Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 5 mars 2014, 12-23.106, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Vu les articles 1134 et 1152 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., dirigeant de la société Bruno X... (la société), s'étant retiré du capital en octobre 2007, a été engagé le même mois par contrat à durée indéterminée au sein de la société pour y exercer les fonctions de cadre technico-commercial ; que son contrat de travail prévoyait qu'en cas de licenciement, il lui serait dû une indemnité de départ nette égale à douze mois de salaire, s'ajoutant à l'indemnité de licenciement prévue par la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie ; que le salarié a été licencié le 31 octobre 2008 sans que lui soit versée l'indemnité contractuelle ; que la société a fait l'objet, le 23 octobre 2009, d'un redressement judiciaire, converti en liquidation judiciaire le 10 décembre 2010 ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale aux fins de fixation de l'indemnité contractuelle au passif de la liquidation judiciaire ;

Attendu que pour déclarer nulle la clause prévoyant le versement de l'indemnité contractuelle et débouter le salarié de sa demande, l'arrêt retient que cette indemnité, stipulée au profit du salarié quelles que soient son ancienneté et la cause du licenciement, s'ajoutant à l'indemnité conventionnelle de licenciement, est très élevée, qu'elle annihile le droit de l'employeur de rompre unilatéralement le contrat de travail et qu'elle porte ainsi une atteinte excessive et injustifiée à la liberté du travail ;

Qu'en statuant ainsi, sans caractériser en quoi cette indemnité contractuelle, qu'elle avait le pouvoir de réduire, même d'office, si elle présentait un caractère manifestement excessif, était de nature à faire échec au droit de licenciement reconnu à l'employeur, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 mai 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;

Condamne la société MJ Synergie et L'AGS CGEA d'Annecy aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne, in solidum, à payer la somme de 3 000 euros à M. X... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mars deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils, pour M. X....

Il est fait grief à l'arrêt informatif attaqué d'avoir déclaré nulle et de nul effet la clause indemnitaire insérée à l'article 8 du contrat de travail et d'avoir en conséquence débouté M. Bruno X... de ses demandes tendant notamment à la fixation de sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Bruno X... et à ce que l'arrêt à intervenir soit déclaré opposable à l'AGS CGEA d'Annecy ;

AUX MOTIFS QUE les parties convenaient à l'article 8 du contrat de travail du 9 octobre 2007 la disposition suivante : « Il est expressément convenu entre les parties qu'en cas de rupture du contrat de travail de M. Bruno X..., quelle que soit la cause ou la gravité du motif, à l'initiative de la société X... Bruno SA, M. Bruno X... bénéficiera d'une indemnité contractuelle de licenciement nette égale à douze mois de salaire brut. (...) Il est rappelé que l'indemnité susvisée s'ajoutera à l'indemnité de licenciement qui résulte de l'application des dispositions conventionnelles » ; que l'application de la clause n'est pas limitée dans le temps ; que cette disposition stipule au profit du salarié, quelles que soient son ancienneté et la cause du licenciement, une indemnité de rupture très élevée, qui s'ajoute à celle prévue par la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie ; qu'elle annihile le droit de l'employeur de rompre unilatéralement le contrat de travail ; qu'elle porte ainsi une atteinte excessive et injustifiée à la liberté du travail ; que la cour la déclarera dès lors nulle et de nul effet, et, infirmera le jugement déféré ;

ALORS QU'était valable la clause du contrat de travail de salarié prévoyant qu'« il est expressément prévu entre les parties qu'en cas de rupture du contrat de travail de M. Bruno X..., quelle que soit la cause ou la gravité du motif, à l'initiative de la société X... Bruno SA, M. Bruno X... bénéficiera d'une indemnité contractuelle de licenciement nette égale à douze mois de salaire brut » et qu'« il est rappelé que l'indemnité susvisée s'ajoutera à l'indemnité de licenciement qui résulte de l'application des dispositions conventionnelles », une telle clause n'étant pas de nature à faire échec au droit de licenciement conféré à l'employeur ; qu'en considérant pourtant, pour la déclarer nulle et de nul effet, que la clause litigieuse annihilait le droit de l'employeur de rompre unilatéralement le contrat de travail et qu'elle portait ainsi une atteinte excessive et injustifiée à la liberté du travail, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil.

ECLI:FR:CCASS:2014:SO00455
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