Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 15 janvier 2014, 12-22.117, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 12-22.117
- ECLI:FR:CCASS:2014:SO00087
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
- Président
- M. Blatman (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l¿arrêt attaqué, que Mme X... a été embauchée en 2005 sous contrat à durée déterminée par la société Sols propres en qualité d'agent de propreté ; qu'ayant été licenciée le 31 décembre 2007 au motif qu'elle s'était vu retirer son permis de conduire, elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant notamment au paiement d'heures supplémentaires, d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Sur le moyen unique pris en sa troisième branche :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de déclarer fondé le licenciement pour cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que chacun a droit au respect de sa vie privée ; qu'un salarié ne peut être valablement licencié pour un motif tiré de sa vie privée que si son comportement a créé un trouble objectif caractérisé au sein de l'entreprise, rendant impossible son maintien dans l'entreprise au regard de la fonction exercée ; qu'ayant constaté que la lettre de licenciement reprochait à la salariée, agent de propreté, la suspension de son permis de conduire pour conduite en état d'ivresse en dehors de ses heures de travail, sans constater que la fonction même d'agent de propreté rendait indispensable la conduite d'un véhicule, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, effectuant la recherche prétendument délaissée, a constaté que le permis de conduire était nécessaire à l'exercice effectif de l'activité professionnelle de la salariée ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique pris en sa première branche :
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail ;
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, l'arrêt retient que le décompte journalier des heures travaillées produit par elle à l'appui de sa demande n'apparaît pas avoir été établi au jour le jour, qu'il ne précise pas le motif des dépassements d'horaire, que l'employeur souligne que ce document comporte au moins quatre erreurs, l'intéressée ayant notamment compté des heures travaillées alors qu'elle était absente, que la société indique encore que le personnel ayant eu à remplacer la salariée a respecté l'horaire contractuel alors que celle-ci n'appliquait pas ses directives, et justifie lui en avoir plusieurs fois fait le reproche ; qu'enfin, la salariée ne justifie pas que l'activité qui lui était confiée ne pouvait s'exécuter dans le temps imparti ;
Attendu cependant, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que la salariée avait produit un décompte journalier des heures travaillées auquel l'employeur pouvait répondre, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la salariée de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, l'arrêt rendu le 4 octobre 2011, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société Sols propres aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, la condamne à payer à la SCP Barthélémy, Matuchansky et Vexliard, la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Barthélémy, Matuchansky et Vexliard, avocat aux Conseils, pour Mme X...
Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR déclaré fondé le licenciement pour cause réelle et sérieuse prononcé par la société Sols propres, employeur, à l'encontre de madame X..., salariée, et d'avoir débouté celle-ci de ses demandes à l'encontre de l'employeur ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE sur les heures supplémentaires, les parties conviennent que madame X... a été embauchée pour une durée de travail de 117 heures mensuelles pouvant faire l'objet d'une augmentation ; que le contrat de travail définit l'horaire journalier de la salariée ; que madame X... produit à l'appui de sa demande un décompte journalier des heures travaillées ; qu'outre que ce décompte n'apparaît pas avoir été établi au jour le jour, il ne précise pas le motif des dépassements d'horaires et comporte au moins 4 erreurs comme le souligne l'employeur, madame X... ayant notamment compté des heures travaillées alors qu'elle était absente ; que par ailleurs, l'employeur indique que les salariés ayant eu à remplacer madame X... ont respecté l'horaire contractuel et précise que madame X... n'appliquait pas les directives de l'employeur, et justifie lui en avoir plusieurs fois fait le reproche ; qu'en conséquence et à défaut pour madame X... de justifier que l'activité qui lui était confiée ne pouvait s'exécuter dans le temps imparti, sa demande en paiement d' heures supplémentaires n'est pas justifiée ; que par courrier du 23 novembre 2007, madame X... a informé son employeur de la suspension de son permis de conduire, lui a demandé de regrouper ses heures le matin, ne pouvant plus exécuter les heures prévues au contrat de travail soit de 6h à 8h et de 18h à 20h ainsi que le samedi de 5h à10h au motif qu'elle ne peut plus se déplacer ni conduire la voiture de la société ; que la lettre de licenciement fait grief à madame X... de se trouver dans l'incapacité d'exercer ses fonctions, faute de pouvoir se déplacer pour se rendre de son domicile au siège de l'entreprise, de son domicile ou du siège de l'entreprise sur un chantier ou d'un chantier à un autre, et ce en raison de la suspension de son permis de conduire pour une durée de six mois ; que l'employeur explique dans cette lettre que la suspension du permis de conduire gène l'entreprise de par la nécessité de devoir procéder à son remplacement et qu'il n'est pas possible de regrouper ses heures de travail car celles-ci sont dictées par la demande des clients ; qu'il ajoute que cette suspension pour conduite en état d'ivresse manifeste porte atteinte au sérieux et à la notoriété de l'entreprise du fait qu'elle est amenée à conduire un véhicule de la société dans le cadre de ses fonctions et par le risque qu'elle ferait courir à l'employeur par son comportement si devanture elle portait préjudice à des personnes ou à des biens ; que madame X... soutient qu'elle n'avait pas l'obligation contractuelle d'avoir le permis de conduire ; que son contrat de travail prévoit expressément au chapitre « obligations professionnelles » qu'elle devra respecter les trajets et les horaires des chantiers, les véhicules étant équipés du système VDO de contrôle ; que cette obligation démontre que la conduite d'un véhicule de l'entreprise était une condition d'exécution de son travail et partant qu'en étant privée de son permis de conduire, elle ne peut plus exécuter sa prestation de travail conformément au contrat ; qu'au demeurant, le seul fait pour madame X... de ne pouvoir se déplacer au siège de la société et donc de ne pouvoir exécuter son travail constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement ; que sur l'indemnité de préavis : que lorsque le salarié ne peut de son propre fait exécuter son préavis, aucune indemnité ne lui est dû ; qu'en l'espèce, madame X... ne pouvant se rendre à son travail, elle se trouvait donc dans l'incapacité d'exécuter son préavis et ne peut en conséquence réclamer d'indemnité à ce titre ; que sur l'indemnité de licenciement, madame X... ayant plus de deux années d'ancienneté peut prétendre à une indemnité de licenciement égale à 1/10ème de salaire par année d'ancienneté ; que l'employeur produit le bulletin de salaire du mois de janvier 2008 sur lequel figure le paiement de cette indemnité pour la somme de 254,19 euros ; que la demande à ce titre n'est pas fondée ; que sur les indemnités journalières ; qu'il résulte de la convention collective applicable aux relations contractuelles que les agents d'entretien ayant au moins deux ans d'ancienneté peuvent prétendre à une indemnisation en cas de maladie ; qu'en conséquence, madame X... ne peut réclamer un complément de salaire pour ses arrêts maladie antérieurs au 18 août 2007 ; que pour la période postérieure, l'employeur justifie avoir rempli ses obligations ; qu'en conséquence, le jugement du conseil de prud'hommes de Fréjus sera confirmé en toutes ses dispositions (arrêt, p. 4 et p. 5) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'en cas de litige sur l'existence ou le nombre d'heures de travail effectuées, le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis tant par la salariée que par l'employeur, de nature à justifier les horaires réalisés et convenus ; que le tableau récapitulatif produit par la salariée, confectionné à partir de ses notes personnelles, n'est corroboré par aucun autre élément de preuve, et n'est pas à lui seul probant, d'autant plus que l'horaire de travail est expressément établi dans le contrat signé entre les parties ; que madame X... n'apporte aucun élément objectif suffisant des heures supplémentaires réclamées, ni même d'indices permettant d'apprécier qu'elle les ait réalisées, et qu'il n'est pas établi que l'employeur lui ait demandé d'effectuer des dépassements d'horaires, ni que ceux-ci aient été nécessaires pour réaliser le travail contractuellement convenu et fixé; qu'il appartenait à la salariée de se présenter sur les chantiers de travail auxquels elle était affectée, ou, tout au moins, au siège de l'entreprise pour être véhiculée, son contrat de travail prévoyant expressément l'obligation de respecter les trajets inscrits sur les feuilles de planning avec les véhicules fournis ; que la salariée, par courrier du 23 novembre 2007, a indiqué à son employeur qu'elle ne pouvait plus se déplacer pour effectuer ses obligations contractuelles, et n'a effectué aucune démarche ni proposition pour adapter ses conditions de transports eu égard à la suspension de permis prononcée à son encontre, imposant à son employeur un remplacement au pied levé et des perturbations préjudiciables pour le fonctionnement de l'entreprise, alors qu'il est au contraire révélé par les pièces qu'elle produit et ses conclusions, qu'elle pouvait utiliser son scooter pour ce faire ; qu'aucune obligation ne peut être imposée à un employeur d'adapter les horaires et ses modalités de fonctionnement de l'entreprise aux difficultés personnelles rencontrées par une employée dont le permis de conduire a été suspendu pour graves infractions, par ailleurs réitérées ; que le retrait du permis de conduire pour conduite en état d'ivresse, même en dehors du temps de travail, et alors que les déplacements de la salariée sont nécessaires pour l'exécution du contrat constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement, d'autant plus que cet état d'ébriété porte atteinte à l'image de l'entreprise, avec des répercussions commerciales pour les clients qui lui confient les clefs de leurs bureaux et office ; que la salariée sanctionnée par le retrait de son permis et alors que la conduite d'un véhicule est nécessaire à l'exercice de ses fonctions, ne peut prétendre à l'indemnité compensatrice de préavis qu'elle est matériellement dans l'impossibilité d'exécuter, ayant par ailleurs dissimulé à son employeur ces possibilités de déplacement en scooter, et ayant au contraire affirmé par courrier du 23 novembre 2007 être dans l'impossibilité totale de se déplacer (jugement, p. 4 et 5, § 1) ;
1°) ALORS, D'UNE PART, QUE le nombre d'heures de travail accomplies est présumé établi au travers de la production, par le salarié, d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisées pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; qu'en se bornant à retenir, pour rejeter la demande de la salariée en paiement d'heures supplémentaires, que celle-ci produisait certes à l'appui de sa demande un décompte journalier des heures travaillées, mais que ce décompte n'apparaissait pas établi au jour le jour, ni ne précisait le motif des dépassements d'horaires, sans indiquer en quoi l'absence de mention des motifs des heures supplémentaires effectuées ou d'établissement d'un décompte journalier excluait que la demande de la salariée puisse être regardée comme suffisamment étayée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regarde de l'article 3171-4 du code du travail ;
2°) ALORS, D'AUTRE PART, QU'en retenant, pour rejeter la demande de la salariée en paiement d'heures supplémentaires, que le décompte journalier des heures travaillées qu'elle produisait comportait au moins quatre erreurs, sans préciser en quoi consistaient ces prétendues erreurs ni indiquer les éléments sur lesquels elle fondait cette affirmation, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS, ENFIN, QUE chacun a droit au respect de sa vie privée ; qu'un salarié ne peut être valablement licencié pour un motif tiré de sa vie privée que si son comportement a créé un trouble objectif caractérisé au sein de l'entreprise, rendant impossible son maintien dans l'entreprise au regard de la fonction exercée ; qu'ayant constaté que la lettre de licenciement reprochait à la salariée, agent de propreté, la suspension de son permis de conduire pour conduite en état d'ivresse en dehors de ses heures de travail, sans constater que la fonction même d'agent de propreté rendait indispensable la conduite d'un véhicule, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail.