Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 6 novembre 2013, 12-25.364, Inédit
Cour de cassation - Chambre civile 1
- N° de pourvoi : 12-25.364
- ECLI:FR:CCASS:2013:C101262
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
- Président
- M. Charruault (président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon le premier arrêt attaqué, qu'Alfred X... est décédé le 17 février 2003 laissant pour lui succéder, son épouse, Mme Y..., bénéficiaire d'un legs universel suivant testament du 16 juin 2002, et ses deux enfants Frédéric et Isabel, nés d'un premier mariage ; qu'un jugement a ordonné les opérations de comptes, liquidation et partage de la succession ; que Mme Y... a sollicité le paiement d'une indemnité pour la perte de jouissance de l'usufruit légué sur un bien immobilier ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu que ce moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 724 du code civil ;
Attendu que pour limiter à une certaine somme l'indemnité due pour la perte de jouissance de l'usufruit légué sur l'immeuble, l'arrêt retient que cette indemnité n'est due qu'à compter du 4 avril 2008, date des conclusions par lesquelles Mme Y... souhaitait opter pour la pleine propriété du quart de la succession, et les trois quarts en usufruit, cette notification de l'option aux héritiers réservataires valant demande de délivrance du legs ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le conjoint survivant est, au même titre que les autres héritiers, investi de la saisine sur l'universalité de l'hérédité et se trouve ainsi dispensé de demander la délivrance du legs qui lui a été fait, quelle que soit l'étendue de la vocation conférée par ce legs, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
Rejette le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 5 juin 2012 par la cour d'appel de Toulouse ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la succession est redevable envers Mme Y... d'une somme de 20 000 euros au titre de la perte de jouissance de l'usufruit de la maison de Lauzerville à compter du 4 avril 2008, l'arrêt rendu le 25 octobre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;
Condamne M. Frédéric X... et Mme Isabelle X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six novembre deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour Mme Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION sur l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 25 octobre 2011
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la succession X... n'était redevable envers Madame Josiane Y... veuve X... que d'une somme de 20. 000 ¿ au titre de la perte de jouissance de l'usufruit de la maison de Lauzerville à compter du 4 avril 2008 ;
AUX MOTIFS QUE : « les donations de biens à venir que se font les époux au cours du mariage, parce qu'elles sont révocables, sont quant à leur effets soumises aux règles des legs ; que l'option exercée par le donataire remonte donc au jour du décès et en application de l'article 1005 du code civil il a droit aux frais et intérêts à partir du jour du décès, sous réserve d'avoir demandé la délivrance du legs dans l'année, à défaut cette jouissance ne commencera qu'à compter de la demande en justice ou du jour où la délivrance aura été volontairement consentie ; que le testament de M X..., rédigé avant son mariage avec Mme Y..., indique que si ce mariage intervient avant son décès, cette dernière recevra d'une part la réserve héréditaire due à son conjoint d'autre part toute la quotité disponible restante ; que l'acte de dévolution successorale établi le 23 avril 2003 par Me Z..., notaire associé à Toulouse, reconnaissait la qualité de bénéficiaire légale et de légataire universelle de Mme Josiane Y... veuve X..., le même jour a été établi l'inventaire des meubles garnissant la maison de Lauzerville ; qu'il résulte de la déclaration de succession et des actes initialement dressés qu'à l'ouverture de la succession seul a été reconnu à Mme Josiane Y... veuve X... le droit à la quotité disponible générale, soit un tiers de la succession et non l'option entre les trois quotités disponibles entre époux (soit la propriété de ce dont il pourrait disposer en faveur d'un étranger, soit d'un quart de ses biens en pleine propriété et les trois quarts en usufruit, soit la totalité de ses biens en usufruit seulement, et suite à l'inventaire du 23 avril 2003 les clés de la maison de Lauzerville ont été conservées par le notaire ; que par courrier du 26 août 2003, Mme Josiane Y... veuve X... a rappelé à Me Z... que le testament de son mari lui attribue, indépendamment des dispositions légales de la loi du 3 décembre 2002, la quotité disponible entre époux soit un quart en pleine propriété et les trois quarts en usufruit, et qu'elle a en conséquence la jouissance totales de l'immeuble du patrimoine de son défunt mari ; qu'en réponse, par courrier du 28 août 2003, le notaire lui a refusé la jouissance du bien, au motif qu'elle lui était contestée par les enfants car elle ne pouvait prétendre ni à un droit d'usage et d'habitation, ni à une attribution préférentielle, lui précisant qu'il renouvelait la demande auprès d'eux et qu'en cas de refus il lui appartiendrait de faire valoir ses droits devant les tribunaux ; qu'à cette date aucun élément ne permet de considérer que les intimés aient été informés d'une option exercée par Mme Josiane Y... veuve X... lui donnant droit à l'usufruit de la maison ; que par ordonnance du 28 septembre 2004, le juge des référés du tribunal de grande instance de Toulouse a rejeté les demandes formulées par Mme Y... veuve X... à l'encontre de Maîtres Z... et A..., tendant notamment à obtenir leur condamnation à lui restituer la clé de la maison sous astreinte, au motif qu'elle ne pouvait prétendre ni à un droit d'usage et d'habitation, ni à une attribution préférentielle et que la simple mention de ce qu'elle serait légataire universelle de la quotité disponible ne lui permettrait pas de prétendre de manière indiscutable à profiter seule de l'immeuble, qu'enfin Frédéric et Isabelle X... s'opposaient à la remise de cette clé, sauf à titre temporaire pour qu'une entreprise effectue des travaux de débroussaillage ; que cette ordonnance fait par ailleurs état de l'absence d'opposition de Me A..., avec l'accord de Frédéric et Isabelle X..., à la remise des clés de l'immeuble à une entreprise mandatée par la commune pour que des travaux de débroussaillage soient effectués ; que toutefois, d'une part cette ordonnance de référé n'est pas rendue au contradictoire de Frédéric et Isabelle X..., d'autre part sa lecture ne fait nullement apparaître que Mme Y... veuve X... ait fondé sa demande sur un droit d'usufruit ; que par actes des 6 et 18 avril 2005, Mme Y... veuve X... a assigné Frédéric et Isabelle X... en partage et a fait état des trois options dont elle dispose ; que par sommation interpellative du 5 janvier 2006, elle a sollicité de Me A... la remise des clés, ce que ce dernier, se retranchant derrière l'ordonnance de référé, a refusé ; que ce n'est que dans ses écritures du 4 avril 2008 que Mme Y... veuve X... a écrit avoir " indiqué à plusieurs reprises " qu'elle souhait opter pour la pleine propriété du quart de la succession, et les trois quarts en usufruit ; que cette notification de l'option aux héritiers réservataires vaut demande de délivrance du legs, et ceux-ci ne peuvent arguer du refus du notaire pour justifier de 1'absence de délivrance de l'usufruit de la maison et échapper à toute indemnisation alors que celui-ci n'a retenu les clés qu'à raison de leur position ; que Mme Y... veuve X... était donc en droit de jouir de la maison de Lauzerville à compter du 4 avril 2008, toutefois la maison n'a pas été louée et la succession n'a perçu aucun fruit, Mme Y... veuve X... ne peut donc bénéficier dans le cadre du règlement de celle-ci du règlement d'un loyer ; qu'elle ne peut davantage demander une indemnité d'occupation aux intimés dès lors que ceux-ci n'ont pas occupé privativement le bien ; qu'il convient donc de compenser l'absence de délivrance de l'usufruit par une indemnité réparant le prejudice subi par la veuve du fait de la privation de jouissance de l'usufruit de la maison à compter du 4 avril 2008 ; que dans son rapport d'expertise, Mme B... retenait un revenu locatif potentiel de 1000 ¿ par mois, toutefois il n'est pas certain que Mme Y... veuve X... aurait loué le bien puisqu'elle souhaite le vendre, par ailleurs elle dispose d'un logement personnel et n'occupait pas la maison antérieurement au décès ; que le prejudice subi par Mme Y... veuve X... du fait de la privation de jouissance de l'immeuble, arrêté au jour du présent arrêt, sera fixé à la somme de 20. 000 ¿, et il n'y a lieu de statuer sur un préjudice futur et certain » (arrêt p. 8 à 10).
1°) ALORS QUE le conjoint survivant est, au même titre que les autres héritiers légitimes ou naturels, investi de la saisine et se trouve ainsi dispensé de demander la délivrance du legs qui lui a été fait, quelle que soit l'étendue de la vocation conférée par ce legs ; qu'en décidant néanmoins que Madame Josiane Y... veuve X... n'avait exercé son option pour la pleine propriété du quart de la succession et les trois quarts en usufruit qu'à compter du 4 avril 2008, pour en déduire que cette notification de l'option aux héritiers réservataires valait demande de délivrance du legs portant sur l'usufruit de la maison de Lauzerville et qu'elle était donc en droit de jouir de la maison à partir de cette date, quand Madame Josiane Y... veuve X..., en sa qualité de conjoint survivant, investie de la saisine n'avait pas à demander la délivrance du legs qui lui avait été fait sur ce bien, la cour d'appel a violé les articles 724 et 1004 du code civil ;
2°) ALORS QUE le conjoint survivant, investi de la saisine a, dès le jour du décès et quelle que soit l'étendue de la vocation conférée par le legs qui lui a été consenti, la jouissance de tous les biens composant la succession ; qu'en décidant néanmoins que Madame Josiane Y... veuve X... ne pouvait prétendre à la réparation d'un préjudice né de la privation du droit de jouir de l'usufruit de la maison de Lauzerville qu'à compter du 4 avril 2008, quand elle pouvait prétendre à la jouissance du bien légué à compter du jour du décès, soit le 17 février 2003, ce qui constituait le point de départ de l'indemnisation de son préjudice, la cour d'appel a violé les articles 724, 815-9 et 1005 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION sur l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 5 juin 2012
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir constaté l'absence d'actifs supplémentaires sur les comptes ouverts au nom de Monsieur X... aujourd'hui clôturés et d'avoir en conséquence débouté Madame Y... veuve X... de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE : « du rapport complémentaire déposé le 13 décembre 2011 résultent les éléments suivants :- en ce qui concerne le compte NATIXIS géré par la société CARMIGNAC GESTION, le dernier solde connu au 31 août était de 0, 18 ¿ somme transférée sur le compte de succession de M X... le 28 avril 2003,- en ce qui concerne le compte ouvert auprès d'INVESCO France, cet établissement a cessé son activité de banque en octobre 2003,- en ce qui concerne les comptes ouverts auprès de MORGAN FLEMMING, M X... a racheté son compte titre le 21 février 2002 soit antérieurement à son décès,- en ce qui concerne les comptes ouverts auprès de COGEFI, M X... a demandé sa clôture le 29 octobre 2002 et le solde a été viré sur son compte société générale ; que l'extrait de compte CARMIGNAC figurant en annexe du rapport confirme les dires de l'expert, il en est de même d'un courrier de la société INVESCO ; qu'il était demandé à l'expert uniquement de compléter son rapport en application de l'article 245 du code de procédure civile au vu des investigations auxquelles elle avait déjà procédé, et non de se livrer à de nouvelles investigations, étant rappelé qu'il n'existait pas au dossier d'éléments suffisants relatifs à l'existence d'actifs. dissimulés, justifiant le recours à une mesure de complément d'expertise ; que tel est toujours le cas à ce jour, les nouvelles informations portées à la connaissance de la cour ne permettant pas davantage de soupçonner l'existence d'actifs complémentaires dissimulés, et l'appelante n'ayant de son côté pas cherché à obtenir des renseignements ou pièces complémentaires de la part des sociétés CARMIGNAC et INVESCO ; qu'il sera donc constaté l'absence d'actifs supplémentaires sur les comptes ouverts au nom de M X... aujourd'hui clôturés et Mme Y... veuve X... sera déboutés de ses demandes » (arrêt p. 3 et 4).
ALORS QUE la cassation qui ne manquera pas d'intervenir sur le fondement du premier moyen de cassation, en ce que l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 25 octobre 2011 a dit que la succession X... n'était redevable envers Madame Josiane Y... veuve X... que d'une somme de 20. 000 ¿ au titre de la perte de jouissance de l'usufruit de la maison de Lauzerville à compter du 4 avril 2008, doit entraîner par voie de conséquence la cassation de l'arrêt du 5 juin 2012, en ce qu'il a constaté l'absence d'actifs supplémentaires sur les comptes ouverts au nom de Monsieur X... aujourd'hui clôturés et a débouté Madame Y... veuve X... de ses demandes, et ce, en application de l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile.
Le greffier de chambre