Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 15 janvier 2014, 12-28.362, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à M. et Mme X... du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. Widenlocher ;

Sur le moyen unique :

Vu les articles 1134 et 1176 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 3 juillet 2012), que par promesse des 10 et 22 juillet 2008, les époux X... ont vendu un immeuble aux consorts Y..., sous condition suspensive de l'obtention d'un prêt, la réitération par acte authentique étant fixée au plus tard le 30 septembre 2008 ; que le 4 février 2009, les époux X... ont fait sommation aux consorts Y... de signer l'acte définitif de vente ; que les consorts Y... ayant refusé au motif que la condition suspensive ne s'était pas réalisée dans les délais impartis, ils ont assigné les époux X... et le notaire en restitution du dépôt de garantie et, à titre subsidiaire, en résiliation de l'acte ;

Attendu que pour constater que la défaillance de la condition suspensive avait entraîné la caducité de la vente et ordonner la restitution du dépôt de garantie aux consorts Y..., l'arrêt retient que le fait qu'il n'ait pas été précisé dans le compromis de date butoir spécifique pour la réalisation de la condition d'obtention du prêt est indifférent, dès lors qu'il était convenu que la signature de l'acte devait intervenir au plus tard le 30 septembre 2008, ce qui impliquait nécessairement que les conditions suspensives devaient être réalisées à cette date ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la promesse de vente n'avait enfermé la réalisation de la condition suspensive dans aucun délai et que la date avant laquelle la réitération devait intervenir n'était pas extinctive mais constitutive du point de départ à partir duquel l'une des parties pourrait obliger l'autre à s'exécuter et sans rechercher s'il était devenu certain que la réalisation de la condition n'aurait pas lieu, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 juillet 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne les consorts Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X....

Il fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. et Mme X... de leur demande tendant à voir condamner M. Serge Y..., Mme Liliane Y...et M. Grégory Y...à leur payer la somme de 59. 000 ¿ au titre de la clause pénale prévue par la promesse de vente conclue du 10 et 22 juillet 2008, et dit que la somme de 30. 000 ¿ détenue par Me Z... en qualité de séquestre sera restituée par lui aux consorts Y... ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE M. Et Mme X... et la SCI Y...en cours d'immatriculation ont conclu un compromis de vente en date des 10 et 22 juillet 200S, portant sur un immeuble situé à Saint Martin du Var pour un prix de 590. 000 ¿ ; qu'il était prévu dans cet acte que le financement de cette acquisition se ferait au moyen d'un apport de 430. 000 ¿ et d'un prêt bancaire de 200, 000 ¿ ; qu'il était précisé sous l'intitulé " conditions suspensives liées à l'obtention d'un crédit "- " Le présent avant contrat est soumis à la condition suspensive stipulée au seul profit de l'acquéreur de l'obtention par ce dernier d'un ou plusieurs prêts bancaires qu'il envisage de contracter auprès de tout établissement prêteur de son choix sous les conditions énoncées ci-dessous " soit un prêt de 200. 000 ¿ d'une durée de 25 ans maximum au taux maximum de 5, 20 % ; Qu'il était également indiqué en page 5 de cet acte que l'obtention de ce prêt devrait, pour réaliser la condition suspensive des dispositions de l'article L 312-16 du code de la construction intervenir au plus tard le (...), les parties n'ayant pas complété la date, et en page 9 sous l'intitulé " signature de l'acte authentique de vente " : " d'un commun accord entre les parties, l'acte authentique de vente réitérant les présentes sera reçu par Me Vincent Z..., notaire à Plan du Var avec la participation de Me Jean Widenlocher, notaire à Nice ; Cet acte interviendra au plus tard le 30 septembre 2008 ; Cette date n'est pas extinctive, mais constitutive du point de départ à partir duquel une des parties pourra obliger l'autre à s'exécuter par le biais d'une mise en demeure adressée par lettre recommandée avec accusé de réception par acte extrajudiciaire " ; Qu'il était également convenu du paiement à titre de clause pénale d'une somme égale à 10 % du prix de vente si le défaut de réalisation incombait au vendeur, cette somme étant prélevée à due concurrence sur le dépôt de garantie de 30. 000 ¿, versé lors de la signature du compromis entre les mains de Me Z..., notaire ; Que par acte du 4 février 2009, M. et Mme X... ont fait sommation à M. Serge Y...d'avoir à comparaître le mardi 10 février 2009 en l'étude de Me Z... afin de signer l'acte définitif de vente, que M. Serge Y...s'est présenté à l'étude et a indiqué qu'il renonçait à l'acquisition projetée, pour non-réalisation de la condition suspensive dans les délais impartis ; Attendu que les consorts Y... demandent la restitution de dépôt de garantie ; que M. et Mme X... conclut au rejet de leur demande, tout en sollicitant le paiement de 59. 000 ¿ au titre de la clause pénale ; Attendu, sur le moyen tiré de l'absence de notification du compromis à l'acquéreur et de l'application des articles L 271-1 et L 271-2 du code de la construction et de l'habitation, que ces dispositions étaient sans application eu l'espèce, l'acquéreur n'étant pas une personne physique ; Attendu sur la défaillance de la condition suspensive, que le fait qu'il n'ait pas été précisé dans le compromis de date butoir spécifique pour la réalisation de cette condition est indifférent, dès lors qu'il était convenu que la signature de l'acte devait intervenir au plus tard le 30 septembre 2008, ce qui impliquait nécessairement que les conditions suspensives devaient être réalisées à cette date ; qu'il n'est pas démontré que les consorts Y... aient en quoi que ce soit fait obstacle à la réalisation de la condition d'obtention du prêt dans ce délai, et que la défaillance de cette condition a en conséquence entraîné la caducité de la vente ; que c'est dès lors à bon droit, et par des motifs pertinents que la cour adopte, que le tribunal a ordonné la restitution du dépôt de garantie, et débouté M, et Mme X... de l'ensemble de leurs demandes ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE les époux X... demandent à titre principal la condamnation solidaire des consorts Y... à leur verser la somme de 59000 euros en exécution de la clause pénale insérée en page 9 de l'acte authentique. Attendu que les époux X... considèrent que la condition suspensive d'obtention de prêt s'est trouvée réalisée ; Qu'ils soutiennent plus précisément que le défaut d'obtention du prêt a pour cause la faute de l'acquéreur qui en aurait empêché la réalisation, au sens de l'article 1178 du code Civil. Attendu qu'il est établi que la société acquéreur, en cours d'immatriculation, souhaitait concourir au versement du prix à hauteur de 430000 euros de fonds propres, qui devaient provenir de l'indemnisation par l'Etat de M. Y... au titre de l'expropriation d'une propriété immobilière sise à Gilette ; Que par jugement en date du 27 juin 2008 le Tribunal de Grande Instance de Nice avait condamné l'Etat à verser cette somme à M Y... ; Qu'il n'est pas contesté qu'il n'avait pas été relevé appel de ce jugement, et que la somme de 435560 euros a été virée sur le compte de M ou Mme Y... le 21 novembre 2008, comme le prouve le relevé de compte produit par les consorts Y... ; Attendu qu'il doit être relevé que la date prévue pour la réitération de la vente était fixée au 30 septembre 2008 au plus tard, il n'était pas prévu spécifiquement dans l'acte authentique une date butoir pour la réalisation de la condition suspensive d'obtention d'un prêt par l'acquéreur ; Mais attendu que la chose n'est pas surprenante, la société acquéreur étant en cours d'immatriculation, et qu'en toutes hypothèses la condition suspensive devait être réalisée avant cette date du 30 septembre 2008, puisqu'à partir de cette date les conditions de la vente devaient être réalisées pour permettre à chaque partie de mettre l'autre en demeure de s'exécuter ; Attendu qu'il est constant que la banque sollicitée par l'acquéreur n'a pas accordé le prêt à cette date, exigeant non pas seulement la preuve d'une créance sur l'Etat mais le versement effectif de l'indemnisation constituant les fonds propres nécessaires à l'acquisition litigieuse ; Que rien ne permet de considérer que le non-versement au 30 septembre 2008 de l'indemnité aurait pour origine le comportement fautif des consorts Y... ; Que par ce seul motif il est jugé que la condition suspensive d'obtention du prêt stipulée au seul bénéfice de l'acquéreur ne s'est pas réalisée, ce qui suffit à entraîner le rejet des demandes des époux X... ;

1) ALORS QUE lorsqu'une promesse synallagmatique de vente prévoit que la date d'expiration du délai de réalisation de l'acte authentique n'est pas extinctive mais constitutive du point de départ de la période au cours de laquelle l'une des parties pourra obliger l'autre à s'exécuter, et qu'aucun délai n'est fixé pour la réalisation des conditions suspensives, la non-réalisation des conditions suspensives à la date fixée pour la signature de l'acte authentique n'entraîne pas la caducité de l'acte ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la promesse de vente stipulait que la date du 30 septembre 2008 fixée pour la réitération de la vente par acte authentique n'était pas extinctive mais constitutive du point de départ à partir duquel une des parties pourra obliger l'autre à s'exécuter, et qu'aucune date-butoir n'était par ailleurs fixée pour la réalisation de la condition suspensive d'obtention d'un prêt par l'acquéreur ; qu'en considérant néanmoins que la non-réalisation au 30 septembre 2008 de la condition suspensive tenant à l'obtention d'un prêt par l'acquéreur avait entraîné la caducité de la vente, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 1134, 1176 et 1589 du code civil ;

2) ALORS QUE lorsqu'une obligation est contractée sous la condition qu'un événement arrivera, sans qu'il y ait de temps fixe, la condition peut toujours être accomplie et elle n'est censée défaillie que lorsqu'il est devenu certain que l'événement n'arrivera pas ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la promesse de vente des 10 et 22 juillet 2008 était conclue sous la condition suspensive de l'obtention d'un prêt de 200. 000 ¿ par l'acquéreur, la SCI Y..., sans qu'il soit prévu de date-butoir pour la réalisation de cette condition ; qu'en retenant, pour ordonner la restitution du dépôt de garantie à l'acquéreur et débouter M. et Mme X... de leur demande de paiement de la clause pénale, que l'absence de délai fixé pour la réalisation de la condition suspensive était indifférente, dès lors qu'il était convenu que la signature de l'acte authentique de vente devait intervenir au plus tard le 30 septembre 2008, ce qui impliquait nécessairement que les conditions suspensives devaient être réalisées à cette date, la cour d'appel a violé l'article 1176 du code civil ;

3) ALORS QUE lorsqu'une obligation est contractée sous la condition qu'un événement arrivera, sans qu'il y ait de temps fixe, la condition peut toujours être accomplie et elle n'est censée défaillie que lorsqu'il est devenu certain que l'événement n'arrivera pas ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations des juges du fond que le versement à l'acquéreur de l'indemnité d'expropriation devant constituer son apport personnel, auquel la banque avait subordonné l'octroi du prêt, était intervenu le 21 novembre 2008 ; qu'en retenant, pour ordonner la restitution du dépôt de garantie à l'acquéreur et débouter M. et Mme X... de leur demande de paiement de la clause pénale, qu'il était constant que la banque n'avait pas accordé le prêt au 30 septembre 2008, date prévue pour la signature de l'acte authentique, et que rien ne permettait de considérer que le non-versement de l'indemnité à cette date aurait eu pour origine le comportement fautif des époux Y..., sans rechercher si, comme le soutenaient M. et Mme X..., la réalisation de la condition suspensive tenant à l'octroi du prêt, qui n'était soumise à aucun délai, n'était pas devenue possible le 21 novembre 2008, la condition posée par la banque pour l'octroi du prêt ayant été satisfaite, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1176 du code civil ;

4) ALORS subsidiairement QU'il appartient à l'acquéreur qui s'est obligé, dans un délai déterminé, à déposer des demandes de prêt conformes aux prévisions de la promesse de vente, de justifier de l'exécution de cette obligation ; qu'en retenant, pour déclarer la vente caduque, que la condition suspensive tenant à l'obtention d'un prêt n'avait pas été réalisée au 30 septembre 2008, date prévue pour la réitération de la vente par acte authentique, sans rechercher si, comme le soutenaient les époux X..., les acquéreurs n'avaient pas manqué à leur obligation de déposer une demande de prêt dans le délai de quinze jours à compter de la signature de la promesse, de sorte que la condition devait être réputée accomplie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1178 et 1315 du code civil.

ECLI:FR:CCASS:2014:C300007
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