Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 25 septembre 2013, 12-12.976, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 1331-1 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 29 janvier 2007 en qualité d'employé commercial par la société Distribution Casino France ; qu'après avoir fait l'objet d'un avertissement le 7 mai 2009, il a été licencié pour faute grave par lettre du 28 mai suivant ; que contestant son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Attendu que pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que le principe du non-cumul des sanctions ne s'applique pas en l'espèce dans la mesure où la mise à pied disciplinaire d'un jour du 7 mai 2009, avec prise d'effet le 18 mai 2009, a été prononcée pour non mise en place de la marchandise « promo » et non mise en place de la marchandise, alors que le licenciement prononcé le 28 mai 2009 est fondé sur la présence en rayon de produits périmés le 27 avril 2009 qui sont des faits distincts ; que si les faits reprochés dans la lettre de licenciement se sont déroulés et ont été connus de l'employeur le 27 avril 2009, soit avant le prononcé de la sanction disciplinaire, il y a eu enclenchement de deux procédures distinctes ; que le pouvoir de licencier ne pouvait être épuisé à travers une procédure de simple sanction disciplinaire et que l'employeur pouvait valablement prononcer le licenciement du salarié pour des faits antérieurs ;

Attendu, cependant, que l'employeur qui, ayant connaissance de divers faits commis par le salarié considérés par lui comme fautifs, choisit de n'en sanctionner que certains, ne peut plus ultérieurement prononcer une nouvelle mesure disciplinaire pour sanctionner les autres faits antérieurs à la première sanction ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il résultait de ses constatations que, bien qu'informé d'un ensemble de faits reprochés au salarié, l'employeur avait, le 7 mai 2009, choisi de lui notifier une mise à pied disciplinaire pour certains d'entre eux, en sorte qu'il avait épuisé son pouvoir disciplinaire et ne pouvait plus prononcer un licenciement pour sanctionner tout ou partie des autres faits antérieurs à cette date, dont il avait connaissance, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 août 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne la société Distribution Casino France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Distribution Casino France et la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq septembre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. X...

Le pourvoi reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit le licenciement de monsieur X... justifié par une faute grave et débouté le salarié de ses demandes dirigées contre la société Distribution Casino France ;

AUX MOTIFS QUE sur l'épuisement par l'employeur de son pouvoir disciplinaire : que selon l'article L.1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ; que dès lors que les faits sanctionnés ont été commis plus de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires, il appartient à l'employeur d'apporter la preuve qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement de ces poursuites ; que le délai de deux mois concerne le déclenchement des poursuites disciplinaires et non le prononcé de la sanction ; que le salarié soutient à l'appui de son appel que l'employeur n'a pas jugé utile le 7 mai 2009 de le sanctionner des griefs du 27 avril 2009 mentionnés dans la lettre de licenciement ; qu'en le sanctionnant le 7 mai 2009 d'une mise à pied disciplinaire, la société a épuisé son pouvoir disciplinaire et ne peut plus invoquer des faits antérieurs à la mise à pied disciplinaire ; que c'est la date de convocation à l'entretien préalable au licenciement qui constitue l'engagement des poursuites disciplinaires, c'est-à-dire le 16 mai 2009, date de présentation du courrier recommandé du 14 mai ; qu'il en résulte que les poursuites disciplinaires contre les faits fautifs du 27 avril 2009 ont été engagées avant le délai de deux mois ; qu'en tout état de cause, le principe du non-cumul des sanctions (non bis in idem) ne s'applique pas en l'espèce dans la mesure où la mise à pied disciplinaire d'un jour du 7 mai 2009 avec prise d'effet le 18 mai 2009 a été prononcée pour non mise en place de la marchandise promo et non mise en place de la marchandise, alors que le licenciement prononcé le 28 mai 2009 est fondé sur la présence en rayon de produits périmés le 27 avril 2009 (45 boites d'oeufs), qui sont des faits distincts ; que si les faits reprochés dans la lettre de licenciement se sont déroulés et ont été connus de l'employeur le 27 avril 2009, soit avant le prononcé de la sanction disciplinaire, toutefois, il y a eu enclenchement de deux procédures distinctes prévues par des dispositions particulières et différentes du code du travail, l'une pour sanction disciplinaire en vertu de l'article L.1332-2 du code du travail, l'autre pour licenciement par application de l'article L.1232-2 du code du travail ; que comme le soutient l'employeur, le pouvoir de licencier ne pouvait être épuisé à travers une simple procédure de sanction disciplinaire et il pouvait valablement prononcer le licenciement du salarié pour des faits antérieurs ; que ce moyen sera donc écarté (Cf. arrêt p. 4 et p. 5 § 1 à 3) ; sur la faute grave : qu'en l'espèce, par un courrier du 28 mai 2009, la société Distribution Casino France a procédé au licenciement pour faute de monsieur Sébastien X..., en invoquant la présence en rayon de produits périmés le 27 avril 2009 (45 boites d'oeufs) ; que le salarié ne conteste pas la matérialité des faits mais soutient que la faute n'est pas grave ; que ces manquements aux règles de vente de produits frais sur les dates limite de consommation, par leur grand nombre, alors que l'intéressé avait déjà été rappelé à l'ordre, constituent des négligences gravement fautives, qui portent atteinte à la qualité de l'enseigne et qui sont de nature à engager la responsabilité pénale de l'employeur du fait de l'infraction aux règles d'hygiène ; que la faute grave prive le salarié des indemnités de rupture et celui-ci sera débouté de sa demande ce chef ; qu'il n'y a pas lieu de prononcer l'annulation des avertissements prononcés les 27 novembre 2008 et 13 février 2009 ; qu'en conséquence, le licenciement prononcé pour faute grave est justifié et le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes indemnitaires (Cf. arrêt p. 6 § 2 à 7) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il est établi que l'employeur a retrouvé dans le rayon des oeufs 45 boites d'oeufs périmés : 24 boites de 6 oeufs Casino gros calibre ayant pour DLC le 18/04/2009 4 boites de 20 oeufs Casino ayant pour DLC le 18/04/2009 6 boites de 6 oeufs Casino ayant pour DLC le 22/04/2009 11 boites de 6 oeufs Matines ayant pour DLC le 22/04/2009 ;
que monsieur X... avait été formé sur les DLC (date légale de consommation) par madame Stéphanie Y..., laquelle précise en outre que les boites d'oeufs retrouvées le 27 avril 2009 représentent 20 % du rayon et que par la charte de Casino, ceux-ci doivent être retirés de la vente au moins 4 jours avant la DLC ; que, de plus, lors de l'entretien préalable, comme en atteste monsieur Eric Z..., il avait connaissance de la présence des produits périmés dans ses rayons et ce malgré les multiples relances de la part de sa hiérarchie pour opérer les rotations, en déclarant : « je mets directement la marchandise sans faire les rotations » ; que monsieur X... avait bien été averti de l'importance du respect de ces dates sachant que cette obligation des plus élémentaires faisait courir un risque important tant au point de vue santé qu'économique aux consommateurs ainsi qu'à l'entreprise ; qu'en conséquence, le Conseil dit que le licenciement de monsieur X... repose bien sur une faute grave et déboute le demandeur de ses demandes à ce titre (Cf. jugement p. 5 § 4 à 10) ;

ALORS QUE l'employeur qui, bien qu'informé de l'ensemble des faits reprochés au salarié, choisit de lui notifier un avertissement seulement pour certains d'entre eux, épuise son pouvoir disciplinaire et ne peut prononcer un licenciement pour des faits antérieurs à la sanction prononcée ; que pour dire justifié le licenciement pour faute grave prononcé le 28 mai 2009 en raison de la présence en rayon de produits périmés, la cour d'appel a retenu que si les faits reprochés dans la lettre de licenciement étaient connus de l'employeur le 27 avril 2009, il y a eu enclenchement de deux procédures distinctes, l'une pour sanction disciplinaire, l'autre pour licenciement ; qu'en statuant ainsi, tout en constatant que le 7 mai 2009, le salarié avait fait l'objet d'une mise à pied disciplinaire d'une journée pour « non mis en place de la marchandise promo » et « non mise en place de la marchandise », la cour d'appel a violé les articles L.1331-1 et L.1232-2 du code du travail.

ECLI:FR:CCASS:2013:SO01546
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