Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 26 mars 2014, 12-21.372, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 12-21.372
- ECLI:FR:CCASS:2014:SO00661
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation
- Président
- M. Lacabarats
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1184 du code civil ensemble l'article L. 1231-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, statuant sur renvoi après cassation (Soc, 22 juin 2011, pourvoi n° 09-68.825), que M. X..., engagé à compter du 1er juin 1981 en qualité de directeur de la caisse chirurgicale de Bigorre aux droits de laquelle est venue la mutuelle Sud-Ouest mutualité est devenu à compter de 2002 directeur général de la mutuelle Union technique groupe Pyrénées Bigorre ; que l'autorité de contrôle des assurances et des mutuelles a par décisions des 14 et 21 septembre 2005 placé ces mutuelles sous administration provisoire ; que l'administrateur provisoire a le 26 septembre 2006 suspendu le salarié de ses fonctions ; que ce dernier a saisi le 29 septembre 2006 la juridiction prud'homale pour faire prononcer la résiliation de son contrat de travail ; qu'il a été licencié le 25 octobre 2006 pour faute grave ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de résiliation judiciaire, l'arrêt retient que la suspension de ses fonctions par l'employeur ne constituait pas un manquement suffisamment grave au regard des griefs énoncés dans la lettre de licenciement notifiée moins d'un mois plus tard, justifiant que le salarié soit éloigné immédiatement de l'entreprise ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la mesure de suspension n'était fondée sur aucune disposition légale, ce dont il résultait que l'employeur avait commis un manquement rendant impossible la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ces constatations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 avril 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne la mutuelle Union technique groupe Pyrénées Bigorre aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la mutuelle Union technique groupe Pyrénées Bigorre à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mars deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR¿ statuant sur renvoi après cassation, débouté Monsieur Patrick X... de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'Union Technique Groupe Pyrénées Bigorre ;
AUX MOTIFS QUE "Monsieur X... fonde sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail sur la décision de Monsieur Y... de le suspendre de ses fonctions, dont il soutient avoir eu connaissance oralement lors de l'assemblée générale du 23 septembre 2006, et qui a été confirmée par le courrier du 26 septembre, ainsi libellé : "Vous êtes suspendu de vos fonctions de directeur général de la mutuelle Sud Ouest Mutualité et de la mutuelle Union technique groupe Pyrénées Bigorre avec effet immédiat jusqu'à nouvel ordre ; cette décision est prise dans le cadre des pouvoirs que je détiens en qualité d'administrateur provisoire pour l'exécution de la mission que m'a confiée l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles ; elle ne résulte pas de l'application des dispositions du code du travail en matière de mise à pied conservatoire. La présente décision est sans incidence sur votre salaire et les avantages qui s'y trouvent liés. Pendant la période de suspension, vous n'êtes pas autorisé à vous rendre dans les locaux de la mutuelle Sud Ouest Mutualité et de la mutuelle Union technique groupe Pyrénées Bigorre sauf accord express de ma part. Vous veillerez cependant à pouvoir vous rendre disponible en vue de participer à d'éventuels entretiens vous concernant" ;
QU' en prenant le soin de préciser que sa décision ne résultait pas de l'application des dispositions du code du travail, en rappelant sa désignation par l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles par application de l'article L.510-9 du code de la mutualité, Monsieur Y... s'est implicitement référé à cet article qui dispose qu'à la date de la désignation de l'administrateur provisoire "les pouvoirs du conseil d'administration et des dirigeants salariés ayant reçu délégation de pouvoirs sont suspendus" ;
QUE cette décision du 26 septembre 2006 ne peut s'analyser en une rupture du contrat de travail, alors que son auteur fait état d'une "suspension", sans incidence sur la rémunération, et demande au salarié de se tenir à sa disposition pour d'éventuels entretiens ; que par ailleurs, il ne ressort pas des termes du procès-verbal de l'assemblée générale du 23 septembre 2006 que la suspension de Monsieur X... de ses fonctions a été annoncée, alors qu'au contraire il y est indiqué à deux reprises qu'il est confirmé dans ses fonctions de directeur général. ; que Monsieur X... ne produit aucun autre élément de nature à établir la réalité de ce fait ;
QUE d'autre part, le fait que courant octobre 2006, avant la notification du licenciement, la mutuelle SOM a mentionné dans des conclusions (établies dans l'instance en contestation de la délibération de l'assemblée générale du 23 septembre 2006), que M. X... était «ancien directeur» de la mutuelle, ne suffit pas à démontrer que la décision du 26 septembre 2006 constituait en réalité un licenciement ;
QUE toutefois, l'article L.510-9 du code de la mutualité n'était pas applicable à Monsieur X... qui n'avait pas le statut de dirigeant salarié prévu par l'article L.114-19 du code de la mutualité, lequel dispose que "dans les organismes nommant un ou plusieurs dirigeants salariés, le conseil d'administration nomme ceux-ci et fixe leur rémunération. La liste des dirigeants est publiée au registre national des mutuelles" ; qu'en effet, ni dans le courrier initial d'engagement en date du 10 avril 1981, ni dans le contrat de directeur signé le 10 avril 1987, ni dans l'avenant du 15 janvier 2001 relatif à la fonction de directeur général de la mutuelle Union technique groupe Pyrénées Bigorre, la qualité de dirigeant salarié de Monsieur X... n'est mentionnée ; qu'il n'a pas été inscrit en tant que tel au registre national des mutuelles ; que de plus, il n'est pas établi que la conclusion de l'avenant de 2001, signé par le président de la mutuelle, a été autorisée par le conseil d'administration, et qu'il résulte de divers courriers que les augmentations de salaire étaient pour la plupart décidées par le président seul ou avec le trésorier ;
QU'en se fondant sur une disposition non applicable pour éloigner provisoirement de la mutuelle un salarié, M. Y..., agissant comme représentant de la mutuelle employeur, a commis un manquement à l'égard de M. X... ;
QUE cependant, au regard des griefs énoncés dans la lettre de licenciement notifiée moins d'un mois plus tard, relatifs à des faits commis avant le 26 septembre 2006 dans le cadre de l'opération de «l'alliance» avec une autre mutuelle d'une importance essentielle pour la mutuelle SOM, qui justifiaient que M. X... fût immédiatement éloigné de l'entreprise à titre provisoire, ce qui aurait pu être réalisé par une mise à pied conservatoire que M. Y... aurait pu prononcer, le manquement de l'employeur n'apparaît pas suffisamment grave pour fonder la demande de résiliation du contrat de travail ; que c''est donc à juste titre que le Conseil des Prud'hommes de Tarbes a débouté M. X... de ses demandes à ce titre" (arrêt p.5 in fine, p.6) ;
1°) ALORS QUE la résiliation judiciaire doit être prononcée aux torts de l'employeur qui a rendu impossible la poursuite du contrat de travail ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de la Cour d'appel, d'une part que, par courrier du 26 septembre 2006 Monsieur Y..., administrateur provisoire de l'Union Technique Groupe Pyrénées Bigorre, employeur de Monsieur X..., lui a notifié une mesure de suspension de son contrat de travail avec interdiction d'accès à l'entreprise, d'autre part, que cette mesure n'était fondée, ni sur les dispositions du Code du travail expressément exclues par l'employeur, ni sur l'article L.510-9 du code de la Mutualité, inapplicable au salarié de sorte qu'elle était dépourvue de toute légitimité ; qu'en déboutant cependant Monsieur X... de sa demande au motif, inopérant, que les faits invoqués à l'appui du licenciement ultérieur "justifiaient qu'il fût immédiatement éloigné de l'entreprise à titre provisoire¿ce qui aurait pu être réalisé par une mise à pied conservatoire que Monsieur Y... aurait pu prononcer¿" quand il ressortait de ses propres constatations qu'une telle mise à pied conservatoire n'avait pas été prononcée et qu'il en résultait que l'employeur, hors toute justification légale, avait rendu impossible la poursuite du contrat de travail, la Cour d'appel a violé les articles L.1231-1 du Code du travail et 1134 du Code civil ;
2°) ALORS en outre et en toute hypothèse QU'aucune modification de son contrat de travail, quelle qu'en soit la cause, ne saurait être imposée au salarié qui, en un tel cas, est en droit d'obtenir la résiliation judiciaire de ce contrat ; que constitue une modification unilatérale du contrat de travail l'interdiction faite au salarié d'accéder à l'entreprise et d'exercer ses fonctions "jusqu'à nouvel ordre", accompagnée de l'obligation de se tenir à la disposition de l'employeur ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de la Cour d'appel d'une part que, par courrier du 26 septembre 2006, Monsieur Y..., administrateur provisoire de l'Union Technique Groupe Pyrénées Bigorre, employeur de Monsieur X..., lui a notifié une mesure de suspension de son contrat de travail avec interdiction d'accès à l'entreprise et obligation de se tenir à sa disposition pour d'éventuels entretiens, d'autre part, que cette mesure, qui n'était fondée, ni sur les dispositions du Code du travail expressément exclues par l'employeur, ni sur l'article L.510-9 du code de la Mutualité, inapplicable au salarié, était dépourvue de toute légitimité ; qu'en déboutant cependant Monsieur X... de sa demande au motif, inopérant, que les faits invoqués à l'appui du licenciement ultérieur "justifiaient qu'il fût immédiatement éloigné de l'entreprise à titre provisoire¿ce qui aurait pu être réalisé par une mise à pied conservatoire que Monsieur Y... aurait pu prononcer¿" quand il ressortait de ses propres constatations que le contrat de travail du salarié avait été modifié sans son accord, la Cour d'appel a violé derechef les textes susvisés.