Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 23 mai 2013, 12-13.015, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 12-13.015
- ECLI:FR:CCASS:2013:SO00949
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation
- Président
- M. Blatman (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... et soixante-huit autres salariés des sociétés ERDF et GRDF ont saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement de dommages-intérêts pour défaut de respect de la règle des onze heures de repos quotidien ; que le syndicat CGT du personnel des industries électrique et gazière de Mulhouse-Sélestat est intervenu volontairement à l'instance ;
Sur le premier moyen :
Vu les articles L. 3131-1 du code du travail, interprété à la lumière des directives européennes 93/ 104/ CE et 2003/ 88/ CE et L. 3171-4 du code du travail ;
Attendu que pour débouter les salariés de leur demande de dommages-intérêts pour défaut de respect du repos quotidien de onze heures, l'arrêt retient que les salariés ne supportent certes pas seuls la charge de la preuve des manquements invoqués à la durée minimale de repos quotidien ; que lorsque le litige vient à porter sur le nombre d'heures de repos et donc sur le nombre d'heures travaillées, il incombe aux employeurs de fournir les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par les salariés ; qu'en application de l'article L. 3171-4, alinéa 2, du code du travail, il appartient néanmoins aux salariés de préalablement établir des éléments de fait de nature à étayer leurs prétentions ; que faute pour ceux-ci de satisfaire à leur obligation préalable, aucun manquement des sociétés intimées ne peut être caractérisé dans le respect de leurs obligations relatives à la durée minimale du repos quotidien ;
Attendu cependant que les dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail relatives à la répartition de la charge de la preuve des heures de travail effectuées entre l'employeur et le salarié ne sont pas applicables à la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne, qui incombe à l'employeur ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Sur le deuxième moyen :
Vu l'article L. 3131-1 du code du travail ;
Attendu que pour débouter les salariés de leur demande en dommages-intérêts au titre du défaut de respect du repos quotidien, l'arrêt retient que les salariés procèdent à une évaluation forfaitaire et uniforme pour réclamer la même somme chacun sans aucunement démontrer leur préjudice personnel ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le défaut de respect par l'employeur du repos quotidien de onze heures cause nécessairement un préjudice au salarié, dont le juge doit fixer la réparation, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le troisième moyen :
Vu l'article L. 2132-3 du code du travail ;
Attendu que pour rejeter la demande de dommages-intérêts du syndicat, l'arrêt retient qu'il invoque une résistance abusive des employeurs sans justifier des démarches qu'il prétend avoir vainement multipliées, hormis l'intervention de sa représentante au comité d'hygiène et de sécurité des conditions de travail du 19 février 2003 ; qu'il n'établit pas même la réalité d'une atteinte à l'intérêt collectif qu'il affirme avoir été bafoué ;
Attendu cependant que le défaut de respect des règles relatives au repos quotidien de onze heures caractérise une atteinte aux intérêts collectifs de la profession ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 novembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne les sociétés ERDF, GRDF, EDF et GDF Suez aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer aux demandeurs la somme globale de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mai deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils pour M. X... et soixante-neuf autres demandeurs
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté les salariés exposants de leurs demandes tendant à ce que les sociétés défenderesses soient condamnées à leur verser à chacun la somme de 10. 500 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait du non-respect par l'employeur des dispositions de la directive européenne 93/ 104/ CE et de l'article L. 3131-5 du code du travail relatives à la dérogation du repos quotidien de onze heures consécutives ;
AUX MOTIFS QUE l'action en responsabilité qu'exercent les appelants suppose que soient établis à leur égard les manquements qu'ils reprochent aux sociétés intimées, ainsi que les préjudices personnels qui en ont résulté ; que d'une part, sur les manquements des sociétés intimées, les parties appelantes invoquent des violations des dispositions relatives au repos quotidien, aujourd'hui énoncées aux articles L. 3131-1 et L. 3131-2 du code du travail et issues de la loi du 13 juin 1998 qui a transposé la directive européenne 93/ 104/ CE du 23 novembre 1993 ; que selon l'article L. 3131-1 du code du travail, tout salarié bénéficie d'un repos quotidien d'une durée minimale de onze heures consécutives ; que selon l'article L. 3131-2 du même code, il peut être dérogé à cette règle par une convention, ou un accord notamment pour des activités caractérisées par la nécessité d'assurer une continuité du service ou par des périodes d'intervention fractionnées, ou par décret en fixant les conditions à défaut de convention ou d'accord et en cas de travaux urgents en raison d'un accident ou d'une menace d'accident, ou de surcroît exceptionnellement d'activité ; que selon l'article D. 3131-5 du même code, l'employeur peut déroger à la période minimale de onze heures de repos quotidien du salarié, sous sa seule responsabilité et en informant l'inspecteur du travail, en cas de travaux urgents dont l'exécution immédiate est nécessaire pour organiser des mesures de sauvetage, prévenir des accidents imminents, ou réparer des accidents survenus aux matériels, aux installations ou aux bâtiments ; que les sociétés intimées admettent que dans leur unité commune, les établissements publics aux droits desquels elles viennent, faisaient assurer des permanences à leur personnel pour assurer, sur les réseaux de distribution de l'électricité et du gaz, des mesures de sauvetage et de prévention ou de réparation des accidents ; que les sociétés intimées admettent également qu'ont été mises en oeuvre avec retard les modalités dérogatoires aux règles susdites, et ce par une note D82-0 du 30 octobre 2003, alors qu'elles s'imposaient depuis la promulgation de la loi du 13 juin 1998 transposant elle-même tardivement les principes énoncés par la directive européenne 93/ 104/ CE du 23 novembre 1993 ; qu'il est enfin rapporté que dès le 19 février 2003, lors d'une réunion de comité d'hygiène et de sécurité des conditions de travail, l'attention des employeurs a été attirée sur la nécessité de respecter les nouvelles règles relatives au repos quotidien ; qu'il n'en résulte pas pour autant qu'il a été effectivement manqué à ces dispositions à l'égard de chacun des salariés demandeurs ; que les appelants ne supportent certes pas seuls la charge de la preuve des manquements invoqués à la durée minimale de repos quotidien ; que dès lors que le litige vient à porter sur le nombre d'heures de repos et donc sur le nombre d'heures travaillées, il incombe aux employeurs de fournir les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par les salariés ; qu'en application de l'article L. 3171-4 alinéa 2 du code du travail, il appartient néanmoins aux demandeurs de préalablement établir des éléments de fait de nature à étayer leurs prétentions ; que les appelants se limitent à présenter vingt-six éléments, à savoir : 1) une attestation par laquelle Mme Alexandra Y... a affirmé que son époux Florian Z... était « fréquemment rentré à 4 ou 5 heures du matin pour repartir ensuite travailler à 7 heures 30 », sans autre précision ; 2) une attestation par laquelle Mme Fabienne A... a indiqué que son époux Guy B... dormait « une moyenne de 3 à 4 heures » et qu'il « était loin des onze heures de repos consécutives », sans autre précision, 3) une attestation par laquelle Danielle C... a indiqué que son époux Gaston D... « ne bénéficiait pas encore des onze heures consécutives de repos », sans autre précision ; 4) une attestation par laquelle Mme Graziella E... a déclaré qu'elle ne comptait pas les nuits pendant lesquelles son mari Michel F... « dormait 2 ou 3 heures et repartait travailler à 7 heures le matin puisqu'il ne bénéficiait pas de temps de repos suffisant pour récupérer ses heures de sommeil » ; 5) une attestation par laquelle Mme Laurence G... a considéré que son concubin Eric H... présentait un état de fatigue accentué par le fait qu'il ne bénéficiait pas de onze heures de repos consécutives, sans autre indication ; 6) une attestation par laquelle Mme Mireille I... a indiqué que son époux Jean-Luc J... ne bénéficiait pas de onze heures consécutives de repos ; 7) une attestation par laquelle Mme Martine K... a affirmé qu'il arrivait souvent à son mari Gérard L... de travailler « 24 heures et plus d'affilée » ; 8) une attestation par laquelle Mme Véronique M... a rapporté le « mal être de toute la famille durant les périodes d'astreintes » de son époux N... PPP... ; 9) une attestation par laquelle Mme Monique O... a indiqué que son époux Robert P... « ne bénéficiait pas des onze heures de repos » ; 10) une attestation par laquelle Mme Marie-Louise Q... a rapporté l'état de fatigue de son mari Henri R..., qu'elle a considéré d'autant plus accentué qu'il « ne bénéficiait pas encore des onze heures consécutives de repos » ; onze) une attestation par laquelle Mme Marie-Sophie S... a dit comment la fatigue s'accumulait lorsque son époux Pascal T... « ne bénéficiait pas encore des onze heures » ; 12) une attestation par laquelle Mme Peggy U... a également dit la fatigue accumulée par son mari André V... « pendant la période où il ne bénéficiait pas des onze heures de repos consécutives » ; 13) une attestation par laquelle Mme Françoise W... a indiqué, sans autre précision, que son conjoint Yves XX... « ne bénéficiait pas de onze heures consécutives de repos » ; 14) une lettre entièrement dactylographiée par laquelle Mme Martine YY... a affirmé que son époux Sylvain ZZ... « ne bénéficiait pas encore des onze heures consécutives de repos » ; 15) une lettre intégralement dactylographiée en des termes quasiment identiques, signée par Mme Astrid AA... et concernant son époux Patrick BB... ; 16) une attestation rédigée en des termes identiques par Mme Christiane CC... et concernant son époux Claude DD... ; 17) une attestation rédigée en des termes similaires par Mme Irène EE... et concernant son concubin Jean-Marc FF... ; 18) une lettre dactylographiée en des termes similaires, signée par Mme GG... HH... et concernant son époux Gunther HH... ; 19) une attestation rédigée en des termes similaires par Mme Edmonde II... concernant son époux Claude JJ..., et ce en dépit de la circonstance que ce salarié s'est désisté de son appel ; 20) une lettre dactylographiée en des termes similaires, signée par Mme Viviane KK... et concernant son époux Michel LL... ; 21) une lettre dactylographiée en des termes similaires signée par Mme Magali MM... et concernant son époux André NN... ; 21) une lettre dactylographiée en des termes similaires, signée par Mme Christine OO... et concernant son concubin Eric MM... ; 23) une attestation rédigée en des termes similaires par Mme RRR... PP... et concernant son mari Jean-Yves QQ... ; 24) une lettre dactylographiée en termes similaires signée par Mme Monique RR... et concernant son époux Daniel SS... ; 25) une attestation rédigée en des termes similaires par Mme Sylviane TT... et concernant son époux Francis UU... ; 26) une lettre dactylographiée en des termes similaires, signée par Mme Sylviane VV... et concernant son mari Alain I... ; qu'aucun de ces vingt-six éléments ne précise les heures de fin et de reprise de travail, ni les dates concernées, ni même si les observations sont relatives à la période qui a couru du 23 novembre 1996 au mois de novembre 2003 et qui est seule en cause ; qu'ils n'établissement dès lors aucun fait de nature à étayer les demandes des vingt-cinq salariés appelants cités ; quant aux quarante-deux autres salariés qui ne sont visés par aucun de ces éléments, rien n'est produit au soutien de leurs allégations ; qu'il en résulte que faute pour les parties appelantes de satisfaire à leur obligation préalable, aucun manquement des sociétés intimées ne peut être caractérisé dans le respect de leurs obligations relatives à la durée minimale du repos quotidien ; que les parties appelantes doivent dès lors être déboutées de leurs prétentions, comme l'ont exactement dit les premiers juges dont la décision mérite confirmation ; que d'autre part et au surplus, sur les préjudices allégués, la charge de la preuve pèse sur les parties demanderesses ; que les soixante sept salariés appelants se limitent à invoquer la destruction des archives concernant les travaux qu'ils ont réalisés de 1998 à 2003, sans établir l'obligation de conservation à laquelle ils reprochent aux sociétés intimées d'avoir manqué, ni surtout en tirer la preuve de l'existence et de l'étendue des préjudices dont ils réclament l'indemnisation ; qu'au demeurant, les soixante-sept salariés appelants procèdent à une évaluation forfaitaire et uniforme pour réclamer la même somme chacun sans aucunement démontrer leur préjudice personnel ; qu'il s'ensuit que faute pour les parties appelantes de satisfaire à leur obligation probatoire relative aux préjudices qu'elles allèguent, il ne peut non plus être fait droit à leurs prétentions indemnitaires, comme l'ont également dit les premiers juges ; que par conséquent, le jugement entrepris mérite une intégrale confirmation ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE l'article 6 de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 devenu L. 220-1 ancien puis L. 3131-1 du code du travail fixe le principe du bénéfice d'un repos quotidien d'une durée minimale de onze heures consécutives ; que des dérogations sont cependant possibles notamment pour les activités de garde, de surveillance et de permanence caractérisées par la nécessité d'assurer la protection des biens et des personnes ou encore afin d'assurer la continuité du service ou de la production, particulièrement lorsqu'est pratiqué le travail par équipes successives ; que ces dérogations à la durée minimale de repos quotidiens ne sont possibles que dans le cadre d'une convention collective étendue ou accord d'entreprise ou d'établissement ; qu'en l'absence d'accord collectif, toute dérogation en cas de surcroît d'activité ne peut être mise en oeuvre qu'après autorisation de l'inspecteur du travail, selon une demande accompagnée des justificatifs utiles et de l'avis du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel (D. 212-12 ancien ; D. 3121-17 du code du travail) ; qu'en cas d'urgence, l'employeur peut déroger à la limitation de la durée quotidienne du travail, sous sa propre responsabilité ; que toutefois, il doit présenter immédiatement une demande de régularisation auprès de l'inspecteur du travail ; que le caractère précis et d'ordre public de ces règles ne permet pas à l'employeur de s'en affranchir ; que le fait que, dans des accords collectifs postérieurs, une situation plus favorable ait été donnée aux salariés d'EDF et GDF n'implique pas à lui seul que jusqu'en 2003, les textes relatifs au repos quotidien ont pu être violés ; qu'on notera par ailleurs qu'EDF-GDF semble s'être préoccupée de la réglementation en la matière bien avant 2003 au moyen de notes internes : GMRH du 03/ 08/ 2001, DPRS des 12/ 03/ 2002 et 13/ onze/ 2002 ; que l'idée consiste à rendre au salarié un repos équivalent au temps d'intervention pour autant que celui-ci se situe à l'intérieur de la séquence de repos de onze heures consécutives ; que la production d'attestations rédigées par les proches des salariés demandeurs permet d'imaginer l'existence de ce phénomène de travail pouvant affecter le repos quotidien, particulièrement à l'occasion de périodes d'astreinte ; que le régime juridique de l'astreinte a été sujet à fluctuations ; que c'est à la lumière des définitions jurisprudentielles que la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 (L. 212-4 bis ancien du code du travail) a permis de considérer que dès lors que le salarié peut vaquer librement à ses occupations, cette période ne peut être assimilée à du temps de travail ; qu'il a pu en être déduit que l'employeur avait la possibilité de placer un salarié d'astreinte pendant son repos quotidien, pourvu que le régime des compensations financières ait été préalablement régulièrement déterminé par des accords collectifs ou unilatéralement après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel ; que la circulaire PERS 530, dont le caractère normatif trouve sa source dans le Statut National des Industries Electriques et Gazières, définit dans le cas d'espèce depuis 1969 l'astreinte et ses contreparties ; qu'en cas d'intervention inopinée du salarié dans le cadre d'une astreinte, ce temps d'intervention dûment compensé qui compte comme temps de travail, constituait néanmoins une dérogation à la règle des onze heures de repos quotidien ; que tel était l'état du droit en la matière jusqu'à l'intervention de la loi Fillon du 17 janvier 2003 n° 2003-47 (article L. 212-4 bis ancien puis L. 3121-6 du code du travail) qui interdit de compter la durée d'intervention pour le calcul de la durée minimale de repos quotidien et concrètement revient à remettre les compteurs des repos journaliers (et hebdomadaires) à zéro après toute intervention lorsque celle-ci « impacte » la règle sur le repos minimal ; qu'à ce stade de la démonstration, il apparaît que de sérieux doutes existent à propos de l'inobservation de la loi, telle que reprochée à EDF-GDF sur la période concernée ; que toutefois, il est possible de considérer que la loi de 2003 n'était qu'un texte interprétatif, de sorte qu'elle peut avoir un effet rétroactif ; que de plus, au cours des longs débats de la présente affaire, il a pu incidemment être reproché l'inobservation de la loi sur le repos journalier, même postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi de 2003 ; que se pose ici une difficulté de preuve ; qu'il ne suffit pas d'invoquer la pratique habituelle d'heures supplémentaires de travail et d'astreintes ; qu'encore faut-il établir que celles-ci ont porté atteinte au contingent minimal des heures de repos ; que si l'on se réfère au régime de la preuve sur l'existence ou le nombre d'heures de travail effectuées, la charge de cette preuve incombe à la fois au salarié et à l'employeur ; que quant à la preuve d'un préjudice, ses caractères certain, direct et personnel doivent être établis par les salariés demandeurs ; que c'est ainsi, qu'à supposer que les demandes d'autorisation de l'inspection du travail s'imposaient dès avant la loi du 17 janvier 2003 lorsque le salarié était appelé à effectuer une intervention dans le cadre des astreintes, encore faut-il que le préjudice ressenti par chaque salarié demandeur du fait de ce seul manquement à une formalité puisse être établi ; que la production au dossier de fiches de paie faisant état d'heures supplémentaires de travail et/ ou d'astreintes ou encore de courriers, études, pétitions, rédigés en termes trop généraux ne permet pas d'opérer les vérifications nécessaires ; que celles-ci doivent être individualisées, même si, par commodité, les demandes peuvent être forfaitisées ; que le temps écoulé depuis le fait générateur, s'il n'appelle pas l'application d'une prescription extinctive constitue néanmoins une cause d'érosion de la preuve, ici insuffisamment rapportée, particulièrement à propos de la période 1998-2003 ; que s'agissant d'une période postérieure à 2003, figurent au dossier, outre des documents trop généraux et impersonnels, quelques rares éléments individuels, à savoir des récapitulatifs d'activités concernant trois agents : M. Hervé WW..., M. Sylvain ZZ... et M. Michel XXX... ; que ces documents décrivent quelques épisodes de semaines d'astreintes entre 2004 et 2006, soit une période postérieure à l'application de la note définitive D 82-0 entrée en vigueur le 06 novembre 2003 qui fait suite aux constatations menées entre la direction d'EDF-GDF et les différentes organisations syndicales ; que cet accord prévoit notamment une liste des interventions pour lesquelles s'applique une dérogation au repos des onze heures ; que face aux contestations et réserves que leur opposent les parties défenderesses, les salariés omettent de démontrer concrètement en quoi les interventions consignées dans ces récapitulatifs d'heures effectuées par ces trois agents (ainsi que le cas échéant les interventions concernant la soixantaine d'autres plaignants) leur causent un préjudice en ce qu'elles n'entrent pas dans le cadre de cette dérogation ; qu'en conséquence, il convient de débouter les parties demanderesses de l'ensemble de leurs prétentions, principales et accessoires, dont les sorts sont liés ;
ALORS QUE celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit en prouver l'existence ; qu'une fois cette preuve rapportée, c'est à celui qui prétend s'être valablement libéré de son obligation de le démontrer ; que les obligations pesant sur l'employeur au titre du respect de la durée maximale quotidienne de travail, résultant de la directive européenne 93/ 104/ CE du 23 novembre 1993, de la directive 2003/ 88/ CE lui ayant succédé, et des dispositions internes en transposant les objectifs, en particulier l'article L. 3131-1 du code du travail, ne concernent pas la rémunération des travailleurs, mais le respect par l'employeur de prescriptions d'ordre public protectrices de la santé et de la sécurité des travailleurs ; que c'est à l'employeur, redevable au titre du contrat de travail d'une obligation de sécurité de résultat, qu'il incombe de prouver, lorsque cela est contesté, qu'il a respecté ses obligations à ce titre ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté, pour écarter à juste titre la prescription quinquennale opposée par l'employeur, que les prétentions des salariés ne tendaient pas à l'obtention de salaires ni de substituts de salaire, ni d'une indemnisation en compensation de la rémunération des heures d'astreinte qu'ils considèrent leur avoir été imposées, mais à l'indemnisation du préjudice causé directement par la méconnaissance par l'employeur des règles relatives au repos quotidien, telles qu'issues de la directive européenne 93/ 104/ CE du 23 novembre 1993 et des articles L. 3131-1 et suivants du code du travail ; qu'elle a également constaté que l'employeur admettait que les modalités de respect du temps de repos quotidien minimal avaient été mises en place avec retard dans l'entreprise ; qu'en estimant cependant, pour débouter les salariés, que l'employeur ne supportait pas la charge de la preuve du respect de son obligation au titre de repos quotidien, et qu'il incombait aux salariés d'étayer au préalable leurs prétentions, la cour d'appel a violé les articles L. 3131-1 du code du travail, interprété à la lumière de la directive européenne 93/ 104/ CE du 23 novembre 1993, ensemble la directive 2003/ 88/ CE, et l'article 1315 du code civil ;
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté les salariés exposants de leurs demandes tendant à ce que les sociétés défenderesses soient condamnées à leur verser à chacun la somme de 10. 500 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait du non-respect par l'employeur des dispositions de la directive européenne 93/ 104/ CE et de l'article L. 3131-5 du code du travail relatives à la dérogation du repos quotidien de onze heures consécutives ;
AUX MOTIFS QUE l'action en responsabilité qu'exercent les appelants suppose que soient établis à leur égard les manquements qu'ils reprochent aux sociétés intimées, ainsi que les préjudices personnels qui en ont résulté ; que d'une part, sur les manquements des sociétés intimées, les parties appelantes invoquent des violations des dispositions relatives au repos quotidien, aujourd'hui énoncées aux articles L. 3131-1 et L. 3131-2 du code du travail et issues de la loi du 13 juin 1998 qui a transposé la directive européenne 93/ 104/ CE du 23 novembre 1993 ; que selon l'article L. 3131-1 du code du travail, tout salarié bénéficie d'un repos quotidien d'une durée minimale de onze heures consécutives ; que selon l'article L. 3131-2 du même code, il peut être dérogé à cette règle par une convention, ou un accord notamment pour des activités caractérisées par la nécessité d'assurer une continuité du service ou par des périodes d'intervention fractionnées, ou par décret en fixant les conditions à défaut de convention ou d'accord et en cas de travaux urgents en raison d'un accident ou d'une menace d'accident, ou de surcroît exceptionnellement d'activité ; que selon l'article D. 3131--5 du même code, l'employeur peut déroger à la période minimale de onze heures de repos quotidien du salarié, sous sa seule responsabilité et en informant l'inspecteur du travail, en cas de travaux urgents dont l'exécution immédiate est nécessaire pour organiser des mesures de sauvetage, prévenir des accidents imminents, ou réparer des accidents survenus aux matériels, aux installations ou aux bâtiments ; que les sociétés intimées admettent que dans leur unité commune, les établissements publics aux droits desquels elles viennent, faisaient assurer des permanences à leur personnel pour assurer, sur les réseaux de distribution de l'électricité et du gaz, des mesures de sauvetage et de prévention ou de réparation des accidents ; que les sociétés intimées admettent également qu'ont été mises en oeuvre avec retard les modalités dérogatoires aux règles susdites, et ce par une note D82-0 du 30 octobre 2003, alors qu'elles s'imposaient depuis la promulgation de la loi du 13 juin 1998 transposant elle-même tardivement les principes énoncés par la directive européenne 93/ 104/ CE du 23 novembre 1993 ; qu'il est enfin rapporté que dès le 19 février 2003, lors d'une réunion de comité d'hygiène et de sécurité des conditions de travail, l'attention des employeurs a été attirée sur la nécessité de respecter les nouvelles règles relatives au repos quotidien ; qu'il n'en résulte pas pour autant qu'il a été effectivement manqué à ces dispositions à l'égard de chacun des salariés demandeurs ; que les appelants ne supportent certes pas seuls la charge de la preuve des manquements invoqués à la durée minimale de repos quotidien ; que dès lors que le litige vient à porter sur le nombre d'heures de repos et donc sur le nombre d'heures travaillées, il incombe aux employeurs de fournir les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par les salariés ; qu'en application de l'article L. 3171-4 alinéa 2 du code du travail, il appartient néanmoins aux demandeurs de préalablement établir des éléments de fait de nature à étayer leurs prétentions ; que les appelants se limitent à présenter vingt-six éléments, à savoir : 1) une attestation par laquelle Mme Alexandra Y... a affirmé que son époux Florian Z... était « fréquemment rentré à 4 ou 5 heures du matin pour repartir ensuite travailler à 7 heures 30 », sans autre précision ; 2) une attestation par laquelle Mme Fabienne A... a indiqué que son époux Guy B... dormait « une moyenne de 3 à 4 heures » et qu'il « était loin des onze heures de repos consécutives », sans autre précision, 3) une attestation par laquelle Danielle C... a indiqué que son époux Gaston D... « ne bénéficiait pas encore des onze heures consécutives de repos », sans autre précision ; 4) une attestation par laquelle Mme Graziella E... a déclaré qu'elle ne comptait pas les nuits pendant lesquelles son mari Michel F... « dormait 2 ou 3 heures et repartait travailler à 7 heures le matin puisqu'il ne bénéficiait pas de temps de repos suffisant pour récupérer ses heures de sommeil » ; 5) une attestation par laquelle Mme Laurence G... a considéré que son concubin Eric H... présentait un état de fatigue accentué par le fait qu'il ne bénéficiait pas de onze heures de repos consécutives, sans autre indication ; 6) une attestation par laquelle Mme Mireille I... a indiqué que son époux Jean-Luc J... ne bénéficiait pas de onze heures consécutives de repos ; 7) une attestation par laquelle Mme Martine K... a affirmé qu'il arrivait souvent à son mari Gérard L... de travailler « 24 heures et plus d'affilée » ; 8) une attestation par laquelle Mme Véronique M... a rapporté le « mal être de toute la famille durant les périodes d'astreintes » de son époux N... PPP... ; 9) une attestation par laquelle Mme Monique O... a indiqué que son époux Robert P... « ne bénéficiait pas des onze heures de repos » ; 10) une attestation par laquelle Mme Marie-Louise Q... a rapporté l'état de fatigue de son mari Henri R..., qu'elle a considéré d'autant plus accentué qu'il « ne bénéficiait pas encore des onze heures consécutives de repos » ; onze) une attestation par laquelle Mme Marie-Sophie S... a dit comment la fatigue s'accumulait lorsque son époux Pascal T... « ne bénéficiait pas encore des onze heures » ; 12) une attestation par laquelle Mme Peggy U... a également dit la fatigue accumulée par son mari André V... « pendant la période où il ne bénéficiait pas des onze heures de repos consécutives » ; 13) une attestation par laquelle Mme Françoise W... a indiqué, sans autre précision, que son conjoint Yves XX... « ne bénéficiait pas de onze heures consécutives de repos » ; 14) une lettre entièrement dactylographiée par laquelle Mme Martine YY... a affirmé que son époux Sylvain ZZ... « ne bénéficiait pas encore des onze heures consécutives de repos » ; 15) une lettre intégralement dactylographiée en des termes quasiment identiques, signée par Mme Astrid AA... et concernant son époux Patrick BB... ; 16) une attestation rédigée en des termes identiques par Mme Christiane CC... et concernant son époux Claude DD... ; 17) une attestation rédigée en des termes similaires par Mme Irène EE... et concernant son concubin Jean-Marc FF... ; 18) une lettre dactylographiée en des termes similaires, signée par Mme GG... HH... et concernant son époux Gunther HH... ; 19) une attestation rédigée en des termes similaires par Mme Edmonde II... concernant son époux Claude JJ..., et ce en dépit de la circonstance que ce salarié s'est désisté de son appel ; 20) une lettre dactylographiée en des termes similaires, signée par Mme Viviane KK... et concernant son époux Michel LL... ; 21) une lettre dactylographiée en des termes similaires signée par Mme Magali MM... et concernant son époux André NN... ; 21) une lettre dactylographiée en des termes similaires, signée par Mme Christine OO... et concernant son concubin Eric MM... ; 23) une attestation rédigée en des termes similaires par Mme RRR... PP... et concernant son mari Jean-Yves QQ... ; 24) une lettre dactylographiée en termes similaires signée par Mme Monique RR... et concernant son époux Daniel SS... ; 25) une attestation rédigée en des termes similaires par Mme Sylviane TT... et concernant son époux Francis UU... ; 26) une lettre dactylographiée en des termes similaires, signée par Mme Sylviane VV... et concernant son mari Alain I... ; qu'aucun de ces vingt-six éléments ne précise les heures de fin et de reprise de travail, ni les dates concernées, ni même si les observations sont relatives à la période qui a couru du 23 novembre 1996 au mois de novembre 2003 et qui est seule en cause ; qu'ils n'établissement dès lors aucun fait de nature à étayer les demandes des vingt-cinq salariés appelants cités ; quant aux quarante-deux autres salariés qui ne sont visés par aucun de ces éléments, rien n'est produit au soutien de leurs allégations ; qu'il en résulte que faute pour les parties appelantes de satisfaire à leur obligation préalable, aucun manquement des sociétés intimées ne peut être caractérisé dans le respect de leurs obligations relatives à la durée minimale du repos quotidien ; que les parties appelantes doivent dès lors être déboutées de leurs prétentions, comme l'ont exactement dit les premiers juges dont la décision mérite confirmation ; que d'autre part et au surplus, sur les préjudices allégués, la charge de la preuve pèse sur les parties demanderesses ; que les soixante sept salariés appelants se limitent à invoquer la destruction des archives concernant les travaux qu'ils ont réalisés de 1998 à 2003, sans établir l'obligation de conservation à laquelle ils reprochent aux sociétés intimées d'avoir manqué, ni surtout en tirer la preuve de l'existence et de l'étendue des préjudices dont ils réclament l'indemnisation ; qu'au demeurant, les soixante-sept salariés appelants procèdent à une évaluation forfaitaire et uniforme pour réclamer la même somme chacun sans aucunement démontrer leur préjudice personnel ; qu'il s'ensuit que faute pour les parties appelantes de satisfaire à leur obligation probatoire relative aux préjudices qu'elles allèguent, il ne peut non plus être fait droit à leurs prétentions indemnitaires, comme l'ont également dit les premiers juges ; que par conséquent, le jugement entrepris mérite une intégrale confirmation ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE l'article 6 de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 devenu L. 220-1 ancien puis L. 3131-1 du code du travail fixe le principe du bénéfice d'un repos quotidien d'une durée minimale de onze heures consécutives ; que des dérogations sont cependant possibles notamment pour les activités de garde, de surveillance et de permanence caractérisées par la nécessité d'assurer la protection des biens et des personnes ou encore afin d'assurer la continuité du service ou de la production, particulièrement lorsqu'est pratiqué le travail par équipes successives ; que ces dérogations à la durée minimale de repos quotidiens ne sont possibles que dans le cadre d'une convention collective étendue ou accord d'entreprise ou d'établissement ; qu'en l'absence d'accord collectif, toute dérogation en cas de surcroît d'activité ne peut être mise en oeuvre qu'après autorisation de l'inspecteur du travail, selon une demande accompagnée des justificatifs utiles et de l'avis du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel (D. 212-12 ancien ; D. 3121-17 du code du travail) ; qu'en cas d'urgence, l'employeur peut déroger à la limitation de la durée quotidienne du travail, sous sa propre responsabilité ; que toutefois, il doit présenter immédiatement une demande de régularisation auprès de l'inspecteur du travail ; que le caractère précis et d'ordre public de ces règles ne permet pas à l'employeur de s'en affranchir ; que le fait que, dans des accords collectifs postérieurs, une situation plus favorable ait été donnée aux salariés d'EDF et GDF n'implique pas à lui seul que jusqu'en 2003, les textes relatifs au repos quotidien ont pu être violés ; qu'on notera par ailleurs qu'EDF-GDF semble s'être préoccupée de la réglementation en la matière bien avant 2003 au moyen de notes internes : GMRH du 03/ 08/ 2001, DPRS des 12/ 03/ 2002 et 13/ onze/ 2002 ; que l'idée consiste à rendre au salarié un repos équivalent au temps d'intervention pour autant que celui-ci se situe à l'intérieur de la séquence de repos de onze heures consécutives ; que la production d'attestations rédigées par les proches des salariés demandeurs permet d'imaginer l'existence de ce phénomène de travail pouvant affecter le repos quotidien, particulièrement à l'occasion de périodes d'astreinte ; que le régime juridique de l'astreinte a été sujet à fluctuations ; que c'est à la lumière des définitions jurisprudentielles que la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 (L. 212-4 bis ancien du code du travail) a permis de considérer que dès lors que le salarié peut vaquer librement à ses occupations, cette période ne peut être assimilée à du temps de travail ; qu'il a pu en être déduit que l'employeur avait la possibilité de placer un salarié d'astreinte pendant son repos quotidien, pourvu que le régime des compensations financières ait été préalablement régulièrement déterminé par des accords collectifs ou unilatéralement après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel ; que la circulaire PERS 530, dont le caractère normatif trouve sa source dans le Statut National des Industries Electriques et Gazières, définit dans le cas d'espèce depuis 1969 l'astreinte et ses contreparties ; qu'en cas d'intervention inopinée du salarié dans le cadre d'une astreinte, ce temps d'intervention dûment compensé qui compte comme temps de travail, constituait néanmoins une dérogation à la règle des onze heures de repos quotidien ; que tel était l'état du droit en la matière jusqu'à l'intervention de la loi Fillon du 17 janvier 2003 n° 2003-47 (article L. 212-4 bis ancien puis L. 3121-6 du code du travail) qui interdit de compter la durée d'intervention pour le calcul de la durée minimale de repos quotidien et concrètement revient à remettre les compteurs des repos journaliers (et hebdomadaires) à zéro après toute intervention lorsque celle-ci « impacte » la règle sur le repos minimal ; qu'à ce stade de la démonstration, il apparaît que de sérieux doutes existent à propos de l'inobservation de la loi, telle que reprochée à EDF-GDF sur la période concernée ; que toutefois, il est possible de considérer que la loi de 2003 n'était qu'un texte interprétatif, de sorte qu'elle peut avoir un effet rétroactif ; que de plus, au cours des longs débats de la présente affaire, il a pu incidemment être reproché l'inobservation de la loi sur le repos journalier, même postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi de 2003 ; que se pose ici une difficulté de preuve ; qu'il ne suffit pas d'invoquer la pratique habituelle d'heures supplémentaires de travail et d'astreintes ; qu'encore faut-il établir que celles-ci ont porté atteinte au contingent minimal des heures de repos ; que si l'on se réfère au régime de la preuve sur l'existence ou le nombre d'heures de travail effectuées, la charge de cette preuve incombe à la fois au salarié et à l'employeur ; que quant à la preuve d'un préjudice, ses caractères certain, direct et personnel doivent être établis par les salariés demandeurs ; que c'est ainsi, qu'à supposer que les demandes d'autorisation de l'inspection du travail s'imposaient dès avant la loi du 17 janvier 2003 lorsque le salarié était appelé à effectuer une intervention dans le cadre des astreintes, encore faut-il que le préjudice ressenti par chaque salarié demandeur du fait de ce seul manquement à une formalité puisse être établi ; que la production au dossier de fiches de paie faisant état d'heures supplémentaires de travail et/ ou d'astreintes ou encore de courriers, études, pétitions, rédigés en termes trop généraux ne permet pas d'opérer les vérifications nécessaires ; que celles-ci doivent être individualisées, même si, par commodité, les demandes peuvent être forfaitisées ; que le temps écoulé depuis le fait générateur, s'il n'appelle pas l'application d'une prescription extinctive constitue néanmoins une cause d'érosion de la preuve, ici insuffisamment rapportée, particulièrement à propos de la période 1998-2003 ; que s'agissant d'une période postérieure à 2003, figurent au dossier, outre des documents trop généraux et impersonnels, quelques rares éléments individuels, à savoir des récapitulatifs d'activités concernant trois agents : M. Hervé WW..., M. Sylvain ZZ... et M. Michel XXX... ; que ces documents décrivent quelques épisodes de semaines d'astreintes entre 2004 et 2006, soit une période postérieure à l'application de la note définitive D 82-0 entrée en vigueur le 06 novembre 2003 qui fait suite aux constatations menées entre la direction d'EDF-GDF et les différentes organisations syndicales ; que cet accord prévoit notamment une liste des interventions pour lesquelles s'applique une dérogation au repos des onze heures ; que face aux contestations et réserves que leur opposent les parties défenderesses, les salariés omettent de démontrer concrètement en quoi les interventions consignées dans ces récapitulatifs d'heures effectuées par ces trois agents (ainsi que le cas échéant les interventions concernant la soixantaine d'autres plaignants) leur causent un préjudice en ce qu'elles n'entrent pas dans le cadre de cette dérogation ; qu'en conséquence, il convient de débouter les parties demanderesses de l'ensemble de leurs prétentions, principales et accessoires, dont les sorts sont liés ;
1°) ALORS QUE la privation du repos quotidien génère pour le salarié un trouble dans sa vie personnelle et engendre des risques pour sa santé et sa sécurité ; que l'exposition du salarié à ces risques lui cause nécessairement un préjudice ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que tous les salariés appelants étaient des agents d'astreinte qui étaient amenés à intervenir en dehors des horaires de travail pour assurer, sur les réseaux de distribution de l'électricité et du gaz, des mesures de sauvetage et de prévention ou de réparation des accidents ; qu'elle a également constaté que l'employeur reconnaissait lui-même qu'il n'avait mis en oeuvre qu'en octobre 2003 les dispositions de la loi du 13 juin 1998 relatives au respect d'un repos quotidien de onze heures, le législateur ayant lui-même transposé tardivement les principes énoncés par la directive européenne 93/ 104/ CE du 23 novembre 1993 ; que pour débouter néanmoins les salariés de leurs demandes de dommages-intérêts en réparation du préjudice qu'ils avaient subi du fait du non-respect par l'employeur du repos quotidien de onze heures consécutives jusqu'au 30 octobre 2003, la cour d'appel a jugé qu'il n'en résultait pas pour autant qu'il avait été effectivement manqué à ces dispositions à l'égard de chacun des salariés demandeurs et que ces derniers n'établissaient pas des éléments de fait de nature à étayer leurs demandes ; qu'en statuant ainsi, quand le seul fait que ces salariés aient été exposés à des risques pour leur santé et leur sécurité du fait du non-respect par l'employeur des dispositions légales relatives au repos quotidien leur avait nécessairement causé un préjudice, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 4121-1 et L. 3131-1 du code du travail, ensemble la directive européenne 93/ 104/ CE du 23 novembre 1993 ;
2°) ALORS subsidiairement QUE la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties ; que le juge, qui ne saurait faire peser sur le seul salarié la charge de prouver le nombre d'heures effectuées, ne peut dès lors pour rejeter la demande du salarié, retenir que les éléments produits par le salarié ne sont pas suffisants pour étayer sa demande ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'employeur reconnaissait lui-même qu'il avait mis en oeuvre avec retard en octobre 2003 les dispositions de la loi du 13 juin 1998 relatives au repos quotidien, le législateur ayant lui-même transposé tardivement les principes énoncés par la directive européenne 93/ 104/ CE du 23 novembre 1993 ; qu'elle a également constaté que vingt-six salariés produisaient les attestations de leurs épouses qui confirmaient que pendant les périodes d'astreintes leurs maris ne bénéficiaient pas de onze heures de repos consécutives ; que la cour d'appel a cependant jugé que ces salariés n'étayaient pas suffisamment leurs demandes dès lors que ces attestations ne précisaient pas les heures de fin et de reprise de travail, ni les dates concernées ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de ses propres constatations que les demandes des salariés étaient étayées par divers éléments, la cour d'appel, qui a fait peser sur les seuls salariés la charge de la preuve, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;
3°) ALORS subsidiairement QUE le caractère équitable du procès et l'égalité des armes qu'il implique s'imposent au juge notamment dans l'administration de la preuve ; que les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que les salariés appelants se limitaient à présenter vingt-six attestations et que quant aux quarante-deux autres salariés qui n'étaient visés par aucune de ces attestations, rien n'était produit au soutien de leurs allégations ; qu'en statuant ainsi sans avoir examiné les attestations de Mme Alexandra Z... en faveur de M. Florian Z..., de Mme Danielle D... en faveur de M. Gaston D..., de Mme Maria YYY... en faveur de M. Laurent YYY..., de Mme Véronique ZZZ... en faveur de M. Rémi AAA..., de Mme Gisèle BBB... en faveur de Claude BBB..., de Mme Françoise E... en faveur de M. Philippe CCC..., de Mme Ginette DDD... en faveur de M. Jean DDD..., de Mme Myriam EEE... en faveur de M. Patrick EEE..., de Mme Fabienne FFF... en faveur de M. Gilbert GGG..., de Mme Carol HHH... en faveur de M. Denis HHH..., de Mme Marie-Paule III... en faveur de M. Thierry JJJ..., de Mme Jocelyne KKK... en faveur de M. Bernard LLL..., de M. Stéphane I... en faveur de son père M. Gaby I..., de Mme Cécile MMM... en faveur de M. Franck MMM... et de Mme Christine NNN... en faveur de M. Jean-François NNN..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4°) ALORS subsidiairement QUE lorsque l'employeur a détruit les moyens de preuve qui auraient permis d'établir les heures de travail effectuées par le salarié, le juge ne peut débouter le salarié de sa demande d'indemnisation pour non-respect du repos quotidien au motif qu'il n'étaye pas suffisamment sa demande, sauf à faire peser sur le salarié une preuve impossible à rapporter ; qu'en l'espèce, les salariés exposaient qu'immédiatement après que le syndicat CGT ait demandé le 1er février 2007 à la direction l'ouverture de négociations sur la réparation du préjudice subi par les salariés du fait du non-respect par l'employeur du repos quotidien pour la période antérieure à novembre 2003, la direction avait procédé à la destruction des archives pour la période de 1998 à 2003, ces archives contenant les bons de travaux qui étaient les seuls documents permettant d'établir la durée du travail des agents ; que pour débouter les salariés de leurs demandes de dommages-intérêts, la cour d'appel a jugé qu'ils se limitaient à invoquer la destruction des archives concernant les travaux qu'ils avaient réalisés de 1998 à 2003 sans en tirer la preuve de l'existence et de l'étendue des préjudices dont ils réclamaient l'indemnisation ; qu'en statuant ainsi quand la destruction volontaire par l'employeur des bons de travaux qui auraient permis d'établir les horaires des salariés avait précisément privé les salariés de la possibilité d'établir l'existence et l'étendue de leurs préjudice, la cour d'appel, qui a fait peser sur les salariés une preuve impossible à rapporter, a violé l'article 1315 du code civil ;
5°) ALORS en outre QUE les salariés faisaient valoir que la destruction par l'employeur en février 2007 des bons de travaux pour la période de 1998 à 2003 était contraire à l'obligation légale de conservation de ces documents qui pesait sur l'employeur ; qu'ils produisaient à ce titre une note du 2 janvier 1997 du secrétariat général d'EDF-GDF intitulée « Tableau des durées de conservation des documents d'une agence d'exploitation » qui soulignait qu'en application de l'article 2270-1 du code civil, l'agence devait conserver les bons de travaux pendant la durée des travaux plus dix ans ; qu'en jugeant que les soixante-sept salariés se limitaient à invoquer la destruction des archives concernant les travaux qu'ils avaient réalisés de 1998 à 2003 sans établir l'obligation de conservation à laquelle ils reprochaient aux sociétés intimées d'avoir manqué quand les salariés produisaient au contraire la note d'EDF-GDF du 2 janvier 1997 dont il ressortait que cette obligation découlait de l'article 2270-1 du code civil, la cour d'appel, qui n'a pas examiné cette pièce, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
6°) ALORS en tout état de cause QUE le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'en l'espèce, les salariés faisaient valoir que la destruction par l'employeur en février 2007 des bons de travaux pour la période de 1998 à 2003 était contraire à l'obligation légale de conservation de ces documents qui pesait sur l'employeur en application de l'article 2270-1 du code civil ; qu'en jugeant que les soixante-sept salariés se limitaient à invoquer la destruction des archives concernant les travaux qu'ils avaient réalisés de 1998 à 2003 sans établir l'obligation de conservation à laquelle ils reprochaient aux sociétés intimées d'avoir manqué quand il lui appartenait en toute hypothèse de rechercher le fondement légal de cette obligation, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile ;
7°) ALORS enfin QUE le juge ne peut refuser d'indemniser un préjudice dont il a constaté l'existence en son principe ; qu'en l'espèce, pour débouter les salariés de leurs demandes d'indemnisation du préjudice qu'ils avaient subi du fait du non-respect par l'employeur des dispositions relatives au repos quotidien de onze heures consécutives, la cour d'appel a jugé que les soixante-sept salariés appelants procédaient à une évaluation forfaitaire et uniforme pour réclamer la même somme sans aucunement démontrer leur préjudice personnel ; qu'en statuant ainsi, quand le juge ne pouvait refuser d'indemniser un préjudice au motif que le salarié avait été dans l'incapacité de l'évaluer autrement que forfaitairement, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil ;
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le syndicat CGT du Personnel des Industries Electriques et Gazières de Mulhouse-Sélestat de sa demande tendant à ce que les sociétés défenderesses soient condamnées à lui verser la somme de 5. 000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi ;
AUX MOTIFS QUE quant au syndicat appelant, il invoque une résistance abusive des employeurs sans justifier des démarches qu'il prétend avoir vainement multipliées, hormis l'intervention de sa représentante au comité d'hygiène et de sécurité des conditions de travail du 19 février 2003 ; qu'il n'établit pas même la réalité d'une atteinte à l'intérêt collectif qu'il affirme avoir été bafoué ;
1°) ALORS QUE le syndicat CGT du Personnel des Industries Electriques et Gazières de Mulhouse-Sélestat faisait valoir qu'il sollicitait l'indemnisation de son préjudice en raison de la résistance abusive de l'employeur ; qu'il produisait à ce titre les courriers du 1er février 2007 et du 26 février 2007 qu'il avait adressés à l'employeur afin d'ouvrir une négociation « pour la prise en compte du préjudice des agents n'ayant pas bénéficié des dispositions législatives relatives au repos des onze heures » ; que pour débouter le syndicat de sa demande de dommages-intérêts, la cour d'appel a jugé qu'il invoquait une résistance abusive des employeurs sans justifier des démarches qu'il prétendait avoir vainement multipliées, hormis l'intervention de sa représentante au comité d'hygiène et de sécurité des conditions de travail du 19 février 2003 ; qu'en statuant ainsi, sans examiner les courriers du 1er février 2007 et du 26 février 2007 adressés par le syndicat à l'employeur, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE l'inapplication par l'employeur des dispositions relatives au repos quotidien de onze heures consécutives cause nécessairement un préjudice à l'intérêt collectif de la profession ; qu'en l'espèce, pour débouter le syndicat CGT du Personnel des Industries Electriques et Gazières de Mulhouse-Sélestat de sa demande en paiement de dommages-intérêts, la cour d'appel a jugé que le syndicat n'établissait pas la réalité d'une atteinte à l'intérêt collectif ; qu'en statuant ainsi, quand elle avait constaté que l'employeur n'avait pas respecté les dispositions légales relatives au repos quotidien jusqu'en octobre 2003, ce dont il résultait qu'il avait été porté atteinte à l'intérêt collectif et que le syndicat avait nécessairement subi un préjudice, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 2132-3 du code du travail.