Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 18 décembre 2013, 12-23.760, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 12-23.760
- ECLI:FR:CCASS:2013:SO02276
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- M. Béraud (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à M. Guillaume X...de sa reprise d'instance en tant qu'ayant droit de Dominique X..., décédé ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 juin 2012), que Dominique X...a été engagé le 1er octobre 1999 par la Fédération générale Force ouvrière bâtiment travaux publics bois papier carton matériaux céramique thermique (la fédération) ; qu'il y exerçait en dernier lieu les fonctions de secrétaire de la fédération ; qu'il a été licencié pour faute lourde le 12 novembre 2008 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la fédération fait grief à l'arrêt de la condamner à indemniser le salarié au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que la cour d'appel qui, pour rejeter le premier grief de licenciement fondé sur « l'utilisation de sommes de subventions d'organismes paritaires collecteurs Opca Forcemat, et autres, et pour lesquelles, malgré les demandes répétées de la commission administrative fédérale, vous n'avez pas fourni de justificatifs correspondants » s'est bornée à affirmer, d'une part, « qu'il apparaît en interne une très forte rivalité entre MM. X...et Y...au détriment de la mission générale que doit poursuivre toute organisation syndicale de salariés à travers la défense des intérêts collectifs de la profession qu'elle est censée représenter, rivalité s'étant traduite par le déclenchement brutal d'une procédure disciplinaire ayant finalement abouti à la notification d'un licenciement pour faute lourde », d'autre part, que « la faute lourde suppos e une intention de nuire de l'intimé nullement démontrée en l'espèce », quand ces constatations n'étaient pas de nature à exclure le comportement fautif de M. X..., a statué par des motifs inopérants, privant en conséquence sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail ;
2°/ que le juge a l'obligation d'examiner l'ensemble des griefs énoncés dans la lettre de licenciement ainsi que les éléments de preuve venant au soutien des motifs de licenciement ; qu'en s'abstenant d'examiner le grief fondé sur le refus de M. X...de justifier l'usage de la somme de 28 000 euros versée en application d'un accord de droit syndical, quand ce grief se rattachait au motif de licenciement tiré de l'« utilisation de sommes de subventions d'organismes paritaires collecteurs Opca Forcemat, et autres, et pour lesquelles, malgré les demandes répétées de la commission administrative fédérale, vous n'avez pas fourni de justificatifs correspondants », la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, par motifs propres et adoptés, a relevé, d'abord, que l'exigence de justificatif n'existait pas avant le 16 septembre 2008, ensuite, qu'en ce qui concerne les 28 000 euros, la procédure d'encadrement n'existait pas au moment de la signature de l'accord Novergie, de sorte que le fait de ne pas avoir informé la fédération de cet accord et de l'utilisation des fonds encaissés ne pouvait être reproché au salarié, enfin, que l'intention de nuire de ce dernier n'était nullement démontrée ; que le moyen, inopérant en sa première branche, est mal fondé pour le surplus ;
Sur le second moyen :
Attendu que la fédération fait grief à l'arrêt de la condamner à indemniser le salarié pour licenciement vexatoire, alors, selon le moyen :
1°/ que le versement de dommages-intérêts pour préjudice moral distinct suppose l'existence d'une faute commise par l'employeur dans les circonstances de la rupture du contrat de travail ; que la cour d'appel qui, pour condamner la FGFO à verser à M. X...des dommages-intérêts pour licenciement vexatoire, s'est bornée à relever que « l'employeur n'a pas hésité en parlant de M. X...à employer le terme « parjure », sans cependant préciser en quoi l'emploi du terme « parjure » lors de l'entretien préalable à licenciement était constitutif d'une faute commise par l'employeur dans les circonstances entourant la rupture du contrat de travail, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
2°/ que la faute commise dans les circonstances de la rupture du contrat de travail ne peut justifier l'allocation de dommages-intérêts que si elle a causé au salarié un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi ; qu'en se bornant à affirmer que « l'employeur n'a pas hésité en parlant de M. X...à employer le terme « parjure » lors de l'entretien préalable à licenciement pour condamner la FGFO à verser à ce dernier des dommages-intérêts pour licenciement vexatoire, sans cependant caractériser aucun préjudice distinct subi par le salarié, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel, appréciant les éléments de fait et de preuve, a relevé que l'employeur qui n'avait pas hésité à traiter le salarié de « parjure » avait eu à son égard un comportement inapproprié ; qu'elle a ainsi fait ressortir l'existence d'une faute de l'employeur dans les circonstances de la rupture et décidé qu'il y avait lieu d'indemniser le salarié par l'allocation de dommages-intérêts dont elle a souverainement apprécié le montant ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Fédération générale Force ouvrière bâtiment travaux publics bois papier carton matériaux céramique thermique aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. Guillaume X...la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt.
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la fédération Générale Force ouvrière bâtiment travaux publics bois papier carton matériaux céramique thermique.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la Fédération Générale Force Ouvrière Bâtiment-Tavaux Publics-Bois-Papier-Carton-Matériaux-Céramique-Thermique à verser à Monsieur X...les sommes de 7 263, 03 ¿ à titre d'indemnité légale de licenciement, de 3855, 08 ¿ à titre de rappel de salaire sur mise à pied, de 385, 50 ¿ à titre de congés payés y afférents, de 198, 40 ¿ à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur ce rappel de salaire, de 7 976, 02 ¿ et de 797, 60 ¿ à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés y afférents et de 51 000 ¿ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE la faute lourde s'entend d'une faute d'une particulière gravité se caractérisant par l'intention du salarié de nuire à l'employeur qui doit en rapporter la preuve s'il l'invoque dans la lettre de licenciement ; que sur le premier grief relatif à l'utilisation faite par l'intimé de subventions provenant d'organismes paritaires collecteurs des fonds de la formation professionnelle, tel l'OPCA FORCEMAT issu de l'accord national professionnel du 6 décembre 1994 dans le secteur des matériaux pour la construction et l'industrie, utilisation sans fournir de justificatifs malgré les demandes de la commission administrative fédérale, la FGFO s'appuie sur des éléments se limitant principalement aux comptes rendus du bureau fédéral du 23 juin 2008 et de la commission administrative fédérale du 29 septembre 2008, comptes rendus à l'examen desquels il apparaît en interne une très forte rivalité entre Messieurs X...et Y...au détriment de la mission générale que doit poursuivre toute organisation syndicale de salariés à travers la défense des intérêts collectifs de la profession qu'elle est censée représenter, rivalité s'étant traduite par le déclenchement brutal d'une procédure disciplinaire ayant finalement abouté à la notification d'un licenciement pour « faute lourde » supposant une intention de nuire de l'intimé nullement démontrée en l'espèce ; que sur le deuxième grief concernant la proposition faite par Monsieur Dominique X...de rédiger une attestation en faveur de Madame Virginia Z... suite à son licenciement pour faute lourde dans le cadre d'un procès prud'homal l'opposant à la FGFO, l'employeur se prévaut d'un courriel provenant de l'adresse personnelle de l'intimé (dguelfucci @ wanadoo. fr) et que celui-ci a adressé à diverses personnes, courriel comportant expressément la mention « important : adresse mail perso, à ne pas dévoiler » ; que ce courriel de nature privée étant appelé en principe à rester confidentiel au-delà du cercle de ses destinataires clairement identifiés, la FGFO reconnaissant dans ses écritures que c'est un de ceux-ci (Monsieur A...) qui l'a à dessein transféré à Monsieur Y..., il s'en évince qu'il ne pouvait pas servir d'élément à charge dans le cadre d'une procédure de licenciement pour faute ; que quant aux trois derniers griefs (dénigrement de la Fédération et de son secrétaire général, non-respect des décisions de la Commission administrative fédérale, incitation faite auprès des adhérents de la branche thermique de ne pas se plier aux directives fédérales), la Cour constate l'absence de pièces probantes de nature à emporter favorablement sa conviction ; qu'il s'en déduit que le licenciement pour faute lourde de Monsieur Dominique X...est sans cause réelle et sérieuse ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la Cour d'appel qui, pour rejeter le premier grief de licenciement fondé sur « l'utilisation de sommes de subventions d'organismes paritaires collecteurs OPCA FORCEMAT, et autres, et pour lesquelles, malgré les demandes répétées de la Commission administrative fédérale, vous n'avez pas fourni de justificatifs correspondants » s'est bornée à affirmer, d'une part, « qu'il apparaît en interne une très forte rivalité entre Messieurs X...et Y...au détriment de la mission générale que doit poursuivre toute organisation syndicale de salariés à travers la défense des intérêts collectifs de la profession qu'elle est censée représenter, rivalité s'étant traduite par le déclenchement brutal d'une procédure disciplinaire ayant finalement abouti à la notification d'un licenciement pour faute lourde », d'autre part, que « la faute lourde suppos e une intention de nuire de l'intimé nullement démontrée en l'espèce », quand ces constatations n'étaient pas de nature à exclure le comportement fautif de Monsieur X..., a statué par des motifs inopérants, privant en conséquence sa décision de base légale au regard des articles L 1232-1, L 1234-1 et L 1234-9 du Code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE le juge a l'obligation d'examiner l'ensemble des griefs énoncés dans la lettre de licenciement ainsi que les éléments de preuve venant au soutien des motifs de licenciement ; qu'en s'abstenant d'examiner le grief fondé sur le refus de Monsieur X...de justifier l'usage de la somme de 28 000 ¿ versée en application d'un accord de droit syndical, quand ce grief se rattachait au motif de licenciement tiré de l'« utilisation de sommes de subventions d'organismes paritaires collecteurs OPCA FORCEMAT, et autres, et pour lesquelles, malgré les demandes répétées de la Commission administrative fédérale, vous n'avez pas fourni de justificatifs correspondants », la Cour d'appel a violé l'article L 1232-6 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la Fédération Générale Force Ouvrière Bâtiment-Tavaux Publics-Bois-Papier-Carton-Matériaux-Céramique-Thermique à verser à Monsieur X...la somme de 4 000 ¿ à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire ;
AUX MOTIFS QUE le licenciement était vexatoire eu égard au comportement inapproprié de l'employeur qui n'a pas hésité en parlant de Monsieur Dominique X...à employer le terme « parjure » (compte-rendu de l'entretien préalable par le conseiller du salarié/ pièce 12 de l'intimé) ;
ALORS, D'UNE PART, QUE le versement de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct suppose l'existence d'une faute commise par l'employeur dans les circonstances de la rupture du contrat de travail ; que la Cour d'appel qui, pour condamner la FGFO à verser à Monsieur X...des dommages et intérêts pour licenciement vexatoire, s'est bornée à relever que « l'employeur n'a pas hésité en parlant de Monsieur Dominique X...à employer le terme « parjure », sans cependant préciser en quoi l'emploi du terme « parjure » lors de l'entretien préalable à licenciement était constitutif d'une faute commise par l'employeur dans les circonstances entourant la rupture du contrat de travail, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la faute commise dans les circonstances de la rupture du contrat de travail ne peut justifier l'allocation de dommages et intérêts que si elle a causé au salarié un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi ; qu'en se bornant à affirmer que « l'employeur n'a pas hésité en parlant de Monsieur Dominique X...à employer le terme « parjure » lors de l'entretien préalable à licenciement pour condamner la FGFO à verser à ce dernier des dommages et intérêts pour licenciement vexatoire, sans cependant caractériser aucun préjudice distinct subi par le salarié, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil.