Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 25 septembre 2013, 12-20.310, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 12-20.310
- ECLI:FR:CCASS:2013:SO01504
- Publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- M. Lacabarats
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 2 avril 2012), que Mme X... a été engagée le 5 août 2002 par la société Ambulances Saint-Etienne assistance en qualité d'ambulancière, la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950 étant applicable aux relations contractuelles ; qu'elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 18 janvier 2011 ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal de la salariée, pris en sa troisième branche :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal de la salariée, pris en ses deux premières branches :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande au titre de l'indemnité de repas unique, alors, selon le moyen :
1°/ que le salarié dont l'amplitude de la journée de travail couvre entièrement la période comprise soit entre 11 heures et 14 heures 30, qui dispose à son lieu de travail d'une coupure ou d'une fraction de coupure d'une durée ininterrompue inférieure à une heure, perçoit l'indemnité de repas unique ; qu'en considérant que l'indemnité de repas unique ne s'appliquait qu'aux salariés en déplacement obligés de prendre leur repas hors du lieu de travail, et partant en déboutant la salariée de sa demande de versement de l'indemnité de repas unique au motif qu'elle ne se trouvait pas en déplacement lorsqu'elle déjeunait dans un restaurant proche de l'entreprise, la cour d'appel a violé l'article 8 du protocole du 30 avril 1974 conclu en application de l'article 10 de la convention collective des transports routiers du 16 juin 1961, annexe 1 ;
2°/ qu'en déclarant que la salariée n'analysait pas ses feuilles de route hebdomadaires au regard des conditions d'attribution de l'indemnité de repas, quand était reporté systématiquement sur les tableaux annuels produits, mois par mois, le nombre de repas pris lors des déplacements figurant distinctement sur ces feuilles de route, la cour d'appel a dénaturé ces écrits en méconnaissance de l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu que selon l'article 2 du protocole du 30 avril 1974 relatif aux frais de déplacement des ouvriers annexé à la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires de transport du 21 décembre 1950, les indemnités de repas et les indemnités de repas unique sont une somme forfaitaire allouée par l'employeur au salarié en déplacement, en complément de ce que celui-ci aurait dépensé s'il avait pris son repas à son domicile ou à son lieu de travail, le déplacement étant défini comme l'obligation impliquée par le service de quitter le lieu de travail et le domicile ; qu'il en résulte que les dispositions de l'article 8 de ce même protocole relatives aux conditions d'attribution de l'indemnité de repas unique ne sont applicables qu'aux salariés contraints, du fait d'un déplacement, de prendre un repas hors de leur domicile ou de leur lieu de travail ;
Et attendu que la cour d'appel, qui a relevé, sans dénaturer les feuilles de route produites par la salariée, que celle-ci ne les analysait pas au regard des conditions auxquelles le protocole subordonne l'ouverture du droit aux indemnités, que la mention "extérieur" qui y était portée signifiait en effet qu'elle prenait son repas dans un restaurant proche de l'entreprise et qu'elle ne se trouvait donc pas en déplacement, en a exactement déduit qu'elle n'avait pas droit à l'indemnité de repas unique ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement d'une somme pour non-respect de l'obligation d'information relative au droit individuel à la formation, alors, selon le moyen :
1°/ que le juge doit, en toutes circonstances, observer lui-même le principe de la contradiction et qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que comme l'a relevé la cour d'appel, Mme X... se bornait à inclure dans ses chefs de demande : « DIF 120 h : 1.098 ¿ » sans la moindre explication ; qu'en retenant d'office, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations, le moyen tiré de ce que l'obligation, pour l'employeur, d'informer le salarié de son droit de demander, avant la date d'expiration du préavis, à bénéficier d'une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l'expérience ou de formation, est indépendante de l'exécution effective d'un préavis, pour en déduire que cette information aurait dû être donnée à la salariée bien qu'elle n'ait pas exécuté son préavis pour cause d'inaptitude, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2°/ que l'employeur n'est pas tenu d'informer le salarié de son droit de demander à bénéficier d'une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l'expérience ou de formation durant le préavis, si le salarié n'est pas en mesure, du fait de son inaptitude physique, d'exécuter son préavis, et que l'absence d'information donnée au salarié ne lui cause en toute hypothèse aucun préjudice puisqu'il ne pourra bénéficier de ce droit ; qu'en condamnant la société Ambulances Saint-Etienne assistance à payer à Mme X... des dommages-intérêts pour défaut d'information au titre du droit individuel à la formation tout en constatant que la salariée était en toute hypothèse inapte à exécuter ce préavis, la cour d'appel a violé les articles L. 6323-17 à L. 6323-19 du code du travail ;
Mais attendu, d'abord, qu'en matière de procédure sans représentation obligatoire, les moyens retenus par le juge sont présumés, sauf preuve contraire non rapportée en l'espèce, avoir été débattus contradictoirement à l'audience ;
Attendu, ensuite, que l'employeur doit, dans la lettre de licenciement, sauf faute lourde, informer le salarié de la possibilité qu'il a de demander, jusqu'à l'expiration du préavis, que celui-ci soit ou non exécuté, ou pendant une période égale à celle du préavis qui aurait été applicable, à bénéficier d'une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l'expérience ou de formation ;
Et attendu que la cour d'appel, qui a relevé que la société Ambulances Saint-Etienne assistance n'avait pas, dans la lettre de licenciement, informé la salariée de ce qu'elle pouvait demander, avant la date d'expiration du préavis qu'elle aurait effectué si elle avait été apte, à bénéficier d'une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l'expérience ou de formation, a exactement décidé que l'employeur avait commis un manquement causant nécessairement un préjudice à l'intéressée qu'elle a souverainement apprécié ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois tant principal qu'incident ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq septembre deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour Mme X..., demanderesse au pourvoi principal
Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté la salariée de sa demande de condamnation de l'employeur à lui payer la somme de 10.894,80 ¿
à titre d'indemnité de repas et compensation légale ;
AUX MOTIFS QUE sur la demande d'indemnités de repas et de repas unique, la prescription quinquennale instituée par l'article L 3245-1 du Code du travail s'applique à toute action afférente au salaire ; que tel est le cas d'une action tendant au paiement d'indemnités de repas liées à l'exécution d'un travail salarié ; qu'en l'espèce, les indemnités litigieuses ont été demandées pour la première fois dans la demande de convocation devant le bureau de conciliation, notifiée à la S.A.R.L. Ambulances Saint-Etienne Assistance par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 octobre 2010 ; que l'action est éteinte par la prescription pour ce qui concerne les indemnités demandées sur la période antérieure au 5 octobre 2005 ; que selon l'article 2 du protocole du 30 avril 1974 relatif aux frais de déplacement des ouvriers, l'indemnité de repas ou de repas unique est la somme forfaitaire allouée par l'employeur au salarié en déplacement, en complément de ce que celui-ci aurait dépensé s'il avait pris son repas à son domicile ou à son lieu de travail ; qu'aux termes de l'article 8 du protocole, le personnel qui se trouve, en raison d'un déplacement impliqué par le service, obligé de prendre un repas hors de son lieu de travail perçoit une indemnité de repas unique, dont le taux est fixé par le tableau joint au présent protocole, sauf taux plus élevé résultant des usages ; que, toutefois, lorsque le personnel n'a pas été averti au moins la veille et au plus tard à midi d'un déplacement effectué en dehors de ses conditions habituelles de travail, l'indemnité de repas unique qui lui est allouée est égale au montant de l'indemnité de repas, dont le taux est également fixé par le tableau joint au présent protocole ; qu'enfin, dans le cas où, par suite d'un dépassement de l'horaire régulier, la fin de service se situe après 21 h 30, le personnel intéressé reçoit pour son repas du soir une indemnité de repas ; que ne peut prétendre à l'indemnité de repas unique : a) Le personnel dont l'amplitude de la journée de travail ne couvre pas entièrement la période comprise soit entre 11 heures et 14 h 30, soit entre 18 h 30 et 22 heures, b) Le personnel qui dispose à son lieu de travail d'une coupure ou d'une fraction de coupure, d'une durée ininterrompue d'au moins 1 heure, soit entre 11 heures et 14 h 30, soit entre 18 h 30 et 22 heures ; que toutefois, si le personnel dispose à son lieu de travail d'une coupure d'une durée ininterrompue d'au moins 1 heure et dont une fraction au moins égale à 30 minutes est comprise soit entre 11 heures et 14 h 30, soit entre 18 h 30 et 22 heures, une indemnité spéciale, dont le taux est fixé par le tableau joint au présent protocole, lui est attribuée ; qu'en l'espèce, Sylvie X... n'analyse pas ses feuilles de route hebdomadaires au regard des conditions auxquelles le protocole subordonne l'ouverture du droit aux indemnités qu'il institue ; qu'elle se contente de soumettre à la Cour un tableau comportant pour chaque mois le nombre d'indemnités de repas et de repas unique sollicitées sans qu'il soit possible de déterminer pour quels jours ces indemnités sont demandées ; qu'aucune vérification n'est donc possible ; que l'examen des feuilles de route permet de constater que la plupart d'entre elles portent dans la case "lieu du repas" la mention "Ext", c'est-à-dire extérieur ; qu'invitée à s'exprimer personnellement à l'audience, Sylvie X... a précisé à la Cour qu'extérieur signifiait qu'on allait manger "dans un petit restaurant à côté" ; que le déplacement étant défini par le protocole comme l'obligation impliquée par le service de quitter le lieu de travail et le domicile, et le lieu de travail, dans le transport de voyageurs, comme la localité où est situé le centre d'exploitation principal, Sylvie X... ne se trouvait pas en déplacement lorsqu'elle déjeunait dans un restaurant proche de l'entreprise ; qu'en conséquence, le jugement qui a débouté la salariée de ce chef de demande sera confirmé ;
AUX MOTIFS éventuellement adoptés QUE la salariée ne fournit aucun élément précis et dûment établi pour justifier ses demandes ; que l'employeur indique avoir régulièrement payé les indemnités de repas pris à l'extérieur ;
ALORS QUE le salarié dont l'amplitude de la journée de travail couvre entièrement la période comprise soit entre 11 heures et 14 h 30, qui dispose à son lieu de travail d'une coupure ou d'une fraction de coupure d'une durée ininterrompue inférieure à une heure, perçoit l'indemnité de repas unique ; qu'en considérant que l'indemnité de repas unique ne s'appliquait qu'aux salariés en déplacement obligés de prendre leur repas hors du lieu de travail, et partant en déboutant la salariée de sa demande de versement de l'indemnité de repas unique au motif qu'elle ne se trouvait pas en déplacement lorsqu'elle déjeunait dans un restaurant proche de l'entreprise, la Cour d'appel a violé l'article 8 du protocole du 30 avril 1974 conclu en application de l'article 10 de la convention collective des transports routiers du 16 juin 1961 annexe 1 ;
ALORS encore QU'en déclarant que la salariée n'analysait pas ses feuilles de route hebdomadaires au regard des conditions d'attribution de l'indemnité de repas, quand était reporté systématiquement sur les tableaux annuels produits, mois par mois, le nombre de repas pris lors des déplacements figurant distinctement sur ces feuilles de route, la Cour d'appel a dénaturé ces écrits en méconnaissance de l'article 1134 du code civil ;
ALORS enfin QUE tout jugement doit être motivé ; qu'en déboutant la salariée de sa demande de compensation légale pour les repas pris en moins d'une heure sans assortir sa décision d'aucun motif de nature à la justifier, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
Moyen produit par la SCP Monod et Colin, avocat aux Conseils, pour la société Ambulances Saint-Etienne assistance, demanderesse au pourvoi incident
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Ambulances Saint-Etienne Assistance à payer à Mme X... la somme de 1.098 ¿ à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif au non-respect de l'obligation d'information relative au droit individuel à la formation ;
AUX MOTIFS QUE Mme X... sollicite sans aucune explication la somme de 1.098 ¿ pour 120 heures de droit individuel à la formation ; qu'en application de l'article L. 6323-19 du code du travail, l'employeur informe le salarié, s'il y a lieu, de ses droits en matière de droit individuel à la formation dans la lettre de licenciement, cette information comprenant les droits visés à l'article L. 6323-17 selon lequel, en cas de licenciement non consécutif à une faute lourde et si le salarié en fait la demande avant la fin du préavis, demande à défaut de laquelle la somme n'est pas due, la somme correspondant au nombre d'heures acquises et non utilisées, multiplié par le montant forfaitaire visé à l'article L. 6332-14, permet de financer tout ou partie d'une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l'expérience ou de formation ; que la société Ambulances Saint-Etienne Assistance a informé Mme X... de ce que les 120 heures qu'elle avait acquises au titre du droit individuel à la formation correspondaient à une somme de 1.098 ¿ et qu'elles pouvaient être utilisées pour bénéficier notamment d'une action de formation chez son nouvel employeur si elle lui en faisait la demande dans les deux ans de son embauche ou pendant une période de chômage ; qu'en revanche, l'employeur n'a pas informé la salariée de son droit de demander, avant la date d'expiration du préavis qu'elle aurait effectué si elle avait été apte, à bénéficier d'une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l'expérience ou de formation ; que cette obligation d'information était indépendante de l'exécution effective d'un préavis ; qu'une telle omission a nécessairement occasionné un préjudice à l'appelante qu'il convient d'évaluer à la somme de 1.098 ¿ ;
ALORS d'une part QUE le juge doit, en toutes circonstances, observer lui-même le principe de la contradiction et qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que comme l'a relevé la cour d'appel, Mme X... se bornait à inclure dans ses chefs de demande : « DIF 120 h : 1.098 ¿ » sans la moindre explication ; qu'en retenant d'office, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations, le moyen tiré de ce que l'obligation, pour l'employeur, d'informer le salarié de son droit de demander, avant la date d'expiration du préavis, à bénéficier d'une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l'expérience ou de formation, est indépendante de l'exécution effective d'un préavis, pour en déduire que cette information aurait dû être donnée à la salariée bien qu'elle n'ait pas exécuté son préavis pour cause d'inaptitude, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
ALORS d'autre part QUE l'employeur n'est pas tenu d'informer le salarié de son droit de demander à bénéficier d'une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l'expérience ou de formation durant le préavis, si le salarié n'est pas en mesure, du fait de son inaptitude physique, d'exécuter son préavis, et que l'absence d'information donnée au salarié ne lui cause en toute hypothèse aucun préjudice puisqu'il ne pourra bénéficier de ce droit ; qu'en condamnant la société Ambulances Saint-Etienne Assistance à payer à Mme X... des dommages-intérêts pour défaut d'information au titre du droit individuel à la formation tout en constatant que la salariée était en toute hypothèse inapte à exécuter ce préavis, la cour d'appel a violé les articles L. 6323-17 à L. 6323-19 du code du travail.