ¿ ; qu'il est constant que l'action de M. X... est fondée sur la défaillance de la société Intrasys chargée de la maintenance du matériel par suite de déconfiture ; que pour faire aboutir son action, M. X... soutient que les contrats qu'il avait signés avec la société Intrasys, d'une part, et avec la société GE Capital Equipement Finance, bailleur des matériels loués, d'autre part, étaient indivisibles ; toutefois, que les contrats conclus avec la société GE Capital Equipement Finance spécifiaient expressément et distinctement dans leurs premiers page que le contrat était conclu ¿ ¿ sans maintenance intégrée''; que, d'ailleurs, l'article 1-4 de chaque contrat stipulait que lorsque le locataire avait recours à un prestataire assurant la maintenance, celle-ci était librement déterminée avec le prestataire de service qu'il avait choisi et que le locataire faisait son affaire exclusive de toute action utile à l'égard du prestataire de service pour obtenir l'exécution de la maintenance sans l'intervention du bailleur et renonçait à tout recours contre ce dernier en cas de défaillance quelconque du prestataire de service et s'interdisait notamment tout refus de paiement des loyers à ce titre ; que l'article 7-1 du chaque contrat stipulait encore que le locataire avait la faculté de souscrire auprès du fournisseur ou d'un prestataire de service choisi par lui un contrat en vue de faire assurer par un tiers la maintenance du matériel tel que visé à l'article 1-4 précité ; qu'il n'est aucunement démontré ni d'ailleurs soutenu que le matériel loué aurait été si particulier qu'il aurait été difficile ou impossible à M. X... de trouver d'autres entreprises que la société Intrasys pour assurer la maintenance du matériel à la place de cette entreprise défaillante ; qu'il résulte de ces éléments que les contrats conclus avec la société Intrasys, d'une part, et avec la société GE Capital Equipement Finance, d'autre part, étaient indépendants et qu'ils doivent s'exécuter dans les termes spécifiques de chacun d'entre eux ;
ALORS QU'il appartient aux juges du fond d'apprécier la gravité du manquement d'une partie à un contrat synallagmatique pour accueillir ou rejeter la demande de résiliation dudit contrat fondée sur l'article 1184 du code civil ; qu'en infirmant purement et simplement le jugement entrepris et en déboutant M. X... de l'ensemble de ses demandes, refusant ainsi de prononcer la résiliation des contrats du 22 mai 2008 conclus avec la société Intrasys sans constater que les manquements de la société Intrasys à ses obligations contractuelles n'étaient pas d'une gravité suffisante pour en justifier la résiliation judiciaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1184 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR, infirmant le jugement entrepris en ce qu'il avait prononcé la résiliation à compter du 24 janvier 2009, des contrats de location de longue durée conclus entre M. Thierry X... ¿ Transports X... Thierry ¿ et la société GE Capital Equipement Finance les 26 et 27 mai 2009 et condamné la société GE Capital à rembourser à M. Thierry X... ¿ Transports X... Thierry ¿ les mensualités perçues par elle, à compter du 24 janvier 2009, au titre des deux contrats résiliés, débouté M. X... de l'ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE M. X..., transporteur de produits laitiers, a signé le 22 mai 2008 avec la SAS Intrasys deux contrats de prestation pour la fourniture de système de géolocalisation embarqué avec prestation de maintenance d'une durée de 60 mois ; que les 26 et 27 mai 2009, soit quelques jours plus tard, M. X... a signé avec la société GE Capital Equipement Finance deux contrats de ¿ ¿ location longue durée » « correspondant au matériel désigné dans les contrats conclus avec la SAS Intrasys » ; que les différents contrats étaient conclus dans les conditions financières suivantes :- ¿ ¿ contrats de prestations'': mensualités de 1973 ¿ et 273 ¿ sur 60 mois,- ¿ ¿ contrats de location de longue durée'': *1ère mensualités : 109, 29 ¿ et 734, 99 ¿, * 60 mensualités : 338, 80 ¿ et 2449, 98 ¿ ; qu'il est constant que l'action de M. X... est fondée sur la défaillance de la société Intrasys chargée de la maintenance du matériel par suite de déconfiture ; que pour faire aboutir son action, M. X... soutient que les contrats qu'il avait signés avec la société Intrasys, d'une part, et avec la société GE Capital Equipement Finance, bailleur des matériels loués, d'autre part, étaient indivisibles ; toutefois, que les contrats conclus avec la société GE Capital Equipement Finance spécifiaient expressément et distinctement dans leurs premiers page que le contrat était conclu ¿ ¿ sans maintenance intégrée''; que, d'ailleurs, l'article 1-4 de chaque contrat stipulait que lorsque le locataire avait recours à un prestataire assurant la maintenance, celle-ci était librement déterminée avec le prestataire de service qu'il avait choisi et que le locataire faisait son affaire exclusive de toute action utile à l'égard du prestataire de service pour obtenir l'exécution de la maintenance sans l'intervention du bailleur et renonçait à tout recours contre ce dernier en cas de défaillance quelconque du prestataire de service et s'interdisait notamment tout refus de paiement des loyers à ce titre ; que l'article 7-1 du chaque contrat stipulait encore que le locataire avait la faculté de souscrire auprès du fournisseur ou d'un prestataire de service choisi par lui un contrat en vue de faire assurer par un tiers la maintenance du matériel tel que visé à l'article 1-4 précité ; qu'il n'est aucunement démontré ni d'ailleurs soutenu que le matériel loué aurait été si particulier qu'il aurait été difficile ou impossible à M. X... de trouver d'autres entreprises que la société Intrasys pour assurer la maintenance du matériel à la place de cette entreprise défaillante ; qu'il résulte de ces éléments que les contrats conclus avec la société Intrasys, d'une part, et avec la société GE Capital Equipement Finance, d'autre part, étaient indépendants et qu'ils doivent s'exécuter dans les termes spécifiques de chacun d'entre eux ;
1) ALORS QUE les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants ; que doivent être réputées non écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. X... a conclu avec la société Intrasys deux contrats de prestations pour la fourniture de système de géolocalisation embarqué avec prestation de maintenance et avec la société GE Capital Equipement Finance deux contrats de location de longue durée « correspondant aux matériels désignés dans les contrats conclus avec la société Intrasys », faisant ainsi ressortir que ces contrats concomitants s'inscrivaient dans une opération unique incluant une location financière ; qu'en se fondant, pour affirmer que les contrats conclus avec la société Intrasys, d'une part, et avec la société GE Capital Equipement Finance, d'autre part, étaient indépendants, sur les clauses des contrats conclus avec la société GE Capital Equipement Finance, en particulier la mention selon laquelle les contrats étaient conclus ¿ ¿ sans maintenance intégrée'', la cour d'appel a violé les articles 1133, 1184 et 1217 du code civil ;
2) ALORS QU'il appartient aux juges du fond de rechercher si les parties à ces conventions n'ont pas eu la commune intention de rendre leurs accords indivisibles nonobstant les différentes clauses contraires stipulées dans lesdits accords ; qu'en se bornant, pour exclure toute indivisibilité entre les conventions de location et de maintenance respectivement conclues avec les sociétés Intrasys et GE Capital Equipement Finance, à relever que le contrat de location stipulait que le locataire avait la faculté de souscrire auprès du fournisseur ou d'un prestataire de service choisi par lui un contrat en vue de faire assurer par un tiers la maintenance du matériel sans rechercher, comme elle y avait été invitée (concl. X... p. 9), si les contrats litigieux n'avaient pas été conclus dans le même temps, pour une durée identique, par l'intermédiaire d'un unique représentant et dans l'intention de réaliser une opération économique unique, ce qui établissait leur indivisibilité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1184 et 1217 du code civil ;
3) ALORS QUE la circonstance que le paiement des sommes dues au titre des différents contrats s'effectue par le versement d'une redevance unique entre les mains d'un contractant unique, ce dernier se chargeant de reverser à l'autre la part qui lui revient, est de nature à caractériser l'indivisibilité entre les contrats ; que dans ses écritures d'appel, M. X... faisait valoir que les contrats conclus par la société Transports X... Thierry avec la société Intrasys d'une part et la société GE Capital Equipement Finance d'autre part avait donné lieu au paiement d'une « redevance unique, donc globale, incluant l'ensemble des services et l'équipement » (conclusions X..., p. 8 § 2) ; qu'en se bornant à affirmer, pour exclure toute indivisibilité entre les contrats litigieux, que « les différents contrats étaient conclus dans les conditions financières suivantes :- ¿ ¿ contrats de prestations'': mensualités de 1973 ¿ et 273 ¿ sur 60 mois,- ¿ ¿ contrats de location de longue durée'': * 1ère mensualités : 109, 29 ¿ et 734, 99 ¿, * 60 mensualités : 338, 80 ¿ et 2449, 98 ¿ » (arrêt, p. 4 § 3) sans rechercher, comme elle y était invitée, si les mensualités prévues par les contrats conclus avec la société GE Capital Equipement Finance ne s'étaient pas substituées à celles prévues par les contrats conclus avec la société Intrasys de sorte que la société Transports X... Thierry n'était débitrice que d'une seule redevance globale en exécution des conventions de location et de maintenance, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1134, 1184 et 1217 du code civil ;
4) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les termes claires des conclusions déposées par les parties devant eux ; que dans ses conclusions d'appel, M. X... faisait valoir qu'il se retrouvait « avec un équipement totalement hors service depuis des mois » et avait « été dans l'obligation de se rééquiper en système de géolocalisation auprès d'un autre fournisseur afin de répondre aux exigences qui étaient les siennes » (conclusions X..., p. 6 § 8 et 9) ; qu'à l'appui de sa démonstration, M. X... produisait trois pièces intitulées « contrat d'abonnement entre la SA Masternaut », « calendrier des loyers établi par la SA Masternaut », « facture échéancier de la Sté Siemens » (bordereau de communication des pièces X..., pièces 18, 19 et 20) ; qu'en affirmant que M. X... s'était abstenu de soutenir que le matériel loué était si particulier qu'il lui était difficile ou impossible de trouver d'autres entreprises que la société Intrasys pour assurer la maintenance du matériel à la place de cette entreprise défaillante, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs des conclusions déposées devant elle par M. X..., a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile.