Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 26 novembre 2013, 12-27.390, Inédit
Cour de cassation - Chambre commerciale
- N° de pourvoi : 12-27.390
- ECLI:FR:CCASS:2013:CO01140
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- M. Espel (président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bourges, 6 septembre 2012), que la caisse régionale de Crédit agricole Centre Loire (la CRCAM) a consenti à la société Alryc des concours bancaires garantis par des nantissements sur ses fonds de commerce ; que la société Alryc, alors in bonis, ayant vendu deux fonds de commerce, leur prix de cession a été déposé en tout ou partie sur des comptes séquestres, dont les fonds ont ensuite été remis, au prononcé de la liquidation judiciaire de la société, à la SCP Y...-X... nommée en qualité de liquidateur ; que cette dernière a adressé un certificat d'irrecouvrabilité à la CRCAM qui sollicitait paiement de sa créance déclarée à titre privilégié et nanti et admise en sa totalité ; que considérant qu'elle était en droit de prétendre au règlement intégral du prix de vente des fonds de commerce nantis, la CRCAM a demandé que le mandataire liquidateur soit condamné à lui restituer le prix de cession des fonds de commerce vendus avant l'ouverture de la procédure collective et à lui remettre, au titre de son droit de rétention, le prix de cession d'un autre fonds de commerce vendu dans le cadre de la procédure collective ;
Attendu que la CRCAM fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes alors, selon le moyen :
1°/ qu'elle a demandé, aux termes exprès de ses conclusions d'appel, à la cour d'appel de Bourges de condamner la société civile professionnelle Axel X... à lui restituer le prix de cession des fonds de commerce de Dijon et d'Orléans de la société Alryc, vendus avant l'ouverture de la procédure collective, soit la somme de 337 276 euros ; qu'en énonçant, par conséquent, que la CRCAM avait abandonné sa demande de condamnation de la société civile professionnelle Axel X... à lui restituer le prix de cession des fonds de commerce de Dijon et d'Orléans de la société Alryc, vendus avant l'ouverture de la procédure collective et qu'elle donnait acte à la CRCAM de ce qu'elle avait accepté le chef du jugement entrepris aux termes duquel cette demande avait été rejetée, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions d'appel de la CRCAM et a violé, en conséquence, les dispositions de l'article 4 du code de procédure civile ;
2°/ que le nantissement d'un fonds de commerce confère au créancier nanti un droit de rétention ; qu'en retenant le contraire, pour débouter la CRCAM de ses demandes, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 2286 4° et 2355 du code civil et de l'article L. 142-1 du code de commerce ;
Mais attendu qu'ayant énoncé que l'article 2286-4° du code civil issu de la loi du 4 août 2008 n'est applicable qu'aux biens corporels, ce qui exclut les nantissements, et retenu que c'est à tort que la CRCAM invoque l'article 2355, alinéa 5, du code civil qui dispose que le nantissement est soumis à défaut de dispositions spéciales, aux règles prévues pour le gage de meubles corporels, dans la mesure où les nantissements de fonds de commerce sont régis par des textes spéciaux, notamment l'article L. 142-1 du code de commerce, c'est à bon droit que la cour d'appel, qui n'a pas dénaturé les conclusions de la CRCAM, a retenu que le nantissement sur un fonds de commerce ne conférait pas à son titulaire un droit de rétention ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Centre Loire aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la SCP Y...-X..., ès qualités, la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six novembre deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Centre Loire
Le pourvoi fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR dit la caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre Loire mal fondée en ses demandes de restitution des prix de cession des fonds de commerce de Dijon, Orléans et Strasbourg et D'AVOIR débouté la caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre Loire de ces demandes ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'« aux termes de ses conclusions, le crédit agricole centre Loire demande à la cour de :- constater qu'il peut se prévaloir d'un droit de rétention sur le prix de cession des fonds de commerce de Dijon et d'Orléans ; si dans un premier temps le crédit agricole demandait de condamner la Scp Axel X... à lui restituer le prix de cession de ces 2 fonds de commerce, vendus avant l'ouverture de la procédure collective, en cours de procédure, il a abandonné ce chef de demande ;- dire qu'il est fondé à exercer son droit de rétention sur le prix de vente du fonds de commerce de Strasbourg, cédé dans le cadre de la liquidation et d'ordonner la restitution du prix de cession de ce fonds, ¿./ Attendu que la cour donnera acte au crédit agricole de ce qu'il a accepté le chef du jugement aux termes duquel était rejetée sa demande de restitution du prix de cession des fonds de commerce de Dijon et d'Orléans vendus avant l'ouverture de la procédure collective ; qu'en effet, comme l'a rappelé le premier juge, les fonds séquestrés avant l'ouverture de la procédure collective doivent être remis au mandataire liquidateur ;/ attendu par ailleurs que le droit de rétention qui confère au créancier une situation privilégiée ne peut s'analyser ni comme une action ni comme une voie d'exécution et n'entre pas dans le domaine de l'article L. 622-30 du code de commerce ; que si l'action d'un créancier titulaire d'un droit de rétention est concevable, quand bien même le débiteur ferait l'objet d'une procédure collective, encore faut-il déterminer si le nantissement sur un fonds de commerce confère à son titulaire un droit de rétention ;/ attendu qu'aux termes de l'alinéa 1er de l'article 2355 du code civil, le nantissement est une garantie qui porte sur un bien meuble incorporel ou sur un ensemble de biens meubles incorporels, présents ou futurs ; qu'en conséquence, l'article 2286-4° du code civil, issu de la loi du 4 août 2008, qui dispose que " peut se prévaloir d'un droit de rétention sur la chose, celui qui bénéficie d'un gage sans dépossession ", n'est applicable qu'aux biens corporels, ce qui exclut les nantissements ; qu'en outre, c'est à tort que le crédit agricole invoque l'article 2355 alinéa 5 du code civil qui dispose que celui (le nantissement), qui porte sur d'autres meubles incorporels, en référence aux alinéa précédents qui mentionnent expressément les nantissements judiciaires et ceux portant sur les créances, est soumis, à défaut de dispositions spéciales, aux règles prévues pour le gage de meubles corporels ; qu'en effet, dans la mesure où les nantissements de fonds de commerce sont régis par des textes spéciaux, notamment l'article L. 142-1 du code de commerce qui dispose que " les fonds de commerce peuvent faire l'objet de nantissements, sans autres conditions et formalités que celles prescrites par le présent chapitre III ci-après ", mais ne donnent pas au créancier gagiste le droit de se faire attribuer le fonds en paiement et jusqu'à due concurrence, l'article 2355 alinéa 5 ne saurait trouver application en l'espèce ;/ que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont rejeté les demandes du crédit agricole » (cf., arrêt attaqué, p. 6 ; p. 8) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QU'« à la lecture de l'article L. 142-1 alinéa 2 du code de commerce, il échet que " le nantissement d'un fonds de commerce ne confère aux créanciers nantis aucun droit de rétention "./ Attendu que la réforme du droit des sûretés n'a pas supprimé cette disposition./ Attendu qu'il est stipulé à l'article 2355 alinéa 4 du code civil dont se prévaut le requérant, qu'il ne s'applique qu'à défaut de dispositions spéciales./ Attendu que l'article L. 142-1 qui précède constitue cette disposition spéciale./ Attendu qu'à toute fin, plusieurs arrêts sont venus confirmer que " le nantissement d'un fonds de commerce ne confère aux créanciers nantis aucun droit de rétention "./ Attendu qu'il s'en suit de débouter le crédit agricole Centre Loire de l'intégralité de ses demandes en restitution des prix de vente des fonds de commerce de Dijon, Orléans et Strasbourg, étant mal fondées » (cf., jugement entrepris, p. 5) ;
ALORS QUE, de première part, la caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre Loire a demandé, aux termes exprès de ses conclusions d'appel, à la cour d'appel de Bourges de condamner la société civile professionnelle Axel X... à lui restituer le prix de cession des fonds de commerce de Dijon et d'Orléans de la société Alryc, vendus avant l'ouverture de la procédure collective, soit la somme de 337 276 euros ; qu'en énonçant, par conséquent, que la caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre Loire avait abandonné sa demande de condamnation de la société civile professionnelle Axel X... à lui restituer le prix de cession des fonds de commerce de Dijon et d'Orléans de la société Alryc, vendus avant l'ouverture de la procédure collective et qu'elle donnait acte à la caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre Loire de ce qu'elle avait accepté le chef du jugement entrepris aux termes duquel cette demande avait été rejetée, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions d'appel de la caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre Loire et a violé, en conséquence, les dispositions de l'article 4 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, de seconde part, le nantissement d'un fonds de commerce confère au créancier nanti un droit de rétention ; qu'en retenant le contraire, pour débouter la caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre Loire de ses demandes, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 2286 4° et 2355 du code civil et de l'article L. 142-1 du code de commerce.