Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 9 octobre 2013, 12-14.502, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 27 décembre 2011), que par acte sous seing privé des 9 et 24 octobre 2006, la société civile immobilière Promotion J2L, aux droits de laquelle vient la société Promotion J2L, a conclu avec la société civile immobilière Jeanneney (la société Jeanneney) une promesse de vente portant sur un terrain destiné à la construction d'un immeuble pour la somme de 270 000 euros, vente réitérée par acte authentique du 2 octobre 2007 ; que par acte du 24 décembre 2008, cette société a assigné la société J2L sur le fondement de la garantie des vices cachés en paiement de la somme de 723 528,57 euros au titre des frais de dépollution du terrain qu'elle avait exposés ;

Attendu que la société Promotion J2L fait grief à l'arrêt de la condamner à verser à la société Jeanneney la somme de 723 528,57 euros, alors, selon le moyen :

1°/ que pour mettre en oeuvre la garantie des vices cachés, il appartient à l'acquéreur d'établir avec certitude l'existence d'un vice caché antérieur à la vente rendant la chose vendue impropre à sa destination ; qu'en se bornant à relever que « la société Promotion J2L ne discute pas sérieusement l'existence de ce vice puisqu'elle admet que la société Jeanneney n'a pu mettre en oeuvre son programme immobilier qu'après avoir fait procéder à un traitement préalable de dépollution du terrain et à une extraction des déblais », pour retenir l'existence d'un vice affectant le terrain vendu résultant de déchets polluants, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du code civil ;

2°/ que les termes du litige sont fixés par les prétentions respectives des parties ; que la société Promotion J2L contestait fermement l'existence d'une pollution rendant le terrain impropre à sa destination en faisant observer que la société Jeanneney avait parfaitement pu mettre en oeuvre son programme de construction, en soulignant le caractère non contradictoire du rapport établi par la société AIS Grand Sud ainsi que ses imprécisions quant au terrain sur lequel avaient été effectués les prélèvements mentionnés, la circonstance que la société Jeanneney était également occupante d'un terrain attenant à celui vendu, et en insistant sur l'impossibilité d'en vérifier l'existence en raison des travaux effectués par l'acquéreur avant même d'avoir informé le vendeur de cette prétendue pollution ; qu'en affirmant que « la société Promotion J2L ne discute pas sérieusement l'existence de ce vice puisqu'elle admet que la société Jeanneney n'a pu mettre en oeuvre son programme immobilier qu'après avoir fait procéder à un traitement préalable de dépollution du terrain et à une extraction des déblais », la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de la société Promotion J2L, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

3°/ que si un rapport d'expertise amiable établi non contradictoirement peut, lorsqu'il a été soumis à la discussion des parties, être utilisé à titre de simple renseignement, il ne peut constituer l'unique fondement de la décision ; qu'en se fondant exclusivement sur le rapport établi de façon non contradictoire par la société AIS Grand Sud, à la demande de la société Jeanneney, pour retenir l'existence d'un vice caché tenant à la pollution du sol du terrain vendu, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

4°/ que le vendeur n'est pas tenu des vices dont l'acquéreur a pu se convaincre ; que l'acquéreur d'un terrain, professionnel de l'immobilier, qui bénéficie aux termes de la promesse de vente, d'une condition suspensive tenant à l'obtention d'un permis de construire l'autorisant à procéder, avant la réitération par acte authentique, à toute analyse de sols et sous-sols, est en mesure de constater si celui-ci est pollué ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que l'acte sous seing privé des 9 et 24 octobre 2006 comportait au profit de la société Jeanneney une condition suspensive tenant à l'obtention d'un permis de construire valant « autorisation immédiate pour l'acquéreur de réaliser également à ses frais et sous sa responsabilité tous sondages, études de sol, de sous-sol, tous prélèvements, toutes analyses, afin de vérifier que le terrain ne nécessitera pas, au regard du projet de l'acquéreur tel qu'il est défini ci-dessus un investissement dépassant le coût normal de tels travaux », ce dont il s'évinçait que la société Jeanneney, professionnel de l'immobilier, était parfaitement en mesure de constater le vice de pollution allégué avant la signature de l'acte authentique ; qu'en jugeant que la société Jeanneney pouvait faire jouer la garantie des vices cachés à raison de la pollution du terrain acquis par elle, aux motifs inopérants qu'elle n'avait pas exercé, comme elle en avait le droit, la faculté de faire réaliser une étude du sol avant la réalisation de la vente, et que la société Promotion J2L avait déclaré dans les actes sous seing privés qu'à sa connaissance, ses investigations lui permettaient de supposer qu'il n'avait jamais été déposé ni utilisé sur le terrain ou enfoui dans celui-ci de substances dangereuses pour la santé et l'environnement, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations en violation de l'article 1642 du code civil ;

5°/ que l'acheteur peut garder la chose affectée d'un vice caché et se faire rendre une partie du prix, telle qu'elle sera arbitrée par expert ; qu'en l'espèce, la société Jeanneney prétendait exercer « l'action estimatoire sans demander la réduction du prix de vente, mais en demandant des dommages-intérêts supérieurs au prix de vente » ; qu'en lui accordant le montant des dommages-intérêts qu'elle réclamait représentant le montant des travaux de dépollution auxquels elle avait d'ores et déjà procédé, sans commettre un expert aux fins d'évaluer contradictoirement le coût des travaux de dépollution strictement nécessaires à rendre le terrain conforme à sa destination, la cour d'appel a violé l'article 1644 du code civil ;

6°/ que les dommages-intérêts dus au créancier sont de la perte qu'il a faite ; qu'il résultait des propres constatations de l'arrêt attaqué que le montant des dommages-intérêts réclamés par la société Jeanneney, soit la somme de 723 528,57 euros, correspondait au montant toutes taxes comprises des factures de travaux de dépollution du terrain ; qu'en lui accordant cette somme, lorsque la société Jeanneney, assujettie à la TVA, avait nécessairement récupéré celle-ci, de sorte que son préjudice ne correspondait qu'au montant hors taxe des factures, la cour d'appel a violé l'article 1149 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant, sans inversion de la charge de la preuve, relevé que le rapport rédigé par la société AIS Grand Sud établissait l'existence d'une source de pollution du terrain, que la société Jeanneney avait fait établir un plan de gestion des déblais par la société Valgo Remédiation qui avait procédé à l'évacuation des déchets et que la société Jeanneney produisait les devis, ordres de service et factures correspondant à ces travaux de dépollution et retenu, par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis, que le vice du sol était caché et n'avait pas pu être constaté par la société Jeanneney avant la signature de l'acte authentique, la cour d'appel, qui ne s'est pas fondée exclusivement sur le rapport de la société AIS Grand Sud, qui n'était pas tenue de recourir à l'arbitrage d'experts et devant laquelle il n'était pas soutenu que le préjudice de la société Jeanneney ne pouvait correspondre qu'au montant hors taxes des factures qu'elle présentait, a pu en déduire que la société Promotion J2L était tenue de lui verser des dommages-intérêts, dont elle a souverainement évalué le montant, en réparation du préjudice constitué par le coût des travaux de dépollution ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Promotion J2L aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Promotion J2L à verser à la société civile immobilière Jeanneney la somme de 3 000 euros ; rejette la demande de la société Promotion J2L ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf octobre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la société Promotion J2L

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société PROMOTION J2L à la société JEANNENEY la somme de 723 528, 57 euros avec intérêts au taux légal à compter du 11 mars 2008 et capitalisation de ces intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil ainsi que 2000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile

AUX MOTIFS QUE « La société Jeanneney soutient que, du fait de la pollution dont il était affecté, le terrain qu'elle a acquis était affecté d'un vice caché et elle demande à la société Promotion J2L, en réparation de ce vice, la prise en charge des frais de dépollution de ce terrain.
Sur l'existence d'un vice caché affectant le terrain cédé
Aux termes de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des vices cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminue tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'ils les avaient connus.
Le rapport rédigé par la société AIS Grand Sud à la date du 18 octobre 2007 sur la demande de la société Jeanneney établit que « les analyses sur sols ... ont permis de mettre en évidence l'existence d'une source de pollution, pouvant nécessiter un traitement adapté des remblais et de la partie sommitale des argiles ... Les mesures faites sur les eaux souterraines identifient un impact de l'activité historique sur la qualité des eaux souterraines, générant notamment un risque sanitaire potentiel. A partir de ces résultats et de l'identification d'une source de pollution contenue dans les remblais, il recommande de procéder à des prélèvements d'échantillons complémentaires en vue d'élaborer une stratégie de dépollution du site ». Au vu de ce rapport, la société Jeanneney a fait établir un plan de gestion des déblais par la société Valgo Remédiation qui a procédé à l'évacuation des déchets et matériaux au début de l'année 2008.
- sur l'existence du vice
La société Promotion J2L, soutenant que la preuve du vice caché n'est pas rapportée de manière contradictoire et, en tout cas, que ce vice ne présente pas une gravité suffisante, objecte que la société Jeanneney, malgré les opérations de nettoyage qu'elle a dû faire effectuer, a pu mettre en oeuvre son programme immobilier sur le site et qu'elle devait normalement s'attendre à devoir traiter les terres excavées comme des déchets inertes, compte tenu de l'état apparent du sol de la parcelle, d'autant plus qu'elle avait mentionné dans le compromis de vente que le terrain vendu avait été remblayé.
Cependant, la société Promotion J2L ne discute pas sérieusement l'existence de ce vice puisqu'elle admet que la société Jeanneney n'a pu mettre en oeuvre son programme immobilier qu'après avoir fait procéder à un traitement préalable de dépollution du terrain et à une extraction des déblais.
- sur le caractère caché du vice et sa connaissance par l'acquéreur
La société Promotion J2L, relevant qu'elle avait mentionné dans le compromis de vente, que le terrain avait été remblayé et soutenant que l'acquéreur avait les moyens juridiques, avant la signature de l'acte authentique, de s'assurer de l'exacte consistance des sous-sols de la parcelle, insiste sur le fait que la société Jeanneney, en sa qualité de professionnel, était "symétriquement" obligée de se renseigner sur le bien vendu et d'en informer son vendeur.
Effectivement, dans le compromis de vente, sous le titre "Environnement", le vendeur a mentionné que le terrain vendu avait été remblayé et aussi qu'il ne contenait dans son sous-sol aucune pollution; de même, sous le titre "Conditions suspensives au profit du vendeur et de l'acquéreur", il était mentionné que la nature du sous-sol ne révèle pas de pollution particulière nécessitant des travaux spécifiques, compte tenu des normes et de l'utilisation envisagées, et le vendeur insiste sur le fait qu'il était aussi mentionné sous le titre "Conditions suspensives particulières stipulées dans l'intérêt seul de l'acquéreur, qui pourra seul s'en prévaloir ou y renoncer", que la réalisation de la vente était soumise à l'obtention d'un permis de construire en vue de l'édification d'un programme immobilier neuf et que cette condition valait autorisation immédiate pour l'acquéreur de réaliser également à ses frais et sous sa responsabilité tous sondages, études de sol, de sous-sol, tous prélèvements, toutes analyses, afin de vérifier que le terrain ne nécessitera pas, au regard du projet de l'acquéreur tel qu'il est défini ci-dessus un investissement dépassant le coût normal de tels travaux ... En outre, l'acte authentique stipulait que "le vendeur reconnaît avoir été informé par son notaire de son obligation de procéder à des investigations pour s'assurer de l'absence dans le passé de l'exploitation sur le terrain d'installations soumises à autorisation ou qui aurait dû l'être, par suite, il déclare ... qu'à sa connaissance, ses investigations lui permettent de supposer qu'il n'a jamais été déposé ni utilisé sur le terrain ou enfoui dans celui-ci de substances dangereuses pour la santé et l'environnement ... ". Cependant, la société Jeanneney n'a pas, comme elle en avait le droit, fait jouer la condition suspensive stipulée à son profit et, en ce cas, elle n'était pas tenue de communiquer, dans les trois mois du compromis de vente, les résultats de l'étude du sol.
Et, même si la société Promotion J2L argue que l'acquéreur, dès lors qu'il a obtenu le permis de construire, a pu prendre possession des lieux et effectuer les analyses du terrain nécessaires pour lui permettre de découvrir les vices affectant le cas échéant le terrain vendu, la délivrance de ce permis de construire n'a pas modifié la date d'entrée en possession des lieux par l'acquéreur telle qu'elle avait été fixée par les parties ni l'obligation de garantie supportée par le vendeur en cas de découverte d'un vice postérieurement à la signature de l'acte authentique.
Par ailleurs, si le rapport de la société AIS Grand Sud mentionnait la constatation de déchets, ils se situaient toutefois entre 0 et 50 centimètres de profondeur, ce qui montre qu'ils n'étaient pas apparents.
Ainsi, au vu des informations données par le vendeur et dès lorsqu'il n'est pas démontré que le vice affectant le terrain acheté à la société Promotion J2L était apparent, la société Jeanneney n'a pas pu constater la présence de ce vice avant la signature de l'acte authentique.
Dès lors, la société Jeanneney démontre que le terrain que lui a vendu la société Promotion J2L était affecté d'un vice caché et elle est fondée à solliciter la garantie des vices cachés du vendeur
Sur l'application de la garantie des vices cachés
La société Jeanneney sollicite la condamnation de la société Promotion J2L à lui verser une somme égale à celle qu'elle a dû verser pour procéder à la décontamination du terrain et correspondant, selon elle, au montant de son préjudice.
- sur l'étendue de la garantie du vendeur
Aux termes de l'article 1645 du code civil, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur. Le vendeur professionnel, réputé connaître les vices affectant la chose vendue, est tenu de réparer l'intégralité des dommages soufferts par l'acheteur du fait de ces vices.
La société civile immobilière Promotion J2L qui a vendu à la société Jeanneney le terrain litigieux, avait pour activité, selon l'extrait Kbis de cette société, l'acquisition de tous terrains en vue de la construction d'immeubles à usage d'habitation, de commerces, la vente en totalité ou par fractions des immeubles construits avant ou après leur achèvement. La dissolution de cette société a entraîné la transmission universelle de son patrimoine à la SARL Promotion J2L, son unique associé. Cette société, qui a pour objet toutes opérations de promotion immobilière, achat en vue de la revente de tous biens immobiliers, vente en totalité ou par fractions d'immeubles, réalisation de tous autres programmes immobiliers, vient aujourd'hui aux droits de la première. Ainsi, la société civile immobilière Promotion J2L, aux droits de qui vient aujourd'hui la SARL Promotion J2L, était un vendeur professionnel.
- sur l'application de la clause de non-garantie
Le vendeur soutient que, par l'effet de la clause de non-garantie insérée dans l'acte authentique de vente, ici passé entre deux professionnels de même spécialité - l'immobilier, sa garantie ne peut être recherchée.
La clause litigieuse stipule, au titre des "Conditions générales", à la charge de l'acquéreur :
« L'acquéreur ... prendra le bien vendu dans l'état où il se trouvera le jour de l'entrée en jouissance sans aucune garantie de la part du vendeur pour raison de l'état du sol et du sous-sol à raison de fouilles ou excavations qui auraient pu être pratiquées sous le terrain. .... ».

ne telle clause de non-garantie est limitative puisqu'elle ne vise que les vices affectant le sol et le sous-sol à raison de fouilles ou d'excavations qui auraient pu être pratiquées sous le terrain. Elle doit donc être interprétée de manière restrictive, seulement aux cas de fouilles ou excavations, et ne peut être appliqué si le vice constaté résulte d'une pollution du sol ou du soussol et résulte de la présence de déchets.
Ainsi, la société Jeanneney peut solliciter du vendeur, tenu de garantir le vice caché affectant le bien vendu, l'indemnisation de l'intégralité de son préjudice résultant de ce vice, quel que soit le prix payé pour l'acquisition de ce bien et la société Promotion J2L est tenue d'indemniser la société Jeanneney de l'intégralité du préjudice par elle subi, peu important que celle-ci fut ou non elle-même un acquéreur professionnel.
Sur l'indemnisation du préjudice de la société Jeanneney
La société Jeanneney évalue son préjudice à la somme de 723 528,57 euros toutes taxes comprises.
La société Promotion J2L lui reproche de ne pas démontrer ce préjudice et d'avoir rendu impossible et en définitive empêché tout respect du contradictoire dans son appréciation.
Pour justifier ce préjudice, la société Jeanneney produit, de manière contradictoire, les devis, les ordres de service et les factures correspondant aux travaux de dépollution pratiqués sur le terrain de la résidence "All Suite Home" située rue du docteur Jeanneney et rue du professeur Pierre Dangeard à Bordeaux, pour le maître de l'ouvrage, la société Jeanneney, effectués par la société Valgo pour un montant de 723 528,57 euros toutes taxes comprises. Et elle évalue ce préjudice sur les documents suivants:

l'ordre de service n° 1
298.910,00 euros


l'ordre de service n° 2, avenant n°1
5.000,00 euros


l'ordre de service n° 3,
travaux complémentaires n° 2
301.047,00 euros



604.957,00 euros HT


soit
723.528,57 euros TTC

Au vu de ces documents, la cour estime avoir les éléments d'information suffisants pour fixer le montant du préjudice subi par la société Jeanneney à cette somme qu'elle est bien fondée à solliciter, avec intérêts à compter du 11 mars 2008, date de la réception de la lettre de mise en demeure, et capitalisation de ces intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil.
En conséquence, la cour infirme le jugement.
Sur les autres chefs de demande
La société Promotion J2L qui succombe sur l'ensemble de ces prétentions est condamnée aux dépens. Elle est également condamnée au paiement de la somme de 2000 euros au profit de la société Jeanneney en application de l'article 700 du code de procédure civile »

1. ALORS QUE pour mettre en oeuvre la garantie des vices cachés, il appartient à l'acquéreur d'établir avec certitude l'existence d'un vice caché antérieur à la vente rendant la chose vendue impropre à sa destination ; qu'en se bornant à relever que « la société Promotion J2L ne discute pas sérieusement l'existence de ce vice puisqu'elle admet que la société Jeanneney n'a pu mettre en oeuvre son programme immobilier qu'après avoir fait procéder à un traitement préalable de dépollution du terrain et à une extraction des déblais », pour retenir l'existence d'un vice affectant le terrain vendu résultant de déchets polluants, la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du code civil ;

2. ALORS QUE les termes du litige sont fixés par les prétentions respectives des parties ; que la société PROMOTION J2L contestait fermement l'existence d'une pollution rendant le terrain impropre à sa destination en faisant observer que la société JEANNENEY avait parfaitement pu mettre en oeuvre son programme de construction, en soulignant le caractère non contradictoire du rapport établi par la société AIS GRAND SUD ainsi que ses imprécisions quant au terrain sur lequel avaient été effectués les prélèvements mentionnés, la circonstance que la société JEANNENEY était également occupante d'un terrain attenant à celui vendu, et en insistant sur l'impossibilité d'en vérifier l'existence en raison des travaux effectués par l'acquéreur avant même d'avoir informé le vendeur de cette prétendue pollution (conclusions d'appel de l'exposante p 6 à 11) ; qu'en affirmant que « la société Promotion J2L ne discute pas sérieusement l'existence de ce vice puisqu'elle admet que la société Jeanneney n'a pu mettre en oeuvre son programme immobilier qu'après avoir fait procéder à un traitement préalable de dépollution du terrain et à une extraction des déblais », la Cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de l'exposante, en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ;

3. ALORS QUE si un rapport d'expertise amiable établi non contradictoirement peut, lorsqu'il a été soumis à la discussion des parties, être utilisé à titre de simple renseignement, il ne peut constituer l'unique fondement de la décision ; qu'en se fondant exclusivement sur le rapport établi de façon non contradictoire par la société AIS GRAND SUD, à la demande de la société JEANNENEY, pour retenir l'existence d'un vice caché tenant à la pollution du sol du terrain vendu, la cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;

4. ALORS QUE le vendeur n'est pas tenu des vices dont l'acquéreur a pu se convaincre ; que l'acquéreur d'un terrain, professionnel de l'immobilier, qui bénéficie aux termes de la promesse de vente, d'une condition suspensive tenant à l'obtention d'un permis de construire l'autorisant à procéder, avant la réitération par acte authentique, à toute analyse de sols et sous-sols, est en mesure de constater si celui-ci est pollué; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que l'acte sous seing privé des 9 et 24 octobre 2006 comportait au profit de la société JEANNENEY une condition suspensive tenant à l'obtention d'un permis de construire valant « autorisation immédiate pour l'acquéreur de réaliser également à ses frais et sous sa responsabilité tous sondages, études de sol, de sous-sol, tous prélèvements, toutes analyses, afin de vérifier que le terrain ne nécessitera pas, au regard du projet de l'acquéreur tel qu'il est défini ci-dessus un investissement dépassant le coût normal de tels travaux », ce dont il s'évinçait que la société JEANNENEY, professionnel de l'immobilier, était parfaitement en mesure de constater le vice de pollution allégué avant la signature de l'acte authentique ; qu'en jugeant que la société JEANNENEY pouvait faire jouer la garantie des vices cachés à raison de la pollution du terrain acquis par elle, aux motifs inopérants qu'elle n'avait pas exercé, comme elle en avait le droit, la faculté de faire réaliser une étude du sol avant la réalisation de la vente, et que la société PROMOTION J2L avait déclaré dans les actes sous seing privés qu'à sa connaissance, ses investigations lui permettaient de supposer qu'il n'avait jamais été déposé ni utilisé sur le terrain ou enfoui dans celui-ci de substances dangereuses pour la santé et l'environnement, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations en violation de l'article 1642 du Code civil ;

5. ALORS QUE l'acheteur peut garder la chose affectée d'un vice caché et se faire rendre une partie du prix, telle qu'elle sera arbitrée par expert; qu'en l'espèce la société JEANNENEY prétendait exercer « l'action estimatoire sans demander la réduction du prix de vente, mais en demandant des dommages et intérêts supérieurs au prix de vente » (ses conclusions d'appel p 12) ; qu'en lui accordant le montant des dommages et intérêts qu'elle réclamait représentant le montant des travaux de dépollution auxquels elle avait d'ores et déjà procédé, sans commettre un expert aux fins d'évaluer contradictoirement le coût des travaux de dépollution strictement nécessaires à rendre le terrain conforme à sa destination, la Cour d'appel a violé l'article 1644 du Code civil ;

6. ALORS QUE les dommages et intérêts dus au créancier sont de la perte qu'il a faite ; qu'il résultait des propres constatations de l'arrêt attaqué que le montant des dommages et intérêts réclamés par la SCI JEANNENEY, soit la somme de 723528, 57 euros, correspondait au montant TTC des factures de travaux de dépollution du terrain ; qu'en lui accordant cette somme, lorsque la SCI, assujettie à la TVA, avait nécessairement récupéré celle-ci, de sorte que son préjudice ne correspondait qu'au montant HT des factures, la Cour d'appel a violé l'article 1149 du code civil.

ECLI:FR:CCASS:2013:C301113
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