Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 10 octobre 2013, 12-25.782, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société Manufacture française des pneumatiques Michelin du désistement de son pourvoi en tant que dirigé contre le ministre de la sécurité sociale ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 10 juillet 2012), que, le 22 octobre 2009, la société Manufacture française des pneumatiques Michelin (la société), a procédé à la déclaration d'un accident du travail survenu le 20 octobre 2009 au préjudice de l'un de ses salariés, M. X... ; que la caisse primaire d'assurance maladie du Maine-et-Loire (la caisse) ayant accepté, le 29 octobre 2009, de le prendre en charge au titre de la législation professionnelle, la société a saisi une juridiction de sécurité sociale d'un recours tendant à lui voir déclarer cette décision inopposable ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors, selon le moyen :

1°/ que l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige prévoit seulement qu'en cas de « réserves » de l'employeur, la caisse doit, avant de se prononcer sur le caractère professionnel d'un accident, procéder à une instruction ; que ce n'est que depuis l'adoption du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009 applicable à compter du 1er janvier 2010, que les réserves portées par l'employeur sur la déclaration d'accident du travail doivent être « motivées » ; qu'en reprochant à l'employeur de ne pas avoir motivé les réserves portées sur la déclaration d'accident du travail adressée à la caisse, la cour d'appel a violé l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige ;

2°/ que l'employeur n'est pas tenu d'indiquer ses réserves sur la déclaration de maladie professionnelle elle-même mais peut formuler des réserves sur le caractère professionnel de l'accident, par lettre séparée, jusqu'à la prise de décision par la caisse primaire d'assurance maladie qui doit intervenir dans les 30 jours de la déclaration ; qu'en l'espèce, la société Michelin a valablement formulé des réserves par lettre du 28 octobre 2009, reçue par la caisse le 29 octobre 2009, soit 6 jours après l'envoi de la déclaration d'accident et avant toute décision de la caisse ; que de telles réserves étaient donc parfaitement valables ; qu'en jugeant que la caisse n'était pas tenue d'attendre ce courrier de réserves, qui lui avait été annoncé, la cour d'appel a violé l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige ;

3°/ que la caisse doit instruire loyalement les demandes de reconnaissance d'accident du travail ; qu'en l'espèce, l'employeur avait annoncé sur la déclaration d'accident du travail qu'elle faisait des « réserves conservatoires » et qu'« un courrier suivra » ; qu'en jugeant que la caisse n'avait pas à attendre ce courrier et avait pu valablement prendre sa décision le jour même où elle recevait le courrier de réserves de l'employeur, sans répondre à ce courrier, la cour d'appel a violé l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige ;

4°/ que les réserves de l'employeur ne peuvent porter que sur les circonstances de temps et de lieu de l'accident ou sur l'existence d'une cause totalement étrangère au travail ; que l'existence d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte constitue une cause totalement étrangère au travail ; qu'il résulte des constatations des juges d'appel que l'employeur avait indiqué dans son courrier adressé à la caisse le 28 octobre 2009, soit 8 jours après l'accident, que «la survenance de l'accident du 20 octobre 2009 résulte par conséquent de l'existence d'un état pathologique antérieur évoluant pour son propre compte » ; qu'en jugeant qu'en émettant de telles réserves, l'employeur n'invoquait aucune cause totalement étrangère au travail, la cour d'appel a violé l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige ;

Mais attendu que les réserves, au sens de l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale, qui s'entendent de la contestation du caractère professionnel de l'accident par l'employeur, ne peuvent porter que sur les circonstances de temps et de lieu de celui-ci ou sur l'existence d'une cause totalement étrangère au travail ;

Et attendu que l'arrêt retient que la société a adressé à la caisse une déclaration relatant l'existence de l'accident dont a été victime M. X... sur le « lieu habituel de travail, le 20 octobre 2009, à 18h10 (l'horaire de travail de la victime étant de 13h00 à 21h00) » ; qu'à la description des circonstances de l'accident, l'employeur a ajouté la mention « Nota : nous émettons des réserves conservatoires. Une enquête est en cours. Un courrier suivra » ; que le certificat médical initial, en date du 21 octobre 2009, fait état d'un « lumbago suite efforts en hyperextension lombaire » ; que la société a adressé à la caisse, le 28 octobre 2009, un courrier expliquant que M. X... a déclaré de multiples accidents du travail et rechutes au cours des neuf dernières années, tous en rapport avec des douleurs lombaires concluant qu'il « semblerait donc que M. X... souffre d'une fragilité lombaire ce qui, au moindre effort, lui provoque des douleurs qui sont ensuite déclarées systématiquement en accident du travail. La survenance de l'accident du 20 octobre 2009 résulte par conséquent de l'existence d'un état pathologique antérieur évoluant pour son propre compte, qui ne peut faire l'objet d'une prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels. Dans ces conditions, nous émettons les plus vives réserves sur le caractère professionnel de l'accident déclaré par M. X... » ; qu'il est constant que la caisse a informé l'employeur, le 29 octobre 2009, de sa décision de prendre en charge l'accident au titre de la législation sur les accidents du travail, sans procéder préalablement à une enquête et sans répondre au courrier de l'employeur ; que la mention portée par l'employeur sur la déclaration d'accident du travail ne saurait être considérée comme l'expression de réserves au sens de l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale dans la mesure où il n'est fait état d'aucune contestation sur les circonstances ou les causes de l'accident ; que la simple expression de « réserves conservatoires », qui n'était accompagnée d'aucune explication sur l'objet de celles-ci ne pouvait obliger la caisse à recourir à une mesure d'instruction ; que la caisse ne pouvait être tenue de prendre en compte des « réserves conservatoires » non autrement explicitées ni, en conséquence, d'attendre le courrier annoncé alors qu'il ressortait clairement de la déclaration d'accident du travail, que l'accident était survenu au temps et au lieu du travail et que le certificat médical décrivait des lésions compatibles avec la description des circonstances de l'accident ; qu'au demeurant, il ressort du courrier adressé par l'employeur que ses seules réserves portent sur l'existence supposée d'un état antérieur, supposition tirée d'accidents antérieurs alors qu'un éventuel état antérieur ne peut suffire à écarter l'existence d'un lien de causalité entre les lésions et le fait accidentel ; que l'employeur ne conteste pas que l'accident se soit produit au temps et au lieu du travail et n'invoque aucune cause totalement étrangère au travail ;

Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a décidé, à bon droit, qu'il ne pouvait être reproché à la caisse d'avoir pris sa décision sans procéder à une instruction préalable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Manufacture française des pneumatiques Michelin aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Manufacture française des pneumatiques Michelin ; la condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Maine-et-Loire la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix octobre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Manufacture française des pneumatiques Michelin.

Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la décision de la caisse primaire d'assurance maladie du Maine et Loire tendant à la prise en charge de l'accident dont a été victime Monsieur X... le 20 octobre 2009 au titre de la législation professionnelle est opposable à la MANUFACTURE MICHELIN ;

AUX MOTIFS QU' aux termes de l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction antérieure au décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009 applicable à compter du 1er janvier 2010, hors les cas de reconnaissance implicite, et en l'absence de réserves de l'employeur, la caisse primaire assure l'information de la victime, de ses ayants droit et de l'employeur, préalablement à sa décision, sur la procédure d'instruction et sur les points susceptibles de leur faire grief ; en cas de réserves de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l'employeur et à la victime un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou procède à une enquête auprès des intéressés ; il résulte de ces dispositions que la caisse doit, avant de se prononcer sur le caractère professionnel d'un accident, procéder à une enquête lorsque l'employeur a émis des réserves ; toutefois, lorsque la déclaration d'accident du travail par l'employeur n'est pas accompagnée de réserves et que la caisse a pris en charge d'emblée l'accident sans avoir eu besoin d'avoir recours à une mesure d'instruction, celle-ci n'est pas tenue de mettre en oeuvre les mesures prévues par l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale ; que les réserves au sens de l'article R. 441-11 s'entendent de la contestation du caractère professionnel de l'accident et ne peuvent porter que sur les circonstances de temps et de lieu de celui-ci ou sur l'existence d'une cause totalement étrangère au travail ; elles doivent être formulées avant la prise de décision par la caisse laquelle dispose d'un délai de trente jours à compter de la réception de la déclaration d'accident ; en l'espèce, la manufacture MICHELIN a adressé à la caisse, le 22 octobre 2009, une déclaration d'accident du travail relatant l'existence d'un accident, dont a été victime l'un de ses salariés monsieur X..., sur le « lieu habituel de travail », le 20 octobre 2009 à 18 h 10 (l'horaire de travail de la victime étant de 13 h à 21 h) ; les circonstances de l'accident sont ainsi décrites : « la victime déclare : « je tirais sur la nappe de gomme pour l'introduire dans la déloveuse et j'ai ressenti une vive douleur au dos du côté droit » ; l'employeur a ajouté cette mention : « Nota : nous émettons des réserves conservatoires. Une enquête est en cours. Un courrier suivra » ; le certificat médical initial en date du 21 octobre 2009, fait état d'un « lumbago suite efforts en hyperextension lombaire » ; la Manufacture MICHELIN a adressé à la caisse, le 28 octobre 2009, un courrier dans lequel elle explique que M. X... a déclaré de multiples accidents du travail et rechutes au cours des neuf dernières années, tous en rapport avec des douleurs lombaires. Après avoir énuméré et décrit les différents accidents antérieurs, l'employeur conclut « Il semblerait donc que M. X... souffre d'une fragilité lombaire ce qui, au moindre effort, lui provoque des douleurs qui sont ensuite déclarées systématiquement en accident du travail. La survenance de l'accident du 20 octobre 2009 résulte par conséquent de l'existence d'un état pathologique antérieur évoluant pour son propre compte, qui ne peut fait l'objet d'une prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels. Dans ces conditions, nous émettons les plus vives réserves sur le caractère professionnel de l'accident déclaré par monsieur X... » ; il est constant que la caisse a informé l'employeur le 29 octobre 2009 de sa décision de prendre en charge l'accident au titre de la législation sur les accidents du travail, sans procéder préalablement à une enquête et sans répondre au courrier de l'employeur ; l'employeur est cependant mal fondé à reprocher à la caisse de ne pas avoir respecté ses obligations ; la mention portée par l'employeur sur la déclaration d'accident du travail ne saurait être considérée comme l'expression de réserves au sens de l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale dans la mesure où il n'est fait état d'aucune contestation sur les circonstances ou les causes de l'accident ; la simple expression de « réserves conservatoires », qui n'était accompagnée d'aucune explication sur l'objet de celles-ci ne pouvait obliger la caisse à recourir à une mesure d'instruction ; la caisse ne pouvait être tenue de prendre en compte des « réserves conservatoires » non autrement explicitées ni, en conséquence, d'attendre le courrier annoncé alors qu'il ressortait clairement de la déclaration d'accident du travail, que l'accident était survenu au temps et au lieu du travail et que le certificat médical décrivait des lésions compatibles avec la description des circonstances de l'accident ; la déclaration d'accident du travail indique les lieu et heure de l'accident, les circonstances de celui-ci ; elle précise qu'il a été inscrit sur le registre d'infirmerie et mentionne le nom de la première personne avisée ; compte tenu, en outre, des indications portées sur le certificat médical initial, aucun élément n'était de nature à remettre en cause l'existence de l'accident du travail ; au demeurant, il ressort du courrier adressé par l'employeur que ses seules réserves portent sur l'existence supposé d'un état antérieur, supposition tirée d'accidents antérieurs alors qu'un éventuel état antérieur ne peut suffire à écarter l'existence d'un lien de causalité entre les lésions et le fait accidentel ; l'employeur ne conteste pas que l'accident se soit produit au temps et au lieu du travail et il n'invoque aucune cause totalement étrangère au travail ; dès lors en l'absence de réserves valables de l'employeur, il ne saurait être reproché à la caisse d'avoir pris sa décision de prise en charge sans avoir procédé à une instruction préalable ;

1. ¿ ALORS QUE l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige prévoit seulement qu'en cas de « réserves » de l'employeur, la caisse doit, avant de se prononcer sur le caractère professionnel d'un accident, procéder à une instruction ; que ce n'est que depuis l'adoption du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009 applicable à compter du 1er janvier 2010, que les réserves portées par l'employeur sur la déclaration d'accident du travail doivent être « motivées » ; qu'en reprochant à l'employeur de ne pas avoir motivé les réserves portées sur la déclaration d'accident du travail adressée à la caisse, la Cour d'appel a violé l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige ;

2. ¿ ALORS QUE l'employeur n'est pas tenu d'indiquer ses réserves sur la déclaration de maladie professionnelle elle-même mais peut formuler des réserves sur le caractère professionnel de l'accident, par lettre séparée, jusqu'à la prise de décision par la caisse primaire d'assurance maladie qui doit intervenir dans les 30 jours de la déclaration ; qu'en l'espèce, la société MICHELIN a valablement formulé des réserves par lettre du 28 octobre 2009, reçue par la caisse le 29 octobre 2009, soit 6 jours après l'envoi de la déclaration d'accident et avant toute décision de la caisse ; que de telles réserves étaient donc parfaitement valables ; qu'en jugeant que la caisse n'était pas tenue d'attendre ce courrier de réserves, qui lui avait été annoncé, la Cour d'appel a violé l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige ;

3. ¿ ALORS QUE la caisse doit instruire loyalement les demandes de reconnaissance d'accident du travail ; qu'en l'espèce, l'employeur avait annoncé sur la déclaration d'accident du travail qu'elle faisait des « réserves conservatoires » et qu'« un courrier suivra » ; qu'en jugeant que la CPAM du Maine et Loire n'avait pas à attendre ce courrier et avait pu valablement prendre sa décision le jour même où elle recevait le courrier de réserves de l'employeur, sans répondre à ce courrier, la Cour d'appel a violé l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige ;

4. ¿ ALORS QUE les réserves de l'employeur ne peuvent porter que sur les circonstances de temps et de lieu de l'accident ou sur l'existence d'une cause totalement étrangère au travail ; que l'existence d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte constitue une cause totalement étrangère au travail ; qu'il résulte des constatations des juges d'appel que l'employeur avait indiqué dans son courrier adressé à la caisse le 28 octobre 2009, soit 8 jours après l'accident, que « la survenance de l'accident du 20 octobre 2009 résulte par conséquent de l'existence d'un état pathologique antérieur évoluant pour son propre compte » ; qu'en jugeant qu'en émettant de telles réserves, l'employeur n'invoquait aucune cause totalement étrangère au travail, la Cour d'appel a violé l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige ;

ECLI:FR:CCASS:2013:C201582
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