Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 30 septembre 2013, 12-17.182, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Limoges, 20 juin 2011), que M. X... a été engagé le 4 janvier 2007 par la société Collinet-Lafollas, en qualité de chauffeur poids lourds ; que le 3 mars 2010, alors qu'il conduisait un véhicule de l'entreprise, il a fait l'objet d'un contrôle d'alcoolémie positif par les services de gendarmerie, qui a donné lieu à un retrait immédiat de son permis de conduire ; qu'après avoir été en arrêt de travail du 4 mars jusqu'au 10 mai 2010, il a été licencié le 19 mai 2010 pour faute grave ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire son licenciement pour faute grave justifié et de le débouter de ses demandes alors, selon le moyen :

1°/ que la lettre de licenciement, qui comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur, fixe les limites du litige ; que la lettre de licenciement pour faute grave notifiée le 19 mai 2010 au salarié, chauffeur poids lourds, exposait : « le 3 mars à votre arrivée à l'entreprise, et alors que vous deviez intervenir sur différents chantiers, il a été constaté que vous étiez dans un état d'ébriété élevé rendant totalement impossible l'exécution de vos tâches ainsi que la conduite du véhicule¿ Vous avez été contrôlé par la gendarmerie¿ un procès-verbal d'infraction vous a été dressé et vous avez fait l'objet d'une rétention immédiate de votre permis de conduire (¿) » ; que pour écarter le moyen du salarié soutenant que, tenu d'une obligation de sécurité de résultat, l'employeur n'aurait pas dû le laisser prendre le volant après avoir constaté son état d'ébriété, la cour d'appel a retenu que cette version des faits était contredite par les éléments versés aux débats par l'employeur ; qu'en statuant ainsi quand l'employeur avait lui-même admis, dans la lettre de licenciement, que l'état d'ébriété du salarié avait été constaté avant qu'il prenne le volant, la cour d'appel a modifié les termes du litige et violé l'article L. 1232-6 du code du travail ;

2°/ que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat, doit interdire au salarié employé en qualité de chauffeur dont il constate l'état d'ébriété, de prendre le volant ; que pour dire le licenciement du salarié fondé sur une faute grave, la cour d'appel a retenu que le 3 mars 2010 à 9 heures 15, il avait fait l'objet d'un contrôle d'imprégnation éthylique positif pendant son temps de travail et au volant d'un véhicule appartenant à l'employeur ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si l'employeur qui, aux termes mêmes de la lettre de licenciement, avait constaté l'état d'ébriété du salarié à son arrivée dans l'entreprise, n'avait pas commis une faute exonératoire en s'abstenant de lui interdire de prendre le volant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-6, L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail ;

3°/ que le juge doit rechercher la véritable cause du licenciement ; qu'en s'abstenant de vérifier, ainsi qu'elle y était invitée, si M. X... n'avait pas été licencié en raison de son état de santé déficient l'ayant conduit dans la dernière période à effectuer plusieurs séjours en milieu hospitalier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1235-1 du code du travail ;

Mais attendu que, tant par motifs propres et adoptés, appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a constaté que la version donnée par le salarié de ses horaires d'arrivée à l'entreprise et de son départ vers le dépôt avec le véhicule de l¿entreprise, en ayant vu l'employeur qui l'aurait laissé partir sans rien constater, était contredite par les disques chronotachygraphes et les témoignages de trois salariés, qu'il était informé du risque de licenciement qu'il encourait en cas de conduite en état d'ivresse ; qu'ayant retenu que le comportement du salarié constituait une violation manifeste de ses obligations contractuelles, elle a, sans modifier les termes de litige, pu décider, excluant par là-même toute autre cause de licenciement, que ce comportement était de nature à rendre impossible son maintien dans l'entreprise et constituait une faute grave ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit le licenciement pour faute grave de monsieur Eric X... justifié, et débouté le salarié de toutes ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE le 3 mars 2010 à 9h15, Eric X... a fait l'objet d'un contrôle d'imprégnation éthylique positif (0,43 et 0,41 mg) pendant son temps de travail et au volant d'un véhicule appartenant à son employeur, la SARL Collinet Lafollas ; que monsieur X... affirme que ce matin-là, il est arrivé à l'entreprise à 7 heures, que l'employeur, qui l'a vu vers 7h15, l'a laissé partir sans rien constater, qu'il est allé au dépôt avec un autre salarié pour effectuer le chargement de la marchandise à livrer et a attendu 9h ou 9h10 pour avoir le feu vert de Thibaud de Garnier des Garets, qui le conteste, pour partir faire ses livraisons de tuiles et que quelques minutes plus tard, il a été contrôlé par la gendarmerie, faisant l'objet d'une rétention immédiate du permis de conduire ; que cette version des faits est contredite tant par les disques chronotachygraphes, selon lesquels le camion n'a roulé qu'à partir de 8h15, que par les attestations des autres salariés, Frédéric Y..., chargé d'affaires, Francisco Z..., maçon, et Guy A..., contremaître, présents au dépôt le jour des faits de 7h à 7h40 et qui n'ont pas vu monsieur X... dans la société à ce moment-là ; qu'il y lieu de rappeler que le contrat de travail de monsieur X... prévoit dans son article VI « véhicule » : « il est convenu que toute faute notamment conduite en état d'ivresse entraînera une procédure disciplinaire suivie ou non d'un licenciement » ; que, par ailleurs, une note de service du 18 mai 2009 indique : « Nous vous rappelons qu'il est interdit de pénétrer dans l'entreprise en état d'ivresse, d'y introduire ou d'y consommer des boissons alcoolisées ou des stupéfiants » ; que, par conséquent, le salarié était parfaitement au courant des risques de licenciement qu'il encourait ; qu'il admet à présent que la rupture de son contrat de travail repose sur une cause réelle et sérieuse ; que, cependant, la cour considère comme l'a fait le conseil que la faute grave est caractérisée en l'espèce, le comportement du salarié constituant une violation manifeste de ses obligations contractuelles entraînant une désorganisation importante de l'entreprise car il était le seul chauffeur à pouvoir approvisionner les chantiers, comportement présentant un état de dangerosité pour lui-même et les tiers et susceptible de mettre en jeu la responsabilité de l'employeur ; qu'il convient par conséquent de confirmer le jugement déféré, qui a retenu la faute grave et a débouté Eric X... de toutes ses demandes ;

1°) ALORS QUE la lettre de licenciement, qui comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur, fixe les limites du litige ; que la lettre de licenciement pour faute grave notifiée le 19 mai 2010 à monsieur X..., chauffeur poids-lourds, exposait : « le 3 mars à votre arrivée à l'entreprise, et alors que vous deviez intervenir sur différents chantiers, il a été constaté que vous étiez dans un état d'ébriété élevé rendant totalement impossible l'exécution de vos tâches ainsi que la conduite du véhicule¿ Vous avez été contrôlé par la gendarmerie¿ un procès-verbal d'infraction vous a été dressé et vous avez fait l'objet d'une rétention immédiate de votre permis de conduire (¿) » ; que pour écarter le moyen du salarié soutenant que, tenu d'une obligation de sécurité de résultat, l'employeur n'aurait pas dû le laisser prendre le volant après avoir constaté son état d'ébriété, la cour d'appel a retenu que cette version des faits était contredite par les éléments versés aux débats par l'employeur ; qu'en statuant ainsi quand l'employeur avait lui-même admis, dans la lettre de licenciement, que l'état d'ébriété du salarié avait été constaté avant qu'il prenne le volant, la cour d'appel a modifié les termes du litige et violé l'article L. 1232-6 du code du travail ;

2°) ALORS QUE l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat, doit interdire au salarié employé en qualité de chauffeur dont il constate l'état d'ébriété, de prendre le volant ; que pour dire le licenciement de monsieur X... fondé sur une faute grave, la cour d'appel a retenu que le 3 mars 2010 à 9h15, il avait fait l'objet d'un contrôle d'imprégnation éthylique positif pendant son temps de travail et au volant d'un véhicule appartenant à l'employeur ; qu'en statuant ainsi sans rechercher si l'employeur qui, aux termes mêmes de la lettre de licenciement avait constaté l'état d'ébriété du salarié à son arrivée dans l'entreprise, n'avait pas commis une faute exonératoire en s'abstenant de lui interdire de prendre le volant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-6, L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail ;

3°) ALORS QUE le juge doit rechercher la véritable cause du licenciement ; qu'en s'abstenant de vérifier, ainsi qu'elle y était invitée (cf. conclusions p.8 dernier §) si monsieur X... n'avait pas été licencié en raison de son état de santé déficient l'ayant conduit dans la dernière période à effectuer plusieurs séjours en milieu hospitalier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1235-1 du code du travail.

ECLI:FR:CCASS:2013:SO01558
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