Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 5 mars 2014, 12-26.958, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 12-26.958
- ECLI:FR:CCASS:2014:SO00441
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partiellement sans renvoi
- Président
- M. Chollet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Sur le moyen unique du pourvoi principal de l'employeur :
Vu les articles L. 1226-2, L. 1226-4, L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail, ensemble l'article R. 4624-31 du même code ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les pièces de la procédure, que M. X... a été engagé le 27 décembre 1997 par la société Crudistribution services, aux droits de laquelle vient la société TMF holding ; qu'à l'issue de deux visites médicales en date des 12 et 26 janvier 2009, le médecin du travail a déclaré inapte à son poste ce salarié ; que celui-ci, qui a bénéficié d'un nouvel arrêt de travail pour maladie à compter de cette dernière date, a été licencié le 22 avril 2009 pour inaptitude ; qu'invoquant la nullité de cette rupture, le salarié a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que pour déclarer nul le licenciement, l'arrêt retient que l'inaptitude a été prononcée en l'espèce le 26 janvier 2009 lors de la seconde visite et que dès lors que l'employeur n'a ni reclassé ni licencié le salarié dans le délai d'un mois de l'article L. 1226-4 du code du travail, le contrat n'a pas été rompu et que ce salarié, contraint entre-temps à une période d'arrêt de travail pour maladie non professionnelle supérieure à vingt et un jours, aurait dû, conformément à l'article R. 4624-21 4°, bénéficier d'une visite de reprise après le 7 mars 2009, terme de cette période ;
Attendu, cependant, que la délivrance d'un nouvel arrêt de travail au bénéfice d'un salarié déclaré inapte par le médecin du travail ne peut avoir pour conséquence juridique d'ouvrir une nouvelle période de suspension du contrat de travail et de tenir en échec le régime juridique applicable à l'inaptitude ;
Qu'en se déterminant comme elle a fait, alors qu'il résultait de ses énonciations que l'inaptitude du salarié avait été constatée conformément à l'article R. 4624-31 du code du travail, de sorte que, peu important la délivrance d'un nouvel arrêt de travail, le licenciement n'était pas nul, la cour d'appel, qui a constaté l'origine non professionnelle des arrêts de travail, a violé les textes susvisés ;
Vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le pourvoi incident du salarié :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 août 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi du chef des demandes en annulation du licenciement et en paiement de sommes en conséquence de cette nullité ;
Déboute M. X... des demandes susvisées ;
Remet, pour le surplus pour qu'il soit statué sur les demandes subsidiaires relatives au bien-fondé du licenciement, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mars deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société TMF holding, demanderesse au pourvoi principal.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement de Monsieur Jean-Louis X... était nul et d'avoir condamné la société TMH HOLDING à verser au salarié les sommes de 60000 ¿ à titre de dommages et intérêts, de 4 045, 64 ¿ à titre d'indemnité de préavis et de 404, 56 ¿ à titre de congés payés y afférents ;
AUX MOTIFS QUE seul l'examen pratiqué par le médecin du travail dont doit bénéficier le salarié, à l'issue des périodes de suspension, lors de la reprise en application de l'article R 4624-21 met fin à la période de suspension du contrat de travail ; que l'article R 4624-22 dispose que « l'examen de reprise a pour objet d'apprécier l'aptitude médicale du salarié à reprendre son ancien emploi, la nécessité d'une adaptation des conditions de travail ou d'une réadaptation du salarié ou éventuellement de l'une et de l'autre de ces mesures. Cet examen a lieu lors de la reprise du travail et au plus tard dans un délai de huit jours » ; que s'il n'est pas discuté que l'article R 4624-31 du Code du travail n'impose pas que la constatation de l'inaptitude soit faite lors de l'examen médical de reprise consécutif à une suspension du contrat de travail et que le médecin du travail peut la constater après tout examen médical qu'il pratique au cours de l'exécution dudit contrat, il demeure qu'au cas d'espèce, l'inaptitude du salarié a été prononcée le 26 janvier 2009 lors de la 2ème visite, au regard « de la conduite de nuit et au trajet grande et moyenne distance supérieur à 2 heures » et que le salarié a été dit « apte à un poste administratif » ; que dès lors que dans le délai d'un mois de l'article L 1226-4 l'employeur n'a ni reclassé, ni licencié Monsieur X..., le contrat n'avait pas été rompu et ce dernier ayant été contraint entre-temps à une période d'arrêt de travail pour maladie professionnelle supérieure à 21 jours (en réalité 42 jours), il aurait dû, conformément aux dispositions de l'article R 4624-21 pris en son 4°, bénéficier d'une visite de reprise après le 9 mars 2009 terme de son arrêt ; que cette exigence n'ayant pas été respectée par l'employeur qui, ce faisant, a failli à son obligation de sécurité, le licenciement de Monsieur X... prononcé lors d'une période de suspension du contrat de travail et manifestement en raison de son état de santé doit, conformément à l'article L 1132-1, être déclaré nul ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la délivrance d'un arrêt de travail postérieur au constat d'inaptitude du salarié par le médecin du travail ne peut avoir pour conséquence juridique d'ouvrir une période de suspension du contrat de travail et de tenir en échec le régime juridique applicable à l'inaptitude ; que la Cour d'appel qui, pour constater la nullité du licenciement de Monsieur X..., a affirmé que celui-ci avait été « prononcé lors d'une période de suspension du contrat de travail » dès lors que le salarié n'avait pas « bénéficié d'une visite de reprise après le 7 mars 2009, terme de son arrêt », quand elle constaté que « l'inaptitude du salarié a été prononcée le 26 janvier 2009 lors de la 2ème visite », ce dont il résultait que le contrat de travail de Monsieur X... n'était pas suspendu et que l'employeur devait le reclasser ou, en cas d'impossibilité, le licencier pour inaptitude, la Cour d'appel a violé les articles L 1226-2, L1226-4 et R 4624-31 du Code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la reprise par l'employeur du paiement des salaires à laquelle il est tenu en application de l'article L 1226-4 du code du travail ne le dispense pas de l'obligation de proposer au salarié un poste de reclassement et, en cas d'impossibilité, de le licencier pour inaptitude ; qu'en relevant, pour constater la nullité du licenciement de Monsieur X..., que « dans le délai d'un mois de l'article L1226-4, l'employeur n'a ni reclassé, ni licencié Monsieur X... », quand cette circonstance ne pouvait justifier ni la nullité ni l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, la Cour d'appel a violé l'article L 1226-4 du Code du travail.
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour M. X..., demandeur au pourvoi incident.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR limité l'indemnisation du salarié à hauteur de 60 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul ;
AUX MOTIFS QUE : « Monsieur X... ne sollicitant pas sa réintégration dans l'entreprise il a droit au paiement des indemnités de rupture comme à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à 6 mois de salaires. En considération de l'ancienneté acquise par le salarié au sein de l'entreprise (12 ans), de sa qualification et de sa rémunération, des circonstances liées à la rupture du travail comme de son âge à la date de cette rupture (60 ans), la Cour en infirmant la juridiction prud'homale condamnera l'employeur à verser à M. X... la somme de 60 000 euros à titre de dommages et intérêts. Elle condamnera de même l'employeur à lui payer la somme de 4045, 65 euros à titre d'indemnité de préavis outre celle de 404, 56 euros pour les congés payés correspondants. La demande du salarié portant sur le versement de salaire pour la période comprise entre la date du licenciement et le prononcé de l'arrêt est rejetée, M. X... n'ayant, comme dit supra, pas réclamé sa réintégration et son préjudice résultant du caractère illicite du licenciement ayant déjà été indemnisé par l'allocation de dommages et intérêts »
ALORS QUE le salarié qui ne demande pas sa réintégration à droit à la réparation intégrale du préjudice que lui cause son licenciement nul ; qu'outre une indemnité qui ne peut être inférieure à 6 mois, le salarié a droit à la différence entre ce qu'il a perçu des ASSEDIC et les salaires perdus jusqu'au jour ou la nullité est constatée ; qu'en refusant pour évaluer le préjudice de prendre en considération les salaires perdus, la Cour d'appel a violé les articles L. 1132-1 et suivants du code du travail.