Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 8 octobre 2013, 12-23.275, Inédit
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 12-23.275
- ECLI:FR:CCASS:2013:C301146
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
- Président
- M. Terrier (président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 22 mars 2012), que par acte authentique du 18 décembre 2006, les époux X... ont acheté à la SCI Berthelot un appartement en l'état futur d'achèvement à Montpellier ; que l'appartement livré ayant une surface de 26,75 m² au lieu des 30,87 m² indiqués au contrat, les époux X... ont, par acte du 27 février 2009, assigné la SCI Berthelot en paiement de la somme de 19 715, 20 euros sur le fondement de l'article 46 de la loi du 10 juillet 1965 et de l'article 1617 du code civil et à titre subsidiaire pour dol ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident, qui est préalable :
Attendu que la société Berthelot fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action en diminution du prix, alors selon le moyen :
1°/ qu'en matière de vente en l'état futur d'achèvement, le délai préfix d'un an de l'action en diminution de prix de la part de l'acquéreur court à compter du transfert de propriété constaté par la livraison ; que la livraison s'entend de la réception de l'ouvrage, avec ou sans réserves, suivie de la remise des clés au destinataire ; qu'en l'espèce, il résulte du procès-verbal de remise des clés du 23 novembre 2007, que l'appartement a bien été réceptionné à cette date par les époux X... qui se sont vu remettre, le même jour, trois clés de l'appartement ; qu'en énonçant, pour différer le point de départ du délai au 11 mars 2008, que les époux X... n'étaient effectivement entrés en possession du bien qu'à cette date, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1622 du code civil ;
2°/ que dans ses conclusions d'appel, la SCI Berthelot faisait valoir qu'il résultait du procès-verbal de remise des clés que les acquéreurs avaient connaissance de l'erreur de surface le 1er février 2008, de sorte que l'action en diminution de prix intentée plus d'un an après, le 27 février 2009, était irrecevable ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant rappelé, à bon droit, que le point de départ de l'action devait être fixé à la date de livraison de l'immeuble, constaté que l'achèvement des travaux de construction et d'équipement de l'appartement n'avait été réalisé qu'au cours du premier trimestre 2008, que la remise des clés n'était intervenue de façon parfaite que le 10 mars 2008 et relevé que la livraison de l'immeuble n'avait été effective qu'à cette date, la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, a pu en déduire que les époux X... étaient recevables en leur action en diminution du prix de vente et a légalement justifié sa décision ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal :
Vu l'article 1622 du code civil ;
Attendu que pour débouter les époux X... de leur demande en diminution du prix, l'arrêt retient que la surface indiquée sur le plan et annexé au contrat de réservation est de 30,87 m², que la surface réelle mesurée est de 26,75 m², que le contrat de vente en l'état futur d'achèvement n'a pas été fait à raison de « tant la mesure » et que l'erreur de surface est inférieure à un vingtième n'atteignant que 13,5 % ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'une erreur de surface de 13,5 % correspond à une différence de la mesure réelle à celle exprimée au contrat de plus d'un vingtième, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen du pourvoi principal :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il constate que l'erreur de surface est inférieure à un vingtième, déboute les époux X... de leur demande en diminution de prix et les condamne solidairement à payer la somme de 5 585 euros au titre du solde du prix, l'arrêt rendu le 22 mars 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier, autrement composée ;
Condamne la société Berthelot aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Berthelot à payer la somme de 3 000 euros aux époux X... ; rejette la demande de la société Berthelot ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit octobre deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour les époux X..., demandeurs au pourvoi principal
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif d'AVOIR constaté que la vente en l'état futur d'achèvement conclue entre la SCI Berthelot, vendeur, et les époux X..., acquéreurs, n'avait pas été effectuée à raison de « tant la mesure » et que l'erreur de surface était inférieure à un vingtième, d'AVOIR débouté en conséquence les époux X... de leur demande en diminution de prix, et d'AVOIR condamné solidairement M. et Mme X... à payer à la SCI Berthelot la somme de 5.585 euros au titre du solde du prix,
AUX MOTIFS QUE les époux X... font état d'une surface réelle de 26,75 m2 (loi Carrez) pour une surface vendue de 30,87 m2 et ajoutent un argument tiré de la non-conformité aux normes d'habitabilité d'une des chambres en raison de sa surface de 7,70 m2. Ils soutiennent que la somme réclamée correspond proportionnellement à la moindre mesure. La SCI Berthelot ne conteste pas le quantum de l'erreur de surface mais soutient que cette dernière a déjà été indemnisée par une diminution conventionnelle du prix de 1.800 euros qu'elle estime satisfactoire. L'appartement composé d'un séjour avec kitchenette, d'une chambre et d'une salle de bain avec WC et terrasse, a été acheté en l'état futur d'achèvement par les époux X... moyennant le prix de 147.000 euros pour une surface indiquée sur le plan, annexé au contrat de réservation du 3 juillet 2006 et dûment signé par les époux X... de 30,87 m2 hors terrasse. La surface réelle mesurée en application de la loi Carrez est de 26,75 m2 hors terrasse, ainsi que cela résulte de l'attestation du cabinet GVC Diagnostics en date du 21 juillet 2008. Il résulte de la combinaison des articles 1617 et 1619 du code civil que lorsque la vente d'un immeuble n'a pas été faite à raison de "tant la mesure", le défaut de contenance ne peut donner lieu, en faveur de l'acquéreur, qu'à une diminution du prix lorsque la différence en moins atteint un vingtième. Il ne résulte pas du contrat de réservation ni de l'acte authentique de vente que le contrat de vente en l'état futur d'achèvement de l'appartement par la SCI Berthelot aux époux X... aurait été fait à raison de "tant la mesure". En outre, l'erreur de surface est inférieure à un vingtième n'atteignant que 13,5 %. Par conséquent, les époux X... ne peuvent prétendre à aucune diminution du prix et ils seront déboutés de leurs prétentions de ce chef ;
ALORS QUE si la vente d'un immeuble n'a pas été faite à raison de tant la mesure, le défaut de contenance donne lieu en faveur de l'acquéreur à une diminution du prix lorsque la différence atteint au moins un vingtième, soit 5 % ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté elle-même que la différence entre la surface réelle mesurée, soit 26,75 m² hors terrasse, et la superficie mentionnée sur le plan annexé au contrat de réservation, soit 30,87 m² hors terrasse, atteignait 13,5 % ; qu'en énonçant, pour décider que les époux X... ne pouvaient prétendre à aucune diminution de prix, que la vente n'avait pas été faite à tant la mesure et que la différence de surface, n'atteignant que 13,5 %, était inférieure à un vingtième, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1619 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif d'AVOIR constaté que la vente en l'état futur d'achèvement conclue entre la SCI Berthelot, vendeur, et les époux X..., acquéreurs, n'avait pas été effectuée à raison de « tant la mesure » et que l'erreur de surface était inférieure à un vingtième, d'AVOIR débouté en conséquence les époux X... de leur demande en diminution de prix, et d'AVOIR condamné solidairement M. et Mme X... à payer à la SCI Berthelot la somme de 5.585 ¿ au titre du solde du prix,
AUX MOTIFS QUE les époux X... font état d'une surface réelle de 26,75 m2 (loi Carrez) pour une surface vendue de 30,87 m2 et ajoutent un argument tiré de la non-conformité aux normes d'habitabilité d'une des chambres en raison de sa surface de 7,70 m2. Ils soutiennent que la somme réclamée correspond proportionnellement à la moindre mesure. La SCI Berthelot ne conteste pas le quantum de l'erreur de surface mais soutient que cette dernière a déjà été indemnisée par une diminution conventionnelle du prix de 1.800 ¿ qu'elle estime satisfactoire. L'appartement composé d'un séjour avec kitchenette, d'une chambre et d'une salle de bain avec WC et terrasse, a été acheté en l'état futur d'achèvement par les époux X... moyennant le prix de 147.000 € pour une surface indiquée sur le plan, annexé au contrat de réservation du 3 juillet 2006 et dûment signé par les époux X... de 30,87 m2 hors terrasse. La surface réelle mesurée en application de la loi Carrez est de 26,75 m2 hors terrasse, ainsi que cela résulte de l'attestation du cabinet GVC Diagnostics en date du 21 juillet 2008. Il résulte de la combinaison des articles 1617 et 1619 du code civil que lorsque la vente d'un immeuble n'a pas été faite à raison de "tant la mesure", le défaut de contenance ne peut donner lieu, en faveur de l'acquéreur, qu'à une diminution du prix lorsque la différence en moins atteint un vingtième. Il ne résulte pas du contrat de réservation ni de l'acte authentique de vente que le contrat de vente en l'état futur d'achèvement de l'appartement par la SCI Berthelot aux époux X... aurait été fait à raison de "tant la mesure". En outre, l'erreur de surface est inférieure à un vingtième n'atteignant que 13,5 %. Par conséquent, les époux X... ne peuvent prétendre à aucune diminution du prix et ils seront déboutés de leurs prétentions de ce chef ;
ALORS QUE le dol peut être invoqué pour conclure à une réduction de prix et ce, quelle que soit l'importance du défaut de contenance de l'immeuble vendu ; qu'à l'appui de leur appel, les époux X... faisaient valoir qu'ils avaient été victimes d'un dol de la part de la SCI Berthelot et demandaient la condamnation de celle-ci à leur payer la somme de 19.714,20 euros correspondant à une diminution du prix proportionnelle à la moindre mesure (concl. p. 9) ; qu'en déboutant les époux X... de leur demande de diminution de prix au motif inopérant que l'erreur de surface est inférieure à un vingtième, sans rechercher comme elle y était invitée, si la SCI Berthelot s'était rendue coupable d'un dol, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1116 du code civil.
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour la société Berthelot, demanderesse au pourvoi incident
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la livraison de l'appartement acquis en état futur d'achèvement de la S.C.I. Berthelot par les époux X... est intervenue au plus tôt le 10 mars 2008, jour de la remise complète des clés et d'avoir en conséquence déclaré recevables les époux X... en leur action en diminution de prix, intentée le 27 février 2009, dans l'année de la livraison du bien ;
AUX MOTIFS QU'en cause d'appel, les époux X... reprennent leurs prétentions de première instance au seul visa du seul article 1622 du code civil ; qu'ils soutiennent que la livraison du bien est intervenue en l'espèce le 13 mars 2008 et non le 23 novembre 2007, comme retenu à tort par le premier juge ; qu'à la date du 23 novembre 2007, les époux X... concluent que la livraison ne pouvait être effective en état des réserves et des travaux restant à effectuer dans l'appartement ; qu'ils affirment que la remise des clés et du bip du garage n'a eu lieu que le 13 mars 2008, soit moins d'un an avant l'introduction de l'instance, ce qui les rend recevables à agir en diminution du prix ; que la S.C.I. Berthelot ne conteste pas le fondement de l'action sur l'article 1622 du code civil ; qu'elle sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a déclaré les époux X... irrecevables, la prise de possession ayant eu lieu lors de la remise des clés le 23 novembre 2007, soit plus d'un an avant l'introduction d'instance le 27 février 2009 ; que les parties ne discutent plus le fondement légal de l'action en diminution de prix par application de l'article 722 du code civil ; que selon cet article, l'action en diminution de prix doit être intentée dans l'année du contrat, à peine de déchéance ; qu'en matière de vente en l'état futur d'achèvement, le point de départ de l'action correspond à la date de livraison de l'immeuble, c'est-à-dire au jour de remise des clés ; que la S.C.I. Berthelot, pour conclure à l'irrecevabilité de l'action, se base sur un procès-verbal de remise des clés daté du 23 novembre 2007 ; que, cependant, ce procèsverbal contient deux ajouts manuscrits datés du 13 mars 2008 et signés des époux X... concernant la remise des deux clés de la porte d'entrée de l'immeuble et du bip du garage ; que ces deux ajouts manuscrits qui ne sont pas contestés signifient qu'au 23 novembre 2007 la remise des clés n'était pas parfaite puisque les acheteurs ne disposaient ni des clés de la porte d'entrée de l'immeuble ni du bip d'accès au garage ; que, mieux, dans un courrier adressé aux époux X... le 17 décembre 2007 par le gérant de la S.C.I. Berthelot, Y. Vincent, celui-ci évoque, consécutivement aux réserves formulées par les acquéreurs le 23 novembre 2007, divers travaux d'aménagement à intervenir concernant notamment le chauffeeau, l'installation d'un chauffage vertical de 2000 w dans le séjour, et a repris le système peinture ; qu'il précise que ces travaux sont en cours de réalisation jusqu'à début janvier et promet de reprendre contact avec les époux X... en début d'année pour programmer une nouvelle date de réception ; qu'au 23 novembre 2007, l'appartement n'était donc pas équipé des installations permettant son approvisionnement en eau chaude et chauffage ; que les époux X... produisent d'ailleurs leur première facture d'abonnement à EDF, datée du 11 mars 2008 ; qu'il s'évince de ce qui précède que : - l'achèvement des travaux de construction et d'équipement de l'appartement n'a été réalisé qu'au cours du premier trimestre 2008 ; - que la remise des clés n'est intervenue de façon parfaite que le 10 mars 2008, date à laquelle les époux X... sont effectivement entrés en possession du bien ; que par conséquent, la livraison de l'immeuble n'a été effective qu'au 10 mars 2008 ; qu'au jour de l'introduction de l'instance, le 27 février 2009, le délai d'un an pour intenter l'action en diminution de prix n'était pas expiré ; que les époux X... doivent être déclarés recevables en leur action et le jugement infirmé de ce chef ;
1°) ALORS QU' en matière de vente en l'état futur d'achèvement, le délai préfix d'un an de l'action en diminution de prix de la part de l'acquéreur court à compter du transfert de propriété constaté par la livraison ; que la livraison s'entend de la réception de l'ouvrage, avec ou sans réserves, suivie de la remise des clés au destinataire ; qu'en l'espèce, il résulte du procès-verbal de remise des clés du 23 novembre 2007, que l'appartement a bien été réceptionné à cette date par les époux X... qui se sont vu remettre, le même jour, trois clés de l'appartement ; qu'en énonçant, pour différer le point de départ du délai au 11 mars 2008, que les époux X... n'étaient effectivement entrés en possession du bien qu'à cette date, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1622 du code civil ;
2°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, la S.C.I Berthelot faisait valoir qu'il résultait du procès-verbal de remise des clés que les acquéreurs avaient connaissance de l'erreur de surface le 1er février 2008, de sorte que l'action en diminution de prix intentée plus d'un an après, le 27 février 2009, était irrecevable ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.