Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 29 janvier 2014, 12-27.594, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 12-27.594
- ECLI:FR:CCASS:2014:SO00215
- Publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- M. Lacabarats
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 12 septembre 2012), que M. X... a été engagé le 12 février 2007 par la société King Jouet en qualité de chargé de la gestion des systèmes d'alarme et d'incendie ; que les parties ont conclu le 8 octobre 2008 une convention de rupture du contrat de travail, homologuée par l'autorité administrative ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à la requalification de la rupture conventionnelle en licenciement sans cause réelle et sérieuse et au paiement de diverses sommes ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de déclarer la rupture conventionnelle conclue avec son employeur valide, alors, selon le moyen :
1°/ que l'employeur a l'obligation d'informer préalablement le salarié qu'il a la possibilité de se faire assister lors de l'entretien ou des entretiens préalables à la rupture conventionnelle, en l'absence d'institution représentative du personnel, par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l'autorité administrative ; qu'en l'espèce, il est constant que la société King Jouet ne disposait pas d'institutions représentatives du personnel ; qu'il s'ensuit qu'en se bornant à affirmer que M. X... « a été régulièrement assisté à sa demande par M. Y..., qui était son supérieur hiérarchique, et dont il n'a pas soutenu qu'il ignorait les fonctions et la participation dans l'entreprise », sans constater que le salarié avait été informé préalablement de la possibilité de se faire assister par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l'autorité administrative, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des article L. 1237-11 et L. 1237-12 du code du travail ;
2°/ qu'en tout état de cause, le salarié ne saurait être régulièrement assisté, lors de l'entretien ou des entretiens préalables à la rupture conventionnelle, par son supérieur hiérarchique, lorsque celui-ci est actionnaire de l'entreprise qui l'emploie, l'actionnaire pouvant être présumé avoir pour but de préserver les intérêts de l'entreprise ; qu'en décidant le contraire, pour refuser d'annuler la convention de rupture, la cour d'appel a violé les articles L. 1237-11 et L. 1237-12 du code du travail ;
3°/ que la rupture conventionnelle du contrat de travail ne peut être imposée par l'employeur et ne peut être valablement conclue en l'absence de consentement libre et non équivoque du salarié ; que dès lors, en l'espèce, en se bornant à affirmer qu'il n'est pas valablement démontré que le salarié aurait fait l'objet de pressions, sans répondre aux conclusions d'appel de M. X... qui soutenait que son responsable hiérarchique direct, M. Y..., qui l'assistait lors du premier entretien, lui avait indiqué que la société King Jouet n'ouvrirait plus de magasins en 2009, lui faisant observer qu'il lui restait peu d'années avant de faire valoir ses droits à retraite programmée pour 2012 et qu'il aurait la possibilité de percevoir pendant cette période des indemnités chômage, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que l'existence d'une violence morale génératrice d'un vice du consentement du salarié peut résulter des agissements déloyaux de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail ; que dans ses conclusions d'appel, M. X... faisait valoir que l'employeur avait manqué à son obligation d'exécuter le contrat de travail de bonne foi, en lui faisant prendre des risques corporels, en le privant de tous moyens pour mener à bien sa mission et en lui remboursant avec retard ses frais professionnels et que c'était par « lassitude et dépit » qu'il avait donné son consentement à l'offre de rupture de son contrat de travail émanant de son employeur ; qu'il s'ensuit qu'en se bornant à considérer que la « lassitude » alléguée par le salarié à la suite de difficultés dans le cadre de l'exécution du contrat de travail qui, selon lui, serait à l'origine de la rupture, ne peut être assimilée à un vice du consentement », sans se prononcer sur les difficultés invoquées par le salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil ;
Mais attendu, d'abord, que le défaut d'information du salarié d'une entreprise ne disposant pas d'institution représentative du personnel sur la possibilité de se faire assister, lors de l'entretien au cours duquel les parties au contrat de travail conviennent de la rupture du contrat, par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l'autorité administrative n'a pas pour effet d'entraîner la nullité de la convention de rupture en dehors des conditions de droit commun ;
Attendu, ensuite, que le choix du salarié de se faire assister lors de cet entretien par son supérieur hiérarchique, dont peu importe qu'il soit titulaire d'actions de l'entreprise, n'affecte pas la validité de la rupture conventionnelle ;
Attendu, enfin, qu'après avoir relevé que le salarié avait été assisté à sa demande par son supérieur hiérarchique, la cour d'appel a, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, estimé qu'aucune pression ou manoeuvre n'avait été exercée sur lui pour l'inciter à consentir à la convention de rupture ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf janvier deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la rupture conventionnelle n'était pas entachée de vice de consentement et débouté M. Guy X... de l'ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE la rupture conventionnelle est une procédure qui permet à l'employeur et au salarié de convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie ; que la rupture conventionnelle est exclusive du licenciement ou de la démission et ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties ; qu'elle résulte d'une convention signée par les parties au contrat et est soumise aux dispositions impératives fixées par le code du travail destinées à garantir la liberté du consentement des parties ; qu'elle peut intervenir alors même que l'entreprise rencontre des difficultés économiques qui l'amènent à se séparer de certains de ses salariés ; que la rupture conventionnelle ne nécessite pas l'établissement d'un plan de sauvegarde ; que l'employeur et la salarié conviennent du principe d'une rupture conventionnelle lors d'un ou plusieurs entretiens ; qu'aucun formalisme n'est nécessaire pour entamer les négociations ; qu'il n'est nul besoin d'une convocation à un entretien préalable ou d'une convocation des délégués du personnel ; que les parties souhaitant convenir d'une rupture conventionnelle se rencontrent lors d'un ou plusieurs entretiens, selon leur choix ; qu'au cours de cet entretien (ou de ces entretiens), le salarié peut se faire assister : - soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise, qu'il s'agisse d'un salarié titulaire d'un mandat syndical ou d'un salarié membre d'une institution représentative du personnel (par exemple, un délégué du personnel ou un membre élu du comité d'entreprise) ou tout autre salarié ; - soit, en l'absence d'institution représentative du personnel dans l'entreprise, par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l'autorité administrative ; que la convention de rupture élaborée entre l'employeur et le salarié définit les conditions de cette rupture, notamment le montant de « l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle » qui sera versée au salarié et fixe également la date de rupture du contrat de travail, qui ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l'homologation de la convention par l'autorité administrative ; qu'afin d'éviter les décisions trop hâtives, et afin de permettre à chaque partie de mesurer la portée de sa décision, la loi impose un délai minimum entre la signature de la convention et sa transmission à l'autorité administrative pour homologation ou pour autorisation et permet à chaque partie de revenir sur sa décision durant ce délai ; qu'ainsi, à compter de la date de signature de la convention par l'employeur et le salarié, l'un et l'autre disposent d'un délai de 15 jours pour exercer ce droit de rétractation ; qu'à l'issue du délai de rétractation, la partie la plus diligente adresse une demande d'homologation à l'autorité administrative compétente ; que l'autorité administrative dispose d'un délai d'instruction de 15 jours ouvrables ; qu'à défaut de notification dans ce délai, l'homologation est réputée acquise ; qu'il n'est donc nul besoin de procéder à l'énonciation du motif de la rupture et encore moins à la notification d'un licenciement ; qu'ainsi que le relève justement le conseil de prud'hommes celui qui prétend obtenir l'annulation de la rupture conventionnelle doit démontrer que le consentement est vicié et invoquer l'erreur, la violence ou le dol ; qu'en l'espèce, la rupture conventionnelle n'a été dénoncée par le salarié que le 22 mai 2009 soit plus de 7 mois après sa signature dans les termes suivants : « Je fais suite à ma lettre recommandée du cinq février 2009 et suite au rapport d'audit social que j'ai fait effectuer. L'analyse complète de ce dernier fait ressortir qu'à ce jour, je dénonce la rupture conventionnelle (¿) » ; que le salarié n'a invoqué aucun vice du consentement ; qu'il s'est contenté d'invoquer un rapport dont il a refusé la communication à son employeur (courrier du 7 juin 2009) ; qu'il ressort des pièces qu'il a communiquées et notamment de l'échange mail du 14 et 15 décembre et des courriers de janvier et février 2009 que le motif de cette dénonciation est le non-paiement de ses frais et le montant des prestations Assedic ; que si les motifs de la rupture conventionnelle ont été détaillés dans le courrier du 7 juin 2009, il n'est ni soutenu ni démontré qu'ils auraient entraîné une altération du discernement du salarié ; que la « lassitude » alléguée par le salarié à la suite de difficultés dans le cadre de l'exécution du contrat de travail qui, selon lui, serait à l'origine de la rupture, ne peut être assimilée à un vice du consentement ; qu'aucune procédure disciplinaire n'était en cours ; qu'il n'est pas valablement démontré que le salarié aurait fait l'objet de pressions ou de manoeuvres ni que le salarié ait été contraint d'accepter la rupture conventionnelle du fait de la déloyauté de l'employeur ; que le salarié qui soutient qu'il aurait été mal renseigné sur ses droits avait tout loisir entre la signature de la convention et son homologation de le faire ; qu'il a été régulièrement assisté, à sa demande, par M. Y..., qui était son supérieur hiérarchique et dont il n'a pas été soutenu qu'il ignorait les fonctions et la participation dans l'entreprise ; qu'aucun « préavis » n'est prévu dans le cadre de la rupture conventionnelle du contrat de travail à durée indéterminée, ce temps étant réservé au licenciement et à la démission ; que les règles du licenciement ne s'appliquent pas à la rupture conventionnelle ;
1) ALORS QUE l'employeur a l'obligation d'informer préalablement le salarié qu'il a la possibilité de se faire assister lors de l'entretien ou des entretiens préalables à la rupture conventionnelle, en l'absence d'institution représentative du personnel, par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l'autorité administrative ; qu'en l'espèce, il est constant que la société King Jouet ne disposait pas d'institutions représentatives du personnel ; qu'il s'ensuit qu'en se bornant à affirmer que M. Guy X... « a été régulièrement assisté à sa demande par M. Y..., qui était son supérieur hiérarchique, et dont il n'a pas soutenu qu'il ignorait les fonctions et la participation dans l'entreprise », sans constater que le salarié avait été informé préalablement de la possibilité de se faire assister par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l'autorité administrative, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des article L. 1237-11 et L. 1237-12 du code du travail ;
2) ALORS QU'en tout état de cause, le salarié ne saurait être régulièrement assisté, lors de l'entretien ou des entretiens préalables à la rupture conventionnelle, par son supérieur hiérarchique, lorsque celui-ci est actionnaire de l'entreprise qui l'emploie, l'actionnaire pouvant être présumé avoir pour but de préserver les intérêts de l'entreprise ; qu'en décidant le contraire, pour refuser d'annuler la convention de rupture, la cour d'appel a violé les articles L. 1237-11 et L. 1237-12 du code du travail ;
3) ALORS QUE la rupture conventionnelle du contrat de travail ne peut être imposée par l'employeur et ne peut être valablement conclue en l'absence de consentement libre et non équivoque du salarié ; que dès lors, en l'espèce, en se bornant à affirmer qu'il n'est pas valablement démontré que le salarié aurait fait l'objet de pressions, sans répondre aux conclusions d'appel de M. Guy X... qui soutenait que son responsable hiérarchique direct, M. Y..., qui l'assistait lors du premier entretien, lui avait indiqué que la société King Jouet n'ouvrirait plus de magasins en 2009, lui faisant observer qu'il lui restait peu d'années avant de faire valoir ses droits à retraite programmée pour 2012 et qu'il aurait la possibilité de percevoir pendant cette période des indemnités chômage, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4) ALORS QUE l'existence d'une violence morale génératrice d'un vice du consentement du salarié peut résulter des agissements déloyaux de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail ; que dans ses conclusions d'appel, M. Guy X... faisait valoir que l'employeur avait manqué à son obligation d'exécuter le contrat de travail de bonne foi, en lui faisant prendre des risques corporels, en le privant de tous moyens pour mener à bien sa mission et en lui remboursant avec retard ses frais professionnels et que c'était par « lassitude et dépit » qu'il avait donné son consentement à l'offre de rupture de son contrat de travail émanant de son employeur ; qu'il s'ensuit qu'en se bornant à considérer que la « « lassitude » alléguée par le salarié à la suite de difficultés dans le cadre de l'exécution du contrat de travail qui, selon lui, serait à l'origine de la rupture, ne peut être assimilée à un vice du consentement », sans se prononcer sur les difficultés invoquées par le salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil.