Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 4 juin 2013, 12-19.203, Inédit
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 12-19.203
- ECLI:FR:CCASS:2013:C300670
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation
- Président
- M. Terrier (président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu le principe selon lequel nul ne peut causer à autrui un trouble anormal de voisinage, ensemble l'article 544 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Metz, 7 février 2012), que M. et Mme X... ont assigné en réparation d'un trouble anormal de voisinage leur voisin M. Y..., lui reprochant d'avoir endommagé leur mur séparatif en édifiant en limite de son fonds un mur destiné à contenir de la terre de remblais ;
Attendu que pour débouter M. et Mme X... de leurs demandes, l'arrêt retient que si le mur construit sur le fonds de M. Y... ne l'a pas été dans les règles de l'art en ce qu'il n'est pas "auto-stable", il résulte des constatations de l'expert que les deux murs conjugués permettent d'obtenir un ensemble stable remplissant le rôle de mur de soutènement et que c'est uniquement dans l'hypothèse où M. et Mme X... enlèveraient le mur édifié sur leur propriété que la stabilité du mur de M. Y... se trouverait fortement compomise et que, dans ces conditions, M. et Mme X... n'établissaient pas subir un trouble de voisinage, a fortiori anormal;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle relevait que le mur séparatif édifié sur le fonds de M. et Mme X... avait désormais, par suite des travaux réalisés sans égard aux règles de l'art par M. Y..., acquis pour fonction de contribuer à contenir la terre de remblais déversée sur le fonds de leur voisin, ce dont il résultait qu'ils ne pouvaient plus librement disposer de leur mur, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte et le principe susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 février 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Y... à payer à M. et Mme X... la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de M. Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juin deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...,
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, D'AVOIR débouté les époux X... de leurs demandes ;
AUX MOTIFS QU' « il ressort effectivement du rapport d'expertise judiciaire que le mur réalisé par Biagio Y... n'est pas conforme aux règles de l'art dans la mesure où il n'est pas auto-stable, faute d'être conçu comme un mur de soutènement en L ; que toutefois, l'expert ne retient aucun lien de causalité entre cette absence d'auto-stabilité et les désordres constatés sur le mur de clôture des époux X..., à savoir plusieurs fissures présentes sur la partie ancienne dudit mur ainsi qu'une fissure importante située à la jonction du mur avec le retour d'angle du mur de deux mètres en limite de propriété ; qu'en effet, il résulte du rapport d'expertise qu'aucun déplacement, affaissement ou autre indice de déformation du mur n'ayant été constaté malgré les travaux et l'utilisation du dallage depuis six ans, il s'agit plutôt de fissures esthétiques dues à la vétusté de l'ouvrage ; que le rapport d'expertise privée rédigé le 23 mai 2005 par Gérald Z... pour le cabinet OCB.BRION, et produit par les époux X... a par ailleurs conclu que la fissuration entre le mur en retour délimitant les parcelles 4701 et 4702 et celui datant de 1977 avec renfort en 1981 faisant 3 mm en partie haute s'expliquait notamment par l'absence de harpage entre les deux corps d'ouvrage ; qu'il n'y a donc actuellement pas trace d'une transmission d'effort du mur construit par Biagio Y... au mur de clôture des époux X... contre lequel il s'appui ; que par ailleurs, la circonstance que le mur édifié par Biagio Y... ne soit pas auto-stable ne met pas à la charge des époux X... une obligation particulière d'entretien de leur propre mur ; que le rapport d'expertise judiciaire révèle en effet que les deux murs conjugués permettent d'obtenir un élément constituant un ensemble stable remplissant le rôle de mur de soutènement, fonction qu'aucun des deux murs n'est susceptible de remplir de façon indépendante, et que c'est uniquement dans l'hypothèse où les époux X... enlèveraient le mur édifié sur leur propriété que la stabilité du mur de Biagio Y... serait fortement compromise ; qu'or, il n'est pas fait état par les époux X... d'une quelconque intention de procéder à la suppression de leur mur de clôture, lequel assure au demeurant une fonction de maintien des terres situées sur leur propriété ; que les travaux d'entretien du mur de clôture des époux X... préconisés par l'expert sont uniquement destinés à éviter toute infiltration d'eau dans sa structure qui serait susceptible d'entraîner une détérioration par le gel ; qu'il résulte des motifs susvisés que dans sa configuration actuelle, le mur construit par Biagio Y... ne pose aucun problème et qu'au contraire, c'est uniquement la présence conjuguée des deux murs qui assure la stabilité de chacun d'eux ; que dans ces conditions, les époux X... ne démontrent pas que le mur édifié par Biagio Y... leur occasionne un trouble de voisinage, a fortiori anormal ; qu'en conséquence, il convient d'infirmer la décision entreprise et, statuant à nouveau, de débouter les époux X... de leurs demandes » ;
ALORS D'UNE PART QUE causent un trouble anormal de voisinage les travaux qui engendrent à la charge d'un voisin des obligations nouvelles auxquelles il n'est légalement pas tenu et qui portent atteinte à son droit de propriété ; qu'il en va ainsi de travaux sur un fonds qui confèrent à un mur simplement séparatif situé sur un fonds contigu la qualité de mur de soutènement, générant des contraintes nouvelles à la charge de son propriétaire sans qu'il en soit pourtant légalement tenu ; qu'en refusant de retenir l'existence d'un trouble anormal de voisinage, après avoir relevé qu'à la suite de l'aménagement de Monsieur Y..., seuls les deux murs conjugués permettaient d'obtenir un élément constituant un ensemble stable remplissant le rôle de mur de soutènement, fonction qu'aucun des deux murs n'était susceptible de remplir de façon indépendante, ce dont il résultait pourtant nécessairement, peu important qu'aucune charge d'entretien n'ait été jugée nécessaire, une atteinte au droit des époux X... à disposer de leur mur comme il leur convenait, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatation, en violation du principe suivant lequel nul ne peut causer à autrui un trouble anormal de voisinage ;
ALORS D'AUTRE PART, et en tout état de cause, QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que les époux X... faisaient pertinemment valoir dans leurs écritures que « c'est à celui qui effectue des opérations de remblai, qui ont pour conséquences de provoquer des différences de niveau de sol entre des fonds voisins, d'assurer seul le maintien des terres ainsi remblayées, sur sa propre parcelle. » (Conclusions d'appel des exposants, page 15, § 3) ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans répondre à ces écritures, en se prononçant sur l'étendue des obligations mises à la charge de Monsieur Y..., la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.