Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 11 février 2014, 13-10.554, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 18 septembre 2012), que la société Euro Trans Agri diffusion (la débitrice) ayant été mise en redressement judiciaire le 10 mai 2010, le comptable chef du pôle de recouvrement spécialisé d'Ille-et-Vilaine agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques (le comptable) a déclaré une créance à titre provisionnel puis en a sollicité l'admission à titre définitif ; que le juge-commissaire a, par ordonnance du 11 mai 2011, constaté qu'une instance était en cours, la société ayant formé une réclamation contentieuse ;

Attendu que le comptable fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé l'ordonnance, alors, selon le moyen :

1°/ que la constatation par le juge-commissaire qui statue sur l'admission des créances en application des dispositions de l'article L. 624-2 du code de commerce, qu'une « instance est en cours » ne concerne que l'instance engagée à l'encontre du débiteur au jour de l'ouverture de la procédure collective et non celle qui est introduite par lui ; que les contestations fiscales formulées par le débiteur ne sont donc pas visées par ces dispositions ; qu'en confirmant, au visa du texte précité, l'admission de la créance fiscale à titre provisionnel au motif qu'une réclamation contentieuse avait été formée par la société débitrice après l'avis de mise en recouvrement du 4 mars 2011 et qu'il y avait lieu, dès lors, de constater qu'une « instance était en cours », la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 624-2 du code de commerce ;

2°/ qu'aux termes de l'article L. 622-24 du code de commerce, les créances du Trésor public qui n'ont pas fait l'objet d'un titre exécutoire au moment de leur déclaration sont admises à titre provisionnel pour leur montant déclaré ; qu'en outre, « sous réserve des procédures judiciaires ou administratives en cours », leur établissement définitif doit être effectué dans le délai prévu à l'article L. 624-1 ; que les procédures administratives en cours, lors de la déclaration des créances, visent notamment les réclamations fiscales formées par le débiteur ; qu'il en résulte qu'une créance régulièrement authentifiée mais contestée auprès de l'administration ou devant le juge de l'impôt doit, en tout état de cause, être admise au passif de la procédure collective à titre définitif, avec la seule mention que la créance fait l'objet d'une contestation ; que la cour d'appel a considéré que la société débitrice ayant formé une réclamation contentieuse après l'avis de mise en recouvrement du 4 mars 2011, il y avait lieu de constater qu'une « instance était en cours et que dès lors, la créance ne pouvait pas être admise à titre définitif » ; qu'en confirmant l'ordonnance du juge-commissaire ayant prononcé l'admission de la créance à titre provisionnel, la cour d'appel de Rennes a violé, par refus d'application, les dispositions de l'article L. 622-24 du code de commerce ;

Mais attendu que le juge-commissaire saisi par le Trésor public d'une demande d'admission définitive, formée dans le délai de l'article L. 624-1 du code de commerce, d'une créance déclarée à titre provisionnel et ayant postérieurement fait l'objet d'un titre exécutoire contre lequel le redevable a formé une réclamation doit seulement constater qu'une réclamation ou une instance est en cours ; qu'ayant relevé que la débitrice avait formé une réclamation contentieuse après l'avis de mise en recouvrement, la cour d'appel a, à bon droit, constaté qu'une instance était en cours ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne le comptable chef du pôle de recouvrement spécialisé d'Ille-et-Vilaine, chargé du recouvrement agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze février deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour le comptable chef du pôle de recouvrement spécialisé d'Ille-et-Vilaine

L'arrêt attaqué encourt la censure

EN CE QU'il a confirmé l'ordonnance du juge-commissaire du 11 mai 2011 en ce qu'elle avait considéré que la créance dont le comptable du Pôle de recouvrement spécialisé d'Ille-et-Vilaine avait demandé l'admission à titre définitif faisait l'objet d'une « instance en cours » et n'avait, à ce titre, pas prononcé son admission définitive ;

AUX MOTIFS QUE « selon l'article L. 624-2 du code de commerce, au vu des propositions du mandataire de justice, le juge-commissaire décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours soit que la contestation ne relève pas de sa compétence » ; que la société débitrice indique et justifie avoir formé une réclamation contre l'avis de mise en recouvrement de la somme de 691 164 € de sorte que le juge-commissaire ne peut prononcer l'admission d'une telle créance à titre définitif ; que le comptable du Pôle de recouvrement spécialisé fait valoir que la créance 4/6 concerne des droits (impôt sur les sociétés et taxe sur la valeur ajoutée) et pénalités pour un montant de 691 164 € ; qu'il a tout d'abord déclaré cette créance à titre provisionnel le 28 juin 2010 ; qu'à la suite de l'émission d'un avis de mise en recouvrement du 4 mars 2011, il a demandé, par courrier du 22 avril 2011, l'admission de cette créance à titre définitif et que ce n'est que le 13 octobre 2011 que la débitrice a fait une réclamation ; que la créance 4/6 ne faisait l'objet d'aucune contestation lors de la demande d'admission à titre définitif, contrairement à une créance 3/6 qui n'est pas concernée par cette instance ; que la créance est appréciée au jour où le juge-commissaire statue ; qu'en l'espèce, la débitrice a formé une réclamation contentieuse après l'avis de mise en recouvrement du 4 mars 2011 ; que dès lors, il y a lieu de constater qu'une instance est en cours » ;

ALORS QUE, premièrement, la constatation par le jugecommissaire qui statue sur l'admission des créances en application des dispositions de l'article L. 624-2 du code de commerce, qu'une « instance est en cours » ne concerne que l'instance engagée à l'encontre du débiteur au jour de l'ouverture de la procédure collective et non celle qui est introduite par lui ; que les contestations fiscales formulées par le débiteur ne sont donc pas visées par ces dispositions ; qu'en confirmant, au visa du texte précité, l'admission de la créance fiscale à titre provisionnel au motif qu'une réclamation contentieuse avait été formée par la société débitrice après l'avis de mise en recouvrement du 4 mars 2011 et qu'il y avait lieu, dès lors, de constater qu'une « instance était en cours », la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 624-2 du code de commerce ;

ALORS QUE, deuxièmement, aux termes de l'article L. 622-24 du code de commerce, les créances du Trésor public qui n'ont pas fait l'objet d'un titre exécutoire au moment de leur déclaration sont admises à titre provisionnel pour leur montant déclaré ; qu'en outre, « sous réserve des procédures judiciaires ou administratives en cours », leur établissement définitif doit être effectué dans le délai prévu à l'article L. 624-1 ; que les procédures administratives en cours, lors de la déclaration des créances, visent notamment les réclamations fiscales formées par le débiteur ; qu'il en résulte qu'une créance régulièrement authentifiée mais contestée auprès de l'administration ou devant le juge de l'impôt doit, en tout état de cause, être admise au passif de la procédure collective à titre définitif, avec la seule mention que la créance fait l'objet d'une contestation ; que la cour d'appel a considéré que la société débitrice ayant formé une réclamation contentieuse après l'avis de mise en recouvrement du 4 mars 2011, il y avait lieu de constater qu'une « instance était en cours et que dès lors, la créance ne pouvait pas être admise à titre définitif » ; qu'en confirmant l'ordonnance du juge-commissaire ayant prononcé l'admission de la créance à titre provisionnel, la cour d'appel de RENNES a violé, par refus d'application, les dispositions de l'article L. 622-24 du code de commerce.

ECLI:FR:CCASS:2014:CO00194
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