Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 23 octobre 2013, 12-22.395, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X...a été engagé par la société Europact intérim pour être mis à disposition de la société Ellico, du 29 mars 2004 au 22 septembre 2005, date à laquelle il a été victime d'un accident du travail, en qualité de conducteur de travaux ou de chargé d'affaire dans le cadre de contrats de mission successifs conclus pour un accroissement temporaire d'activité et pour remplacer un salarié démissionnaire, dans l'attente de l'entrée en service effective d'un salarié recruté en contrat à durée indéterminée ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de demandes dirigées contre l'entreprise de travail temporaire et contre l'entreprise utilisatrice pour voir requalifier la relation de travail en contrat à durée indéterminée et obtenir paiement de diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail ;

Sur la demande de mise hors de cause de la société Camo 2 :

Attendu que la cassation qui va être prononcée sur le pourvoi étant susceptible d'avoir une incidence sur les intérêts du salarié à l'égard de l'entreprise de travail temporaire, il n'y a pas lieu de mettre hors de cause

la société Camo 2, cessionnaire du fonds de commerce de la société Europact intérim ;

Sur le premier moyen pris en sa première branche :

Vu l'article L. 1251-16 du code du travail ;

Attendu que la signature d'un contrat écrit, imposée par ce texte dans les rapports entre l'entreprise de travail temporaire et le salarié afin de garantir qu'ont été observées les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d'oeuvre est interdite, a le caractère d'une prescription d'ordre public dont l'omission entraîne, à la demande du salarié, la requalification en contrat de droit commun à durée indéterminée ; qu'il n'en va autrement que lorsque le salarié a délibérément refusé de signer le contrat de mission dans une intention frauduleuse ;

Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes à l'encontre de l'entreprise de travail temporaire, l'arrêt retient que le fait qu'il ait pu continuer à travailler pour la société Ellico après le 2 septembre 2005, terme du dernier contrat de mission signé, est sans incidence dans les relations entre le salarié et l'entreprise de travail temporaire ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Sur le premier moyen pris en sa quatrième branche :

Vu les articles L. 1251-12, L. 1251-35 et L. 1251-40 du code du travail ;

Attendu qu'il résulte de ces textes que lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours, pendant plus de neuf mois, dans l'attente de l'entrée en service d'un salarié recruté par contrat à durée indéterminée, à un salarié d'une entreprise de travail temporaire, celui-ci peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission ;

Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes à l'encontre de la société Ellico, l'arrêt retient qu'il ressort des pièces produites que M. X...a été embauché du 29 mars 2004 au 30 septembre 2004 pour faire face à un accroissement temporaire d'activité puis, jusqu'au terme des relations contractuelles pour remplacer un salarié démissionnaire ; que la réalité de ce second motif est établie par l'attestation du salarié remplacé

qui indique que lors de sa démission, la société Ellico avait embauché M. X...pour le remplacer et qu'ils avaient travaillé quelques jours ensemble pour assurer la transition ; que ce témoignage démontre que le salarié n'avait pas été embauché pour pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale de l'entreprise mais pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire ;

Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs inopérants, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si l'entreprise utilisatrice n'avait pas eu recours à l'intéressé, pendant plus de neuf mois, dans l'attente de l'entrée en service d'un salarié recruté par contrat à durée indéterminée, la cour d'appel a privé de base légale sa décision ;

Et sur le second moyen :

Vu l'article 624 du code de procédure civile ;

Attendu que la cassation de l'arrêt sur le premier moyen entraîne par voie de conséquence la cassation de l'arrêt en ce qu'il dit n'y avoir lieu de se prononcer sur la question de savoir si le salarié avait ou non le statut de cadre ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 mai 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;

Condamne MM. Y...et A..., ès qualités et la société Camo 2 aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne MM. Y...et A..., ès qualités et la société Camo 2, à payer à M. X...la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois octobre deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X...de ses demande tendant à ce que son contrat de travail soit requalifié en contrat à durée indéterminée à l'égard de la société Europact intérim, à titre principal, à l'égard de la société Ellico, à titre subsidiaire, et à ce que lui soit alloué le bénéfice de l'indemnité de requalification et des indemnités de rupture.

AUX MOTIFS QUE M. X...a été embauché par la société Europact Intérim et mis à la disposition de la société Ellico en vertu de sept contrats de travail temporaire couvrant la période du 29 mars 2004 au 4 novembre 2005, les cinq premiers pour respecter un délai de fin de chantier et les deux derniers pour remplacer un salarié démissionnaire ; que le fait que Monsieur X...ait pu continuer à travailler pour la société Ellico après le terme prévu sans qu'un nouveau contrat de travail ou de mission n'ait été conclu, est sans incidence dans les relations entre le salarié temporaire et l'entreprise de travail temporaire ; que le contrat de mission ne peut être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée vis-à-vis de l'entreprise de travail temporaire qu'en cas de non respect par cette dernière des dispositions des articles L. 1251-16 et L. 1251-17 du code du travail, ce qui n'a pas été allégué en l'espèce ; que si un contrat de mise à disposition a été conclu entre l'entreprise de travail temporaire et l'entreprise utilisatrice, il n'y a pas lieu à requalification de ce contrat en contrat de travail à durée indéterminée même si aucun contrat de travail temporaire n'a été conclu entre l'entreprise de travail temporaire et le salarié ; qu'à cet égard il ressort des pièces versées aux débats que des contrats mettant Monsieur X...à la disposition de la société Ellico ont été conclus entre la société Europact Intérim et la société Ellico pour la période du 29 mars 2004 jusqu'au 4 novembre 2005 de façon ininterrompue ; qu'en particulier le dernier contrat de mise à disposition conclu le 3 janvier 2005 couvrait la période du 3 janvier 2005 au 4 novembre 2005 alors que le salarié a cessé définitivement de travailler pour la société Ellico le 22 septembre 2005 ; que ce contrat signé par les deux parties et qui fait donc foi à leur égard comme un acte authentique, n'a pas été argué de faux ; qu'il s'ensuit qu'il ne peut être fait droit à la demande en requalification sur le fondement de l'article L. 1251-39 du code du travail, le salarié n'ayant pas travaillé au-delà d'une période qui n'était pas couverte par un contrat de mission ; qu'il ressort des pièces versées aux débats que Monsieur X...a été embauché du 29 mars 2004


au 30 septembre 2004 pour faire face à un accroissement d'activité puis, jusqu'au terme des relations contractuelles, pour remplacer un salarié démissionnaire ; que la réalité du premier motif résulte des pièces versées aux débats par l'employeur qui a dû augmenter son activité pour respecter un délai de fin de chantier ; que la réalité du second motif est établie par l'attestation du salarié remplacé, M. Z..., qui indique que, lors de sa démission de l'entreprise Ellico, l'employeur avait embauché M. X...pour le remplacer et qu'ils avaient travaillé quelques jours ensemble pour assurer la transition ; que ce témoignage démontre que le salarié n'avait pas été embauché pour pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale de l'entreprise mais pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire ;

1° ALORS QUE la signature d'un contrat écrit, imposée par l'article L 1251-16 du code du travail dans les rapports entre l'entreprise de travail temporaire et le salarié afin de garantir qu'ont été observées les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main d'oeuvre est interdite, a le caractère d'une prescription d'ordre public dont l'omission entraîne, à la demande du salarié, la requalification en contrat de droit commun à durée indéterminée, n'étant fait exception à cette règle que si le salarié a délibérément refusé de signer le contrat de mission dans une intention frauduleuse ; qu'en affirmant, après avoir au surplus constaté qu'il existait un contrat de mise à disposition pour la période litigieuse, que le fait que le salarié a pu travailler pour l'entreprise utilisatrice après le terme prévu sans qu'un nouveau contrat de mission ait été conclu avec le salarié est sans incidence dans ses relations avec l'entreprise de travail temporaire, la cour d'appel a violé les articles L 1251-16 et L. 8241-1 du code du travail ;

2° ALORS QUE le salarié reprochait précisément à la société Europact Interim de ne pas lui avoir fait signer un contrat de mission pour la période postérieure au 2 septembre 200, ce qui caractérise, par excellence, un non respect des dispositions de l'article L. 1251-16 du code du travail ; qu'en affirmant que la salarié n'alléguait aucune violation de ce texte, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

3° ALORS QUE le salarié faisait valoir que le contrat de mise à disposition prétendument signé le 3 janvier 2005 pour une période allant jusqu'au 4 novembre 2005 n'avait pas pu être établi à la date indiquée ; qu'il en voulait pour preuve qu'il n'avait jamais été lui-même relancé pour signer un contrat de mission, que la société Europact était incapable d'en produire un original et que la copie qu'elle produisait mentionnait, pour l'organisme de caution, une adresse qui n'avait existé qu'à partir de février 2008 ; qu'en affirmant que ce contrat « n'a pas été argué de faux », de sorte qu'il fait foi « comme un acte authentique » (sic), la cour d'appel, qui a dénaturé les conclusions du salarié, a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

4°- ALORS, subsidiairement, QU'aux termes de l'article L. 1251-12 du code du travail, lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire dans l'attente de l'entrée en service d'un salarié à recruter par contrat de travail à durée indéterminée, la durée totale du contrat de mission ne peut excéder neuf mois ; que, tenue de tirer de ses propres constatations les conséquence légales qui en découlaient, la cour d'appel, qui retenait expressément que le dernier contrat de mission, conclu dans l'attente du recrutement d'un salarié sous contrat à durée indéterminée, couvrait la période du 3 janvier au 4 novembre 2005, c'est à dire une durée supérieure à dix mois, ne pouvait débouter l'intéressé de sa demande de requalification de ce contrat en contrat de travail à durée indéterminée auprès de l'entreprise utilisatrice ; qu'en statuant comme ci-dessus, la cour d'appel a violé les articles L. 1251-12 et L. 1251-40 du code du travail ;

5°- ALORS enfin QU'il résultait de l'attestation de Monsieur Z...que ce dernier indiquait que Monsieur X...avait été recruté pour le remplacer dans les fonctions de conducteur de travaux dont il avait démissionné en mars 2004 ; qu'en s'appuyant sur cette attestation pour retenir que M. X...n'avait pas été recruté pour pourvoir un emploi permanent de l'entreprise et en se bornant à affirmer qu'il résulte « des pièces versées aux débats », pas autrement précisées, que M. cartier avait au départ été recruté pour faire face à une augmentation d'activité sans rechercher s'il ne se déduisait pas de l'attestation susvisée que, comme il le soutenait, M. X...avait dès mars 2004, et non seulement à compter de janvier 2005, été recruté pour remplacer M. Z...sur le poste permanent occupé par celui-ci, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1251-12 et L. 1251-40 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X...de ses demandes tendant à voir dire et juger qu'il avait le statut de cadre et à voir condamner la société Europact à régulariser sa situation au regard des cotisations sociales auprès des caisses de cadre ;

AUX MOTIFS QUE le contrat de mission ne peut être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée vis à vis de l'entreprise de travail temporaire ;
que le salarié ayant été débouté de tous ses chefs de demande à cet égard, il n'y a pas lieu de se prononcer sur la question de savoir s'il avait ou non le statut de cadre ;

ALORS QUE le rejet des demandes du salarié en requalification de son contrat de travail vis à vis de l'entreprise d'intérim qui l'employait et de son contrat de mission vis à vis de l'entreprise utilisatrice n'excluait pas qu'il puisse être fait droit à sa demande tendant à voir dire et juger qu'il avait le statut de cadre et à voir condamner son employeur à régulariser sa situation au regard des cotisations sociales auprès des caisses de cadre ; qu'en statuant par les motifs inopérants ci-dessus, sans rechercher les fonctions réellement exercées par le salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil.

ECLI:FR:CCASS:2013:SO01721
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