Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 9 avril 2014, 13-16.348, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre civile 1
- N° de pourvoi : 13-16.348
- ECLI:FR:CCASS:2014:C100394
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation
- Président
- M. Charruault
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite du décès de Gérard Z..., Mme X..., sa veuve, M. Michel Z..., Mmes Marie-Thérèse et Paulette Z... ainsi que M. Gérard Robert Z..., venant aux droits de son père Gabriel Z..., prédécédé (les consorts Z...), ses enfants et petit-fils, ont fait établir par M. B..., notaire, une déclaration de succession et un acte de vente de plusieurs parcelles agricoles ; que trois enfants, nés d'une seconde union de Gabriel Z..., également héritiers de Gérard Z..., ont sollicité la liquidation et le partage de la succession de leur grand-père ; que par décision irrévocable, la cour d'appel de Montpellier a déclaré les consorts Z... coupables de recel successoral, les a déchus de tout droit sur les biens divertis et a ordonné la réintégration de la valeur des parcelles vendues dans l'actif successoral ; que reprochant au notaire d'avoir établi la déclaration de succession sans vérifier les actes d'état civil des héritiers et d'avoir manqué à son obligation de conseil, les consorts Z... l'ont assigné en indemnisation ;
Attendu que pour condamner le notaire à indemniser les consorts Z... du préjudice résultant des conséquences financières du recel successoral établi à leur encontre, l'arrêt retient que celui-ci a commis une faute en omettant de vérifier l'acte de naissance de Gabriel Z..., qui aurait révélé la seconde union de ce dernier et l'existence éventuelle d'enfants issus de ce mariage, et que cette faute leur a causé un préjudice incontestable au regard des condamnations prononcées, lequel doit être réparé à concurrence de la moitié, en raison de la faute de ces derniers qui se sont abstenus de déclarer trois petits-enfants, héritiers de Gérard Z... ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la sanction du recel successoral, qui suppose l'intention frauduleuse de rompre l'égalité du partage, ne constitue pas, pour celui qui le commet, un préjudice ouvrant droit à réparation, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 janvier 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne M. Michel Z..., Mmes Marie-Thérèse et Paulette Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à M. B... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf avril deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. B....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné Monsieur B... à payer aux consorts Z... les sommes de 29. 889, 19 euros au titre de la valeur des terres réintégrées dans la succession, et 42. 734, 09 euros au titre des intérêts au taux légal du 7 novembre 1984 au 31 décembre 2008, en précisant que la somme de 29. 889, 19 euros produirait intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2008 et d'AVOIR jugé que la faute commise par les consorts Z... est de nature à réduire seulement de moitié leur droit à indemnisation ;
AUX MOTIFS QUE les consorts Z... ont été déchus de leur droit à succession pour avoir recélé les biens de la succession de Monsieur Gérard Z... et ont été condamnés à réintégrer dans la succession la valeur des terres vendues soit :-73 573, 41 euros au titre de la valeur des terres réintégrées dans la succession, et-105 191, 62 euros au titre des intérêts au taux légal du 7 novembre 1984 au 31 décembre 2008 ; que les droits des héritiers omis en 1984 à savoir Monsieur Frédéric Z..., Madame Valérie Z... épouse A...et Monsieur Michel-Gérard Z..., tous trois venant par représentation de leur père Gabriel Z..., représentaient trois seizièmes de la masse successorale, Messieurs Gérard Z... et Gabriel Z... ayant eu chacun quatre enfants ; qu'il s'ensuit que le préjudice subi par les appelants ne représente que les treize seizièmes des sommes précitées soit :-59 778, 39 euros pour la valeur des terres réintégrées dans la succession,-85 468, 18 euros pour les intérêts au taux légal du 7 novembre 1984 au 31 décembre 2008 ; que si les appelants ont commis un recel successoral, la faute du notaire constituée par acte du 7 novembre 1984 omettait certains héritiers et consacrait le recel successoral ; que la découverte par le notaire de l'ensemble des héritiers aurait évité aux appelants d'intervenir à un acte excluant trois petits-enfants du défunt ; que le fait pour le notaire d'avoir prêté son ministère pour conférer le caractère authentique à une convention méconnaissant les droits de trois héritiers a causé un préjudice incontestable aux autres héritiers au regard des condamnations prononcées contre ceux-ci ; que dans leurs conclusions, les consorts Z... indiquent qu'ils n'avaient pas à révéler un fait que Me B... connaissait parfaitement et qu'ils n'ont à aucun moment perçu l'erreur commise ; qu'il s'ensuit que les appelants n'invoquent pas leur ignorance de la situation familiale de Gabriel Z..., décédé le 13 mai 1977 ; qu'ils ne peuvent donc se retrancher derrière l'absence de vérification du notaire pour s'exonérer de toute responsabilité ; que l'acte du 7 novembre 1984 signé par les consorts Z... après lecture faite par le notaire expose l'origine de propriété des biens vendus d'où il ressort que Gabriel Z... n'a laissé qu'un enfant ; qu'en l'espèce l'acte passait donc sous silence trois petits-enfants et héritiers de Gérard Z... ; que ce point particulièrement important ne pouvait échapper à l'attention des consorts Z... parties à l'acte qui devaient en conséquence prévenir immédiatement le notaire de cette omission, qu'en s'abstenant de le faire les consorts Z... ont commis une faute avérée ; que la Cour trouve en la cause des éléments suffisants d'appréciation pour considérer que ladite faute est d'une gravité suffisante pour réduire de moitié l'indemnisation du préjudice des consorts Z... ;
ALORS QUE l'application d'une peine destinée à châtier l'auteur d'un fait répréhensible en lui faisant supporter le poids de la sanction ne constitue pas un préjudice indemnisable ; qu'en condamnant le notaire à indemniser les héritiers receleurs à hauteur de la moitié des sommes dont ils ont été privés en application de l'ancien article 792 du Code civil, cependant qu'une telle sanction a le caractère d'une peine privée dont la mise en oeuvre ne constitue pas un préjudice indemnisable, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil, ensemble l'article 778 nouveau du Code civil.