Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 30 octobre 2013, 12-22.962, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 29 mai 2012) rendu sur renvoi après cassation (Soc., 19 octobre 2010, n° 09-41. 688), que M. X..., engagé le 13 mars 2000 en qualité d'éducateur spécialisé par l'association Alter égaux, a été mis à pied, le 14 octobre 2005 ; que le 20 octobre suivant, l'association lui a adressé une convocation à entretien préalable à un éventuel licenciement, et l'a licencié pour faute grave, le 8 novembre 2005 ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le condamner au paiement de diverses sommes alors, selon le moyen :

1°/ qu'il ressort des constatations de l'arrêt attaqué que trois jours ouvrés et non six jours se sont écoulés entre les deux mesures ; qu'en se bornant à affirmer que l'employeur avait laissé s'écouler un délai de six jours entre les deux mesures, ce qui était inexact et insuffisant à justifier sa décision, la cour d'appel a méconnu les prescriptions de l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ qu'il résultait des constatations de l'arrêt attaqué que la mise à pied avait été qualifiée de conservatoire dès sa notification et qu'elle avait été rapidement suivie de l'engagement de la procédure de licenciement puisque trois jours ouvrés seulement s'étaient écoulés entre les deux mesures ; qu'en jugeant néanmoins que, faute de concomitance entre les deux mesures, la mise à pied présentait un caractère disciplinaire interdisant qu'elle soit suivie d'un licenciement prononcé pour les mêmes faits, la cour d'appel a violé l'article L. 1332-3 du code du travail ;

3°/ que si les juges du fond apprécient souverainement les éléments de preuve versés aux débats, ils n'en sont pas moins tenus de motiver précisément leur décision et de répondre aux conclusions des parties ; qu'en ne donnant aucune précision sur les témoignages et les courriers écartés et en s'abstenant de répondre aux conclusions de l'association qui affirmait que l'auteur de la lettre anonyme, mineure au moment des faits, avait postérieurement maintenu ses déclarations en signant ses courriers, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, qu'ayant relevé que l'employeur avait notifié au salarié sa mise à pied et qu'il n'avait engagé la procédure de licenciement que six jours plus tard sans justifier d'aucun motif à ce délai, la cour d'appel a pu en déduire que la mise à pied présentait un caractère disciplinaire nonobstant sa qualification de mise à pied conservatoire et que l'employeur ne pouvait sanctionner une nouvelle fois le salarié pour les mêmes faits en prononçant ultérieurement son licenciement ;

Attendu, ensuite, que la cour d'appel n'était pas tenue de répondre à de simples arguments ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'association Alter égaux aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'association Alter égaux à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente octobre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour l'association Alter égaux

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement de M. X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse, et d'avoir condamné en conséquences l'Association Alter Egaux au versement de diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de rappels de salaires durant la mise à pied et d'indemnités de rupture et de congés payés ;

AUX MOTIFS QU'il ressort des éléments du dossier que l'employeur a notifié un avertissement au salarié le 23 septembre 2005 pour dissimulation d'informations ; qu'arguant d'autres faits qui se seraient déroulés pendant le camp de vacances du 16 juillet au 15 août 2005 et dont il n'aurait eu connaissance que postérieurement à l'avertissement du 23 septembre 2005, l'employeur a notifié au salarié une mise à pied à titre conservatoire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception le vendredi 14 octobre 2005, engageant ensuite la procédure de licenciement pour faute grave par lettre recommandée avec demande d'avis de réception le jeudi 20 octobre 2005 laissant ainsi s'écouler un délai de six jours entre les deux mesures ; que faute d'avoir été concomitamment suivie d'une procédure de licenciement, la mise à pied du 14 octobre 2005 a présenté un caractère disciplinaire en sorte que l'employeur ne pouvait sanctionner une nouvelle fois le salarié pour les mêmes faits en prononçant ultérieurement le licenciement querellé ;

1°) ALORS D'UNE PART QU'il ressort des constatations de l'arrêt attaqué que trois jours ouvrés et non six jours se sont écoulés entre les deux mesures ; qu'en se bornant à affirmer que l'employeur avait laissé s'écouler un délai de six jours entre les deux mesures, ce qui était inexact et insuffisant à justifier sa décision, la cour d'appel a méconnu les prescriptions de l'article 455 du code de procédure civile ;

2°) ALORS D'AUTRE PART qu'il résultait des constatations de l'arrêt attaqué que la mise à pied avait été qualifiée de conservatoire dès sa notification et qu'elle avait été rapidement suivie de l'engagement de la procédure de licenciement puisque trois jours ouvrés seulement s'étaient écoulés entre les deux mesures ; qu'en jugeant néanmoins que, faute de concomitance entre les deux mesures, la mise à pied présentait un caractère disciplinaire interdisant qu'elle soit suivie d'un licenciement prononcé pour les mêmes faits, la cour d'appel a violé l'article L 1332-3 du code du travail ;

ET AUX MOTIFS QUE, surabondamment, après avoir écarté la lettre de dénonciation anonyme, les témoignages indirects de jeunes adolescents fragilisés recueillis dans des conditions imprécises et les simples courriers sans valeur probante, les attestations en sens contraire versées par les parties, notamment celles des jeunes Adrien Y... et Amandine Z... et celles des éducateurs Mme A... et M. B... ne permettent pas de retenir les faits reprochés au salarié comme établis avec certitude, de sorte que le doute devant lui profiter comme prévu à l'article L. 1235-1 du code du travail, l'existence d'une cause réelle et sérieuse et a fortiori d'une faute grave doivent être écartés ;

3°) ALORS QUE si les juges du fond apprécient souverainement les éléments de preuve versés aux débats, ils n'en sont pas moins tenus de motiver précisément leur décision et de répondre aux conclusions des parties ; qu'en ne donnant aucune précision sur les témoignages et les courriers écartés et en s'abstenant de répondre aux conclusions de l'association qui affirmait que l'auteur de la lettre anonyme, mineure au moment des faits, avait postérieurement maintenu ses déclarations en signant ses courriers (conclusions p. 11 et suivantes), la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

ECLI:FR:CCASS:2013:SO01772
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