Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 10 juillet 2013, 12-19.740, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 1er octobre 1972 par la SMABTP en qualité d'inspecteur conseiller de production ; qu'il est devenu ultérieurement responsable régional Nord-Est ; que, par lettre du 29 septembre 2009, la SMABTP a notifié au salarié sa mise à la retraite à compter du 1er janvier 2010 conformément à l'accord de branche des sociétés d'assurance du 14 octobre 2004, son préavis courant du 1er novembre au 31 décembre 2009 ; que le salarié a saisi le 10 mars 2010 la juridiction prud'homale aux fins de requalifier la rupture en un licenciement abusif, en paiement de dommages-intérêts pour circonstances brutales et vexatoires de la mise à la retraite et en paiement d'un rappel d'indemnité de mise à la retraite ;

Sur le premier moyen, pris en ses cinq premières branches :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de requalification de la mise à la retraite en un licenciement abusif, alors, selon le moyen :

1°/ que les différences de traitement fondées sur l'âge constituent une discrimination lorsqu'elles ne sont pas objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires ; qu'en se bornant à relever, pour conclure au caractère non discriminatoire de la mise à la retraite d'office du salarié avant l'âge légal de départ à la retraite, que les conditions de l'accord de branche du octobre 2004 étaient réunies et qu'aucun élément ne permettait de présumer l'existence d'une mesure discriminatoire à l'encontre du salarié, sans vérifier que la différence de traitement fondée sur l'âge subie par le salarié était objectivement et raisonnablement justifiée par un objectif légitime et que les moyens pour réaliser cet objectif étaient appropriés et nécessaires, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la directive 2000/ 78/ CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ;

2°/ que l'article 6 de l'accord du 14 octobre 2004 exige, à titre de contrepartie à la mise à la retraite de salariés avant l'âge légal, la « conclusion d'une embauche en contrat à durée indéterminée pour deux mises à la retraite » ; qu'en jugeant que cette condition était remplie au prétexte qu'un nouveau directeur régional avait été engagé en remplacement de M. X... quand il était constant que ce nouveau directeur n'avait pas été nouvellement embauché, mais était « entré à la SMABTP il y a dix-sept ans » tel que l'écrivait l'employeur dans un courrier du 3 juillet 2009, la cour d'appel a violé l'article 6 de l'accord du 14 octobre 2004 ;

3°/ qu'aux termes de l'article 4 de l'accord collectif du 14 octobre 2004 relatif à l'application de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites au sein des sociétés d'assurances, la décision définitive de mise à la retraite ne peut intervenir avant l'expiration du délai d'un mois suivant la notification de ladite décision, délai pendant lequel le salarié peut solliciter un second entretien en se faisant assister, le cas échéant, par un représentant du personnel ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'employeur avait avisé le salarié de sa mise à la retraite d'office par courrier en date du 8 juin 2009, qu'il avait été dispensé d'activité par lettre du 9 juin 2009 à compter du 1er juillet 2009 et que son successeur avait été mis en place dès le 3 juillet suivant, ce dont il résultait que la décision définitive de mise à la retraite de l'intéressé était intervenue avant l'expiration, le 8 juillet 2009, du délai d'un mois suivant la notification de la décision ; qu'en jugeant cependant que la procédure conventionnelle avait été respectée aux prétextes que la décision définitive de mise à la retraite avait été notifiée au salarié le 29 septembre 2009, et que le salarié n'avait pas sollicité de second entretien, mais avait accepté de ne plus travailler à compter du 1er juillet 2009, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 4 de l'accord collectif du 14 octobre 2004 ;

4°/ qu'en affirmant péremptoirement que le salarié avait accepté de ne plus travailler à compter du 9 juin 2009 sans dire d'où il tirait une telle information, quand l'employeur avait unilatéralement notifié au salarié, par lettre du 9 juin 2009, une dispense d'activité qui n'a jamais été soumise à son approbation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ qu'aux termes de l'article L. 1237-5-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-67 du 21 janvier 2008, les accords conclus et étendus avant le 22 décembre 2006, fixant un âge inférieur à celui mentionné au 1° de l'article L. 351-8 du code de la sécurité sociale (65 ans) pour la mise à la retraite d'office d'un salarié, cessent de produire leurs effets au 31 décembre 2009 ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'employeur avait notifié au salarié sa mise à la retraite à compter du 1er janvier 2010 par courrier en date du 8 juin 2009, ce dont il résultait qu'à la date d'expiration du contrat de travail fixée au 1er janvier 2010, les conditions de mise à la retraite issues de l'accord du 14 octobre 2004 ne pouvaient être remplies dans la mesure où elles avaient pris fin au 31 décembre 2009, conformément aux dispositions légales en vigueur à la date de notification de la mise en retraite du salarié ; qu'en concluant néanmoins à l'absence d'irrégularité de la mise à la retraite du salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 1237-5 et L. 1237-5-1 du code du travail ;

Mais attendu, d'abord, que l'accord de branche des sociétés d'assurances relatif à l'application de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, en date du 14 octobre 2004 et étendu par un arrêté ministériel, dispose en son article 3 que : « Les contreparties en termes d'emploi ou de formation professionnelle fixées ci-après peuvent permettre la mise à la retraite des salariés entre 60 et 65 ans, dès lors qu'ils remplissent les conditions d'âge et de durée minimale d'assurance leur permettant de bénéficier d'une pension de retraite à taux plein dans le régime de base de la sécurité sociale, ainsi que dans les régimes ARRCO et/ ou AGIRC » et en son article 6 détermine des contreparties en matière d'emploi au niveau de l'entreprise, en disposant que : « En cas de recours à l'une des contreparties prévues ci-dessous, la rupture du contrat de travail, à l'initiative de l'employeur, d'un salarié ayant atteint l'âge de 60 ans et susceptible de bénéficier d'une pension vieillesse à taux plein ¿ ne peut être considérée comme un licenciement » en cas de « conclusion d'une embauche en contrat à durée indéterminée pour deux mises à la retraite » ; qu'aux termes de l'article 6 § 1 de la directive du Conseil 2000/ 78/ CE du 27 novembre 2000, « Nonobstant l'article 2, paragraphe 2, les États membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires » ; qu'il en résulte que l'accord de branche des sociétés d'assurances relatif à l'application de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, en date du 14 octobre 2004, qui prévoit des contreparties en termes d'emploi et ne vise la mise à la retraite que des salariés en mesure de bénéficier d'une pension de retraite à taux plein, ne méconnaît pas les dispositions de la directive du 27 novembre 2000 ; que, par ce motif de pur droit, l'arrêt se trouve justifié ;

Attendu, ensuite, que la cour d'appel a constaté que la procédure avait été engagée par un premier entretien le 27 avril 2009 soit au moins six mois avant la date prévue de la mise à la retraite et qu'à la suite du nouvel entretien du 29 mai 2009 avec le directeur général, le salarié n'a pas sollicité de second entretien comme il pouvait le faire après la confirmation de la décision de mise à la retraite par lettre du 8 juin 2009 conformément à l'article 4 de l'accord ; qu'elle en a déduit exactement que la procédure conventionnelle avait été respectée ;

Attendu, enfin, que la cour d'appel a constaté que la notification de mise à la retraite est intervenue le 29 septembre 2009, date à laquelle les accords dérogatoires produisaient encore effet ;

D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa deuxième branche comme nouveau et mélangé de fait et de droit, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le second moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de rappel de l'indemnité de mise à la retraite, alors, selon le moyen, que l'article 7 de l'accord du 14 octobre 2004 stipule que le salarié mis à la retraite doit bénéficier d'une « indemnité calculée dans les mêmes conditions qu'en cas de mise à la retraite à l'âge de 65 ans ou plus, majorée de (¿) 40 % pour le salarié dont la mise à la retraite est notifiée entre son 63e et son 64e anniversaire sans que cette indemnité soit inférieure à 33 % de l'indemnité conventionnelle qui lui aurait été versée en cas de licenciement » ; qu'en l'espèce, l'employeur ayant fait le choix de retenir le mode de calcul, plus favorable, de l'indemnité légale de licenciement pour déterminer le montant de l'indemnité de mise à la retraite, il devait majorer cette indemnité de 40 % pour déterminer le montant dû à M. X... mis à la retraite à l'âge de 63 ans ; qu'en affirmant au contraire que M. X... ne pouvait pas prétendre à la majoration de l'article 7 de l'accord du 14 octobre 2004, la cour d'appel a violé ce texte ;

Mais attendu que la cour d'appel a décidé à bon droit que la majoration de 40 % prévue à l'accord de branche ne peut porter sur l'indemnité de licenciement mais seulement sur l'indemnité de mise à la retraite prévue pour l'âge de 65 ans ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa sixième branche :

Vu l'article 1147 du code civil ;

Attendu que la cour d'appel a rejeté la demande de dommages-intérêts fondée sur les circonstances, selon le salarié, brutales et vexatoires de sa mise à la retraite, en retenant que le salarié sera débouté de ses demandes en requalification de la rupture en licenciement abusif et des demandes annexes ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le bien-fondé d'une demande de dommages-intérêts à raison des conditions vexatoires de la rupture du contrat de travail est indépendant du bien-fondé de la rupture, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts pour circonstances brutales et vexatoires de la mise à la retraite, l'arrêt rendu le 21 mars 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims, autrement composée ;

Condamne la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé que la procédure de mise à la retraite de monsieur X... a été respectée et conforme aux dispositions de l'accord du 14 octobre 2004, rejeté la demande de monsieur X... de requalifier sa mise à la retraite en un licenciement abusif et rejeté toutes les demandes de monsieur X... ;

AUX MOTIFS QUE « Monsieur X... conteste la procédure de mise à la retraite invoquant plusieurs moyens : une mesure discriminatoire, le non-respect de la procédure conventionnelle prévue par l'accord de branche du 14 octobre 2004 et son applicabilité au 1er janvier 2010 ; attendu qu'il résulte de l'accord collectif précité et de la convention collective des assurances que les conditions d'applications de cet accord prévoient un départ en retraite entre 60 et 65 ans, sous condition que le salarié puisse bénéficier d'une retraite à taux plein et que l'employeur satisfasse à des embauches ; que l'article L. 1237-5-1 du Code du travail dispose que ces accords collectifs étendus avant le 22 décembre 2006 et qui fixent un âge de la retraite d'office dérogatoire restent valables jusqu'au 31 décembre 2009 ; que le droit européen valide les clauses de cessation automatique du contrat de travail si elles résultent d'une négociation collective ; attendu que Monsieur X... avait 63 ans lors de sa mise à la retraite et bénéficiait d'une retraite à taux plein ; que la SMABTP a satisfait à ses obligations d'emploi ; que les conditions étaient donc réunies pour prononcer la mise à la retraite de Monsieur X... ; qu'aucun élément ne permet de présumer d'une mesure discriminatoire vis-à-vis de Monsieur X..., et ce d'autant qu'il résulte des pièces produites qu'une vingtaine de salariés étaient concernés par cette mesure dans le cadre de l'accord de branche ; attendu que concernant le respect de la procédure, il ressort des éléments du dossier que la procédure conventionnelle particulière a été respectée par un premier entretien, au moins six mois avant la date prévue de la mise à la retraite (entretien du 27 avril 2009) et qu'à la suite du nouvel entretien du 29 mai 2009 avec le directeur général, Monsieur X... a obtenu de meilleures conditions de départ et n'a pas sollicité de second entretien comme il pouvait le faire après la confirmation de la décision de mise à la retraite par lettre du 8 juin 2009 conformément à l'article 4 de l'accord ; attendu que sur la mise en place de son successeur le 3 juillet 2009, il doit être relevé que Monsieur X... ne travaillait plus depuis le 1er juillet 2009 et que l'employeur devait mettre en place le service en raison du départ de Monsieur X... ; que bien qu'on soit encore dans le délai d'un mois pour solliciter un nouvel entretien, Monsieur X..., en n'acceptant de ne plus travailler à compter du 1er juillet 2009, a donc opté pour sa mise à la retraite ; qu'il n'a d'ailleurs jamais usé de son droit l'autorisant à solliciter un second entretien au sens de l'accord ; que la notification de mise à la retraite est intervenue le septembre 2009, soit au moins deux mois avant la date envisagée de la mise à la retraite prévue au 31 décembre 2009 ; que la procédure a été respectée ; que sa demande sera rejetée ; attendu que concernant la date de mise à la retraite, Monsieur X... a cessé son travail le 31 décembre 2009, même s'il avait été dispensé d'activité le 1er juillet 2009, après une notification intervenue le 29 septembre 2009 ; que la date limite de validité des accords de branches fixant un âge conventionnel de mise à la retraite d'office dérogatoire a été fixée au 31 décembre 2009 ; qu'il n'y a pas d'irrégularité même si la retraite de Monsieur X... a pris effet au 1er janvier 2010 à 00 heure ; attendu que Monsieur X... sera débouté de ses demandes en requalification de rupture en un licenciement abusif et des demandes annexes ; que le jugement sera confirmé » ;

ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTES QU'« En droit, le premier alinéa de l'article L1237-4 du Code du travail dit : " Les stipulations relatives au départ à la retraite des salariés prévues par une convention collective, un accord collectif de travail ou un contrat de travail sont applicables sous réserve qu'elles ne soient pas contraires aux dispositions légales " ; L'article L1237-5 du Code du travail stipule, quant à lui : " La mise à la retraite s'entend de la possibilité donnée à l'employeur de rompre le con/ rat de travail d'un salarié ayant atteint l'âge mentionné au 10 de l'Article L351-8 du code de la sécurité sociale. Un âge inférieur peut être fixé, dans la limite de celui prévu au premier alinéa de l'Article L351-1 du code de la sécurité sociale, dès lors que le salarié peut bénéficier d'une pension de vieillesse à taux plein au sens du code de la sécurité sociale : 1° Dans le cadre d'une convention ou d'un accord collectif étendu conclu avant le 1er janvier 2008 fixant des contreparties en termes d'emploi ou de formation professionnelle. " L'article L1237-5-1 du Code du travail précise : " Les accords conclus et étendus avant le 22 décembre 2006, déterminant des contreparties en termes d'emploi ou de formation professionnelle et fixant un âge inférieur à celui mentionné au même 1°, dès lors que le salarié peut bénéficier d'une pension de vieillesse à taux plein et que cet âge n'est pas inférieur à celui fixé au premier alinéa de l'Article L351-1 du même code, cessent de produire leurs effets au 31 décembre 2009. " En l'espèce, la Société SMABTP a conclu le 14 octobre 2004 avec ses partenaires sociaux un accord portant sur la possibilité de mettre à la retraite des salariés âgés de plus de 60 ans. Cet accord comporte des contreparties en termes d'emploi ou de formation conformément à la loi 21 août 2003. Cet accord fixe les modalités d'information du salarié, les contreparties au niveau de la branche, les contreparties au niveau de l'entreprise et les indemnités de mise à la retraite. À l'examen de ces dispositions le Conseil constate que :- Concernant les contreparties au niveau de la branche, l'article 5 de l'accord du 14 octobre 2004 prévoit : " Les parties signataires conviennent de porter, dès l'exercice 2005, à 2. 2 % de la masse salariale le pourcentage de contribution des employeurs au financement de la formation professionnelle continue ". En l'espèce, la Société SMABTP a rempli ses obligations puisqu'elle y a consacré 5. 08 % (source bilan social 2009) ;- Concernant les contreparties au niveau de l'entreprise, l'article 6 de l'accord du 14 octobre 2004 prévoit : " En cas de recours à l'une des contreparties ci-dessous, la rupture du contrat de travail, à l'initiative de l'employeur, d'un salarié ayant atteint l'âge de 60 ans et susceptible de bénéficier d'une pension vieillesse à taux plein dans le régime de base de la sécurité sociale, ainsi que dans les régimes Arrco et/ ou Agirc, ne peut être considérée comme un licenciement :/ ¿/ conclusion d'une embauche en contrat à durée indéterminée pour deux mises à la retraite/ ¿/ L'application de ces mesures intervient dans un délai de six mois maximum avant, et de six mois maximum après la date d'effet de la mise à la retraite des salariés concernés " ; En l'espèce, la Société SMABTP annonçait le 3 juillet 2009 l'engagement d'un nouveau Directeur Régional en remplacement de Monsieur X..., soit dans la limite de 6 mois avant le départ effectif de Monsieur X..., conformément aux dispositions de l'accord du 14 octobre 2004.- Concernant l'information du salarié, l'article 4 de l'accord du 14 octobre 2004 prévoit : " L'employeur qui envisage la mise à la retraite d'un salarié d'au moins 60 ans et de mois de 65 ans lui propose un entretien individuel au moins 6 mois avant la date prévue de mise à la retraite, pour lui faire part de son intention. À la suite de cet entretien, l'employeur informe par écrit l'intéressé de sa décision. En cas de confirmation de la décision de la mise à la retraite, le salarié peut ; dans un délai d'un mois, solliciter un second examen de cette décision, au cours duquel il peut faire valoir sa situation personnelle et professionnelle et faire part de ses souhaits. Dans ce cas, l'employeur doit recevoir l'intéressé lors d'un nouvel entretien./ ¿/ Si la décision de mise à la retraite est confirmée, sa notification intervient au moins deux mois avant la date envisagée de mise à la retraite " ; En l'espèce, Monsieur X... a été convoqué par courrier en date du 20 avril 2009, à un entretien fixé au 27 avril 2009, en vue d'évoquer sa mise à la retraite, soit plus de 6 5 mois avant la mise à la retraite initialement prévue le 31 octobre 2009. Il a contesté cette décision en demandant à rencontrer son Directeur Général par courrier du 28 avril 2009. Monsieur Y..., Directeur Général, l'a reçu le 29 mai 2009. Suite à cet entretien, la Société SMABTP revoyait les conditions de départ de Monsieur X... en repoussant son départ au 31 décembre 2009, en le dispensant d'activité à compter du 1er juin 2009 tout en le rémunérant et en lui augmentant sa prime de résultat de 10 000 ¿. Par courrier en date du 8 juin 2009, la Société SMABTP informait Monsieur X... de sa décision de le mettre à la retraite à compter du 1er janvier 2010 et de sa possibilité de demander un second entretien conformément à l'accord du 14 octobre 2004. Puis, par courrier du 9 juin 2009, elle lui confirmait sa cessation d'activité au 31 décembre 2009, l'accord de dispense d'activité à compter du 1er juillet 2009 et les primes et indemnités qui lui seront versées. Le Conseil constate que Monsieur X..., suite à son entretien avec son Directeur Général, a obtenu de nouvelles conditions de sa mise à la retraite, ce qui tend à croire qu'il avait accepté cette décision, et n'a pas usé de son droit l'autorisant à solliciter un second entretien. La Société SMABTP lui notifie en date du29 septembre 2009, soit au mois plus d'un mois après le premier entretien et au mois deux mois avant la date envisagée de mise à la retraite, sa décision définitive : " Votre mise à la retraite deviendra effective à l'issue de votre préavis de deux mois, que nous vous dispensons d'effectuer, qui commencera à courir le 1er novembre et s'achèvera le 31 décembre 2009 " ; Le Conseil, au vu de la chronologie des faits, constate :- Que la procédure de mise à la retraite de Monsieur X... a été respectée conformément aux dispositions de l'accord du 14 octobre 2004 ;- Et qu'en conséquence, il ne fera pas droit à la demande de Monsieur X... pour requalifier sa mise à la retraite en un licenciement abusif » ;

1) ALORS QUE les différences de traitement fondées sur l'âge constituent une discrimination lorsqu'elles ne sont pas objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires ; qu'en se bornant à relever, pour conclure au caractère non discriminatoire de la mise à la retraite d'office du salarié avant l'âge légal de départ à la retraire, que les conditions de l'accord de branche du octobre 2004 étaient réunies et qu'aucun élément ne permettait de présumer l'existence d'une mesure discriminatoire à l'encontre du salarié, sans vérifier que la différence de traitement fondée sur l'âge subie par le salarié était objectivement et raisonnablement justifiée par un objectif légitime et que les moyens pour réaliser cet objectif étaient appropriés et nécessaires, la Cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la Directive 2000/ 78/ CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ;

2) ALORS en outre QUE l'article 6 de l'accord du 14 octobre 2004 exige, à titre de contrepartie à la mise à la retraite de salariés avant l'âge légal, la « conclusion d'une embauche en contrat à durée indéterminée pour deux mises à la retraite » ; qu'en jugeant que cette condition était remplie au prétexte qu'un nouveau directeur régional avait été engagé en remplacement de monsieur X... quand il était consta ² nt que ce nouveau directeur n'avait pas été nouvellement embauché, mais était « entré à la SMABTP il y a 17 ans » tel que l'écrivait l'employeur dans un courrier du 3 juillet 2009, la Cour d'appel a violé l'article 6 de l'accord du 14 octobre 2004 ;

3) ALORS par ailleurs QU'aux termes de l'article 4 de l'accord collectif du 14 octobre 2004 relatif à l'application de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites au sein des sociétés d'assurances, la décision définitive de mise à la retraite ne peut intervenir avant l'expiration du délai d'un mois suivant la notification de ladite décision, délai pendant lequel le salarié peut solliciter un second entretien en se faisant assister, le cas échéant, par un représentant du personnel ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que l'employeur avait avisé le salarié de sa mise à la retraite d'office par courrier en date du 8 juin 2009, qu'il avait été dispensé d'activité par lettre du 9 juin 2009 à compter du 1er juillet 2009 et que son successeur avait été mis en place dès le 3 juillet suivant, ce dont il résultait que la décision définitive de mise à la retraite de l'intéressé était intervenue avant l'expiration, le 8 juillet 2009, du délai d'un mois suivant la notification de la décision ; qu'en jugeant cependant que la procédure conventionnelle avait été respectée aux prétextes que la décision définitive de mise à la retraite avait été notifiée au salarié le 29 septembre 2009, et que le salarié n'avait pas sollicité de second entretien, mais avait accepté de ne plus travailler à compter du 1er juillet 2009, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 4 de l'accord collectif du 14 octobre 2004 ;

4) ALORS QU'en affirmant péremptoirement que le salarié avait accepté de ne plus travailler à compter du 9 juin 2009 sans dire d'où il tirait une telle information, quand l'employeur avait unilatéralement notifié au salarié, par lettre du 9 juin 2009, une dispense d'activité qui n'a jamais été soumise à son approbation, la Cour d'appel a violé l'article du Code de procédure civile ;

5) ALORS encore QU'aux termes de l'article L. 1237-5-1 du Code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-67 du 21 janvier 2008, les accords conclus et étendus avant le 22 décembre 2006, fixant un âge inférieur à celui mentionné au 1° de l'article L. 351-8 du code de la sécurité sociale (65 ans) pour la mise à la retraite d'office d'un salarié, cessent de produire leurs effets au 31 décembre 2009 ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que l'employeur avait notifié au salarié sa mise à la retraite à compter du 1er janvier 2010 par courrier en date du 8 juin 2009, ce dont il résultait qu'à la date d'expiration du contrat de travail fixée au 1er janvier 2010, les conditions de mise à la retraite issues de l'accord du 14 octobre 2004 ne pouvaient être remplies dans la mesure où elles avaient pris fin au 31 décembre 2009, conformément aux dispositions légales en vigueur à la date de notification de la mise en retraite du salarié ; qu'en concluant néanmoins à l'absence d'irrégularité de la mise à la retraite du salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 1237-5 et L. 1237-5-1 du Code du travail ;

6) ALORS en tout état de cause QUE le bien-fondé d'une demande de dommages et intérêts à raison des conditions vexatoires de la rupture du contrat de travail est indépendant du bien-fondé de la rupture ; qu'en écartant en l'espèce la demande du salarié visant à l'indemnisation des conditions vexatoires de sa mise à la retraite par cela seul qu'elle avait jugé que la mise à la retraite était intervenue dans les conditions légales, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil.

SECOND MOYEN (subsidiaire) DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté monsieur X... de sa demande tendant au paiement d'un solde d'indemnité de mise à la retraite de 59 123, 15 euros ;

AUX MOTIFS QUE « Monsieur X... conteste le calcul de l'indemnité de mise à la retraite au motif qu'il a reçu une indemnité de 147. 807, 93 euros qui correspondrait à une indemnité légale de licenciement ; que Monsieur X... prétend qu'il a droit à l'indemnité de mise à la retraite prévue pour l'âge de 65 ans majorée de 40 % sans qu'elle soit inférieure à 33 % de l'indemnité conventionnelle qui lui aurait été versée en cas de licenciement ; que toutefois le salarié applique tout à la fois l'indemnité légale de licenciement et une majoration de 40 %, alors que cette majoration ne peut porter sur l'indemnité de licenciement, mais sur l'indemnité de mise à la retraite prévue pour l'âge de 65 ans ; que si Monsieur X... avait perçu une indemnité de départ à la retraite prévue à 65 ans majorée de 40 %, celle-ci aurait été inférieure de moitié à celle qu'il a perçue ; que Monsieur X... sera débouté de sa demande et le jugement sera confirmé » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « En droit, l'article L1237-7 stipule : " La mise à la retraite d'un salarié lui ouvre droit à une indemnité de mise à la retraite au moins égale à l'indemnité de licenciement prévue à l'Article L1234-9 " ; En l'espèce, la Société SMABTP démontre dans ses écritures qu'après avoir fait la comparaison entre le versement de l'indemnité de mise à la retraite majorée de 40 % comme le prévoit l'accord du 14 octobre 2004 et le versement de l'indemnité légale de licenciement, il était plus favorable pour Monsieur X... de percevoir cette indemnité légale. La majoration n'étant applicable que dans le cadre de l'accord du 14 octobre 2004, Monsieur X... est mal fondé d'en demander l'application pour l'indemnité légale de licenciement. En conséquence, le Conseil ne fera pas droit à cette demande » ;

ALORS QUE l'article 7 de l'accord du 14 octobre 2004 stipule que le salarié mis à la retraite doit bénéficier d'une « indemnité calculée dans les mêmes conditions qu'en cas de mise à la retraite à l'âge de 65 ans ou plus, majorée de (¿) 40 % pour le salarié dont la mise à la retraite est notifiée entre son 63ème et son 64ème anniversaire sans que cette indemnité soit inférieure à 33 % de l'indemnité conventionnelle qui lui aurait été versée en cas de licenciement » ; qu'en l'espèce, l'employeur ayant fait le choix de retenir le mode de calcul, plus favorable, de l'indemnité légale de licenciement pour déterminer le montant de l'indemnité de mise à la retraite, il devait majorer cette indemnité de 40 % pour déterminer le montant dû à monsieur X... mis à la retraite à l'âge de 63 ans ; qu'en affirmant au contraire que monsieur X... ne pouvait pas prétendre à la majoration de l'article 7 de l'accord du 14 octobre 2004, la Cour d'appel a violé ce texte.

ECLI:FR:CCASS:2013:SO01322
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