Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 20 novembre 2013, 12-86.630, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre criminelle
- N° de pourvoi : 12-86.630
- ECLI:FR:CCASS:2013:CR05360
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation
- Président
- M. Louvel
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Mekki X...,
contre l'arrêt de la cour d'assises de la HAUTE-GARONNE, en date du 21 septembre 2012, qui, pour vol avec arme précédé, accompagné ou suivi de violences ayant entraîné la mort et association de malfaiteurs, l'a condamné à trente ans de réclusion criminelle, ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 9 octobre 2013 où étaient présents : M. Louvel président, Mme Carbonaro conseiller rapporteur, M. Pometan, M. Foulquié, M. Moignard, M. Castel, M. Raybaud, Mme Caron, M. Moreau, Mme Drai, conseillers de la chambre, M. Laurent, M. Beghin, conseillers référendaires ;
Avocat général : Mme Valdès Boulouque ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire CARBONARO, les observations de Me SPINOSI, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général VALDÈS BOULOUQUE ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1er, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; des articles 132-19 et 132-24 du code pénal, 365-1, 591 et 593 du code de procédure pénale, et des principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant la justice ;
" en ce que la cour d'assises, statuant en appel, a condamné l'accusé à la peine de trente années de réclusion criminelle ;
" alors que les dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 132-19 et de l'article 132-24 du code pénal prévoyant la motivation spéciale du prononcé d'une peine d'emprisonnement ferme, en ce qu'elles ne s'étendent pas à la matière criminelle, alors même qu'il incombe aux juridictions criminelles, depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2011-939 du 10 août 2011, de motiver leurs décisions en vertu de l'article 365-1 du code de procédure pénale, portent atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit et plus exactement aux principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant la justice, garantis par les articles 1er, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'il y a lieu, dès lors, de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel ; qu'à la suite de la déclaration d'inconstitutionnalité qui interviendra, l'arrêt attaqué se trouvera privé de base légale au regard des principes constitutionnels susvisés " ;
Attendu que, par arrêt en date du 29 mai 2013, la chambre criminelle a dit n'y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question relative à la constitutionnalité des dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 132-19 et de l'article 132-24 du code pénal prévoyant la motivation spéciale du prononcé d'une peine d'emprisonnement ferme, en ce qu'elles ne s'étendent pas à la matière criminelle ;
D'où il suit que le moyen est inopérant ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 347, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que le président de la cour d'assises, statuant en appel, a ordonné que le dossier de procédure soit déposé entre les mains du greffier à l'exception de la décision de renvoi qu'il a conservée ;
" alors qu'il résulte des dispositions de l'article 347 du code de procédure pénale, modifiées par la loi du 10 août 2011 que, lorsque la cour d'assises statue en appel, le président ordonne que le dossier de procédure soit déposé entre les mains du greffier à l'exception, d'une part, de la décision de renvoi, mais également, d'autre part, de l'arrêt rendu par la cour d'assises ayant statué en premier ressort ainsi que la feuille de motivation qui l'accompagne ; qu'en ne conservant pas la décision rendue par la juridiction de premier degré, privant ainsi le jury de la possibilité de s'y référer au cours des délibérations sans mettre en oeuvre la procédure visée à l'alinéa 4 de l'article 347 précité, le président a méconnu les dispositions de l'article 347 du code de procédure pénale " ;
Attendu qu'il résulte des énonciations du procès-verbal des débats que le président a ordonné que le dossier de la procédure, à l'exception de la décision de renvoi, soit déposé entre les mains du greffier ;
Attendu que si, aux termes de l'article 347, alinéa 3, du code de procédure pénale, le président conserve, en vue de la délibération, la décision de renvoi et, en cas d'appel, l'arrêt rendu par la cour d'assises ayant statué en premier ressort ainsi que la feuille de motivation qui l'accompagne, cette formalité n'est pas substantielle, la loi ne faisant pas dépendre la conviction de la cour et du jury de l'examen de la décision rendue en premier ressort mais du débat oral qui s'est déroulé devant eux ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Mais sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des articles 365-1, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la feuille de motivation est ainsi rédigé : « sur la motivation : les éléments du dossier ne permettent pas d'établir l'identité de l'auteur des coups, les éléments à charge recueillis à l'encontre de l'accusé étant davantage révélateurs de sa présence sur les lieux, que d'un geste homicide, l'infraction de vol n'étant pas contestée » ;
" 1°) alors que, d'une part, la procédure suivie devant la cour d'assises doit permettre à l'accusé de comprendre sa condamnation ; que cette exigence impose notamment que ce dernier puisse comprendre les éléments à charge ayant fondé la motivation de la cour ; que, dès lors, en retenant, pour condamner l'accusé à une peine de trente années de réclusion criminelle, que « les éléments à charge recueillies à l'encontre de l'accusé étant davantage révélateurs de sa présence sur les lieux », sans que cette motivation ni permette d'identifier ni les éléments à charge, ni même de comprendre le lien existant entre la présence sur les lieux de l'accusé et son implication dans le décès de la victime, la cour d'assises à méconnu les dispositions visées au moyen ;
" 2°) alors que, d'autre part, l'article 365-1 du code de procédure pénale impose que la motivation puisse permettre d'identifier, pour chacun des faits reprochés à l'accusé, les principaux éléments à charge qui ont convaincu la cour d'assises ; que dès lors, la motivation se doit d'être spécifique sur chacun des éléments fondant la condamnation ; qu'a méconnu cette disposition, la cour d'assises qui s'est contenté, pour condamner l'accusé à une peine de trente années de réclusion, d'énoncer une motivation confuse, abstraite, et en tout état de cause ne distinguant pas précisément les éléments à charge qui ont convaincu la cour sur chacun des faits reprochés à l'accusé " ;
Vu l'article 365-1 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte de ce texte qu'en cas de condamnation, la motivation consiste dans l'énoncé des principaux éléments à charge, exposés au cours des délibérations, qui, pour chacun des faits reprochés à l'accusé, ont convaincu la cour d'assises ;
Attendu que la cour d'assises retient, au titre de sa motivation, que " les éléments du dossier ne permettent pas d'établir l'identité de l'auteur des coups, les éléments à charge recueillis à l'encontre de l'accusé étant davantage révélateurs de sa présence sur les lieux, que d'un geste homicide, l'infraction de vol n'étant pas contestée " ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'assises, qui n'a pas énoncé les principaux éléments à charge, exposés au cours des délibérations, qui pour chacun des faits reprochés à l'accusé l'ont convaincue, n'a pas justifié sa décision ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'assises de la Haute-Garonne, en date du 21 septembre 2012,
CASSE et ANNULE, par voie de conséquence, l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'assises de Lot-et-Garonne, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'assises de la Haute-Garonne et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt novembre deux mille treize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.