Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 14 janvier 2014, 12-29.545, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 14 juin 2012), que M. et Mme X..., reprochant à Mme Y... qui avait réalisé des travaux d'extension et de surélévation de sa maison de leur avoir causé des troubles anormaux de voisinage, ont, après expertise, assigné celle-ci en indemnisation et en démolition ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que la cour d'appel a retenu, par une appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve soumis à son appréciation, que les fissures, décollements de plinthes et de cloisons, dont se plaignaient les époux X... n'étaient pas imputables au travaux réalisés par Mme Y... ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes tendant à voir condamner Mme Y... à refermer l'ouverture sur la grille de ventilation au niveau 0 et la pergola, alors, selon le moyen :

1°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions ; que Mme Y... admettait expressément dans ses conclusions d'appel que l'ouverture pratiquée au niveau 0 est une grille de ventilation constituée de plusieurs petits trous de 1 centimètre de diamètre situés au fond d'une niche ; qu'en se fondant pour exclure l'illicéité de cette ouverture, sur la circonstance qu'il s'agirait d'un percement dont la dimension est très petite (1 centimètre de diamètre) et en réduisant ainsi cette grille constituée de plusieurs trous d'un centimètre à un trou unique d'un centimètre de diamètre ce dont elle déduit qu'il ne pourrait assurer qu'une fonction d'aération, la cour d'appel a dénaturé le cadre du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ que le propriétaire d'un mur non mitoyen, joignant immédiatement l'héritage d'autrui ne peut pratiquer dans ce mur que des jours ou fenêtres à fer maillé et verre dormant, garnies d'un treillis de fer, dont les mailles auront environ un décimètre d'ouverture au plus et d'un châssis à verre dormant, ces jours et fenêtres ne pouvant être établis qu'à 26 décimètres au-dessus du plancher ou sol de la chambre qu'on veut éclairer si c'est au rez-de-chaussée ; qu'en se bornant pour écarter le caractère illicite de l'ouverture du rez-de-chaussée, à exclure le caractère mitoyen du mur dans lequel elle est pratiquée, sans rechercher si cette ouverture pratiquée selon elle dans un mur non mitoyen, mais qui joint néanmoins immédiatement l'héritage des époux X..., était conforme à ces exigences, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 676 et 677 du code civil ;

3°/ qu'on ne peut avoir des vues droites, ou fenêtres d'aspect, ni balcons ou semblables saillies sur l'héritage clos ou non de son voisin s'il n'y a 19 décimètres de distance entre le mur où on les pratique et ledit héritage ; que l'aménagement d'une pergola sur une toiture-terrasse ainsi transformée en terrasse d'agrément située à une distance inférieure à dix-neuf décimètres du fonds voisin, crée une vue prohibée ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 675 du code civil ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que l'ouverture sur la grille de ventilation au niveau zéro était très petite et ne pouvait assurer qu'une fonction d'aération, la cour d'appel, procédant à l'analyse technique dans l'exercice de son pouvoir souverain de qualification des faits, a pu, sans dénaturation du cadre du litige, qualifier ladite ouverture d'aération et non de vue génératrice de droits pour le propriétaire voisin ;

Attendu d'autre part, qu'ayant relevé que la pergola était une structure en bois, montée au-dessus d'une terrasse et que les demandeurs n'établissaient pas que celle-ci créait une vue prohibée, la cour d'appel, a pu, dans l'exercice de son pouvoir souverain de qualification des faits, rejeter la demande de démolition de ladite pergola ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande de démolition de l'extension de la construction de Mme Y... et de la pergola, alors, selon le moyen, que l'ouvrage construit en violation des règles d'urbanisme suffit à établir la faute du constructeur et engage sa responsabilité envers le tiers qui subit un préjudice personnel du fait de l'ouvrage, en relation directe avec l'infraction, sans qu'il y ait lieu de rechercher si le préjudice subi excède les inconvénients normaux du voisinage ; qu'en l'espèce, ainsi que le faisaient valoir les époux X... et ainsi que cela résulte des constatations du jugement déféré, la surélévation litigieuse a été réalisée en violation des règles d'urbanisme et sans respecter l'autorisation administrative ; que dès lors en subordonnant la démolition de l'ouvrage à la preuve du caractère anormal du trouble de voisinage, la cour d'appel a violé les articles 1382 et 1143 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant souverainement retenu que les constatations imprécises du rapport d'expertise et les photographies du constat d'huissier ne permettaient pas d'étayer un trouble anormal du voisinage et en outre que les époux X... ne produisaient aux débats aucune photographie des vues et de l'ensoleillement dont ils bénéficiaient avant et après la construction, ni aucun témoignage pour attester de la diminution de l'ensoleillement ou de la perte de vues, la cour d'appel, a pu, en l'absence de preuve d'un préjudice résultant de la présence des constructions litigieuses, en déduire que la demande de démolition des époux X..., n'était pas justifiée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme X... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze janvier deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué tel que rectifié par un arrêt du 20 décembre 2012, d'avoir débouté les époux X... de leurs demandes en paiement de la somme de 5000 euros en réparation des désordres non chiffrés par l'expert consistant dans les fissures, décollement de plinthes et de cloisons ;

Aux motifs que le premier juge a justement rejeté la demande relative aux autres désordres non imputables aux travaux ;

Alors que nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage ; qu'en ne s'expliquant pas comme elle y était invitée, sur les conclusions de l'expert qui en relevant (rapport p. 20) qu'aucun élément ne permettait d'attester que les fissures intérieures sont « uniquement » conséquentes à l'utilisation du brise-roches par l'entrepreneur de Melle Y..., admettait que ces travaux étaient bien au moins l'une des causes des désordres litigieux affectant l'immeuble des époux X..., la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe susvisé et de l'article 544 du Code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué tel que rectifié par un arrêt du 20 décembre 2012, d'avoir rejeté les demandes des époux X... tendant à voir condamner Mme Y... à refermer l'ouverture sur la grille de ventilation au niveau 0 et la pergola ;

Aux motifs qu'à l'examen des photographies prises par l'expert, ne saurait constituer une vue au sens de l'article 678 du Code civil, le percement dont la dimension est très petite (1 centimètre de diamètre) et qui ne peut assurer qu'une fonction d'aération ; que par ailleurs il ne peut être sérieusement prétendu qu'une pergola assure une vue alors qu'il s'agit d'une structure en bois montée au-dessus d'une terrasse, que la fermeture d'un tel équipement ne peut être mis en pratique et ne saurait être ordonnée par la Cour, que celle-ci ne saurait en outre se substituer aux demandeurs dans l'explication de leur demande ; que sur le fondement des dispositions de l'article 675 du Code civil il incombe aux demandeurs d'établir que le mur dans lequel les percements ont été effectués est mitoyen ; que sur ce point, malgré les contestations de l'appelante, aucune démonstration n'est rapportée alors que la présomption de mitoyenneté prévue par l'article 653 du Code civil n'est pas applicable à un mur qui sépare un bâtiment d'un espace non construit, que la demande fondée sur ce texte doit être rejetée ;

Alors d'une part, que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions ; que Mme Y... admettait expressément dans ses conclusions d'appel (p. 6) que l'ouverture pratiquée au niveau 0 est une grille de ventilation constituée de plusieurs petits trous de 1 cm de diamètres situés au fond d'une niche ; qu'en se fondant pour exclure l'illicéité de cette ouverture, sur la circonstance qu'il s'agirait d'un percement dont la dimension est très petite (1 centimètre de diamètre) et en réduisant ainsi cette grille constituée de plusieurs trous d'un centimètre à un trou unique d'un centimètre de diamètre ce dont elle déduit qu'il ne pourrait assurer qu'une fonction d'aération, la Cour d'appel a dénaturé le cadre du litige et violé l'article 4 du Code de procédure civile ;

Alors d'autre part, que le propriétaire d'un mur non mitoyen, joignant immédiatement l'héritage d'autrui ne peut pratiquer dans ce mur que des jours ou fenêtres à fer maillé et verre dormant, garnies d'un treillis de fer, dont les mailles auront environ un décimètre d'ouverture au plus et d'un châssis à verre dormant, ces jours et fenêtres ne pouvant être établis qu'à 26 décimètres au-dessus du plancher ou sol de la chambre qu'on veut éclairer si c'est au rez-de-chaussée ; qu'en se bornant pour écarter le caractère illicite de l'ouverture du rez-de-chaussée, à exclure le caractère mitoyen du mur dans lequel elle est pratiquée, sans rechercher si cette ouverture pratiquée selon elle dans un mur non mitoyen, mais qui joint néanmoins immédiatement l'héritage des époux X..., était conforme à ces exigences, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 676 et 677 du Code civil ;

Alors enfin, qu'on ne peut avoir des vues droites, ou fenêtres d'aspect, ni balcons ou semblables saillies sur l'héritage clos ou non de son voisin s'il n'y a dix-neuf décimètres de distance entre le mur où on les pratique et ledit héritage ; que l'aménagement d'une pergola sur une toiture- terrasse ainsi transformée en terrasse d'agrément située à une distance inférieure à dixneuf décimètres du fonds voisin, crée une vue prohibée ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article 675 du Code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué tel que rectifié par un arrêt du 20 décembre 2012, d'avoir débouté les époux X... de leurs demandes tendant à voir condamner Mme Y... à démolir l'extension de sa construction et la pergola ;

Aux motifs qu'il incombe aux demandeurs d'établir que la construction érigée par Mme Y... leur occasionne un préjudice de vue et d'ensoleillement excédant les inconvénients normaux du voisinage ; qu'or, ni les constatations imprécises du rapport d'expertise ni les photographies du constat d'huissier ne permettent d'étayer un trouble anormal de voisinage ; que ne sont en outre produites aux débats aucune photographie des vues et de l'ensoleillement dont bénéficiaient M. et Mme X... avant la construction, ni aucune photographie des vues et de l'ensoleillement dont ils bénéficient actuellement, que de même aucun témoignage n'est produit pour attester de la diminution de l'ensoleillement et de la perte de la vue sur le port des Godes ; que le seul fait que la construction se situe en surplomb au sud de la propriété des demandeurs ne saurait suffire à caractériser un trouble anormal de voisinage ;

Alors que l'ouvrage construit en violation des règles d'urbanisme suffit à établir la faute du constructeur et engage sa responsabilité envers le tiers qui subit un préjudice personnel du fait de l'ouvrage, en relation directe avec l'infraction, sans qu'il y ait lieu de rechercher si le préjudice subi excède les inconvénients normaux du voisinage ; qu'en l'espèce, ainsi que le faisaient valoir les époux X... et ainsi que cela résulte des constatations du jugement déféré, la surélévation litigieuse a été réalisée en violation des règles d'urbanisme et sans respecter l'autorisation administrative ; que dès lors en subordonnant la démolition de l'ouvrage à la preuve du caractère anormal du trouble de voisinage, la cour d'appel a violé les articles 1382 et 1143 du Code civil.

ECLI:FR:CCASS:2014:C300020
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