Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 29 mai 2013, 12-18.485, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 12-18.485
- ECLI:FR:CCASS:2013:SO01022
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- M. Chollet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er mars 2012) que M. X..., engagé par les sociétés Société d'édition et de documentation de l'industrie hôtelière (SEDIH) et Sogec Europe en qualité de rédacteur en chef adjoint puis de rédacteur en chef par contrats de travail à temps partiel, a été victime le 4 septembre 2007 d'un accident du travail ; qu'à la suite de deux visites médicales, il a été déclaré par le médecin du travail le 24 novembre 2007 inapte à tout poste dans l'entreprise ; qu'ayant été licencié par les sociétés SEDIH et Sogec Europe le 18 décembre 2008 pour inaptitude et impossibilité de reclassement, il a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le second moyen :
Attendu que les employeurs font grief à l'arrêt de les condamner à payer au salarié diverses sommes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que lorsque le salarié est médicalement inapte à son poste de travail, l'employeur se trouve dans l'obligation de le licencier dès lors qu'il ne peut procéder à son reclassement ; qu'en estimant que le licenciement de M. X..., prononcé pour inaptitude physique, était dépourvu de cause réelle et sérieuse dès lors que les sociétés SEDIH et Sogec Europe avaient imposé au salarié un volume anormal de travail ayant participé de façon déterminante à cette inaptitude, tout en constatant par ailleurs que le salarié avait été régulièrement déclaré inapte à tout poste dans l'entreprise par le médecin du travail, ce qui conférait nécessairement au licenciement une cause réelle et sérieuse dès lors que n'était pas invoqué un manquement de l'employeur à son obligation de reclassement, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 1232-1 du code du travail ;
Mais attendu que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité ;
Et attendu qu'ayant relevé que le volume anormal de travail imposé au salarié pendant près de trois ans avait participé de façon déterminante à son inaptitude consécutive à un accident du travail, et ainsi caractérisé un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, la cour d'appel en a exactement déduit, quand bien même le salarié n'invoquait pas un manquement de l'employeur à son obligation de reclassement, que le licenciement du salarié était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société SEDIH et la société Sogec Europe aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, déboute ces sociétés de leur demande et condamne chacune d'elles à payer à M. X... la somme de 1 250 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mai deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par Me Balat, avocat aux Conseils, pour la Société d'édition et de documentation de l'industrie hôtelière et la société Sogec Europe
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Sedih et la société Sogec Europe, au titre des heures complémentaires, à payer à M. X..., respectivement, les sommes de 76.534,22 outre 7.653,42 au titre des congés payés incidents, et de 57.735,75 outre 5.773,57 au titre des congés payés incidents ;
AUX MOTIFS QU' il n'est pas contesté que M. X... exerçait les fonctions de journaliste et rédacteur en chef dans chacune des deux sociétés appelantes ; qu'aux termes de la fiche de définition de poste, non utilement contestée, versée aux débats par les deux sociétés appelantes, le rédacteur en chef anime une équipe de journalistes et veille au respect de la ligne éditoriale d'une publication ; qu'il assure également le lien avec la direction et les autres services techniques et administratifs ; qu'il résulte des pièces communiquées aux débats par M. X... que la politique de réduction des coûts en effectifs menée par les deux sociétés appelantes et, partant, ses conséquences sur le volume de travail de l'intéressé, est démontrée par la comparaison entre les « ours » des revues éditées par celles-ci ; qu'ainsi, il ressort de l' « ours » de la revue BRA, éditée par la Sogec Europe, qu'en 1996, avant le rachat de ce magazine, y travaillaient un rédacteur en chef, un secrétaire de rédaction, quatre rédacteurs, un directeur artistique, un maquettiste et deux reporters photographes et qu'en 2007, seul M. X... apparaît dans l'ours de cette revue comme rédacteur en chef, les autres personnes n'y figurant plus ; qu'ainsi, M. X... n'est pas utilement contredit lorsqu'il affirme qu'il a dû assurer les postes permanents de la rédaction précités, outre les fonctions de secrétaire de rédaction au sein de ce magazine ; que de même, alors qu'en 2002, lors de sa reprise, le magazine « l'Industrie Hôtelière » employait trois personnes à temps complet à la rédaction comme il ressort de son « Ours », à savoir un rédacteur en chef, un rédacteur, un secrétaire de rédaction maquettiste, outre des collaborateurs et des correspondants, force est de constater qu'en 2007 ne figure plus sur l'ours du même magazine que M. X... en tant que rédacteur en chef, des correspondants et des collaborateurs, les postes de rédacteur et de secrétaire de rédaction ayant disparu, la maquette ayant été externalisée dans un société à Bourges ; que là encore, M. X... n'est pas utilement contredit lorsqu'il affirme qu'il a alors assuré ces différentes fonctions, dans le cadre d'un mi-temps, assurant en 2007 en outre le travail des deux autres salariés permanents de la rédaction ; qu'en outre, les appelantes ne contestent pas que la journaliste à temps complet employée par la Sedih, Mme Z..., démissionnaire en décembre 2005, n'a pas été remplacée avant 2007 et que ses fonctions ont été assurées par M. X..., étant observé qu'aucun élément probant n'établit que ce dernier était à l'origine de l'absence de remplacement de cette journaliste et en particulier à son remplacement à titre définitif par des pigistes, notamment sa compagne ; qu'alors que la réduction des effectifs, notamment de la rédaction des deux revues, l'Industrie Hôtelière et le BRA, passée de quarante-cinq à neuf comme le reconnaissait l'employeur lui-même dans l'une de ses revues, induisait nécessairement un plus grand recours aux pigistes, l'interdiction faite à M. X..., par courrier du 22 septembre 2006, de dépasser le budget consacré aux pigistes, conduisait là encore nécessairement à augmenter le travail de l'intéressé lui-même dans la mesure où il ne pouvait confier aux pigistes le surplus de son travail en découlant ; qu'à cet égard, les deux sociétés appelantes reconnaissent la diminution des piges entre 2006 et 2007, passées pour la Sedih de 23.379,62 piges en 2006 à 13.281,36 piges en 2007, et pour la Sogec Europe de 14.417,61 piges en 2006 à 9.602,40 piges en 2007 en invoquant une augmentation excessive de ces piges entre 2005 et 2006 alors qu'aucun élément probant n'établit que cette augmentation n'était pas nécessaire compte tenu de la baisse des effectifs au sein des deux rédactions dont M. X... était en charge ; qu'en outre, ses tâches de rédacteur en chef comprenaient les responsabilités suivantes, non utilement contredites par les appelants, à savoir déterminer les sujets à traiter en liaison avec les responsables des deux sociétés, confier certains de ces sujets à des pigistes, vérifier les sujets traités, contrôler le travail des maquettistes, y compris externalisés ; que, dans ces conditions, le jugement déféré n'est pas utilement contredit lorsqu'il a constaté la surcharge de travail imposé au salarié, et, partant, le nombre d'heures complémentaires effectuées par M. X..., au vu des documents produits par celui-ci, en particulier le constat d'huissier, établi le 10 septembre 2009, comparé avec le relevé de production communiqué par les deux employeurs, et les tableaux établis par le salarié lui-même, ayant servi de base au constat d'huissier ; qu'en ce qui concerne le constat d'huissier susvisé, s'il ne revêt aucun caractère contradictoire, il constitue néanmoins un élément de preuve dans la mesure où il est fondé sur différents éléments de fait, communiqué par le salarié, notamment les différentes revues éditées par les deux sociétés appelantes, sur la période de 2006 à 2007, à savoir en 2006, sept revues de « l'Industrie Hôtelière », sans compter le numéro spécial, six revues de BRA, une revue dénommée « Le Chef », en 2007, sept revues de « l'Industrie Hôtelière » dont le numéro spécial, et six revues de BRA ; qu'il convient de relever que l'huissier de justice susvisé a précisé qu'il avait tenu compte des articles, « news », rubriques et fiches pratiques dans la mesure où elles étaient identifiables comme écrites par le salarié, sous son nom ou son pseudonyme de Resseguié, et ce, pour les huit premiers mois des années 2006 et 2007 ; qu'au vu des tableaux précis remis par le salarié et non utilement contredits par les deux sociétés appelantes, il a constaté un nombre total de 1.065.757 signes en 2006 et de 1.506.221 signes en 2007, ce dont il déduit que l'augmentation du nombre de signes entre 2006 et 2007 s'élevait à 41,23 % ; que le « tableau d'évolution de la production de M. X... », établi par ce dernier, intégré dans le constat d'huissier de justice susvisé, fait état pour les huit premiers mois de 2006 d'une production totale de 710,5 feuillets et donc d'une moyenne mensuelle de parution de 118,4 feuillets, ainsi que de 1.004,2 feuillets sur la même période de huit mois en 2007, correspondant à 167,4 feuillets de moyenne mensuelle de parution ; que ces chiffres sont très proches de ceux admis par les deux sociétés appelantes dans les relevés de production qu'elles communiquent, à savoir 2.035.886 signes d'octobre 2006 à septembre 2006, soit 1.357,3 feuillets ; que le salarié fait observer à juste titre que sur cette période, il n'y a lieu de ne retenir que 10,5 mois effectifs, en comptabilisant les congés payés et jours fériés, ainsi que le temps consacré à un numéro spécial de « l'Industrie Hôtelière », paru en mai 2006, de 45 pages, ce qui le conduit à évaluer sa production mensuelle à 129,3 feuillets pendant cette période ; que de même, les sociétés appelantes évaluent à 1.463.181 signes la production du salarié pour les six premiers mois de 2007, soit 975,5 feuillets, chiffre proche de celui retenu par l'huissier de justice en a comptabilisé, à savoir 1.004,2 ; que c'est en vain que les sociétés appelantes prétendent que les chiffres communiqués par le salarié sont irréalistes, alors que les 170 feuillets susvisés correspondent à 35,85 heures complémentaires de travail ; que, comme l'a relevé le conseil de prud'hommes cette production est anormalement élevée au regard de la moyenne de 50 feuillets communément pratiquée dans les journaux, ainsi qu'il ressort des éléments de comparaison communiqués, qu'il est constant que M. X... n'avait pas conclu de convention de forfait permettant le dépassement de la durée légale du travail ; que, dans la mesure où les sociétés appelantes se bornent à critiquer les évaluations faites par le salarié, sans communiquer d'informations précises sur l'activité réelle de M. X..., compte tenu du surcroît de travail lui incombant du fait de la réduction des effectifs, il y a lieu de confirmer les jugements déférés dans l'exacte évaluation faite des heures complémentaires dues au salarié sur la période de février 2004 à août 2007 ;
ALORS QUE la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que si l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient à ce dernier de fournir préalablement au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par lui ; qu'en faisant droit à la demande en paiement d'heures supplémentaires présentée par M. X... au titre de la période de février 2004 à août 2007, au seul motif que le salarié rapportait la preuve de ce qu'il s'était trouvé confronté à un surcroît de travail l'obligeant à rédiger plus d'articles, sans que soit établi que ce surcroît de travail ne pouvait se résorber dans le cadre de l'horaire qui avait été rémunéré et qu'il entraînait inéluctablement un allongement de la durée du travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.3171-4 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Sedih et la société Sogec Europe, au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, à payer à M. X..., respectivement, les sommes de 69.268 à titre d'indemnité outre 5.000 au titre du préjudice moral et de 18.320 à titre d'indemnité outre 3.000 au titre du préjudice moral ;
AUX MOTIFS QU' il n'est pas contesté que M. X... a été déclaré régulièrement inapte par le médecin du travail à tout poste dans l'entreprise, au terme de deux visites médicales prévues par le code du travail ; qu'à cet égard, c'est en vain que les deux sociétés employeurs de M. X..., qui ont déposé plainte avec constitution de partie civile le 14 novembre 2011 pour usage de faux certificat, visant un certificat médical, daté du 4 septembre 2007, établi par un médecin d'Ivry-sur-Seine, faisant état d'un « accident du travail », que le salarié leur avait adressé le 27 novembre 2008, peu avant son licenciement, prétendent que M. X... s'est livré à des manoeuvres dolosives pour obtenir un licenciement pour inaptitude physique ne démontrent par aucun élément probant la réalité de telles manoeuvres ; qu'en effet, alors qu'il n'est pas contesté qu'en tout état de cause, le seul certificat médical de nature à établir la réalité d'un accident du travail doit émaner du médecin du travail, ce qui n'était pas le cas du certificat litigieux ; que de même, la circonstance que les deux avis médicaux délivrés par le médecin du travail ne mentionnent pas qu'il s'agit d'un avis donné dans le cadre d'un accident du travail est inopérant alors que ces mêmes avis ne mentionnent pas plus qu'il s'agit d'un avis donné dans le cadre d'un arrêt de travail pour maladie ; que, dans la mesure où ces deux avis sont fondés sur l'inaptitude physique du salarié et que celui-ci a été déclaré rétroactivement par la décision précitée de la CRA du 24 juillet 2008 avoir été en accident du travail le 4 septembre 2007 pour la même pathologie cardiaque, il y a lieu de considérer qu'une l'absence de preuve contraire, les avis d'inaptitude physique délivrés à M. X... les 6 et 24 novembre 2008 l'ont été également dans le cadre et à la suite du précédent accident du travail dont il avait été victime ; qu'il y a en conséquence lieu de faire application des dispositions légales relatives à l'inaptitude physique professionnelle, notamment quant à l'évaluation des indemnités dues de ce chef au salarié ; qu'il s'ensuit que, par cette gestion du personnel effectuée sans considération de l'accroissement de travail hors normes imposé à M. X... et sans prendre les mesures nécessaires pour adapter le volume de travail au nombre de salariés en fonctions, en lui imposant au contraire de limiter le recours aux piges, alors qu'elles n'ignoraient pas ses graves problèmes de santé, les société Sedih et Sogec, qui ne lui ont en outre pas fait passer les examens médicaux périodiques, prescrits par l'article R.4624-16 du code du travail, à savoir tous les deux ans, quand bien même il avait été reconnu apte à la reprise de son travail le 8 octobre 2010, ont manqué à leur obligation d'assurer la sécurité du salarié dans le cadre de son travail, alors qu'en outre l'intéressé avait été reconnu victime d'un accident du travail ; qu'à cet égard, les réticences des deux employeurs à déclarer l'accident cardiaque de M. X... en accident du travail, alors que l'intéressé le leur avait demandé le 30 septembre 2007, revêt un caractère fautif ; que de même, les sociétés Sedih et Sogec ne contestent pas que le salarié est seul à l'origine de la saisine du médecin du travail ayant abouti à la contestation de son inaptitude physique en novembre 2008 alors qu'il leur revenait d'organiser un contrôle médical de l'intéressé ; que c'est en vain que les sociétés appelantes prétendent que le salarié n'a pas contesté ce volume alors qu'il a protesté, par courrier du 29 septembre 2007, contre la surcharge de travail qu'il estimait être la sienne, faisant état de 30 % de production supplémentaire sur les huit premiers mois en 2007, alertant même les services de l'inspection du travail ; qu'il s'ensuit qu'en raison du comportement fautif des deux employeurs de M. X... dans l'exécution de son contrat de travail, à savoir le volume anormal de travail donné au salarié, et qui a participé de façon déterminante à l'origine de son inaptitude physique, elle-même reliée par le médecin du travail à l'accident du travail dont il avait été victime, le licenciement de celui-ci, fondé sur cette même inaptitude physique, est sans cause réelle et sérieuse ;
ALORS QUE lorsque le salarié est médicalement inapte à son poste de travail, l'employeur se trouve dans l'obligation de le licencier dès lors qu'il ne peut procéder à son reclassement ; qu'en estimant que le licenciement de M. X..., prononcé pour inaptitude physique, était dépourvu de cause réelle et sérieuse dès lors que les sociétés Sedih et Sogec Europe avaient imposé au salarié une volume anormal de travail ayant participé de façon déterminante à cette inaptitude (arrêt attaqué, p. 15 § 1), tout en constatant par ailleurs que le salarié avait été régulièrement déclaré inapte à tout poste dans l'entreprise par le médecin du travail (arrêt attaqué, p. 14 § 2), ce qui conférait nécessairement au licenciement une cause réelle et sérieuse dès lors que n'était pas invoqué un manquement de l'employeur à son obligation de reclassement, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L.1232-1 du code du travail.