Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 25 septembre 2013, 12-20.912, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu après cassation (Soc. 11 mai 2010, n° 08-44. 952 et n° 08-45. 222), que d'anciens salariés de la société ZF Masson, dont X... employé par cette société en dernier lieu en qualité de fraiseur du 2 octobre 1969 au 31 juillet 2004, ont saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant initialement à obtenir notamment des dommages-intérêts en réparation d'un préjudice économique, en complément de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) dont ils avaient bénéficié, ensuite des dommages-intérêts pour préjudices d'anxiété et de bouleversement des conditions d'existence ; qu'une procédure de redressement judiciaire de la société ZF Masson a été ouverte par jugement du 7 juin 2005, suivie d'un plan de redressement, M. Y..., étant désigné en qualité de commissaire à l'exécution du plan puis, par ordonnance du 11 avril 2007, M. Z... en qualité de mandataire ad hoc ;

Sur les premier et deuxième moyens :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu que l'AGS fait grief à l'arrêt de dire que cet arrêt lui est opposable et qu'il devra sa garantie dans les conditions et limites légales, alors, selon le moyen, que la réparation par l'employeur du préjudice d'anxiété et du préjudice découlant du bouleversement des conditions d'existence de son salarié ne résulte pas de l'inexécution d'une obligation résultant de son contrat de travail ; qu'il s'ensuit que les dommages-intérêts dus à ce titre n'entrent pas dans le cadre de la garantie de l'AGS ; qu'en statuant en sens contraire, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, ensemble l'article L. 3253-6 du code du travail ;

Mais attendu que les dommages-intérêts dus aux salariés à raison de l'inexécution par l'employeur d'une obligation découlant du contrat de travail sont garantis par l'AGS dans les conditions prévues à l'article L. 3253-6 du code du travail ;

Et attendu que la cour d'appel, ayant constaté que l'employeur n'avait pas respecté son obligation de sécurité de résultat, a légalement justifié sa décision ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu l'article 1147 du code civil et le principe de la réparation intégrale du préjudice ;

Attendu que pour faire droit à la demande des ayants droit du salarié tendant au paiement d'une somme au titre du préjudice en lien avec les conditions d'existence, l'arrêt retient qu'au-delà de l'inquiétude permanente ressentie par le salarié jusqu'en novembre 2010, face aux risques de développer à tout moment une pathologie grave, et sans prendre en compte la restriction des moyens financiers en lien avec sa démission sur le fondement de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, le salarié, conscient de la diminution de son espérance de vie résultant de ce qu'il est médicalement posé que les maladies consécutives à l'inhalation de fibres d'amiante surviennent plusieurs années après l'exposition et l'inhalation des fibres nocives, a été effectivement privé pour une part de la possibilité d'anticiper sereinement son avenir et a été nécessairement contraint dans sa vie personnelle quotidienne de tenir compte de cette réalité au regard des orientations qu'il a été amenées à donner à son existence ; qu'il s'ensuit que ses projets de vie dans de nombreux domaines autres que matériel ou économique ont été irrémédiablement et quotidiennement affectés par cette privation ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'indemnisation accordée au titre du préjudice d'anxiété répare l'ensemble des troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d'existence, résultant du risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisés ;

Vu l'article 627 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe au passif de la société ZF Masson une somme au titre du préjudice en lien avec le bouleversement des conditions d'existence, l'arrêt rendu le 12 avril 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi ;

Déboute les consorts X...de leur demande au titre du préjudice en lien avec le bouleversement des conditions d'existence ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elles exposés ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq septembre deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt.

Moyens produits par Me Spinosi, avocat aux Conseils, pour le CGEA-AGS de Chalon-sur-Saône.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les consorts X..., agissant sur le fondement de l'action successorale, sont recevables à en leurs demandes tendant à voir engagée la responsabilité civile contractuelle de la SA MASSON ZF ;

Aux motifs que « au soutien de cette exception, la SA ZF Masson et le CGEA AGS font valoir qu'en application de l'article 53 IV de la loi du 23 décembre 1998, toute demande d'indemnisation d'un chef de préjudice trouvant sa source dans la contamination par l'amiante relève du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, et que toute indemnisation de ces chefs relevant du fonds d'indemnisation des victimes d'amiante, il appartient à la victime et en l'espèce, à ses ayants droit, de saisir ce fonds avant toute demande d'indemnisation devant le tribunal des affaires de la sécurité sociale seul compétent pour en connaître.

Toutefois, sans méconnaître les dispositions du code de la sécurité sociale, les salariés ayant travaillé dans un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi de 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période oit étaient fabriqués ou traités l'amiante et des matériaux contenant de l'amiante sont fondés à agir sur le fondement de la responsabilité contractuelle pour exécution fautive du contrat de travail et plus spécialement pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat afin d'obtenir la réparation de divers préjudices résultant d'une part, du risque de déclaration à tout moment d'une des maladies répertoriées et directement liée à l'amiante, et d'autre part, du bouleversement dans les conditions d'existence caractérisé par la conscience de la diminution de leur espérance de vie et par suite, par la privation pour une part de la possibilité d'anticiper sereinement leur avenir en tenant compte dans leur vie quotidienne de cette réalité au regard des orientations qu'ils sont amenés à donner à leur existence.

Si dans le cas présent, les ayants droit de M. X... peuvent, compte tenu du déclenchement, en novembre 2010, d'une éventuelle maladie répertoriée comme résultant de la « contamination » à l'amiante, solliciter une indemnisation spécifique telle que prévue par le dispositif résultant de l'article 53 de la loi du 23 décembre 1998, ils sont recevables à poursuivre l'action initialement engagée par M, X..., sur le fondement de la responsabilité de l'employeur pour exécution fautive du contrat de travail pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat et pour obtenir réparation des préjudices précédemment évoqués et subis par lui préalablement à l'apparition de la pathologie en éventuel lien direct avec l'exposition et l'inhalation de fibres d'amiante.

Il sera fait observer à cet égard, qu'au sens du droit de la sécurité sociale, l'application du dispositif résultant de l'article 53 IV de la loi du 23 décembre 1998, est subordonnée à l'apparition de symptômes de nature à caractériser une situation pathologique reconnue comme étant en relation directe avec l'inhalation de fibres nocives d'amiante, et que, par suite la « contamination » au sens de ces dispositions est révélée par la déclaration de symptômes spécifiques et de l'imminence de la déclaration d'une maladie répertoriée comme étant consécutive à l'inhalation de fibres d'amiante.

Il s'en déduit que l'inhalation des fibres nocives en cas d'exposition et la « contamination » nécessairement concomitante à ces expositions et inhalations peuvent être à l'origine de préjudices distincts de ceux qui se rattachent à la déclaration d'une situation pathologique reconnue comme découlant de ces exposition, inhalation et « contamination ».

L'exception tirée de l'incompétence matérielle de la cour d'appel sera rejetée, dès lors que celle-ci est compétente pour connaître de la demande de réparation des préjudices subis par M. X... avant le déclenchement d'une pathologie particulière répertoriée, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de l'employeur ».

Alors, d'une part, que toute demande en indemnisation des préjudices résultant de la contraction d'une maladie professionnelle liée à l'amiante relève du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante et de la compétence des juridictions de sécurité sociale ; qu'il en résulte que le conseil des prud'hommes n'est pas compétent pour statuer sur une demande en indemnisation formée par un salarié ou ses héritiers, dès lors que le salarié a contracté une maladie liée à l'amiante ; qu'en écartant l'exception d'incompétence formulée par l'exposant, en retenant que les héritiers étaient recevables à poursuivre l'indemnisation des préjudices subis par le salarié préalablement à l'apparition de la pathologie en éventuel lien direct avec l'exposition et l'inhalation des fibres d'amiante, la Cour d'appel a violé les articles 53- I 1° et 53- IV de la loi du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001 ;

Alors, d'autre part, que toute demande en indemnisation d'un chef de préjudice trouvant sa source dans la contamination par l'amiante relève du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante ; qu'en écartant l'exception d'incompétence formulée par l'exposant, en ce que la contamination serait distincte de la situation pathologique reconnue comme découlant de l'exposition à l'amiante ou du préjudice résultant directement d'une exposition à l'amiante, la Cour d'appel a violé les articles 53- I 1° et 53- IV de la loi du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001 ;

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé à la somme de 15. 000 ¿ la créance des consorts X... au titre du préjudice d'anxiété ;

Aux motifs que « sur la question de la responsabilité de l'employeur, En 1917, la société Pont-à-Mousson a ouvert l'usine de Saint-Denis-les-Sens pour la fabrication de robinetteries et de pièces en bronze puis, à partir de 1948 pour la confection de boites de vitesses de type Wilson.

En 1968, la société Pont-à-Mousson a racheté l'activité de fabrication de réducteurs pour la marine de la société Masson et créé en 1973 un atelier de production de freins à disques ferroviaires et routiers.

En 1981, la société allemande Renk AG a repris le site et pris la dénomination sociale de la société européenne d'engrenages.

En 1988, il a été mis fin à l'activité de production des boîtes de vitesses. La société s'est concentrée sur la fabrication de réducteurs pour la marine et de disques, de frein'.

En 1999, la société ZF Marine du groupe ZF a racheté le site de Saint-Denis-les-Sens à la société européenne d'engrenages et est devenue la SA ZF Masson.

L'objet social de la SA ZF Masson est l'étude et la fabrication, la vente et la mise en oeuvre de tous les ensembles mécaniques de transmission terrestre, marine et de tous les systèmes de freins à disques pour véhicules routiers et ferroviaires ainsi que divers produits moulés en fonte, bronze ou laiton.

Elle a pour ce faire fabriqué pendant plusieurs années des garnitures à base-d'amiante pour les boîtes de vitesses et les systèmes de freinage.

En 2001, la SA ZF Masson a cessé l'activité de fabrication de disques de frein, activité cédée à la société SBA Nabco,

Suivant un arrêté du 25 mars 2003, la SA ZF Masson a été inscrite sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante.
M. X... a été employé en dernier lieu de la SA ZF Masson en qualité de fraiseur du 2 octobre 1969 au 31 juillet 2004.

D'après les consorts X..., la SA ZF Masson, leader en France et en Europe en matière de production de réducteurs pour la marine et de disques de freins, faisait une utilisation massive et constante de l'amiante puisque les confections réalisées étaient toutes à base de produit amiante et que les machines outils et les fours étaient également isolés à l'amiante,

Elle disposait d'un service de recherche doté de connaissances pointues des outils de production, d'un département juridique et d'un service de médecine du travail, Elle a été alertée par le CIISCT dès 1977 des violations à la réglementation en matière d'évacuation des poussières et n'a pas satisfait aux recommandations mises en avant par le docteur A....

Le 18 janvier 1988, l'ingénieur conseil en chef de la caisse régionale d'assurance-maladie avait encore alerté la direction sur les dangers de l'absence de captation des poussières sur certains postes.

Les consorts X... soutiennent que M. X... a été exposé ainsi à la poussière d'amiante sans protection ni collective, ni individuelle et considèrent que l'obligation de sécurité qui pèse sur P employeur se caractérise par un respect des mesures réglementaires sur l'hygiène et la sécurité et par une obligation d'information sur tes risques encourus, rendue obligatoire pour les entreprises utilisatrices d'amiante depuis le décret de 1977, que le non-respect de ses obligations par l'employeur constitue une mise en danger des salariés dont l'espérance de vie est considérablement diminuée, que la seule circonstance que les mesures de prévention nécessaires n'aient pas été appliquées caractérise l'élément constitutif d'un manquement de l'entreprise à l'obligation de sécurité de résultat leur causant nécessairement un préjudice.

Les consorts X... demandent en conséquence à la cour de constater que M. X... a été exposé à l'inhalation de fibres d'amiante au sein de la SA ZF Masson, du fait de l'employeur caractérise par le manquement à l'obligation de sécurité de résultat et a subi des préjudices qu'il convient de réparer.

Ils réclament la fixation de leurs créances, au titre de l'action successorale, en lien avec le bouleversement dans les conditions d'existence et le préjudice d'anxiété subis par le de cujus.

Les intimés estiment que l'éligibilité au dispositif de cessation anticipée d'activité ne démontre en aucune manière que la société a violé l'obligation de sécurité de résultat lui incombant, le dispositif prévu par la loi du 23 décembre 1998, étant en réalité 1. 111 dispositif d'assurance de gestion d'un risque, celui d'une diminution de l'espérance de retraite et revêt un caractère aléatoire.

Le CGEA-AG considère que l'obligation de sécurité de résultat ne peut être utilement invoquée s'agissant de contrat de travail antérieur à la loi de 1991, celle-ci n'étant pas alors mise à la charge de l'employeur. Il estime que les différentes législations en vigueur sur les obligations mises à la charge de l'employeur sur l'usage contrôlé de l'amiante ont été respectées, que les jurisprudences en matière de sécurité sociale ne peuvent recevoir application, qu'une faute de l'employeur doit impérativement être démontrée, que tel n'est pas le cas en l'espèce.

Il soutient que le préjudice invoqué au titre du bouleversement dans les conditions d'existence ne peut être utilement invoqué par les consorts X..., qu'en toute hypothèse, le préjudice allégué n'est pas établi, aucun élément n'étant communiqué pour étayer ce bouleversement allégué. Il fait valoir aussi que si les modifications dans la vie quotidienne sont postérieures au 7 juin 2005, date du redressement judiciaire, il ne saurait être tenu à la garantie.

S'agissant du préjudice spécifique d'anxiété, il considère que non seulement aucune faute de l'employeur n'est établie, mais qu'au surplus, le préjudice spécifique et le lien de causalité entre le préjudice prétendu et une faute de l'employeur ne sont pas démontrés, et qu'enfin, le préjudice d'anxiété n'est pas contractuel ce qui exclut sa garantie. À titre subsidiaire, il soutient que le préjudice d'anxiété ne serait pas antérieur à l'ouverture de la procédure collective et que les consorts X... ne justifient à aucun moment de la date à partir de laquelle des éléments objectifs, tels des visites médicales, justifieraient l'état d'anxiété invoqué.
En application du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, pour les contrats de travail en cours à la date de la mise en oeuvre de cette obligation, et ce, quelle qu'ait été la date de conclusion du contrat. Il incombe ainsi à l'employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la, santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures sont relatives aux actions de prévention des risques professionnels, d'information et de formation et à la mise en place d'une organisation de moyens adaptés. L'employeur doit toujours veiller à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement de circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes. Il met ces mesures en oeuvre sur le fondement du principe de prévention à savoir, notamment éviter les risques, les évaluer s'ils ne peuvent être évités, les combattre à la source, adapter le travail à l'homme, tenir compte de l'évolution technique, prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protections individuelles et donner des instructions appropriées aux travailleurs.

Outre que la loi du 12 juin 1893 ainsi que ses décrets d'application avaient déjà mis en place une réglementation générale sur les poussières, que le décret du 13 décembre 1948 avait mis l'accent sur la mise à disposition des travailleurs exposés aux'poussières de mesures de protection individuelle, le décret du 17 août 1977, relatif aux mesures particulières d'hygiène applicable dans les établissements où le personnel est exposé à des poussières d'amiante, imposait
-des prélèvements d'atmosphère afin de surveiller le niveau de concentration moyenne en fibres d'amiante de l'atmosphère inhalée par un salarié,
- le conditionnement des déchets de toute nature susceptibles de dégager des fibres d'amiante,
- la vérification des installations des appareils de protections collectives et individuelles des salariés,
- un suivi médical.

Il est constant et non, contesté que la SA ZF Masson spécialisée dans la production des réducteurs pour la marine et de disques à frein a fait usage de manière constante d'amiante au moins jusqu'en 1996.
Il est établi que dès 1977, le CHSCT a alerté l'employeur sur la violation de la réglementation en vigueur concernant l'évacuation des poussières, que les diverses recommandations effectuées par le médecin du travail notamment en janvier 1978, n'ont pas été suivies, qu'en février 1979, l'attention de l'employeur a été attirée sur le fait que « de protection de l'amiante est urgente ».

Le CHSCT a réitéré à plusieurs reprises la dénonciation de l'insuffisance des mesures prises en octobre 1978, en octobre 1980, en mars 1987, en avril 1987 et en mai 1988.

La caisse primaire d'assurance maladie a émis un avis le 18 janvier 1988 sur les dangers de l'absence de captation des poussières sur certains postes.

Par une note interne du 22 octobre 2002, M. B..., directeur qualité hygiène sécurité a confirmé la présence d'amiante dès l'origine de l'entreprise dans différents secteurs et dans les produits qu'elle fabrique. Il a été précisé à cette époque qu'aucun dépoussiérage effectif des garnitures n'était prévu, et ce de 1978 à 1988, que les bancs d'essai n'étaient équipés d'aucune aspiration, alors que pendant les essais très agressifs, chaque boîte dégageait de la poussière au niveau de l'embrayage et des fumées provoquées par l'échauffement des garnitures, que les joints d'étanchéité et les plaques de four étaient changés annuellement par le personnel du service thermique sans protection particulière ni aspiration et ce jusqu'en 1997, que toutes les opérations relatives aux garnitures de freins, soit les contrôles, leurs conditionnements et leur stockage, se faisaient sans protection, que les fumées et poussières produites lors des essais de freins étaient évacuées par aspiration directement sur le toit donnant sur la cour de l'entreprise, que le travail de réfection tous les deux mois environ des fours de la fonderie dont la garniture était composée de deux feuilles d'amiante était de la même façon réalisé sans protection particulière, et ce, jusqu'en décembre 1996.

Il est attesté que M. X... n'a pas disposé de protection particulière et n'a pas été informé des risques encourus.

La présence au sein de l'entreprise d'un service de médecine du travail et d'un service juridique étaient en tant que de besoin de nature à éclairer l'employeur d'une part, sur le caractère dangereux de l'amiante pour la santé des salariés, des études médicales concernant le caractère cancérigène de l'amiante étant régulièrement publiées depuis la fin du XIXe siècle et d'autre part, sur la réglementation en vigueur résultant tout à la fois de la loi de 1893 et du décret de 1977 pris spécifiquement pour la protection des salariés exposés aux poussières d'amiante,

Il se déduit de l'ensemble de ces constatations que l'employeur a fait preuve d'une négligence fautive en ne prenant pas les mesures réglementaires posées ou seulement de manière partielle et pourtant nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique des salariés.

Il est donc établi que l'employeur a, par de telles négligences fautives persistantes, failli à l'obligation de sécurité lui incombant à l'égard des salariés ».

Et que « Il sera fait observer à cet égard, qu'au sens du droit de la sécurité sociale, l'application du dispositif résultant de l'article 53 IV de la loi du 23 décembre 1998, est subordonnée à l'apparition de symptômes de nature à caractériser une situation pathologique reconnue comme étant en relation directe avec l'inhalation de fibres nocives d'amiante, et que, par suite la « contamination » au sens de ces dispositions est révélée par la déclaration de symptômes spécifiques et de l'imminence de la déclaration d'une maladie répertoriée comme étant consécutive à l'inhalation de fibres d'amiante.

Il s'en déduit que l'inhalation des fibres nocives en cas d'exposition et la « contamination » nécessairement concomitante à ces expositions et inhalations peuvent être à l'origine de préjudices distincts de ceux qui se rattachent à la déclaration d'une situation pathologique reconnue comme découlant de ces exposition, inhalation et « contamination » ;

« Indépendamment de la mise en oeuvre des dispositions du code de la sécurité sociale, les consorts X... sont fondés à faire reconnaître l'existence d'un préjudice spécifique d'anxiété pouvant donner lieu à réparation sûr le fondement des règles de la responsabilité civile et plus précisément du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat dès lors que M. X... s'est trouvé placé du fait de l'employeur, ayant failli à cette obligation de sécurité de résultat ainsi que cela a été précédemment analysé, dans une situation d'inquiétude permanente face aux risques de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante et a été amené à subir des examens et contrôles sinon réguliers au moins ponctuels propres à réactiver cette angoisse.

Il est avéré que M. X... a, compte tenu de la parfaite connaissance qu'il a eue d'avoir inhalé pendant plusieurs années des fibres d'amiante et de la dangerosité d'une telle inhalation, été confronté à l'inquiétude, permanente de voir apparaître à plus ou moins brève échéance une pathologie douloureuse mettant en jeu son pronostic vital, inquiétude immanquablement réactivée par les contrôles médicaux auxquels H a dû se soumettre jusqu'en novembre 2010, date à compter de laquelle il a été confronté à la révélation d'une pathologie dont il appartiendra aux organismes compétents susceptibles d'être saisis de déterminer s'il s'agit d'une pathologie professionnelle liée à l'amiante.

Ce préjudice d'anxiété subi par M. X... sera exactement réparé par l'allocation d'une somme de 15 000 ¿.

Cette créance sera fixée au passif du redressement judiciaire de la SA ZF Masson, au profit des consorts X..., au titre de leur action successorale » ;

Alors, d'une part, que le préjudice de contamination, qui constitue un préjudice résultant directement d'une exposition à l'amiante, est pris en charge par le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante ; qu'en mettant à la charge de l'employeur le préjudice d'anxiété des salariés, tout en le qualifiant de préjudice de contamination, la Cour d'appel a violé l'article 53- I de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001.

Alors d'autre part que la loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif ; qu'en mettant à la charge de l'employeur le préjudice d'anxiété des salariés, en le fondant directement sur l'obligation de sécurité de résultat, lorsqu'une telle obligation a été instituée par la loi n° 91-1414 du 31 décembre 1991 qui n'était pas en vigueur au moment des manquements reprochés, la Cour d'appel a violé l'article 2 du code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé à la somme de 12. 000 ¿ la créance des consorts X... au titre du préjudice en lien avec les conditions d'existence ;

Aux motifs que « sur la question de la responsabilité de l'employeur,
En 1917, la société Pont-à-Mousson a ouvert l'usine de Saint-Denis-les-Sens pour la fabrication de robinetteries et de pièces en bronze puis, à partir de 1948 pour la confection de boites de vitesses de type Wilson.

En 1968, la société Pont-à-Mousson a racheté l'activité de fabrication de réducteurs pour la marine de la société Masson et créé en 1973 un atelier de production de freins à disques ferroviaires et routiers.

En 1981, la société allemande Renk AG a repris le site et pris la dénomination sociale de la société européenne d'engrenages.

En 1988, il a été mis fin à l'activité de production des boîtes de vitesses. La société s'est concentrée sur la fabrication de réducteurs pour la marine et de disques, de frein'.

En 1999, la société ZF Marine du groupe ZF a racheté le site de Saint-Denis ¬ les-Sens à la société européenne d'engrenages et est devenue la SA ZF Masson.

L'objet social de la SA ZF Masson est l'étude et la fabrication, la vente et la mise en oeuvre de tous les ensembles mécaniques de transmission terrestre, marine et de tous les systèmes de freins à disques pour véhicules routiers et ferroviaires ainsi que divers produits moulés en fonte, bronze ou laiton.

Elle a pour ce faire fabriqué pendant plusieurs années des garnitures à base-d'amiante pour les boîtes de vitesses et les systèmes de freinage.

En 2001, la SA ZF Masson a cessé l'activité de fabrication de disques de frein, activité cédée à la société SBA Nabco,

Suivant un arrêté du 25 mars 2003, la SA ZF Masson a été inscrite sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante.

M. X... a été employé en dernier lieu de la SA ZF Masson en qualité de fraiseur du 2 octobre 1969 au 31 juillet 2004.

D'après les consorts X..., la SA ZF Masson, leader en France et en Europe en matière de production de réducteurs pour la marine et de disques de freins, faisait une utilisation massive et constante de l'amiante puisque les confections réalisées étaient toutes à base de produit amiante et que les machines outils et les fours étaient également isolés à l'amiante,

Elle disposait d'un service de recherche doté de connaissances pointues des outils de production, d'un département juridique et d'un service de médecine du travail, Elle a été alertée par le CIISCT dès 1977 des violations à la réglementation en matière d'évacuation des poussières et n'a pas satisfait aux recommandations mises en avant par le docteur A....

Le 18 janvier 1988, l'ingénieur conseil en chef de la caisse régionale d'assurance-maladie avait encore alerté la direction sur les dangers de l'absence de captation des poussières sur certains postes.

Les consorts X... soutiennent que M. X... a été exposé ainsi à la poussière d'amiante sans protection ni collective, ni individuelle et considèrent que l'obligation de sécurité qui pèse sur P employeur se caractérise par un respect des mesures réglementaires sur l'hygiène et la sécurité et par une obligation d'information sur tes risques encourus, rendue obligatoire pour les entreprises utilisatrices d'amiante depuis le décret de 1977, que le non-respect de ses obligations par l'employeur constitue une mise en danger des salariés dont l'espérance de vie est considérablement diminuée, que la seule circonstance que les mesures de prévention nécessaires n'aient pas été appliquées caractérise l'élément constitutif d'un manquement de l'entreprise à l'obligation de sécurité de résultat leur causant nécessairement un préjudice.

Les consorts X... demandent en conséquence à la cour de constater que M. X... a été exposé à l'inhalation de fibres d'amiante au sein de la SA ZF Masson, du fait de l'employeur caractérise par le manquement à l'obligation de sécurité de résultat et a subi des préjudices qu'il convient de réparer.

Ils réclament la fixation de leurs créances, au titre de l'action successorale, en lien avec le bouleversement dans les conditions d'existence et le préjudice d'anxiété subis par le de cujus.

Les intimés estiment que l'éligibilité au dispositif de cessation anticipée d'activité ne démontre en aucune manière que la société a violé l'obligation de sécurité de résultat lui incombant, le dispositif prévu par la loi du 23 décembre 1998, étant en réalité 1. 111 dispositif d'assurance de gestion d'un risque, celui d'une diminution de l'espérance de retraite et revêt un caractère aléatoire.

Le CGEA-AG considère que l'obligation de sécurité de résultat ne peut être utilement invoquée s'agissant de contrat de travail antérieur à la loi de 1991, celle-ci n'étant pas alors mise à la charge de l'employeur. Il estime que les différentes législations en vigueur sur les obligations mises à la charge de l'employeur sur l'usage contrôlé de l'amiante ont été respectées, que les jurisprudences en matière de sécurité sociale ne peuvent recevoir application, qu'une faute de l'employeur doit impérativement être démontrée, que tel n'est pas le cas en l'espèce.

Il soutient que le préjudice invoqué au titre du bouleversement dans les conditions d'existence ne peut être utilement invoqué par les consorts X..., qu'en toute hypothèse, le préjudice allégué n'est pas établi, aucun élément n'étant communiqué pour étayer ce bouleversement allégué. Il fait valoir aussi que si les modifications dans la vie quotidienne sont postérieures au 7 juin 2005, date du redressement judiciaire, il ne saurait être tenu à la garantie.

S'agissant du préjudice spécifique d'anxiété, il considère que non seulement aucune faute de l'employeur n'est établie, mais qu'au surplus, le préjudice spécifique et le lien de causalité entre le préjudice prétendu et une faute de l'employeur ne sont pas démontrés, et qu'enfin, le préjudice d'anxiété n'est pas contractuel ce qui exclut sa garantie. À titre subsidiaire, il soutient que le préjudice d'anxiété ne serait pas antérieur à l'ouverture de la procédure collective et que les consorts X... ne justifient à aucun moment de la date à partir de laquelle des éléments objectifs, tels des visites médicales, justifieraient l'état d'anxiété invoqué.

En application du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, pour les contrats de travail en cours à la date de la mise en oeuvre de cette obligation, et ce, quelle qu'ait été la date de conclusion du contrat. Il incombe ainsi à l'employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la, santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures sont relatives aux actions de prévention des risques professionnels, d'information et de formation et à la mise en place d'une organisation de moyens adaptés. L'employeur doit toujours veiller à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement de circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes. Il met ces mesures en oeuvre sur le fondement du principe de prévention à savoir, notamment éviter les risques, les évaluer s'ils ne peuvent être évités, les combattre à la source, adapter le travail à l'homme, tenir compte de l'évolution technique, prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protections individuelles et donner des instructions appropriées aux travailleurs.

Outre que la loi du 12 juin 1893 ainsi que ses décrets d'application avaient déjà mis en place une réglementation générale sur les poussières, que le décret du 13 décembre 1948 avait mis l'accent sur la mise à disposition des travailleurs exposés aux'poussières de mesures de protection individuelle, le décret du 17 août 1977, relatif aux mesures particulières d'hygiène applicable dans les établissements où le personnel est exposé à des poussières d'amiante, imposait
-des prélèvements d'atmosphère afin de surveiller le niveau de concentration moyenne en fibres d'amiante de l'atmosphère inhalée par un salarié,
- le conditionnement des déchets de toute nature susceptibles de dégager des fibres d'amiante,
- la vérification des installations des appareils de protections collectives et individuelles des salariés,
- un suivi médical.

Il est constant et non, contesté que la SA ZF Masson spécialisée dans la production des réducteurs pour la marine et de disques à frein a fait usage de manière constante d'amiante au moins jusqu'en 1996.
Il est établi que dès 1977, le CHSCT a alerté l'employeur sur la violation de la réglementation en vigueur concernant l'évacuation des poussières, que les diverses recommandations effectuées par le médecin du travail notamment en janvier 1978, n'ont pas été suivies, qu'en février 1979, l'attention de l'employeur a été attirée sur le fait que « de protection de l'amiante est urgente ».

Le CHSCT a réitéré à plusieurs reprises la dénonciation de l'insuffisance des mesures prises en octobre 1978, en octobre 1980, en mars 1987, en avril 1987 et en mai 1988.

La caisse primaire d'assurance maladie a émis un avis le 18 janvier 1988 sur les dangers de l'absence de captation des poussières sur certains postes.

Par une note interne du 22 octobre 2002, M. B..., directeur qualité hygiène sécurité a confirmé la présence d'amiante dès l'origine de l'entreprise dans différents secteurs et dans les produits qu'elle fabrique. Il a été précisé à cette époque qu'aucun dépoussiérage effectif des garnitures n'était prévu, et ce de 1978 à 1988, que les bancs d'essai n'étaient équipés d'aucune aspiration, alors que pendant les essais très agressifs, chaque boîte dégageait de la poussière au niveau de l'embrayage et des fumées provoquées par l'échauffement des garnitures, que les joints d'étanchéité et les plaques de four étaient changés annuellement par le personnel du service thermique sans protection particulière ni aspiration et ce jusqu'en 1997, que toutes les opérations relatives aux garnitures de freins, soit les contrôles, leurs conditionnements et leur stockage, se faisaient sans protection, que les fumées et poussières produites lors des essais de freins étaient évacuées par aspiration directement sur le toit donnant sur la cour de l'entreprise, que le travail de réfection tous les deux mois environ des fours de la fonderie dont la garniture était composée de deux feuilles d'amiante était de la même façon réalisé sans protection particulière, et ce, jusqu'en décembre 1996.

Il est attesté que M. X... n'a pas disposé de protection particulière et n'a pas été informé des risques encourus.

La présence au sein de l'entreprise d'un service de médecine du travail et d'un service juridique étaient en tant que de besoin de nature à éclairer l'employeur d'une part, sur le caractère dangereux de l'amiante pour la santé des salariés, des études médicales concernant le caractère cancérigène de l'amiante étant régulièrement publiées depuis la fin du XIXe siècle et d'autre part, sur la réglementation en vigueur résultant tout à la fois de la loi de 1893 et du décret de 1977 pris spécifiquement pour la protection des salariés exposés aux poussières d'amiante,

Il se déduit de l'ensemble de ces constatations que l'employeur a fait preuve d'une négligence fautive en ne prenant pas les mesures réglementaires posées ou seulement de manière partielle et pourtant nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique des salariés.

Il est donc établi que l'employeur a, par de telles négligences fautives persistantes, failli à l'obligation de sécurité lui incombant à l'égard des salariés ».

Et que « au-delà de l'inquiétude permanente ressentie par M. X... jusqu'en novembre 2010, face aux risques de développer à tout moment une pathologie grave et sans prendre en compte la restriction des moyens financiers en lien avec sa démission sur le fondement de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, M. X..., conscient de la diminution de son espérance de vie résultant de ce qu'il est médicalement posé que les maladies consécutives à l'inhalation de fibres d'amiante surviennent plusieurs années après l'exposition et l'inhalation des fibres nocives, a été effectivement privé pour une part de la possibilité d'anticiper sereinement son avenir et a été nécessairement contraint dans sa vie personnelle quotidienne de tenir compte de cette réalité au regard des orientations qu'il a été amenées à donner à son existence.

Il s'ensuit que ses projets de vie dans de nombreux domaines autres que matériel ou économique ont été irrémédiablement et quotidiennement affectés par cette privation.

Le préjudice en résultant est en relation directe avec les carences précédemment relevées de l'employeur au regard de l'obligation de sécurité de résultat lui incombant résultant d'une négligence fautive de sa part pour n'avoir pas pris les mesures réglementaires posées ou seulement de manière partielle et pourtant nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique du salarié, exposé pendant plusieurs années à l'amiante et ayant en conséquence inhalé ces substances nocives.

Le préjudice résultant sera exactement réparé par l'allocation d'une somme de 12 000 ¿.

Cette créance des consorts X... sera inscrite au passif de la procédure collective de la SA ZF Masson ».

Alors, d'une part, que la réparation d'un dommage, qui doit être intégrale, ne peut excéder le montant du préjudice ; que la situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, constitutive du préjudice d'anxiété et au titre duquel la Cour d'appel alloue une indemnité de 15. 000 ¿ ne se distingue pas de la privation de la possibilité des salariés de penser leur avenir avec sérénité, liée à une probable perte d'espérance de vie, au titre de laquelle la Cour d'appel alloue aux salariés une indemnité de 12. 000 ¿ sous couvert du bouleversement dans leurs conditions d'existence ; qu'en réparant deux fois le même préjudice, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ainsi que le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit ;

Alors, d'autre part, que seul le préjudice certain ouvre droit à réparation ; qu'en permettant l'indemnisation des salariés au titre du bouleversement de leurs conditions d'existence, en retenant « qu'il est médicalement posé que les maladies consécutives à l'inhalation des fibres d'amiante surviennent plusieurs années après l'exposition et l'inhalation des fibres nocives » (Arrêt attaqué, p., 12), lorsque le simple fait de bénéficier de l'ACAATA ne saurait faire présumer la perte d'espérance de vie, la Cour d'appel, qui a permis la réparation automatique d'un préjudice seulement éventuel, a violé l'article 1147 du Code civil, ensemble l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 ;

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le présent arrêt est opposable au CGEA-AGS, qui devra sa garantie dans les conditions et limites légales ;

Aux motifs que « c'est en vain que le CGEA-AGS soutient que la demande relative à l'indemnisation au titre des préjudices allégués ne résulte ni de l'exécution, ni de la rupture du contrat de travail, dès lors que ce préjudice est en lien direct avec une exécution fautive du contrat de travail.

Par ailleurs, la connaissance du fait de la dangerosité de l'exposition à l'amiante pendant plusieurs années et de l'inhalation des fibres d'amiante Caractérisant l'apparition d'une situation d'inquiétude permanente et des bouleversements remonte au moins à la date à laquelle M. X... a opté pour le dispositif prévu par l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, dès lors que c'est tout à la fois par l'inhalation des poussières d'amiante et par la connaissance certaine des risques encourus par une telle inhalation pour la santé humaine que le salarié a pu opérer le choix clair et non équivoque d'avoir recours au dispos i tif d'assurance de gestion d'un risque, celui d'une diminution de l'espérance de retraite.

Ainsi, le fait générateur de cette situation d'inquiétude permanente et des bouleversements dans les conditions d'existence est antérieur à l'ouverture de la procédure collective prononcée par le tribunal de commerce le 7 juin 2005.

Le CGEA-AGS devra donc sa garantie à titre subsidiaire dès lors qu'un plan de redressement a été homologué par le tribunal de commerce, que la SA ZF Masson, in bonis est appelée à honorer le paiement des créances des consorts X... ».

Alors que la réparation par l'employeur du préjudice d'anxiété et du préjudice découlant du bouleversement des conditions d'existence de son salarié ne résulte pas de l'inexécution d'une obligation résultant de son contrat de travail ; qu'il s'en suit que les dommages intérêts dus à ce titre n'entrent pas dans le cadre de la garantie de l'AGS ; qu'en statuant en sens contraire, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, ensemble l'article L. 3253-6 du code du travail.

ECLI:FR:CCASS:2013:SO01579
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