Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 3 juillet 2013, 12-19.268, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 14 mars 2012), que Mme X... a été engagée le 30 avril 2001 par la société Sécuritas France en qualité de directrice d'agence ; que les parties ont conclu le 1er mars 2010 une convention de rupture du contrat de travail, homologuée par l'autorité administrative ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à la requalification de la rupture conventionnelle en licenciement sans cause réelle et sérieuse et au paiement de diverses sommes ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal de la salariée :

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de déclarer la rupture conventionnelle conclue avec son employeur valide, alors, selon le moyen :

1° / que les parties au contrat de travail peuvent convenir du principe d'une rupture conventionnelle lors d'un ou plusieurs entretiens au cours desquels elles peuvent l'une et l'autre se faire assister par une personne de leur choix ; qu'un délai raisonnable est requis entre l'entretien et la signature de l'acte de rupture afin de leur permettre de prendre les dispositions nécessaires notamment pour se faire assister ; qu'en se bornant à constater, afin de déclarer la rupture conventionnelle valide, que Mme X... et la société Sécuritas s'étaient rencontrées le 1er mars 2010, date à laquelle la convention de rupture conventionnelle avait été signée entre elles, sans constater que Mme X... avait disposé d'un délai raisonnable afin de pouvoir s'organiser pour se faire assister, la cour d'appel a violé l'article L. 1237-12 du code du travail ;

2° / que si l'employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie, la rupture conventionnelle, laquelle est exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée à son cocontractant par l'une ou l'autre des parties ; qu'en affirmant que Mme X... ne démontrait pas qu'une modification de ses attributions était sur le point de lui être imposée ou qu'elle avait été poussée par son employeur à accepter une rupture conventionnelle de son contrat de travail, tout en constatant, dans le même temps, que Mme X... avait bien été amenée à consentir à cette rupture amiable en raison de l'adjonction à son poste de coordinateur métiers de nouvelles fonctions de directrice d'un centre de formation de cette société, que cette acceptation avait été délivrée dans un contexte non dénié de pleurs et d'épuisement hiérarchique, ce qui établissait les pressions et les manoeuvres exercées à son encontre par son employeur, et qu'en outre, après le départ de Mme X... deux salariés distincts avaient été embauchés pour occuper le poste de coordinateur métier et celui de directrice de l'école de formation, la cour d'appel n'a pu, sans méconnaître les conséquences légales de ses propres constatations, retenir que l'employeur n'avait pas tenté d'imposer abusivement à celle-ci une modification de ses attributions, ni qu'elle avait été, en dépit du comportement violent et outrancier de son supérieur direct, poussée à signer cette rupture conventionnelle et a, par suite, violé l'article L. 1237-11 du code du travail ;

3° / que la rupture conventionnelle ne peut être utilisée comme mode de rupture lorsqu'il existe depuis une longue période un litige entre les parties sur les conditions d'exécution du contrat de travail ; que dès lors, la cour d'appel, qui a constaté que préalablement à la signature de l'acte de rupture conventionnelle du 1er mars 2010, Mme X... avait adressé à son supérieur un long mail retraçant les relations tumultueuses qu'elle avait dû subir de la part de celui-ci et qu'elle avait refusé la modification de son contrat de travail par l'adjonction de nouvelles fonctions à son poste de responsabilité de chef de centre, n'a pu déclarer valide la conclusion de cette rupture conventionnelle, incompatible avec l'existence d'un refus de la salariée de la modification de son contrat de travail, ce refus étant de toute façon constitutif d'un litige déjà né entre les parties avant la signature de l'acte ; que partant, l'arrêt attaqué a encore violé l'article L. 1237-11 du code du travail ;

Mais attendu, d'abord, que l'article L. 1237-12 du code du travail n'instaure pas de délai entre, d'une part, l'entretien au cours duquel les parties au contrat de travail conviennent de la rupture du contrat et, d'autre part, la signature de la convention de rupture prévue à l'article L. 1237-11 du code du travail ;

Attendu, ensuite, que l'existence d'un différend entre les parties au contrat de travail n'affecte pas par elle-même la validité de la convention de rupture conclue en application de l'article L. 1237-11 du code du travail ;

Attendu, enfin, que la cour d'appel a relevé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, qu'aucune pression ou contrainte n'avait été exercée sur la salariée pour l'inciter à choisir la voie de la rupture conventionnelle ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen du pourvoi principal de la salariée :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le pourvoi incident de l'employeur :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, que les juges du fond qui accordent le paiement d'une somme déterminée ne peuvent allouer des dommages-intérêts distincts des intérêts moratoires sans constater l'existence, pour le créancier, d'un préjudice indépendant du retard apporté au paiement par le débiteur et causé par sa mauvaise foi ; qu'en accordant à Mme X..., en sus du rappel d'indemnités de congés payés et de droit individuel à la formation qu'elle estimait lui être dû, une somme à titre de dommages-intérêts sans caractériser le préjudice subi par la salariée, indépendamment du retard apporté au paiement par le débiteur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1153 du code civil ;

Mais attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni de la procédure que l'employeur ait contesté pour ce motif en appel la condamnation prononcée à ce titre par le jugement ; que le moyen ne saurait être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois principal et incident ;

Laisse à chaque partie la charge des dépens afférents à son pourvoi ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois juillet deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Laugier et Caston, avocat aux Conseils, pour Mme X..., demanderesse au pourvoi principal


PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la rupture conventionnelle conclue entre Madame X... et la société SECURITAS était valide ;

AUX MOTIFS QU'aux termes des dispositions de l'article L.1237-11 du Code du travail, « l'employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie. La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties ¿ » ; que l'article L.1237-12 dispose que « les parties au contrat conviennent du principe d'une rupture conventionnelle lors d'un ou plusieurs entretiens au cours desquels le salarié peut se faire assister par une personne de son choix ¿ ; que l'article L.1237-13 al. 3 dispose pour sa part qu'à « compter de la date de sa signature par les deux parties, chacune d'entre elles dispose d'un délai de 15 jours calendaires pour exercer son droit de rétractation. Ce droit est exercé sous la forme d'une lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de réception par l'autre partie. » qu'enfin, l'article L 1237-14 prévoit que la validité de la convention est subordonnée à son homologation par l'autorité administrative dont la mission est essentiellement de s'assurer du respect des conditions d'élaboration de la convention et de la liberté de consentement des parties ; qu'il est constant qu'en application de ces textes, la validité de la rupture conventionnelle n'est pas seulement subordonnée à son homologation, mais également au respect de toutes les règles relatives à la cause, à l'objet, à la capacité et au consentement des parties ; qu'ainsi une rupture conventionnelle peut être annulée pour vice du consentement ; qu'en l'espèce, il résulte des éléments de la cause que la rupture conventionnelle a été signée par les parties le 1er mars 2010 ; que Madame X... soutient en premier lieu que la régularisation de la rupture conventionnelle le 1er mars a eu lieu sans qu'aucun entretien n'ait été organisé ; que cette version est toutefois contestée par l'employeur qui fait valoir, sans être utilement contredit que les parties se sont rencontrées le 1er mars 2010 pour la signature du contrat, de sorte que les dispositions de l'article L.1237-12 ont été respectées ; que Madame X... soutient surtout qu'elle a fait l'objet de pressions de la part de Monsieur Y... qui sont à l'origine de la rupture conventionnelle qu'elle a acceptée ; qu'il résulte des faits de la cause que préalablement à la signature de l'acte de rupture : -le 7 février 2010, Madame X... a fait l'objet d'une évaluation individuelle par Monsieur Y... ; que le compte rendu de cette évaluation qui n'est pas particulièrement défavorable à Madame X... ne comporte aucune remarque particulière de celle-ci sur ses conditions de travail ¿le 23 février 2010, Madame X... a écrit à Monsieur Y... un long courriel reprenant l'historique de leurs difficultés relationnelles et de leurs différends professionnels, Madame X... indiquant à son supérieur hiérarchique à cette occasion qu'elle refusait de prendre la direction de l'école régionale, et concluant sa missive comme suit : « je décide donc de ne pas accepter les modifications que vous souhaitez apporter à mon poste et vous demande de me communiquer la solution que vous souhaitez trouver à cette situation. » ; que Madame X... produit l'attestation de Madame Z..., collègue de travail qui indique que le 23 février 2010, Madame X... est venue, en pleurs, lui exposer qu'elle avait eu une altercation avec Monsieur Y... qui souhaitait qu'elle assure, en plus de ses attributions, la direction d'une école de formation ; qu'ainsi que l'a jugé le conseil de prud'hommes, ces pièces ne permettent pas d'établir que Madame X... aurait été victime de pressions à l'origine de son acceptation de la rupture conventionnelle ; que si le courriel du 23 février 2010 et l'attestation de Madame Z... rendent incontestablement compte d'un certain état d'épuisement hiérarchique, ils sont insuffisants à démontrer qu'une modification de ses attributions était sur le point de lui être imposée et qu'elle a été poussée par son employeur à accepter une rupture conventionnelle de son contrat de travail ;

ET, AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES DU JUGEMENT ENTREPRIS, QUE Madame X... semblait pleinement satisfaite de ses fonctions de coordinateur métier basées à NIORT, l'entretien du 8 février 2010 ne faisant mention d'aucune remarque ; que lors de cet entretien, Monsieur Y... lui a indiqué qu'une réflexion était en cours au sein de l'entreprise et qu'il pressentait Madame X... ainsi qu'une autre personne pour prendre la direction de l'école de formation ; qu'aucune proposition écrite n'a été faite en ce sens à Madame X... ; que, le 12 février, il n' y a eu aucune altercation contrairement à ce qu'indique Madame X..., Monsieur Y... lui ayant simplement rappelé quelles étaient les priorités et n'ayant pas arraché des mains de Madame X... l'agenda, mais ayant rayé les deux jours de formation en lui rappelant que la priorité était de répondre à un client mécontent ; qu'elle convient d'ailleurs dans son mail du 22 février 2010 qu'elle était d'accord, que c'était l'urgence absolue et qu'elle avait trouvé une date dans son agenda pour rencontrer le client ; que par son courriel, Madame X... précise qu'elle refuse les modifications apportées à son poste et demande quelle solution sera trouvée à sa situation ; qu'elle a alors proposé une orientation vers un poste de coach qui n'existe pas au sein de la société ; que c'est dans ces conditions qu'une rupture conventionnelle a été discutée entre les parties ;

1°) ALORS QUE les parties au contrat de travail peuvent convenir du principe d'une rupture conventionnelle lors d'un ou plusieurs entretiens au cours desquels elles peuvent l'une et l'autre se faire assister par une personne de leur choix ; qu'un délai raisonnable est requis entre l'entretien et la signature de l'acte de rupture afin de leur permettre de prendre les dispositions nécessaires notamment pour se faire assister ; qu'en se bornant à constater, afin de déclarer la rupture conventionnelle valide, que Madame X... et la société SECURITAS s'étaient rencontrées le 1er mars 2010, date à laquelle la convention de rupture conventionnelle avait été signée entre elles, sans constater que Madame X... avait disposé d'un délai raisonnable afin de pouvoir s'organiser pour se faire assister, la Cour d'appel a violé l'article L.1237-12 du Code du travail ;

2°) ALORS QUE si l'employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie, la rupture conventionnelle, laquelle est exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée à son cocontractant par l'une ou l'autre des parties ; qu'en affirmant que Madame X... ne démontrait pas qu'une modification de ses attributions était sur le point de lui être imposée ou qu'elle avait été poussée par son employeur à accepter une rupture conventionnelle de son contrat de travail, tout en constatant, dans le même temps, que Madame X... avait bien été amenée à consentir à cette rupture amiable en raison de l'adjonction à son poste de coordinateur métiers de nouvelles fonctions de directrice d'un centre de formation de cette société, que cette acceptation avait été délivrée dans un contexte non dénié de pleurs et d'épuisement hiérarchique, ce qui établissait les pressions et les manoeuvres exercées à son encontre par son employeur, et qu'en outre, après le départ de Madame X... deux salariés distincts avaient été embauchés pour occuper le poste de coordinateur métier et celui de directrice de l'école de formation, la Cour d'appel n'a pu, sans méconnaître les conséquences légales de ses propres constatations, retenir que l'employeur n'avait pas tenté d'imposer abusivement à celle-ci une modification de ses attributions, ni qu'elle avait été, en dépit du comportement violent et outrancier de son supérieur direct, poussée à signer cette rupture conventionnelle et a, par suite, violé l'article L.1237-11 du Code du travail ;

3°) ALORS QUE la rupture conventionnelle ne peut être utilisée comme mode de rupture lorsqu'il existe depuis une longue période un litige entre les parties sur les conditions d'exécution du contrat de travail ; que dès lors, la Cour d'appel, qui a constaté que préalablement à la signature de l'acte de rupture conventionnelle du 1er mars 2010, Madame X... avait adressé à son supérieur un long mail retraçant les relations tumultueuses qu'elle avait dû subir de la part de celui-ci et qu'elle avait refusé la modification de son contrat de travail par l'adjonction de nouvelles fonctions à son poste de responsabilité de chef de centre, n'a pu déclarer valide la conclusion de cette rupture conventionnelle, incompatible avec l'existence d'un refus de la salariée de la modification de son contrat de travail, ce refus étant de toute façon constitutif d'un litige déjà né entre les parties avant la signature de l'acte ; que partant, l'arrêt attaqué a encore violé l'article L.1237-11 du Code du travail.


SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame X... de sa demande tendant à voir condamner la société SECURITAS à lui payer une somme de 50.000 ¿ à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;

AUX MOTIFS QU'en vertu de l'article L.1152-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que par ailleurs, aux termes de l'article L.1154-1 du même code, en cas de litige relatif à l'application de l'article L.1152-1, dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'à l'appui de sa demande, Madame X... produit des courriels adressés indifféremment par Monsieur Y... à elle-même, aux autres directeurs d'agence, ou aux collaborateurs de celle-ci ; que si ces courriels témoignent de la grossièreté de leur émetteur, ils ne permettent cependant pas de laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral de Monsieur Y... spécifiquement à l'endroit de Madame X... ; que de même les deux courriels adressés par celle-ci, l'un en 2007 l'autre trois ans plus tard, le 23 février 2010, qui ne sont par ailleurs étayés par aucun élément objectif d'appréciation, ne permettent pas d'établir l'existence des faits répétés de harcèlement moral dont elle s'estime victime ;

ET, AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES DU JUGEMENT ENTREPRIS, QUE Madame X... semblait pleinement satisfaite de ses fonctions de coordinateur métier basées à NIORT, l'entretien du 8 février 2010 ne faisant mention d'aucune remarque ; que lors de cet entretien, Monsieur Y... lui a indiqué qu'une réflexion était en cours au sein de l'entreprise et qu'il pressentait Madame X... ainsi qu'une autre personne pour prendre la direction de l'école de formation ; qu'aucune proposition écrite n'a été faite en ce sens à Madame X... ; que, le 12 février, il n'y a eu aucune altercation contrairement à ce qu'indique Madame X..., Monsieur Y... lui ayant simplement rappelé quelles étaient les priorités et n'ayant pas arraché des mains de Madame X... l'agenda, mais ayant rayé les deux jours de formation en lui rappelant que la priorité était de répondre à un client mécontent ; qu'elle convient d'ailleurs dans son mail du 22 février 2010 qu'elle était d'accord, que c'était l'urgence absolue et qu'elle avait trouvé une date dans son agenda pour rencontrer le client ; que par son courriel, Madame X... précise qu'elle refuse les modifications apportées à son poste et demande quelle solution sera trouvée à sa situation ; qu'elle a alors proposé une orientation vers un poste de coach qui n'existe pas au sein de la société ; que c'est dans ces conditions qu'une rupture conventionnelle a été discutée entre les parties ; que l'attitude de Monsieur Y... envers Madame X..., à la suite de sa mutation au poste de coordinateur métier région montre que celui-ci ne lui avait gardé aucune rancune, contrairement à ce qu'elle affirme ; que Madame X... sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;

1°) ALORS QU'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en procédant à une appréciation séparée de chaque élément invoqué par Madame X..., quand il lui appartenait de dire si, pris dans leur ensemble, les éléments matériellement établis, en l'occurrence les courriels adressés par Monsieur Y..., laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral et dans l'affirmative d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral, la Cour d'appel a violé les articles L.1152-1 et L.1154-1 du Code du travail ;

2°) ALORS QU' en affirmant que les deux courriels adressés par Madame X..., l'un en 2007 et l'autre le 23 février 2010, à Monsieur Y... n'étaient étayés par aucun élément objectif d'appréciation et ne permettaient pas d'établir l'existence de faits répétés de harcèlement moral, la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve en faisant peser sur Madame X... la charge de prouver la réalité d'un harcèlement moral et a violé les articles L.1152-1 et L.1154-1 du Code du travail.

Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Sécuritas France, demanderesse au pourvoi incident


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société SECURITAS à payer à Madame X... la somme de 500 ¿ à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE « faute de contestation utile, c'est par des motifs que la cour adopte que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a alloué à Mme X... les sommes de 992,84 ¿ au titre des congés payés et 500 ¿ à titre de dommages et intérêts » ;

ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES QUE « ladite Société n'a fait preuve d'aucun empressement pour verser à Madame X... des sommes qu'elle reconnaît lui devoir et que cela justifie des dommages et intérêts pour un montant de 500 ¿ » ;

ALORS QUE les juges du fond qui accordent le paiement d'une somme déterminée ne peuvent allouer des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires sans constater l'existence, pour le créancier, d'un préjudice indépendant du retard apporté au paiement par le débiteur et causé par sa mauvaise foi ; qu'en accordant à Madame X..., en sus du rappel d'indemnités de congés payés et de droit individuel à la formation qu'elle estimait lui être dû, une somme à titre de dommages et intérêts sans caractériser le préjudice subi par la salariée, indépendamment du retard apporté au paiement par le débiteur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1153 du Code civil.

ECLI:FR:CCASS:2013:SO01275
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