Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 25 septembre 2013, 12-23.541, Inédit
Cour de cassation - Chambre civile 1
- N° de pourvoi : 12-23.541
- ECLI:FR:CCASS:2013:C101030
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
- Président
- M. Charruault (président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 22 juillet 1980, un tribunal a prononcé le divorce des époux X.../ Y... à leurs torts réciproques et condamné M. X... au paiement d'une prestation compensatoire sous forme de rente viagère mensuelle de 500 francs (76, 22 euros) ; que ce dernier a sollicité la suppression de cette prestation et, subsidiairement, la diminution de son montant ;
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu les articles 7, alinéa 2, et 16 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour débouter M. X... de sa demande, l'arrêt retient notamment, au titre des charges de Mme Y..., le remboursement d'un emprunt immobilier à raison de mensualités de 443 euros ;
Qu'en retenant d'office dans sa décision l'élément tiré de cet emprunt, sans que les parties, qui ne l'avaient pas invoqué, aient été à même d'en débattre contradictoirement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 272, alinéa 2, du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 ;
Attendu, selon ce texte, qu'à l'occasion de la fixation ou de la révision d'une prestation compensatoire, le juge ne prend pas en considération, dans la détermination des besoins et ressources des parties, les sommes versées au titre de la réparation des accidents du travail ;
Attendu que, pour débouter M. X... de sa demande de suppression et, subsidiairement de réduction, de la prestation compensatoire sous forme de rente viagère, la cour d'appel a pris en considération, dans la détermination de ses ressources, une indemnisation qualifiée de « pension d'invalidité » ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si cette indemnisation n'était pas versée au titre d'un accident du travail, de sorte qu'elle constituait une rente accident du travail et non une pension d'invalidité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de suppression et, subsidiairement, de diminution de la prestation compensatoire versée à Mme Y... sous forme de rente viagère, l'arrêt rendu le 10 avril 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq septembre deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande de suppression, et subsidiairement de diminution, de la prestation compensatoire versée par M. X... à Mme Y... sous forme de rente fixée par le jugement rendu le 22 juillet 1980 par le Tribunal de grande instance de Mulhouse ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE Jean-Jacques X..., retraité, âgé de 69 ans, a perçu en 2008 des pensions en France d'un montant de 1. 280 ¿ auquel s'ajoute une pension suisse annuelle de 440 euros et une pension d'invalidité ; qu'il s'est marié avec Fabienne A... qui a perçu en 2009 un revenu professionnel de 27. 800 euros, soit 2. 310 euros par mois ; que le couple acquitte un loyer mensuel de 787 euros et partage les charges de la vie courante ; que Simone Y..., retraitée, âgée de 80 ans, déclare recevoir des pensions s'élevant à 905 euros par mois ; qu'elle partage les charges courantes avec Paul Z... qui dispose d'un revenu de 1. 752 euros par mois et le couple Y...-Z... a acquis une maison d'habitation dont il rembourse l'emprunt immobilier à raison de mensualités de 443 euros ; que dans ces conditions, il n'est pas établi qu'il existerait un changement important dans les ressources ou les besoins de l'une ou l'autre des parties depuis le jugement de divorce ni que le maintien de la rente viagère procurerait à la créancière un avantage manifestement excessif ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'article 276-3 du Code civil dispose : « La prestation compensatoire fixée sous forme de rente peut être révisée, suspendue ou supprimée en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l'une ou l'autre des parties » ; que l'article 33 VI al 1er de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 prévoit « Les rentes viagères fixées par le juge ou par convention avant l'entrée en vigueur de la loi du 30 juin 2000 relative à la prestation compensatoire en matière de divorce peuvent être révisées, suspendues ou supprimées à la demande du débiteur ou de ses héritiers lorsque leur maintien en l'état procurerait au créancier un avantage manifestement excessif au regard des critères posés à l'article 276 du Code civil » (c'est-à-dire l'âge et l'état de santé du créancier) ; qu'en l'espèce, il est établi que la nature de la prestation compensatoire visée par le jugement du 22 juillet 1980 est une rente viagère en l'absence de limitation de son versement dans le temps prévue par le juge du divorce ; que cette rente pouvait être attribuée pour une durée légale ou inférieure à la vie de l'époux créancier selon l'ancien article 276-1 issu de la Loi du 11 juillet 1975 ; que par ailleurs, l'article 276-3 du Code civil ne distingue pas selon la nature de la rente, viagère ou temporaire ; quelle que soit la forme de la rente, cet article s'applique : la rente peut être révisée, suspendue ou supprimée en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l'une ou l'autre des parties, que la révision ne peut jamais avoir pour effet d'augmenter le montant de la rente ; que le législateur de 2004 a ouvert un cas particulier de révision qui concerne les prestations compensatoires sous forme de rente fixées antérieurement à la Loi du 30 juin 2000 ; que selon l'article 33 VI al 1er de cette loi, le critère de révision n'est pas seulement « le changement important dans les ressources ou les besoins de l'une ou l'autre des parties » mais également le critère de l'avantage manifestement excessif au regard des critères posés à l'article 276 du Code civil ; que c'est donc au regard de ces textes qu'il y a lieu d'apprécier le bien fondé ou non de la demande ; qu'il doit être précisé que le Jugement de divorce du 22 juillet 1980 ainsi que l'arrêt rendu le 27 avril 1984 par la Cour d'appel de Colmar ne précisent pas les ressources respectives des parties ; que par ailleurs, il n'est versé aux débats aucune pièce permettant au Juge aux affaires familiales de connaître la situation financière des parties au moment du prononcé du jugement rendu le 22 juillet 1980 puis de l'arrêt rendu le 27 avril 1984 si bien qu'il n'est pas possible de dire s'il y a changement et plus encore, s'il y a un changement important dans les ressources ou les besoins de l'une ou l'autre des parties ; que l'avantage manifestement excessif au regard des critères de l'article 276 du Code civil n'est pas davantage établi ; qu'enfin les revenus actuels des parties (tous revenus confondus), laissent apparaître un écart significatif entre eux en faveur de M. X... et le maintien de la prestation compensatoire au regard de la seule comparaison des situations actuelles des parties apparaît légitime ;
1) ALORS QUE les rentes viagères fixées par le juge ou par convention avant l'entrée en vigueur de la loi du 30 juin 2000 relative à la prestation compensatoire en matière de divorce peuvent être révisées, suspendues ou supprimées à la demande du débiteur en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l'une ou l'autre des parties, lorsque leur maintien en l'état procurerait au créancier un avantage manifestement excessif ; qu'à l'appui de sa demande de suppression de la prestation compensatoire, et dans sa démonstration d'une importante augmentation des ressources de Mme Y..., M. X... indiquait que celle-ci, qui refusait de produire ses déclarations de revenus, ne mentionnait pas le montant annuel que lui verse la caisse de compensation suisse et dissimulait de surcroît une partie de ses revenus, notamment des rentes établies sous son nouveau nom de femme mariée (conclusions d'appel du 5 septembre 2011, p. 8) ; que dès lors, en se contentant d'énoncer que Mme Y... déclare percevoir des pensions s'élevant à 905 euros par mois, sans s'interroger, comme elle y était pourtant invitée, sur la véracité de ses déclarations, au besoin en lui enjoignant de produire ses déclarations de revenus, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 276-3 du code civil ;
2) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent relever un moyen d'office sans avoir, au préalable, invité les parties à s'en expliquer ; que dans ses conclusions d'appel, Mme Y... ne faisait état, au titre de ses charges, d'aucun emprunt immobilier qu'elle serait tenue de rembourser ; que le récapitulatif des charges et des revenus qu'elle avait versé aux débats (pièce n° 1 adverse) ne mentionnait aucune dépense liée à un prêt immobilier ; qu'en retenant pourtant que Mme Y... remboursait un emprunt immobilier à raison de mensualités de 443 ¿, la Cour d'appel, qui a relevé un moyen d'office sans avoir au préalable invité les parties à s'en expliquer, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
3) ALORS QUE dans la détermination des besoins et des ressources, le juge ne prend pas en considération les sommes versées au titre de la réparation des accidents du travail ; que dans ses conclusions d'appel (p. 6), M. X... faisait valoir que la rente qu'il percevait ne pouvait être prise en compte au titre de ses ressources dans la mesure où elle avait pour objet de réparer les conséquences d'un accident du travail ; qu'il versait aux débats un courrier de la CPAM de Mulhouse du mois de janvier 1981 (pièce n° 28) indiquant que la rente qui lui était versée était due au titre d'un accident du travail survenu le 7 juin 1977 ; qu'en incluant dans ses ressources, la pension d'invalidité de M. X..., sans s'expliquer sur la nature et l'origine de celle-ci, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 272 du code civil.