Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 25 mars 2014, 13-11.184, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Vu l'article 1792-3-4 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 24 octobre 2012), que M. et Mme X..., propriétaires d'une maison jouxtant la propriété des époux Y..., ont fait réaliser, par la société Viafrance, un mur de soutènement séparatif selon devis du 26 janvier 1990 et facture du 7 mars 1990 ; qu'au vu du rapport d'expertise, ordonnée le 6 décembre 2005, à la demande des époux Y..., qui alléguaient du mauvais état de ce mur, le juge des référés a, par ordonnance du 2 juin 2009, enjoint aux époux X... de faire procéder aux travaux de réparation du mur lequel s'est effondré le 12 juin suivant ; que les époux X... ont fait réaliser les travaux de reconstruction ; que par assignation du 12 mai 2010, M. Didier X... et Mme Z... veuve X... (les consorts X...) ont assigné la société Eurovia, venant aux droits de la société Viafrance, en indemnisation, en se fondant sur la faute dolosive du constructeur ;

Attendu que pour débouter les consorts X... de leurs demandes, l'arrêt retient qu'il n'est pas contesté que les travaux réalisés par la société Viafrance ont été réglés en 1990 par les époux X... qui en ont pris possession sans réserve sans avoir formulé de grief à l'encontre du constructeur avant l'assignation délivrée en septembre 2006 ; qu'en conséquence, il est justifié d'une réception tacite en 1990 ; que la demande des consorts X... ne relève pas des articles 1492-3 (lire 1792-3), 1792-4-1 et 1792-4-2 du code civil et que l'appelante, dont la qualité de constructeur n'est pas contestée, est fondée à invoquer la prescription décennale de l'article 1792-4-3 du code civil ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la faute, alléguée par les consorts X..., ne présentait pas un caractère dolosif de nature à engager la responsabilité contractuelle du constructeur nonobstant la forclusion décennale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 octobre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne la société Eurovia aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Eurovia à payer la somme globale de 3 000 euros aux consorts X... ; rejette la demande de la société Eurovia ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour les consorts X...


PRIS DE CE QUE l'arrêt infirmatif attaqué a débouté les consorts X... de l'ensemble de leurs demandes dirigées à l'encontre de la SAS EUROVIA venant aux droits de la société VIAFRANCE ;

AUX MOTIFS QUE « le mur litigieux a été commandé par les époux X... sur la base d'un devis daté du 26 janvier 1990 ainsi que d'une facture du 7 mars 1990 pour un montant de 471 509,36 F et qu'à défaut de pouvoir bénéficier de la garantie décennale, ils invoquent une faute dolosive de la part du constructeur qui n'a pas fait procéder à une étude préalable du sol et a construit un ouvrage n'ayant pas le caractère de mur de soutènement ; que la société Eurovia invoque la prescription décennale dans la mesure où les travaux ont fait l'objet d'une réception tacite en 1990 et que la première assignation n'a été délivrée que le 12 septembre 2006 pour rendre les opérations d'expertise opposables au constructeur ; qu'il n'est pas contesté que les travaux réalisés par la société Viafrance ont été réglés en 1990 par les époux X... qui en ont pris possession sans réserve et qu'avant l'assignation délivrée en septembre 2006, ils n'avaient formulé aucun grief à l'encontre du constructeur ; qu'en conséquence il est justifié d'une réception tacite en 1990 ; que la demande des consorts X... ne relève pas des articles 1492-3, 1792-4-1 et 1792-4-2 du Code civil et qu'en conséquence l'appelante, dont la qualité de constructeur n'est pas contestée, est fondée à invoquer la prescription décennale de l'article 1792-4-3 du Code civil et que le jugement entrepris sera réformé » ;

ALORS QUE, D'UNE PART, les consorts X... ont demandé la confirmation du jugement ayant déclaré recevables, comme non prescrites, leurs demandes à l'encontre de la société EUROVIA venant aux droits de la société VIAFRANCE, dès lors « qu'en l'espèce, le fait de livrer un mur en s'abstenant de prévoir les fondations et les caractéristiques que requiert un mur de soutènement, la société VIAFRANCE ne pouvait ignorer qu'elle prenait un risque de nature à entraîner l'effondrement de l'ouvrage, que la société VIAFRANCE a commis une faute dolosive de nature à engager sa responsabilité de constructeur » ; que les consorts X... ont fait valoir, dans leurs conclusions en cause d'appel, « qu'au-delà de la garantie décennale effectivement expirée, les consorts X... ont donc été parfaitement bien fondés à saisir le Tribunal de Grande Instance de SAINTES d'une demande tirée de la faute dolosive commise par la société VIAFRANCE ¿ Qu'il y avait donc bien là une conscience de la part de la société VIAFRANCE, aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la société EUROVIA, de ce que ses agissements ne pouvaient manquer d'entraîner un désordre, la violation délibérée de l'obligation contractuelle de la société VIAFRANCE n'étant pas plus contestable ; qu'encore une fois, la Cour se reportera utilement aux rapports d'expertise, retenant en définitive que le mur réalisé n'avait en aucune façon les caractéristiques d'un mur de soutènement » ; que l'arrêt énonce : « qu'à défaut de pouvoir bénéficier de la garantie décennale, (les époux X...) invoquent une faute dolosive de la part du constructeur qui n'a pas fait procéder à une étude préalable du sol et a construit un ouvrage n'ayant pas le caractère de mur de soutènement » ; qu'en l'état, la juridiction d'appel n'a pas répondu aux conclusions des consorts X... faisant valoir « qu'au-delà de la garantie décennale effectivement expirée », ils ont été parfaitement bien fondés à saisir le Tribunal de Grande Instance « d'une demande tirée de la faute dolosive commise par la société VIAFRANCE », exclusive du régime de la prescription décennale de l'article 1792-4-3 du Code civil mise en jeu par la Cour -, et n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS QUE, D'AUTRE PART, le constructeur, nonobstant la forclusion décennale est, sauf faute extérieure au contrat, contractuellement tenu à l'égard du maître de l'ouvrage de sa faute dolosive lorsque, de propos délibéré, même sans intention de nuire, il viole par dissimulation ou par fraude ses obligations contractuelles ; qu'en se bornant à énoncer que « l'appelante, dont la qualité de constructeur n'est pas contestée, est fondée à invoquer la prescription décennale de l'article 1792-4-3 du Code civil », à compter de la réception des travaux intervenus tacitement en 1990, alors que le jugement dont appel dont les consorts X... ont demandé la confirmation en son principe et ce, au visa des articles 1134 et suivants du Code civil, avait déclaré non prescrite la demande à l'encontre de la société EUROVIA, venant aux droits de la société VIAFRANCE, ayant commis une faute dolosive de nature à engager sa responsabilité contractuelle, et que l'arrêt précise lui-même que les consorts X... ont, dans leurs conclusions, invoqué : « une faute dolosive de la part du constructeur qui n'a pas fait procéder à une étude préalable du sol et a construit un ouvrage n'ayant pas le caractère d'un mur de soutènement » -, la Cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 1792-4-3 précité et, par refus d'application, les articles 1134 et 1147 du Code civil.ECLI:FR:CCASS:2014:C300462
Retourner en haut de la page